Groupe interparlementaire d'amitié

France-Japon (1 ( * ))

Accord de partenariat économique entre le Japon
et l'Union européenne

Quelles sont les nouvelles opportunités pour les entreprises françaises ?

Actes du colloque du 17 mai 2019

Sous le haut patronage de
M. Gérard LARCHER, Président du Sénat

Palais du Luxembourg

Salle Clemenceau

OUVERTURE

Message de M. Gérard LARCHER,

Président du Sénat

Lu par M. David ASSOULINE

Vice-président du Sénat et Président du groupe d'amitié France-Japon

Chers collègues,

Messieurs les Ambassadeurs

Monsieur le Directeur général délégué de Business France,

Mesdames et Messieurs les conseillers du commerce extérieur,

Mesdames, Messieurs,

Le président du Sénat, Gérard Larcher, m'a chargé de vous transmettre un message de bienvenue que je vais vous lire dès à présent.

« Le Sénat se félicite d'accueillir cette première rencontre consacrée au Japon, qui s'inscrit dans le cadre de notre partenariat fructueux avec Business France.

Pourquoi ce colloque consacré aujourd'hui au marché japonais ? Nos entreprises y sont déjà largement présentes, et nos coopérations, dans le domaine du nucléaire notamment, anciennes et solides.

Pour une raison simple : de nouvelles perspectives s'ouvrent avec l'accord de partenariat économique, signé il y a quelques mois entre le Japon et l'Union européenne, qui complète le partenariat stratégique. La France, comme les autres États membres de l'Union européenne, doit pouvoir saisir les opportunités qui en résultent.

Le Japon assure par ailleurs cette année la présidence du G20, dont le sommet aura lieu à Osaka, et la France préside dans le même temps le G7, dont le Japon est membre. Nos intérêts convergent.

Le Japon est un maillon essentiel, stratégique, économique, de l'axe indopacifique que notre pays essaie de structurer, pour garantir le libre accès aux routes commerciales maritimes et la stabilité de la région.

La France est reconnue et attendue pour son expertise dans de nombreux domaines : je pense en particulier à la santé, la gestion du grand âge, l'intelligence artificielle, la mobilité et le développement urbain.

En matière de développement durable, de l'environnement, de la qualité des produits, la France et le Japon partagent des normes proches.

Les tensions commerciales avec les États-Unis et la Chine font que le Japon se tourne naturellement vers l'Europe, offrant aux entreprises des opportunités supplémentaires.

Bien que marqué par un vieillissement démographique de sa population et un ralentissement économique, le Japon constitue un marché attractif, du fait de ses qualités intrinsèques. Il représente une porte d'entrée sur le marché de l'ASEAN, en pleine expansion.

Les savoir-faire du Japon et la qualité de la main d'oeuvre sont aussi une motivation pour développer nos partenariats, en particulier dans le domaine de la recherche et de l'innovation.

Il s'agit donc de faire valoir nos atouts et d'affronter sans complexe la concurrence chinoise ou américaine, et bien d'autres.

Afin de développer nos échanges, notre pays peut s'appuyer sur l'expérience des entreprises françaises, mais aussi sur la chambre de commerce, les conseillers du commerce extérieur et Business France.

Je souhaite également souligner le rôle d'appui du groupe d'amitié France-Japon, dont je salue le dynamisme.

Mes remerciements s'adressent enfin à toutes les personnes qui ont contribué à l'organisation de ce colloque : notre ambassadeur, M. Laurent PIC, l'Ambassadeur du Japon en France, M. Marato KITERA, les chefs de missions économiques, mais aussi les représentants de Business France et leurs partenaires.

À tous, je souhaite de fructueux travaux, en formant le voeu que la nouvelle ère qui vient de s'ouvrir contribue à surmonter certaines difficultés présentes et soit bénéfique pour nos relations commerciales et nos partenariats économiques avec le Japon.

Nos deux pays ont tout à y gagner. Je vous remercie. »

Messieurs les Ambassadeurs,

Monsieur le Directeur général délégué,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Pour ma part, je suis très heureux de vous accueillir ce matin pour ce colloque économique consacré à ce pays ami de longue date, le Japon.

Ce n'est pas un terrain inconnu pour nous les Français, amoureux du Japon et de la culture japonaise depuis plusieurs décennies !

La nouveauté, c'est cette volonté affirmée du Japon de se tourner vers l'Europe et de s'ouvrir. La signature de l'Accord de partenariat économique, l'APE, le 17 juillet 2018 et sa ratification récente en février 2019 par le Parlement européen et le Parlement japonais marquent un tournant de ces relations économiques. La rencontre de ce matin vise à permettre à nos entreprises de saisir toutes les opportunités qui en résulteront.

Très concrètement, depuis le 1er février 2019, date d'entrée en vigueur de l'accord, les droits de douane sont supprimés pour environ 90 % des produits de l'Union européenne exportés vers le Japon. Pour les autres produits, l'élimination des droits de douane se fera de manière progressive, d'ici à 2040. À terme, 97 % des droits de douane seront supprimés pour les marchandises exportées vers le Japon à l'exception de certains produits comme le riz.

L'accord bénéficie en tout premier lieu aux produits agricoles et devrait donc attirer en particulier les entreprises du secteur agroalimentaire :

§ près de 85 % des produits agricoles européens exportés vers le Japon sont exonérés de droits de douane. Cela renforce donc la compétitivité des sociétés françaises, qui faisaient face jusqu'à présent à des droits de douane élevés, notamment pour le vin, la viande bovine et le fromage ;

§ l'accord protège également plus de 200 indications géographiques européennes, dont environ une cinquantaine d'origine française telle que le Roquefort.

Enfin, l'accord, plus vertueux que d'autres, plus connus, est exemplaire en termes de respect de l'environnement et des normes fondamentales en matière de droit du travail. L'Union européenne et le Japon se sont engagés à promouvoir la responsabilité sociale des entreprises ainsi que des pratiques en matière de commerce et d'investissement, qui favorisent le développement durable.

Cet accord devrait permettre de développer de façon exponentielle les échanges commerciaux avec le Japon. La France y est très présente et appréciée. Deuxième partenaire commercial de la France en Asie, le Japon est le premier investisseur asiatique en France. Plus de 8 000 entreprises françaises y exportent déjà pour plus de 6 milliards d'euros. Le marché japonais présente un potentiel important pour les produits français, compte tenu de sa taille et du haut niveau d'exigence de ses consommateurs. Dotée de plus de 600 membres, la chambre de commerce franco-japonaise est puissante ; elle devance les États-Unis et pèse deux fois plus que son homologue allemande.

En termes d'emplois également, la présence française est économiquement significative, les sociétés françaises embauchant plusieurs millions de personnes dans le pays.

Autre atout pour s'insérer sur le marché, plusieurs sociétés japonaises sont membres de la chambre de commerce franco-japonaise, offrant un réseau indispensable pour s'insérer dans ce marché complexe. L'accès aux marchés publics demeure très fermé, avec des cahiers des charges rédigés en japonais qui peuvent parfois décourager. Aussi l'appui ou le partenariat avec une entreprise japonaise demeure un canal d'entrée recommandé.

Enfin, notre ambassade et les réseaux économiques s'organisent pour faire une offre de services structurée en un guichet unique réunissant tous les opérateurs de « l'équipe France » afin d'être plus efficaces et réactifs.

Nous assistons à un changement d'ère inédit au Japon. Je ne parle pas seulement de l'abdication de l'empereur Akihito et de l'avènement de son fils, le prince héritier Naruhito. Je parle de cette volonté de modernité et d'ouverture du Japon, pays de tradition qui a toujours voulu les cultiver et les préserver.

Lors de notre récent déplacement mi-avril, nous l'avons senti. Le Japon s'est fixé de nombreux défis - l'accueil cette année de la Coupe du monde de Rugby, en 2020 des Jeux olympiques - qui vont dans le sens de cette ouverture et de cette modernisation du pays. Ils s'efforcent en particulier de progresser vers une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, lesquelles occupent encore trop peu de postes de responsabilité, que ce soit dans la sphère politique ou économique.

Le pays doit aussi faire face au vieillissement démographique, qui le force aussi à s'ouvrir et à trouver des solutions innovantes.

Sur le plan économique, le pays offre une sécurité juridique et financière appréciée des entrepreneurs et des investisseurs. Les représentants des entreprises françaises que nous avons rencontrés lors de notre visite nous l'ont dit : il n'y a pas de risque d'impayés, la propriété intellectuelle est protégée et respectée ; la main d'oeuvre est de grande qualité et les financements en faveur de la recherche représentent plus de 3,7 % du PIB.

Pour favoriser la réalisation de votre projet d'implantation au Japon, il s'agit donc de vous appuyer sur le socle de notre présence économique française, mais aussi sur les quelque 250 accords de coopération universitaire et scientifique franco-japonais. Le rapprochement de nos pôles de compétitivité et des clusters japonais est une priorité du développement de notre partenariat économique.

Votre présence nombreuse témoigne que vous avez bien perçu les belles opportunités qu'offre déjà ce pays. Le programme qui a été composé par Business France est très opérationnel. Vous pourrez donc glaner ce matin des informations utiles pour aborder ce marché dans les meilleures conditions.

Notre groupe d'amitié interparlementaire France-Japon, très mobilisé sur le développement de nos coopérations économiques, qui attache une grande importance aux relations et au partenariat culturel, peut également appuyer vos démarches.

Avant de conclure, permettez-moi de remercier encore une fois tous les partenaires qui nous ont aidés à organiser ce séminaire consacré au Japon.

À tous, je souhaite de fructueux travaux ce matin et le meilleur succès pour tous vos projets sur ce marché d'avenir. Je vous remercie.

M. Frédéric ROSSI,

Directeur général délégué Export, Business France

Monsieur le Vice-président du Sénat et Président du groupe d'amitié France-Japon,

Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de participer à l'ouverture de ce colloque consacré non pas aux relations franco-japonaises, mais à dresser un premier bilan sur ce partenariat économique entre l'Union européenne et le Japon dans ce lieu prestigieux du Sénat dans lequel nous organisons trois à quatre événements de ce type chaque année. Je tiens à remercier tous ceux qui ont fait spécialement le voyage de Tokyo pour ce colloque, ainsi que nos soutiens, Air France et LPA-CGR Avocats, sans qui un tel événement ne serait pas possible.

Ce colloque intervient trois mois après la mise en oeuvre effective de l'accord de partenariat économique. L'an dernier, avant même la signature de ce texte, nous avions déjà organisé un premier séminaire qui nous avait permis d'identifier les grandes avancées de l'accord qui reste, à ce jour, l'un des plus importants signés par l'Union européenne avec une autre grande puissance économique. Le colloque d'aujourd'hui devrait donc nous permettre d'en esquisser un premier bilan, d'en préciser les modalités de mise en oeuvre et de bien identifier les freins, mais aussi et surtout, les opportunités qu'il offre aux entreprises françaises sur le marché japonais.

Le Japon représente la troisième économie mondiale. Il compte plus de 126 millions d'habitants, avec une classe moyenne dont le pouvoir d'achat, très élevé, correspond bien aux produits français. Le pays constitue le deuxième partenaire économique de la France dans le monde. Selon les chiffres de Business France, 11 000 entreprises françaises exportent régulièrement au Japon. Ce tissu d'exportateurs est considérable. Les groupes du CAC 40 sont bien évidemment présents, mais le Japon accueille aussi de nombreuses PME et TPE, dans des secteurs de pointe ou du luxe. Ces partenariats durables sont importants, car ils permettent aux sociétés françaises de rayonner dans le reste de l'Asie. Le marché japonais est effectivement considéré, en Asie, comme un marché de référence et cet effet deviendra encore plus important avec la mise en oeuvre de cet accord de partenariat économique.

Nous avons identifié trois secteurs porteurs pour notre relation bilatérale.

La France bénéficie aujourd'hui encore d'une très belle image de marque au Japon qui suscite un fort attrait pour les produits de consommation français dès lors qu'ils répondent aux exigences de qualité et d'innovation du marché et des consommateurs japonais. Nous pouvons regrouper dans cette catégorie l'agroalimentaire, le luxe, la mode et les cosmétiques, qui représentent déjà plus de 40 % de nos exportations. Dans ces secteurs, la France est souvent le leader ou le numéro deux mondial. A ce titre, nous organiserons, en septembre prochain, une importante mission, « La semaine française au Japon » sur l'ensemble de ces thématiques clés dans l'ouverture liée à l'Accord de partenariat économique.

De nombreuses opportunités existent aussi dans l'industrie, les transports et les infrastructures, tout particulièrement pour la digitalisation et la modernisation des outils industriels. L'usine du futur est déjà japonaise et le sera encore plus. Nous souhaiterions qu'elle le soit avec des solutions françaises dans les secteurs liés à l'intelligence artificielle, la réalité virtuelle ou au big data. Nous avons déjà organisé un certain nombre de missions dans ces secteurs qui bénéficieront eux aussi de l'accord de partenariat économique.

Enfin, le secteur plus large de la « Tech » doit susciter davantage de collaboration entre les startups françaises, les startups japonaises et leurs grands clients. Viva Tech, qui se tient actuellement à Paris, témoigne du dynamisme de la « French Tech » créée voilà quelques années. La « Japan Tech » a été modelée sur les mêmes principes fondateurs d'ouverture, de collaboration, d'innovation, et commence à devenir très visible partout dans le monde. Il faut donc susciter des rapprochements entre ces deux écosystèmes. Nous le ferons notamment en décembre prochain à travers une grande mission « Tech for Good ».

A la lumière de ces différentes opportunités, il nous semblait important d'informer les entreprises, particulièrement les PME, sur les dispositions de l'accord de partenariat économique et les moyens d'en bénéficier pour se développer sur le marché japonais. Ce colloque est répliqué un peu partout en France par nos partenaires des chambres de commerce qui cherchent à informer les sociétés françaises au plus près des territoires, dans le cadre de notre projet « Team France Export », sur les opportunités du marché japonais, mais aussi en partenariat avec la direction générale des douanes, dont la représentante interviendra aujourd'hui.

Le Japon constitue un marché très attractif, mais aussi très exigeant pour nos entreprises. Il nécessite d'installer une relation de travail dans la durée, de bien se préparer et d'être accompagné. Business France a pour ambition de contribuer pleinement à cet effort. A Tokyo, dirigée par Pascal Gondrand, notre équipe biculturelle d'une trentaine de personnes accompagne chaque année plus de 500 entreprises françaises sur le marché japonais à travers des démarches collectives et individuelles.

Nous avons décidé d'aller beaucoup plus loin dans la création de la « Team France » en faisant travailler de manière beaucoup plus étroite le bureau Business France et la chambre de commerce et d'industrie franco-japonaise. Ce partenariat inédit lancé voilà quelques mois porte ses premiers fruits. Tous deux travaillent de concert pour accompagner les entreprises françaises, avec l'ambassade, le service économique et les conseillers du commerce extérieur de la France.

Je n'ai aucun doute sur le fait que ce colloque vous permettra de mieux appréhender les atouts et les opportunités du marché japonais et vous donnera l'envie d'en tirer le meilleur parti. Je serai très heureux de vous accueillir bientôt à Tokyo à l'occasion de l'une des prochaines missions réalisées par la « Team France ».

S.E. M. Masato KITERA,

Ambassadeur du Japon en France

Monsieur le Président du groupe d'amitié France-Japon du Sénat,

Messieurs les Sénateurs,

Monsieur l'Ambassadeur de France au Japon,

Monsieur le Directeur général délégué de Business France,

Mesdames, Messieurs,

Je suis honoré de pouvoir m'exprimer aujourd'hui à l'occasion du colloque organisé par Business France avec le concours de la direction générale du Trésor dans le cadre prestigieux du Sénat. Je suis également très heureux de voir les entreprises françaises s'intéresser de plus en plus au marché japonais.

Avant de parler de l'Accord de partenariat économique entre le Japon et l'Union européenne, je souhaiterais attirer votre attention sur le fait que la relation nippo-française n'a jamais été aussi bonne. L'année dernière a marqué le 160 e anniversaire des relations diplomatiques entre le Japon et la France. Un grand nombre de manifestations culturelles a été organisé à Paris, dans le cadre de « Japonismes 2018 : les âmes en résonance ». Nous souhaitons bien entendu que les relations franco-japonaises se développent également dans le domaine commercial.

Voilà un mois s'est tenu, au Palais de l'Elysée, un entretien au sommet auquel j'ai eu le privilège d'assister. En se félicitant de l'entrée en vigueur de l'accord de partenariat économique, le Premier ministre Shinzô Abe et le Président de la République Emmanuel Macron ont réaffirmé leur volonté commune de renforcer la relation bilatérale grâce à la dynamique ainsi renouvelée. Les deux dirigeants se sont mis également d'accord sur le fait que les présidences concomitantes du G20 et du G7 par le Japon et la France en 2019 constituent le moyen de réitérer leurs ambitions partagées, y compris celle de promouvoir le libre-échange. Lorsque le Premier ministre Shinzô Abe a expliqué au Président Emmanuel Macron la position du Japon sur la situation en Asie ou dans l'océan indopacifique, ce dernier lui a répondu : « nous sommes sur la même longueur d'onde ». Je témoigne ici du fait que les deux dirigeants s'entendent bien.

La relation commerciale entre nos deux pays ne s'est pas toujours trouvée dans la situation d'excellence qui la caractérise aujourd'hui. Je garde en mémoire les frictions commerciales que nous avons connues lorsque j'étais en poste à Paris pour la première fois, voilà quarante ans, en tant que jeune diplomate.

Je ne peux donc qu'éprouver une certaine émotion à la vue des résultats des négociations sur cet accord, notamment la suppression par l'Union européenne des 10 % de taxes douanières sur les automobiles japonaises et celle de 14 % sur les téléviseurs japonais, même s'il faudra attendre quelques années pour leur élimination complète.

Je suis venu aujourd'hui pour adresser aux entreprises françaises un message clair et simple : avec l'entrée en vigueur de cet accord historique, de grandes opportunités s'ouvrent à vous. A vous de jouer maintenant. De nombreuses entreprises françaises profitent déjà pleinement de la relation économique franco-japonaise. La chambre française du commerce et de l'industrie au Japon compte 570 entreprises et figure parmi les plus importantes au Japon. Le secret des réussites n'est pas toujours partagé. En mettant à profit cet accord, vous intégrerez le groupe des entreprises qui connaissent le succès. En effet, je suis convaincu que le marché japonais peut être encore mieux exploité par les entreprises de l'hexagone, dont je suis assuré de la compétence et la compétitivité.

A titre d'illustration, j'évoquerai la suppression de la taxe à l'exportation du vin au Japon et la suppression de la taxe à l'importation de saké en Europe. La consommation de vins étrangers au Japon connaît actuellement une augmentation considérable. Au cours des vingt-cinq dernières années, la consommation de vin a triplé et le volume des importations a quadruplé. Le Chili occupe une place remarquable sur ce marché depuis la mise en place de l'accord de libre-échange entre nos deux pays. Le volume des vins chiliens a dépassé celui des vins français en 2015. Le Chili est alors devenu le premier pays exportateur de vins au Japon, dominant plus de 30 % du marché.

A l'entrée en vigueur de l'accord de partenariat économique entre le Japon et l'Union européenne, le 1 er février 2019, les tarifs douaniers sur le vin de 94 yens par bouteille ont été immédiatement éliminés. Personne ne contestera le fait que cette mesure stimulera l'exportation des vins français. Je me réjouis de pouvoir vous annoncer que le volume des vins en provenance de France occupe d'ores et déjà la première place sur le marché japonais pour les mois de février et mars, laissant le Chili à la deuxième place.

Ces chiffres sont encourageants, même si je suis conscient qu'il est trop tôt pour porter un jugement sur les conséquences à long terme de cet accord. J'ai parlé du vin, mais il ne s'agit que d'un exemple. L'accord couvre de très nombreux domaines et j'attends avec impatience de voir des entreprises françaises réussir encore davantage sur le marché japonais en profitant pleinement de la diversité, la richesse et la qualité des talents qui sont les leurs.

Pour conclure, j'adresse à toutes les entreprises françaises ici présentes mes meilleurs voeux de réussite. Le Japon, porte-drapeau du libre-échange, demeurera toujours un partenaire fiable de la France. Je vous remercie de votre attention.

S.E. M. Laurent PIC,

Ambassadeur de France au Japon

Monsieur le Président Assouline,

Cher Masato Kitera, chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

C'est un grand plaisir pour moi de participer à ce colloque sur l'accord de partenariat économique. Mon collègue a, à juste titre, donné une vision très favorable de ce texte. Je me concentrerai, pour ma part, sur quelques messages politiques.

Cet Accord de partenariat économique s'avère exceptionnel. Dans l'histoire de la négociation d'accords de ce type entre l'Union européenne et ses partenaires extérieurs, nous n'avons jamais atteint aussi vite et aussi bien un résultat aussi complet. Lorsque j'ai pris mes fonctions au Japon, en juin 2017, nous n'avions pas encore trouvé d'accord sur le contenu. Nous ne l'avons obtenu que fin 2017, avec une signature dès juillet 2018. Le travail de préparation de l'accord a été réalisé très rapidement.

Ce travail aussi rapide témoigne, de la part des négociateurs de cet accord, d'une véritable volonté politique d'aboutir. L'Union européenne, la France et le Japon pensent qu'un accord de partenariat économique constitue le cadre adéquat pour organiser des relations commerciales équilibrées dans le monde qui est le nôtre. Nous pensons que cette approche multilatérale, celle d'un commerce fondé sur des règles et des principes d'avantages mutuels et de réciprocité, représente la bonne manière de faire face au modèle de l'unilatéralisme et du rapport de force. C'est pour cela que nous sommes arrivés à un résultat qui devrait faire date. Cet accord de partenariat économique sera très certainement remarqué dans l'histoire de la négociation de ce type d'accords.

Nous devons maintenant prouver aux yeux de nos concitoyens que cet accord délivre ce pour quoi nous l'avons négocié. Sa mise en oeuvre soulève un véritable enjeu d'intérêt économique pour les entreprises que vous êtes, mais aussi de crédibilité politique pour ceux qui l'ont négocié. Cet accord est né dans un contexte politique où, dans nos pays, nos citoyens doutent que le libre-échange tourne à l'avantage des peuples. La question du commerce constitue d'ailleurs un enjeu pour les élections européennes, qui se tiendront la semaine prochaine dans nos pays. Je sais que dans le débat que le Japon peut nouer à la Diète lors de la ratification de ce type d'accord, ces problèmes se posent également.

Nous avons donc intérêt à montrer à nos peuples que ces accords produisent des bénéfices économiques, de l'emploi et de la croissance dans nos pays.

La présidence japonaise du G20 et la présidence française du G7 visent à maintenir ce modèle multilatéral, non pas en laissant à l'identique un système qui présente manifestement des limites, mais en le réformant. Nous avons ensemble, avec les échanges de qualité entre le Président de la République et le Premier ministre Shinzô Abe, la volonté de réformer l'OMC. Il s'agit de faire en sorte que cette organisation soit en mesure de traiter des problèmes de fond, notamment des pratiques commerciales déloyales, et de faire fonctionner le mécanisme de règlement des différends, qui menace d'être bloqué par l'attitude de certains pays. Nous devons aussi nous attacher à intégrer dans le commerce des règles qui nous permettront de faire valoir nos préférences collectives en faveur de la protection de l'environnement et d'une société équitable pour tous les citoyens et fondée sur la lutte contre les inégalités.

À cela s'ajoutent les tensions commerciales sino-américaines, qui commencent à avoir un effet, y compris sur la croissance. En début de semaine, la presse japonaise évoquait la possibilité pour le Japon de revenir à une période de stagnation économique. Nous devons éviter cette situation dommageable grâce au modèle de l'APE. Enfin, nous devons relever des défis communs sur ces négociations que les Etats-Unis nous ont imposées, avec la menace de droits de douane sur des secteurs importants de nos économies comme l'automobile. Je constate que nous avons des intérêts communs en la matière. Nous devons en particulier défendre l'agriculture, un sujet extrêmement important pour nos deux sociétés. Dans ce contexte, la mise en oeuvre doit s'avérer aussi exemplaire que l'a été la négociation de l'accord.

Enfin, nous devons nous mobiliser pour la mise en oeuvre de cet accord. Cette mobilisation concerne d'abord les autorités européennes, françaises et japonaises. Il nous revient de faire en sorte que les conditions soient créées pour que toutes les dispositions de l'accord s'appliquent. Cette mobilisation touche aussi et surtout les acteurs économiques que vous êtes. Il vous appartient en effet de tirer les bénéfices de l'accord, de vous intéresser au marché japonais et de venir y faire des affaires. Vous constaterez que vous pouvez réussir dans ce pays. Pour que cette mise en oeuvre soit un succès, il faut faire preuve d'ambition. Je vous encourage à ne pas limiter vos échanges à de simples ventes de biens ou de services, mais à créer de véritables partenariats ouverts sur la production commune dans les domaines de l'industrie ou de l'innovation. Lors de sa visite au Japon à la fin du mois de juin, le Président de la République française portera d'ailleurs un message de confiance sur l'innovation.

La Team France Export, qui inclut le dispositif gouvernemental et tous nos partenaires, que ce soient les conseillers du commerce extérieur, la chambre de commerce et d'industrie France-Japon ou le réseau que nous tissons, se tient à la disposition des entreprises. N'hésitez pas à faire appel à lui. Je vous remercie.


* ( 1 ) Membres du groupe interparlementaire d'amitié Japon : M. David ASSOULINE, Président ; M. Yvon COLLIN, Vice-Président, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, Vice-présidente, M. Patrick KANNER, Vice-président, Mme Elisabeth LAMURE, Vice-présidente, M. Frédéric MARCHAND, Vice-président, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, Vice-présidente, M. Cédric PERRIN, Vice-président, Mme Laurence ROSSIGNOL, Vice-présidente, M. Philippe BONNECARRÈRE, Secrétaire, M. Gilbert BOUCHET, Secrétaire, M. Guillaume GONTARD, Secrétaire, M. Arnaud BAZIN, Mme Martine BERTHET, M. François BONHOMME, M. Olivier CADIC, M. Bernard CAZEAU, M. Guillaume CHEVROLLIER, M. Édouard COURTIAL, Mme Nathalie DELATTRE, M. Rémi FÉRAUD, Mme Marie-Pierre de la GONTRIE, Mme Sylvie GOY-CHAVENT, M. Jean-Noël GUÉRINI, Mme Véronique GUILLOTIN, M. Jean-François HUSSON, M. Jean-Yves LECONTE, M. Sébastien MEURANT, M. Philippe MOUILLER, M. Louis-Jean de NICOLAY, Mme Evelyne PERROT, Mme Sonia de la PROVÔTÉ, M. Jean-Pierre SUEUR

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N° GA 156 - Août 2019

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