C. LE POIDS DE LA WEBPRESSE DANS LE MARCHÉ BRÉSILIEN

Il n'existe pas de données fiables en ce qui concerne le journalisme produit et diffusé sur Internet, la webpresse, mais la participation du secteur à l'offre de travail est minime. Selon une étude réalisée par le journal colombien El Tiempo, la webpresse en Amérique Latine se concentre principalement sur le travail de re-rédaction et de réédition de textes produits par d'autres. En conséquence, un pourcentage significatif de ceux qui travaillent pour cette dernière ne sont pas journalistes ou, s'ils le sont, ne sont pas embauchés en tant que tels. Le cadre utilisé par les entreprises qui développent ces sites journalistiques est celui de fournisseur de contenu (provedor de conteúdo). Elles échappent ainsi aux exigences légales relatives à la catégorie journalistique, comme les journées de travail réduites, le plancher salarial, les droits d'auteur, etc. L'enveloppe des entreprises journalistiques pour les activités en ligne représente entre 5 % et 10 % des dépenses des rédactions traditionnelles. En appliquant les mêmes pourcentages au nombre de professionnels embauchés par la presse écrite brésilienne, on pourrait supposer l'existence de 310 à 620 professionnels dans ce segment. Mais il serait fort téméraire de considérer de tels chiffres comme corrects. El Tiempo a de plus montré que les entreprises journalistiques réduisent actuellement leurs départements de webpresse, car ces derniers ont présenté de faibles retours financiers 795 ( * ) .

Toutefois, comme nous l'avons démontré en ce qui concerne les radio-agences d'informations (chapitre II - 2, item 2.2.3 - Les radio-agences de source), l'Internet est largement utilisé au Brésil par les services de presse comme support pour la diffusion d'information. Cette activité ne se limite pas à l'envoi de courriels avec des communiqués de presse et des newsletters, elle inclut aussi la diffusion en ligne par des entreprises, dénommée produtoras (productrices - maisons de productions) spécialisées de photographies, d'infographies, de textes, de nouvelles et de programme radiophoniques sous le format de fichiers MP3 et MP4 qui peuvent être utilisés gratuitement par la presse traditionnelle. Ces produtoras tout en intervenant de manière contractuelle pour les sources, se présentent elles-mêmes, dans de nombreux cas, comme des agences de presse, assumant ainsi une identité de média de source. Ces services sont également régulièrement proposés par des ONG et des mouvements sociaux travaillant sur des thèmes qui ne sont pas toujours traités en priorité par la presse, tels que l'enfance, l'environnement, la cause indigène, la question de genre, etc.

Les données statistiques de la presse traditionnelle révèlent l'existence de petites équipes de professionnels dans chaque support. Des chiffres qui, à première vue, rendraient impossibles une production journalistique de volume suffisant pour maintenir une publication, une chaîne de télévision ou une station radiophonique. Le tour de magie qu'est la réalisation d'un journal, d'un magazine, d'une radio ou d'une chaîne de télévision sans journaliste est essentiellement lié à l'utilisation intensive des dépêches des agences et du matériel mis à disposition par les assessorias (services) de presse et les structures corrélées 796 ( * ) . Ces structures informatives se révèlent de plus en plus efficaces pour approvisionner les supports en matériel allant des suggestions de sujets à traiter dans les émissions et de personnes à interviewer jusqu'à, parfois même, des articles prêts à la publication, dans certains cas déjà mis en page. Le modèle économiciste de réalisation du journalisme, explicité par CHAMPAGNE et MARCHETTI 797 ( * ) , est fort courant, y compris dans les supports à spécialisation thématique, tels que l'automobilisme, la maison, le bricolage, le tourisme, la mode, l'informatique, etc 798 ( * ) .

* 795 Information divulguée à l'occasion du 5e Colloque International de Journalisme en Ligne, organisé par le Knight Center for Journalism in the Americas , University of Texas, Austin, EUA.

* 796 Il faut prendre en considération, pour l'analyse de ces chiffres, les failles possibles dans la collecte des informations par le Ministère du Travail, ainsi que, évidemment, la forte précarisation des emplois qui masque la situation réelle de la force de travail journalistique. La précarisation des relations de travail par le développement du travail en tant que pigiste, l'utilisation intensive des stagiaires, l'externalisation des services et la conversion du journaliste en société - mécanismes qui représentent pour les employeurs une réduction des dépenses en impôts et en cotisations sociales -, est à la racine de cette nouvelle réalité. C'est pour cette raison que le véritable univers des professionnels dans les rédactions tend à être plus grand que celui enregistré officiellement.

* 797 Nous rappelons que le journalisme quotidien est réalisé sous une optique d'économie. Le reporter ne descend plus dans les rues pour être le témoin des faits et les vérifier, les entretiens sont réalisés par téléphone et un volume croissant de sujets sont réalisés sans véritable travail journalistique, principalement à partir de dossiers de presse élaborés par les agences de communication qui fournissent, de façon routinière, des informations utiles sous forme de disquettes ou via Internet pour faciliter le travail des journalistes. (CHAMPAGNE et MARCHETTI, 2000 : 4).

* 798 Pour plus de détails sur l'analyse des relations des magazines de ce type avec les services de presse, nous recommandons la lecture d'Akrich, Madeleine, 1992 p. 24-32

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page