L'économie russe : perspectives économiques et risque pays

Yves ZLOTOWSKI

Économiste en chef, Coface

L'environnement direct de la Russie est loin d'être favorable à l'aube de l'année 2012. En tout état de cause, ce pays - comme les autres États du globe, d'ailleurs - n'est pas immunisé contre les chocs externes. Or, la croissance mondiale devrait se ralentir en 2012, même si ce ralentissement devrait être moins important qu'en 2009. La zone euro devrait ainsi se trouver en situation de récession légère, ce qui devrait avoir un impact sur la Russie, même si celle-ci devrait plutôt bien résister. Si la récession devait être plus grave encore en zone euro, l'économie russe en pâtirait, compte tenu des liens étroits qu'elle entretient avec l'économie des pays de l'Union.

L'Allemagne, qui est le premier partenaire de la Russie, devrait être en croissance de 0,7 % seulement, contre 3 % cette année. En 2009, la récession a été colossale en Russie, de l'ordre de 8 %. Le pays était alors en surchauffe, ce qui explique l'ampleur de cette correction. Or, la situation est très différente à l'heure actuelle puisque la Russie affiche un taux de croissance de 4 % seulement.

La Russie résiste bien car la consommation des ménages représentent environ 60 % du PIB. Les Russes achètent, et en masse, ce qui tire l'activité vers le haut. Ceci est possible car les revenus des Russes ont beaucoup augmenté, au cours des dernières années. Pour autant, une étude récente a démontré que la hausse de la consommation est moins due aux hausses de revenus qu'au très faible taux de chômage enregistré dans ce pays. Les entreprises ont préféré garder leurs salariés, quitte à ne pas les payer durant les périodes difficiles, et ce durant plusieurs années. En 2009, cette tendance s'est infléchie. Des entreprises se sont en effet trouvées contraintes de procéder à des licenciements, ce qui provoqué un choc dans l'opinion, laquelle était habituée à l'emploi à vie, hérité de l'Union soviétique. Depuis lors, les Russes ont pris conscience qu'ils pouvaient se retrouver au chômage en cas de crise. Dans un tel contexte, la croissance russe est devenue plus raisonnable que par le passé et reflète dorénavant davantage la réalité.

Le crédit bancaire est reparti à la hausse, ce qu'il convient de saluer, en dépit d'un certain climat de défiance à l'encontre du secteur bancaire dans le pays. Les banques russes devraient faire montre d'une plus grande prudence, à l'avenir, et le crédit devrait un peu ralentir dans les prochaines années.

L'investissement, même s'il continue à croître fortement, reste insuffisant en Russie comparé à la croissance du PIB, d'une part, et au volume considérable des investissements sur le sol chinois, d'autre part. Le stock de crédits est très faible, par rapport à la moyenne asiatique. La réforme des banques privées est essentielle en Russie, pour booster la croissance.

Le climat des affaires continue en outre à poser problème ; investir en Russie constitue un pari sur l'avenir et on constate une certaine réticence des acteurs russes à investir, ce qui a un impact direct sur la croissance.

Sur un plan financier, la Russie reste très solide. Il faut un prix du baril à 112 dollars pour équilibrer les finances publiques russes, qui sont plus vulnérables que par le passé au cours du pétrole. Or, les dépenses publiques en Russie ont explosé, au cours des dernières années, puisqu'elles ont pris 10 points de PIB en l'espace de quatre ans seulement.

Le niveau d'endettement public des Russes est très faible, ce qui constitue un point positif. L'Etat russe a les moyens d'amortir les chocs à venir et il le fera compte tenu de la période électorale et parce qu'il ne souhaite pas se laisser à nouveau surprendre, comme cela s'est produit en 2009.

Les sorties de capitaux privés attestent du fait que les entreprises russes, qui étaient très endettées, remboursent leurs dettes. Pour autant, nous constatons un niveau record de sorties de capitaux, ce qui pose la question de la possibilité d'investir les devises acquises sur place. Il conviendrait d'infléchir cette tendance, en développant le réseau de PME, en Russie, qui reste encore insuffisamment développé, contrairement à ce que nous constatons en Europe centrale, notamment.