IV. AIDER LE NIGERIA À DEVENIR UNE PUISSANCE ÉCONOMIQUE ÉMERGENTE EXEMPLAIRE AU XXIE SIÈCLE

A. LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU NIGERIA

En 2008, la structure du PIB nigérian témoignait encore du poids de l'agriculture dans la production de richesses : le secteur agricole a contribué à hauteur de 42 % du PIB nigérian, selon le Bureau national des statistiques, contre 18 % pour les industries extractives (pétrole et gaz essentiellement), 18 % pour les services, 17 % pour le commerce de gros et de détail et seulement 4 % pour l'industrie manufacturière.

Autrefois classé parmi les premiers producteurs mondiaux de denrées agricoles, telles que les arachides ou le cacao, ou encore de produits miniers, comme le charbon, le pays s'est désormais entièrement voué à l'exploitation pétrolière, depuis que la prospection de gisements s'est intensifiée à partir des années 1970. Toutefois, l'agriculture emploie encore 70 % de la population active . Le plan « NEEDS » ( National Economic Empowerment and Development Strategy ), ambitieux programme en faveur de la croissance économique endogène lancé sous la seconde administration civile du Président Obasanjo en 2003, avait notamment fait du développement agricole une priorité. En matière d'agriculture, si les objectifs d'exportation de ce plan sont apparus irréalistes à court terme (trois milliards de dollars à partir de 2007, une composante majeure des ces exportations étant la cassave), l'objectif de croissance minimum de 6 % a été aisément dépassé en 2007 et 2008.

Au coude à coude avec l'Angola pour la place de premier producteur de pétrole en Afrique sub-saharienne (11 e à l'échelle mondiale), le Nigeria a engagé une stratégie ambitieuse de croissance qui repose sur l'exploitation de bassins offshore en eaux profondes et très profondes , malgré les problèmes de sécurité récurrents dans le delta du fleuve du Niger 10 ( * ) . De plus, la politique de valorisation gazière imposée par les autorités devrait également conduire à un développement de l'industrie de liquéfaction.

Le plan NEEDS érige également le développement du secteur manufacturier en priorité. Bien que le secteur industriel représente un potentiel significatif en termes de production de richesses et d'emplois, en y incluant les petites et moyennes entreprises, la diversification des activités y est très insuffisante dès lors que l'activité manufacturière reste très largement dépendante des importations. Dans ces conditions, l'économie informelle nigériane demeure très mal maîtrisée.

En mai 2007, le plan NEEDS a été fondu dans l' « Agenda en 7 points » du Président Yar'Adua qui fait de l' état d'urgence énergétique et de la lutte contre l'insécurité et la corruption des priorités : néanmoins, en l'absence de volonté politique, ce programme n'a toujours pas été suivi d'effet.

L'économie nigériane demeure l'une des plus dynamiques du continent africain, affichant en 2008 une croissance de son PIB de 6,8 %. Toutefois, la crise internationale a fait sentir ses effets par une baisse significative du prix du baril de pétrole (divisé par trois), une raréfaction du crédit et un secteur financier fragilisé par des actifs toxiques : le compte d'excédent pétrolier - excédentaire lorsque le baril se situe au-delà de 45 dollars US - ne reçoit plus de recette dans le contexte actuel 11 ( * ) . Dans ces conditions, l'inflation, pourtant longtemps contenue à un chiffre, a terminé l'année 2008 à 15,1 %, le naira ayant perdu 20 % de sa valeur au taux officiel depuis un an. Ces contreperformances menacent les équilibres précaires qui avaient été atteints entre 2003 et 2007 et rendent de moins en moins crédible l'ambitieuse « Vision 2020 » affichée par les autorités, qui consiste à faire du Nigeria la 20 e économie mondiale d'ici à 2020 .

La délégation a eu l'occasion de constater les difficultés rencontrées par le pouvoir central pour mettre en oeuvre un vaste programme d'infrastructures visant à développer un réseau de distribution d'énergie et d'eau potable. Alors que le Nigeria dispose de ressources énergétiques exceptionnelles (pétrole, gaz et eau), les installations destinées à distribuer l'énergie sur l'ensemble du territoire sont rares, pour ne pas dire inexistantes sur une grande partie du territoire, et la plupart d'entre elles font l'objet de sabotages systématiques (détournements sauvages des oléoducs et des gazoducs). En réalité, l'approvisionnement en électricité par groupe électrogène constitue un marché extrêmement puissant et lucratif dont les tenants envisagent d'un très mauvais l'oeil l'idée d'un réseau de distribution d'énergie viable.

Le 8 octobre 2008 a été signé entre Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, et Mme Fatima Ibrahim, secrétaire d'État chargée de l'électricité au ministère fédéral nigérian de l'énergie, un protocole d'accord bilatéral concernant la coopération dans le secteur de l'électricité .

Ce protocole d'accord prévoit que le Nigeria engagera une discussion avec le Réseau de transport d'électricité (RTE) pour conduire un audit du secteur électrique nigérian et renforcer leur coopération dans le domaine de la production, de la transmission et de la distribution d'électricité, l'un des principaux défis auquel le géant africain est confronté, avec une production d'électricité inférieure à 3 000 mégawatts pour près de 150 millions d'habitants. Afin d'effectuer un suivi et une mise en oeuvre des dispositions prévues dans ce protocole d'accord, une commission paritaire bilatérale est mise en place.

* 10 Le Nigeria envisage de demander l'autorisation auprès de l'Organisation maritime internationale de repousser les limites de ses eaux territoriales et de sa zone économique exclusive.

* 11 Le montant du compte d'excédent pétrolier est estimé aujourd'hui à environ cinq milliards de dollars US, après les décaissements réalisés pour le financement d'infrastructures (routes, centrales électriques, etc.).

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