Rapport présenté par M. Guy Penne relatif à l'autonomie administrative des parlements

La souveraineté des assemblées implique leur indépendance fonctionnelle à l'égard de l'Exécutif ; elle suppose que le Parlement soit investi en droit et matériellement assuré d'exercer par lui-même les compétences que lui reconnaît la Constitution, c'est-à-dire qu'il dispose d'une autonomie en matière financière et administrative.

Il convient de rappeler qu'en matière financière, les assemblées jouissent d'une relative indépendance pour l'élaboration de leur budget, en maîtrisent l'exécution et en assurent le contrôle ; l'autonomie patrimoniale, en revanche est incomplète, et les moyens matériels mis à disposition des élus, inégaux.

Le degré d'autonomie administrative des assemblées, qui constitue le second aspect de l'indépendance des assemblées, sera apprécié en fonction de plusieurs critères : l'organisation interne des services ; la situation des personnels parlementaires ; la capacité juridique de l'assemblée et la sécurité des locaux.

I - EN PRATIQUE, LES ASSEMBLÉES DÉTERMINENT DE MANIÈRE AUTONOME L'ORGANISATION INTERNE ET LE FONCTIONNEMENT DE LEURS SERVICES

Cette faculté est souvent prévue dans des textes de portée générale (lois, ordonnances, arrêtés...).

L'autonomie administrative de l'Assemblée nationale du Cambodge découle de son autonomie financière, prévue par la Constitution du 21 septembre 1993 (article 81);

en France, l'autonomie administrative des assemblées est inscrite à l'article 5 de l'Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. L'organisation interne du Parlement jurassien est fixée par la Loi d'Organisation du Parlement (LOP), qui prévoit un unique service, le Secrétariat du Parlement. L'organisation administrative du Parlement suisse est tracée dans ses grandes lignes par un arrêté sur les Services du Parlement, et déterminée par le Parlement lui-même. Dans la Vallée d'Aoste, une Loi régionale portant sur l'organisation administrative du Conseil régional adoptée en 1991 sert de cadre juridique à la détermination de l'organisation interne des Services.

Comme les administrations d'Etat, dirigées par un ministre, ou les administrations locales, dirigées par un élu ou un organe collégial, les assemblées parlementaires sont, dans la plupart des cas, gérées par les autorités politiques élues en leur sein pour les diriger : le Président et/ou le Bureau (Cambodge, Communauté Française de Belgique, France 16( * ) , Gabon, Luxembourg, Québec, Val d'Aoste).  Ces instances possèdent ainsi des pouvoirs d'arbitrage et de direction à la fois sur les questions politiques et sur les problèmes d'organisation interne, l'autorité administrative étant responsable du bon fonctionnement de l'ensemble.

Il convient de souligner au passage le rôle des structures collégiales, le principe de la collégialité permettant d'associer toutes les tendances politiques aux décisions concernant l'administration des assemblées parlementaires.

Dans certains cas, la composition de la structure collégiale est mixte, mi-politique, mi-administrative ; ainsi le Bureau de l'Assemblée législative de l'Ontario comprend le Président, le Greffier (Secrétaire général), son premier adjoint, le Sergent d'armes, le Directeur de l'Administration et le Directeur de la Bibliothèque. Elle peut aussi inclure des personnalités étrangères au Parlement : le Bureau de Régie interne de la Chambre des Communes du Canada, chargé des questions administratives et financières, comprend, outre le Président , le Chef de l'opposition et plusieurs députés, deux membres du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

Plus rarement, le pouvoir de décision et d'arbitrage en matière d'organisation et de fonctionnement internes appartient à une autorité administrative.

C'est le cas au Parlement du Jura, où le Secrétaire du Parlement assume ces responsabilités ; c'est aussi le cas en Suisse, où la Délégation administrative assume la direction suprême des affaires administratives de l'Assemblée fédérale, la gestion quotidienne relevant de la direction (Secrétaire général et SG-adjoints, secrétaire du Conseil des Etats).

Sauf exception (Parlement du Canada 17( * ) ), le Règlement constitue le support juridique privilégié de l'organisation et du fonctionnement des assemblées, l'autonomie réglementaire étant effective dans la majorité des cas, sous réserve de conformité à la Constitution.

Le Règlement, de même que les modifications qui y sont apportées, sont en général élaborés par une commission parlementaire spéciale, puis approuvés par l'assemblée en séance plénière (Cambodge, Communauté française de Belgique, Jura, France, Luxembourg, Roumanie, Val d'Aoste). On relèvera toutefois que les textes qui régissent l'Assemblée législative de l'Ontario - le Règlement, pour l'assemblée, et une loi, pour le Bureau - ont pour origine des projets de loi.

II - LES SERVICES PARLEMENTAIRES SONT ASSURES PAR DES PERSONNELS RECRUTES ET GERES PAR LES ASSEMBLEES

Un des éléments essentiels de l'indépendance des assemblées est leur capacité à recruter, gérer et à rémunérer seules leurs personnels.

1°) Une distinction est traditionnellement opérée entre les personnels attachés à l'institution et ceux assistant les élus (collaborateurs et secrétaires de parlementaires, de groupes politiques, membres des cabinets des autorités politiques qui dirigent les assemblées), ces derniers étant recrutés par les parlementaires, sous contrat de droit privé et sur fonds versés par les assemblées.

La proportion des deux effectifs diffère selon le mode de fonctionnement des assemblées (trois fois plus de fonctionnaires que de personnels assistant les élus au Parlement de la CFB ; deux fois plus à l'Assemblée nationale du Cambodge ; la proportion s'inverse au Parlement français : environ 2000 collaborateurs pour environ 1200 fonctionnaires dans chacune des chambres ; le rapport est plus équilibré à l'Assemblée législative de l'Ontario -408 fonctionnaires et internes ; 542 personnels de soutien- et à l'Assemblée nationale du Québec - 585 employés en place ; 425 employés politiques- ).

Certaines assemblées fonctionnent à effectifs réduits : le Parlement du Jura compte trois fonctionnaires, aucun assistant de député ou de groupe.

Le passage d'une catégorie à une autre est possible, dans des conditions plus ou moins souples : ainsi, à l'Assemblée nationale du Québec, un fonctionnaire peut devenir attaché politique en conservant un droit de retour dans la fonction publique. Dans les assemblées françaises, « des fonctionnaires peuvent, à titre exceptionnel, être mis à disposition du Président de l'assemblée pour assumer des fonctions dans son Cabinet. Ils conservent, dans cette position, leurs rémunération et leurs droits à la retraite et à l'avancement ... et lorsqu'il est mis fin à leur mission, ils sont réintégrés de droit » (article 148.2 du Règlement de l'Assemblée nationale). A l'inverse, les collaborateurs des parlementaires ou des groupes peuvent intégrer le corps des fonctionnaires parlementaires en se conformant aux règles de recrutement en vigueur.

2) Le concours est le mode de recrutement le plus fréquent , mais la sélection peut aussi se faire sur examen (CFB), sur dossier et entretien (Jura), et après une période de stage et d'observation (Gabon). Mis à part le Cambodge, où presque tous les fonctionnaires de l'Assemblée nationale sont recrutés en fonction de leur appartenance à l'un des trois partis représentés, le choix n'est pas lié à des critères politiques.

De même, l'exemple du Parlement jurassien, où les fonctionnaires sont nommés par le Gouvernement, sur proposition du Chancelier d'Etat (Secrétaire du Gouvernement), est exceptionnel. Une éventuelle réforme est d'ailleurs à l'étude au sein d'une commission parlementaire.

La formation initiale des fonctionnaires est souvent pluridisciplinaire, certaines assemblées privilégiant toutefois une spécialisation dans les domaines juridique, économique ou administratif (Cambodge, France, Gabon, Roumanie) ; ailleurs, la démarche est plus pragmatique, la formation requise étant déterminée par les exigences du poste vacant (Luxembourg, Québec), ou complétée a posteriori par des cours spécifiques en rapport avec les affectations (Val d'Aoste).

La méthode de la sélection par concours n'étant pas toujours adaptée au recrutement de certains corps techniques très réduits ou spécialisés, les assemblées ont recours à des personnels temporaires pour effectuer des tâches spécifiques, comme l'entretien des bâtiments et des jardins (Cambodge, France), ou liées de manière indirecte à la séance publique (buffetière à la Chambre des Députés du Luxembourg, par exemple).

En France, l'emploi de personnels temporaires par les assemblées, conforme aux principes en vigueur dans le reste de la fonction publique, est très encadré et reste limité.

En règle générale, l'effectif des contractuels représente moins de 10% de l'effectif total des fonctionnaires parlementaires.

3) Tous les fonctionnaires parlementaires sont soumis à une obligation de neutralité et de discrétion professionnelle dans l'exercice de leurs fonctions, certaines assemblées poursuivant très loin la logique de cette obligation : la Chambre des Députés du Luxembourg, notamment, interdit à ses fonctionnaires de se présenter à toute élection politique -municipale, nationale européenne, et même au sein d'un parti-, sous peine d'être démissionné d'office. Mais le mode de recrutement rend parfois cette neutralité hypothétique (Assemblée nationale du Cambodge).

4) Le principe d'autonomie administrative des assemblées confère, en bonne logique, à leurs agents titulaires, un statut emprunt de particularisme.

Plusieurs assemblées ont mis en place une fonction publique parlementaire, distincte de la fonction publique d'Etat (Cambodge, Canada, CFB, Luxembourg, Ontario), les agents étant protégés par un statut spécifique (excepté au Cambodge et en Ontario) ; dans d'autres cas, les fonctionnaires, bien qu'ayant la qualité de fonctionnaires de l'Etat, sont indépendants du pouvoir exécutif et relèvent d'un statut autonome par rapport au statut général des fonctionnaires de l'Etat.

En France, l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires stipule : « les agents titulaires des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l'Etat dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le Bureau de l'assemblée intéressée, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel » (cf.art.8.).

Mais parfois, il n'existe aucune distinction statutaire entre les fonctionnaires parlementaires et ceux de l'Etat : les fonctionnaires de l'Assemblée fédérale suisse sont soumis à la Loi sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000 et font partie de la Fonction publique d'Etat ; la fonction publique de la Région du Val d'Aoste comprend un rôle unique, avec deux effectifs distincts, celui du Gouvernement et celui de l'Assemblée.

La plupart des assemblées assurent à leur personnel en droit ou en fait un emploi stable, et en conséquence une carrière. Mis à part le Jura, où les nominations et l'avancement des fonctionnaires du Parlement sont décidées par le gouvernement fédéral, la progression de carrière des personnels parlementaires est garantie par les assemblées en fonction de l'ancienneté (CFB, Gabon) ; d'autres pratiquent une politique de promotion au mérite , en fonction des aptitudes et de l'efficacité jugées par la hiérarchie (Canada, Québec) ; les deux techniques pouvant d'ailleurs être utilisées conjointement (Cambodge, France, Gabon -les nominations sont faites au mérite, l'avancement, à l'ancienneté-, Roumanie, Suisse) ; par ailleurs, des concours internes permettent les changements de catégorie (France, Ontario, Val d'Aoste)

La mobilité externe des fonctionnaires est autorisée dans la plupart des assemblées (Canada, CFB, France, Ontario, Québec, Roumanie, Suisse et Val d'Aoste), sous la forme du détachement -ou de la mise à disposition- dans des ministères et organismes publics, dans des institutions nationales et internationales . Cette position permet de maintenir les liens avec l'administration parlementaire tout en évitant la sclérose engendrée par l'exécution sur une longue période de tâches spécialisées dans un milieu relativement clos.

Mais le souci de garantir l'indépendance des fonctionnaires parlementaires à l'égard des administrations ou des cabinets ministériels conduit les assemblées à limiter la mobilité (conditions relatives aux administrations d'accueil, à la durée des détachements et à leur nombre), voire à l'interdire, le fonctionnaire devant alors prendre un congé sans solde pour quitter l'assemblée (Luxembourg).

5) La désignation des plus hautes autorités administratives, pièces essentielles de l'autonomie des Parlements, devrait normalement incomber aux assemblées . C'est d'ailleurs le cas au Conseil de la CFB, où le Greffier est nommé par le Conseil, sur présentation du Bureau, les chefs de service étant désignés par le Bureau au grand choix ; en France, où les SG des assemblées sont nommés par le Bureau, de même que les directeurs de service ; ou encore au Val d'Aoste, où le Secrétaire général du Conseil régional est nommé par délibération du Bureau de la Présidence.

Mais le plus souvent, le pouvoir général de nomination des secrétaires généraux -ou greffiers- et des hauts fonctionnaires parlementaires appartient à l'Exécutif, éventuellement sur proposition du Président de l'assemblée.

Ainsi, le Secrétaire général, le SG-adjoint et les hauts fonctionnaires de l'Assemblée nationale du Cambodge sont nommés par décret royal, sur proposition du Président et des deux vice-Présidents ; au Canada, les Greffiers des chambres, le Sergent d'armes (Chambre des Communes) et l'Huissier du Bâton noir (Sénat) sont nommés par décret ; les hauts fonctionnaires, par le Gouverneur en conseil.

Certaines assemblées ont adopté des procédures de nomination « mixtes » :

Les Secrétaires-généraux et SG-adjoints de l'Assemblée nationale du Gabon sont nommés par décret du Président de la République, sur proposition du Président de l'assemblée. Au Sénat, en revanche, ils sont nommés par arrêté du Président de la Chambre.

A l'Assemblée nationale du Québec, les SG et SG-adjoints sont nommés par l'assemblée, sur proposition du Premier ministre ; les offres de mutation, les promotions, les concours permettent de pourvoir les postes de hauts fonctionnaires, conformément à la Loi sur la Fonction publique, la Loi sur l'Assemblée nationale permettant toutefois d'y déroger et de laisser au Bureau le choix du mode de recrutement des hauts fonctionnaires.

6) Le souci d'accorder aux fonctionnaires parlementaires un statut particulier s'accompagne nécessairement de celui d'en garantir l'application.

La plupart des assemblées organisent des recours internes, l'instance compétente pour les recevoir étant le Président de l'assemblée (Assemblée législative de l'Ontario), le Bureau (Assemblée nationale du Cambodge, Chambre des députés du Luxembourg), ou une autorité administrative : au Sénat de Roumanie, les recours concernant le statut sont adressés au Secrétaire général et au Bureau permanent ; dans les assemblées françaises, le Secrétaire général, le Président et les Questeurs, ou encore le Bureau sont compétents selon la gravité de la sanction prononcée ; les décisions sur recours sont prises en dernier ressort.

Certaines assemblées prévoient plusieurs instances et plusieurs ressorts.

Ainsi, le Greffier du Conseil de la CFB est compétent en premier ressort pour l'avertissement et le blâme, le Bureau constituant l'instance d'appel ; le Bureau constitue l'instance de premier ressort pour les autres sanctions comme la suspension de fonction, la rétrogradation et la révocation, l'appel étant porté devant un Comité supérieur d'appel, composé d'anciens membres des Bureaux du Conseil de la CFB, des Conseils régionaux, du Sénat et de la Chambre des Représentants.

D'autres assemblées se conforment au droit commun de la Fonction publique et reconnaissent la compétence du juge administratif ou d'une juridiction spécifique à la Fonction publique :

- le Conseil d'Etat est l'instance de recours des fonctionnaires de l'Assemblée nationale du Gabon

Le droit français a évolué sur ce point : l'Ordonnance du 17 novembre 1958 modifiée autorise les recours administratifs pour les litiges individuels concernant les agents titulaires, alors que, jusqu'en 1958, la jurisprudence du Conseil d'Etat avait, au nom de la séparation des pouvoirs et de l'autonomie des assemblées, écarté tout recours formé par les agents des assemblées contre les décisions administratives des autorités parlementaires. 18( * )

- les recours des fonctionnaires du Parlement du Jura sont portés devant le Gouvernement, la Chambre administrative du Tribunal administratif cantonal constituant l'instance d'appel des décisions de l'Exécutif cantonal.

- au Canada, les recours sont portés devant la Commission des relations du travail dans la Fonction publique ; au Québec, devant la Commission de la Fonction publique, qui est un tribunal administratif en matière de gestion des relations du travail dans la Fonction publique ;en Suisse, les décisions de la Délégation administrative (équivalent des Questeurs) peuvent faire l'objet de recours auprès de la Commission fédérale de recours en matière de personnel (cf. Loi sur le Parlement de la Confédération).

III - PEU D'ASSEMBLÉES POSSÈDENT LA PERSONNALITÉ MORALE ; EN REVANCHE, LA PLUPART JOUISSENT DE LA CAPACITÉ JURIDIQUE

L'Assemblée nationale du Cambodge « dispose, comme les autres institutions ... de la personnalité morale et peut ester en justice» ; il en va de même pour l'Assemblée législative de l'Ontario, le Sénat de Roumanie et l'Assemblée fédérale suisse.

Mais très souvent, l'unité de la personnalité juridique de l'Etat est invoquée pour dénier aux assemblées la personnalité morale, et c'est en fait la personnalité transcendante de l'Etat qui leur assure la capacité juridique et la libre disposition d'un patrimoine.

Le Parlement de la Communauté française de Belgique (CFB) peut contracter par l'intermédiaire de l'Entité Communauté française de Belgique, qui a, en tant que telle, la capacité d'acquérir des biens immobiliers. Selon la Constitution du Jura, le Gouvernement est le seul représentant de l'Etat ; le Parlement ne peut ester en justice qu'en confiant ce mandat au Gouvernement, et il ne peut acquérir de biens immobiliers. La Chambre des Députés du Luxembourg fait partie intégrante de l'Etat ; elle peut ester en justice ou y être assignée, comme les autres ministères, au nom de l'Etat ; de même, les biens immobiliers qu'elle acquiert, sont propriété de l'Etat. l'Assemblée nationale du Québec peut posséder en son nom des biens immobiliers, mais ne peut les acquérir que par l'intermédiaire de l'Etat.

Qu'elles soient ou non dotées de la personnalité morale, la plupart des assemblées sont représentées par leur Président (France, Luxembourg, Ontario, Suisse) - parfois assisté d'un fonctionnaire de l'assemblée (le Greffier, au Conseil de la CFB)-, ou par un organe politique spécifique : l'Assemblée nationale du Cambodge est représentée en justice par une commission nommée par le Comité permanent ; au Parlement du Canada, le Bureau de Régie interne (pour la Chambre des Communes) et le Comité permanent de Régie interne (pour le Sénat) ont, du point de vue juridique, la capacité d'une personne physique ; ils peuvent conclure des contrats, des ententes..., voire entamer des poursuites judiciaires contre des tiers.

Plus rarement, c'est un service de l'assemblée qui assure la représentation en justice (comme le service du contentieux, au Sénat de Roumanie), voire une autorité extérieure à l'assemblée (le Procureur général de l'Etat, pour l'Assemblée nationale du Québec).

L'étendue du contrôle sur les actes de gestion et d'administration des assemblées est inégale et l'application du droit commun, limitée à des domaines particuliers.

La question est de savoir si les assemblées doivent être soumises au contrôle du juge lorsqu'elles se comportent comme des administrations, ou si la logique de séparation des pouvoirs justifie leur immunité juridictionnelle.

L'Assemblée nationale cambodgienne et le Parlement du Val d'Aoste font état d'une absence totale de contrôle. En Belgique, les actes relatifs aux marchés publics et aux membres du personnels pris par le Conseil de la Communauté française par ses organes peuvent être annulés par le Conseil d'Etat, mais le droit commun n'est applicable que dans le domaine de la responsabilité ; l'Assemblée législative du Québec est soumise à un contrôle interne du Bureau pour ses actes d'administration et de gestion, puis à la vérification du Vérificateur général ; le droit commun s'applique, bien qu'elle puisse y déroger, sauf s'il s'agit de règles qu'elle s'est imposée dans la Loi sur l'Assemblée nationale. Le Sénat de Roumanie est assujetti au contrôle de la Cour des Comptes ; le droit commun lui est applicable uniquement en fonction de l'espèce et dans la mesure où la loi le prévoit. En Suisse, l'étroite imbrication des services de l'assemblée fédérale avec les services gouvernementaux, conduit à soumettre les actes d'administration et de gestion de l'Assemblée fédérale au Contrôle Fédéral des Finances (sorte de petite Cour des Comptes).

En France, le régime contentieux des actes administratifs parlementaires a longtemps été dominé par le principe d'immunité de juridiction, le Conseil d'Etat considérant que ces actes, parce qu'ils étaient émis par des autorités non administratives, échappaient à la connaissance des juridictions administratives.

Dans une décision récente (mars 1999), le Conseil d'Etat a proposé de privilégier le critère matériel (la nature de l'acte) par rapport au critère organique (l'autorité qui prend l'acte), et de reconnaître la compétence du juge administratif ; selon le Conseil d'Etat, la thèse de l'immunité juridictionnelle ne se justifie que lorsque le Parlement est le seul pouvoir issu du suffrage universel, qu'il exprime seul la volonté générale et que les lois ne sont soumises à aucun contrôle de constitutionnalité ou de conventionnalité, ce qui n'est plus le cas en France.

IV - EN REGLE GENERALE, LA POLICE DES CHAMBRES APPARTIENT AUX ASSEMBLEES QUI L'EXERCENT PAR L'INTERMEDIAIRE DE LEUR PRESIDENT

La condition première de liberté de délibération d'une assemblée étant la sûreté de ses membres, les assemblées assurent, dans la mesure du possible, la protection de leurs locaux grâce à des personnels propres (Cambodge, Canada, France, Jura, Ontario, Québec, Roumanie), par accord avec d'autres institutions (CFB), voire par contrat avec des sociétés privées (Luxembourg) ; l'accès aux bâtiments parlementaires de forces de police extérieures est soumis à autorisation du Président de l'assemblée ou d'un service spécialisé.

Depuis 1820, la Chambre des Communes du Canada dispose de son propre service de sécurité, relevant du Sergent d'Armes ; au Sénat, c'est l'Huissier du Bâton noir qui est responsable de la sécurité à l'intérieur de la Chambre. Les Services de la Cité parlementaire assurent la sécurité des députés et de l'administration de la Chambre des Communes, maintiennent la paix et l'ordre dans les locaux ; avec l'autorisation du Président, d'autres corps de policiers (Gendarmerie royale du Canada, police municipale d'Ottawa) peuvent entrer dans les édifices en mission officielle.

En France, les Présidents sont responsables de la sûreté intérieure et extérieure des assemblées qu'ils président ; pour la sûreté intérieure, ils disposent des personnels de l'assemblée affectés à l'accueil et à la sécurité (placés sous l'autorité du Secrétaire général de la Questure), et d'un détachement de sûreté de la Garde Républicaine stationné dans l'assemblée sous réquisition du Président et aux ordres du commandant militaire. Ce détachement à effectif variable assure également la sécurité aux abords immédiats des assemblées et peut être renforcé en cas de troubles à l'ordre public.

Au Luxembourg, le contrôle des entrées et la sécurité intérieure de la Chambre des Députés sont confiés à une société privée de gardiennage.

Au Conseil de la Communauté française de Belgique, le contrôle des entrées et la sécurité des locaux sont assurés par un service de la garde militaire du Palais de la Nation, avec lequel le Parlement a conclu un protocole d'accord.

L'Assemblée fédérale suisse ne dispose pas de police particulière ; pendant les sessions, chaque conseil exerce la police dans la salle des séance, le Président ordonnant à la police d'intervenir en cas d'incident grave. L'édifice du Parlement ayant une entrée commune avec plusieurs départements ministériels, le contrôle de cette entrée n'est pas assuré par un service propre du Parlement, mais par le service de sécurité de l'administration fédérale, qui relève du département fédéral de justice et de police.

De même, dans le Val d'Aoste, le contrôle de la salle du Conseil est assuré par les services du Gouvernement régional ; les pouvoirs de police à l'intérieur du Conseil appartiennent à l'assemblée et sont exercés en son nom par le Président ou son délégué ; la force publique ne peut entrer dans la salle du Conseil que sur ordre du Président et en dehors des séances.

On peut conclure en constatant que l'autonomie administrative et financière des assemblées n'a pas le même contenu d'un système de gouvernement à l'autre et que ses enjeux diffèrent selon l'étendue des compétences constitutionnelles reconnues aux assemblées.

Il convient de faire plusieurs remarques relatives à l'autonomie administrative.

L'un des éléments essentiels de cette autonomie est l'indépendance des personnels parlementaires, que les assemblées tentent de garantir à travers des techniques différentes.

Or cette indépendance n'assure pas forcément la neutralité des fonctionnaires, la prise en compte de l'affiliation partisane étant même parfois reconnue.

Il est permis de se demander par ailleurs si l'existence de statuts particuliers liant les agents à leur administration, en freinant la mobilité extérieure, ne va pas à l'encontre des buts recherchés en matière de formation et de compétence professionnelle. L'ouverture sur des pratiques et des techniques différentes semblent indispensable pour éviter le repliement des administrations parlementaires sur elles-mêmes et réduire leur dépendance, notamment en matière d'information et d'évaluation, à l'égard des organismes gouvernementaux.

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