CONCLUSION

Au terme de sa visite, la délégation du Groupe sénatorial France-Hongrie a constaté que l'essentiel de la mutation entamée en 1989 s'était accomplie (privatisations presque terminées, restructuration des entreprises menées après la disparition de celles non rentables, cadre législatif approprié à une société occidentale, rigueur dans la gestion des finances publiques) mais qu'il restait à la consolider tout en poursuivant l'intégration euro-atlantique et en gérant les nouvelles difficultés liées aux choix effectués (chômage, baisse du niveau de vie, criminalité, ouverture des frontières, ...) et en surmontant, en outre, les obstacles générés par la rapidité sans précédent de cette mutation (économie parallèle proche de 30 % du produit intérieur brut, apparition rapide de nouveaux riches face à de nouveaux pauvres).

De plus, il faut garder à l'esprit que les conditions générales de déréglementation et de mondialisation de l'économie qui constituent déjà des défis pour les pays industriels occidentaux, s'imposent aussi à la Hongrie.

Chacun attend de celle-ci sans bien se rendre compte de l'ampleur de la tâche qui lui est ainsi assignée, qu'elle assure entre 1989 et l'an 2000, soit en à peine dix années, le passage d'une économie inadaptée et très fermée (place disproportionnée donnée à l'industrie lourde, aucune prise en compte de la vérité des prix, qualité peu satisfaisante des produits fabriqués) de surcroît exploitée par un pays voisin qui constituait le principal partenaire économique à une économie occidentale de type industriel (concurrence, compétitivité, ouverture des frontières, grande mobilité et réorientation des échanges commerciaux).

Ce pari semble impossible à relever. Et pourtant... Nombre des transformations essentielles ont eu lieu sans heurts exagérés de 1990 à 1996.

Tout a été entrepris en même temps, non sans hésitations ou maladresse parfois, mais comment parer à tout ? d'autant qu'aucun précédent ne pouvait tenir lieu d'exemple.

Le cap a été fixé et en grande partie tenu. Le modèle occidental et l'intégration euro-atlantique ont été choisis et mis en oeuvre non seulement par la coalition de centre-droit au pouvoir de 1990 à 1994 (MDF, KDNP, FKGP) mais aussi par la coalition socialiste à minorité libérale (MSZP, SZDSZ) au pouvoir depuis 1994.

A certains égards, rien n'est plus étonnant que la continuité de la politique suivie. Cela s'explique par deux raisons : il existe bien une voie hongroise vers l'Union européenne mais tellement étroite qu'elle n'offre quasiment pas de marge de manoeuvre aux différentes équipes au pouvoir ; par ailleurs, l'adhésion des Hongrois à cette politique est profonde malgré les défis à relever quotidiennement, l'inconfort des adaptations à effectuer et un niveau de vie loin d'être satisfaisant pour la majorité.

Jusqu'où ira la patience des Hongrois ? Beaucoup d'analystes de la situation économique, politique et sociale posent cette question depuis des années en ajoutant que, jusque là, cette patience a été sollicitée avec succès mais que la limite va être atteinte dans les mois qui viennent... Et, tous les six mois, la même analyse annonce comme imminente le terme de cette patience.

Tous les interlocuteurs français de la délégation sénatoriale ont loué sans réserve les qualités de sérieux, d'adaptabilité, de sang-froid des Hongrois, leur bon niveau de formation et leur aptitude à griller les étapes de la transformation du pays grâce à leur ferme volonté d'atteindre leur but.

Il n'en demeure pas moins que l'équilibre actuel est précaire et qu'un choc intérieur ou extérieur pourrait, non pas le remettre totalement en question, mais le faire vaciller, car la mutation en cours comporte en elle beaucoup de faiblesses.

Cependant, au terme de sa visite d'étude, le Groupe sénatorial retient en particulier les points suivants, plutôt encourageants :

la volonté d'intégration euro-atlantique est profonde et appliquée avec cohérence et fermeté dans tous les domaines ;

l'agriculture hongroise a déjà accompli une part importante de sa mutation et ne constitue pas une menace pour l'agriculture française [21] ;

la coopération franco-hongroise en matière de sécurité et de défense peut être fructueuse pour les deux pays ;

les investissements français en Hongrie ont atteint, en quelques années, un niveau très honorable, le 3ème ; sans doute serait-il nécessaire d'appuyer les efforts des entreprises françaises en les aidant par des effets d'annonce plus systématiques et bien orchestrés et des mesures spécifiques en direction des petites et des moyennes entreprises ;

les échanges commerciaux franco-hongrois , encore trop peu développés (4 %) offrent de bonnes perspectives de croissance ; le désir des Hongrois de rééquilibrer en faveur de la France des relations un peu trop exclusive en faveur de l'Allemagne joue en ce sens ;

• en liaison avec les faits précédents, l'enseignement du français en Hongrie doit être développé tant dans les lycées et les formations supérieures, notamment techniques, comme actuellement avec un bon succès, que dans les classes primaires voire maternelles. Pour ce, l'effort doit être poursuivi de part et d'autre ; du côte hongrois, il pourrait s'agir de rendre obligatoire au lycée une seconde langue vivante, ce qui donnerait sa chance au français car ce sont actuellement l'anglais et l'allemand qui sont choisis comme première langue vivante obligatoire ;

• une mention spéciale doit être décernée au lycée français de Budapest qui offre maintenant la possibilité d'une scolarité complète jusqu'au baccalauréat mais qui ne peut plus se développer, malgré d'excellents résultats, faute d'un terrain d'implantation et de locaux permettant l'ouverture de nouvelles classes alors même que la présence française en Hongrie s'accroît ;

la présence culturelle française déjà renforcée avec l'inauguration en 1992 du nouvel Institut peut encore être intensifiée. L'exposition très remarquable sur la Révolution de 1956 réalisée après un an de préparation par l'équipe de l'Institut français a rencontré un succès considérable démontrant que les moyens matériels et humains déployés peuvent créer l'événement à Budapest ; peut-être serait-il envisageable de dépasser le cadre de la capitale hongroise ?

• enfin, et cela est assez rare pour être noté, tant du côté de l'Ambassade de Hongrie en France, que du côté de l'Ambassade de France en Hongrie, le maximum est fait pour connaître les pays respectifs et obtenir dans tous les domaines des résultats efficaces.

La profonde connaissance de chaque pays et de leur langue par les ambassadeurs actuellement en poste, S.E. M. Béla SZOMBATI et S.E. M. François NICOULLAUD constitue un atout particulièrement adapté à la période de mutation accélérée qui a débuté en 1989 et devrait se poursuivre jusqu'aux années 2000 - 2005.

Dans un tel contexte, changeant mais stimulant, l'activité d'un Groupe sénatorial peut trouver toute sa justification et contribuer à la meilleure connaissance mutuelle et à favoriser telle ou telle forme de coopération.

Il est donc important de renforcer les bonnes relations avec le Groupe interparlementaire Hongrie-France de l'Assemblée nationale hongroise, présidé par M. Zoltán ROCKENBAUER dont l'accueil amical a permis la présente visite d'étude.

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