B. UNE FORTE PAUVRETÉ ET D'IMPORTANTES INÉGALITÉS

1. Une situation sociale difficile

Plus de deux décennies de guerre ont profondément marqué le pays, non seulement en l'appauvrissant, mais en mettant à terre son capital humain. Le Cambodge garde aujourd'hui un fort taux de pauvreté , même s'il est en recul (de 45 à 32 % sur 10 ans) et surtout, en dépit de signes économiques positifs, une forte augmentation des inégalités de revenus et de patrimoine .

Malgré une certaine croissance économique, le Cambodge reste en effet un pays marqué par de profondes inégalités. La croissance de ces dernières années n'a eu que peu d'impact sur la pauvreté et la disparité s'est même plutôt accentuée entre la zone urbaine de Phnom Penh, qui se développe ouvertement, et le reste du territoire. Les campagnes manquent encore de tout.

Lors de sa visite de la province de Kandal, et notamment de son excursion à l'ancienne capitale royale Oudong, la délégation du groupe d'amitié a pu se rendre compte du dénuement des familles paysannes dont certains jeunes enfants sont amenés à solliciter la générosité des touristes étrangers.

D'après les chiffres de la Banque Mondiale, en 2004, 35 % de la population vivait encore en dessous du seuil de pauvreté et 20 % de la population souffrait de malnutrition 14 ( * ) .

L'immense majorité des cambodgiens pauvres vivent dans les zones rurales principalement dans la région du Tonle Sap et les régions montagneuses qui comptent les plus forts taux de pauvreté (respectivement 45 % et 56 %). A contrario, le taux de pauvreté atteint 5 % à Phnom Penh et 25 % dans les autres zones urbaines. Si la croissance économique, de 7 % par an en moyenne depuis 1993, a permis de réduire la pauvreté de 60 % à Phnom Penh, la réduction a été de 22 % seulement dans les campagnes.

Une majorité de la population est engagée dans une agriculture de subsistance. La culture rizicole couvre 90 % de la surface cultivée et occupe 80 % de la main d'oeuvre. Un système d'agriculture collectiviste, la guerre civile, la spéculation et la confiscation de terres font que 20 % des ménages ruraux sont sans terre, chiffre qui s'accroît de 2 % chaque année. Enfin, 25 % des ménages propriétaires ont moins d'un demi-hectare de terre, et 80 % des ménages n'ont pas de titre de propriété.

La situation difficile du secteur rural, en même temps que les besoins nouveaux des milieux urbains, en termes de gestion de l'eau ou des déchets, justifient l'action particulièrement ciblée de l'Agence française de développement au Cambodge.

Le rôle de l'Agence française de développement au Cambodge

Initialement l'Agence française de Développement avait reçu mandat de concentrer son action, d'une part, sur le secteur du développement rural et, d'autre part, sur l'aménagement de la région de Siem Reap/Angkor pour favoriser à terme l'émergence d'un nouveau pôle de développement économique, grâce aux ressources du tourisme liées au parc archéologique d'Angkor.

En 1999, le mandat de l'AFD a été élargi. La stratégie d'intervention de l'AFD s'est donc orientée vers le financement des infrastructures urbaines qui ont des effets directs sur l'amélioration des conditions de vie des populations (alimentation en eau potable de Phnom Penh, reconstruction de ponts, électrification de petits centres...). L'AFD a poursuivi en parallèle le financement d'investissements productifs dans le secteur rural comme moyen de réduction de la pauvreté, notamment en appuyant l'hévéaculture familiale et l'aménagement de périmètres irrigués.

Le portefeuille de projets au 1 er janvier 2007 comprend ainsi 39,7 millions d'euros d'engagements pour : l'électrification des capitales de province (3,75 millions d'euros), l'alimentation en eau potable des quartiers périphériques de Phnom Penh (4 millions d'euros), la réhabilitation de marchés centraux de Phnom Penh (4,5 millions d'euros), le développement urbain de Siem Reap (4,5 millions d'euros), des projets de réhabilitation de polders (3,8 millions d'euros), d'un périmètre irrigué à Stung Chinit (3,25 millions d'euros), un appui à l'hévéaculture (3,5 millions d'euros) et au secteur hydro-agricole (4 millions d'euros), la conservation du massif des Cardamones (0,8 million d'euros), la mise en place d'indication géographiques protégées (1 million d'euros), l'appui au secteur de la confection (1,5 million d'euros) et à la politique hospitalière (0,6 million d'euro).

Il faut noter, à côté de ces subventions, un prêt d'un montant de 11,1 millions d'euros pour le doublement de la station de traitement de Chruoy Chang War.

Les décaissements s'élèvent à 7 millions d'euros par an environ (5,5 millions d'euros en 2004, 7,5 millions d'euros en 2005, 7,3 millions d'euros en 2006) alors qu'ils avaient atteint un pic de près de 10 millions d'euros en 2002.

En conclusion, la situation économique et sociale très contrastée des cambodgiens est une source majeure de préoccupation pour l'avenir et la stabilité du pays 15 ( * ) . Le ressentiment des classes populaires et paysannes est important, et alimenté par des méthodes parfois arbitraires d'expropriation ou de confiscations de biens, au profit d'investisseurs privés. La classe politique cambodgienne s'efforce de répondre aux demandes des cambodgiens pauvres, mais sa position n'est pas sans ambiguïté tant les classes dirigeantes du pays apparaissent souvent liées aux intérêts des investisseurs privés.

* 14 Cf. rapport de juin 2006, « gestion des risques et de la vulnérabilité au Cambodge : un état des lieux et une stratégie pour la protection sociale. ».

* 15 La période des khmers rouges a aussi laissé un nombre très important d'orphelins et de mutilés, qu'il faut insérer dans la société. Des organismes tentent de donner de l'espoir à ces jeunes cambodgiens, à travers une formation professionnelle. Ainsi les Artisans d'Angkor, dont la délégation du groupe d'amitié a pu visiter les ateliers à Siem Reap, font un travail remarquable.

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