INTRODUCTION

Les Français, si bien rompus à l'art de la diplomatie et à celui de la rédaction des traités, ont si souvent participé, depuis l'épopée napoléonienne, à la modification des frontières intérieures de l'Europe qu'ils en oublient parfois jusqu'au nom des nations les plus anciennes qui la composent. Quand, au gré d'un changement de régime, d'une guerre ou de l'éclatement d'une fédération, ces nations ressurgissent du fond de l'Histoire et redeviennent des Etats, les Français s'étonnent de si peu les connaître et commettent l'erreur de les traiter comme de nouveaux venus. C'est malheureusement le cas pour la Croatie et le premier handicap qu'éprouve aujourd'hui la France face à ce pays est l'ignorance dans laquelle nous sommes, nous autres Français, face à nos amis Croates que l'Histoire nous a rendus. D'où l'urgence de renouer la chaîne du temps. D'où aussi l'importance du rôle qui échoit à notre groupe France Croatie, créé en 2002.

Lors de sa mission en Croatie en septembre dernier, votre délégation a pris conscience avec acuité de la forte identité de la nation et de l'Etat croates et a mesuré le poids de l'Histoire dans ce pays. En effet, les Croates nous sont apparus comme un peuple meurtri par l'Histoire. Certes, l'histoire récente a laissé des cicatrices partout visibles, mais les meurtrissures qui ont formé l'esprit de cette nation et la perception qu'elle a d'elle-même sont plus anciennes et n'ont été que ravivées par la dernière guerre. Les Croates se savent tiraillés depuis toujours entre l'Orient et l'Occident, destin inconfortable s'il en est, mais que les Croates accepteraient plus légèrement s'ils n'éprouvaient au fond d'eux-mêmes le sentiment douloureux d'avoir toujours défendu l'Occident contre l'Orient sans jamais en être récompensés.

Ce sentiment douloureux s'exacerbe aujourd'hui devant le spectacle affligeant laissé par la dernière guerre, champs minés, villages détruits, Dubrovnik abîmée, devant les exigences du Tribunal international de La Haye si dures à supporter pour l'orgueil national et enfin devant l'extrême prudence de l'Union européenne.

Dans cette atmosphère d'après-guerre, on ne peut en vouloir à nos amis Croates, avides de reconnaissance et désireux de comprendre, de garder à la mémoire aussi bien l'attitude de Louis XIV, abandonnant aux représailles autrichiennes la noblesse croate rebellée contre Vienne, que l'insuffisance du soutien de la France au moment de l'indépendance de la Croatie. Seul le temps pourra, en faisant son oeuvre, estomper ces traces à la condition que notre pays manifeste un engagement plus sensible à l'égard de la Croatie et parte à la rencontre de ce pays qui jouit d'une remarquable situation géographique, d'une population homogène, d'une agriculture diversifiée, d'un excellent réseau de petites et moyennes entreprises, d'un bon système éducatif et d'un potentiel touristique très enviable.

Fort de ces immenses atouts, la Croatie peut envisager sereinement l'intégration euro-atlantique. Mais avant d'aborder cette question essentielle, le rapport de mission présentera dans un premier temps les réalités politiques et humaines de la Croatie, son organisation institutionnelle et sa situation politique et économique, telles qu'elles sont apparues à votre délégation lors de sa mission du 18 au 22 septembre 2002.

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