L'économie russe à l'épreuve de la diversification, de la modernisation et de l'ouverture
Philippe BAUDRY
Ministre Conseiller pour les affaires économiques et financières,
Chef des services économiques pour la CEI
Je souhaiterais vous donner quelques informations sur les caractéristiques structurelles de l'économie russe, en complément des éléments conjoncturels que vous a donnés Yves Zlotowski.
I. Le défi de la diversification et de la modernisation
La Russie est le premier producteur mondial de pétrole aujourd'hui, et le deuxième producteur de gaz. Elle a été récemment dépassée par les États-Unis. Un quart du PIB russe dépend directement du secteur gazier. Les hydrocarbures représentent 46 % des recettes budgétaires et 70 % des exportations de biens ; les céréales, le bois et le diamant constituent également des richesses en Russie, dont l'économie est par conséquent fortement dépendante des variations du cours des matières premières.
En dépit du poids des secteurs spatial et nucléaire, de l'armement et de la métallurgie, les exportations de matières premières représentent 80 % des exportations du pays.
Les besoins de modernisation sont importants, tant dans le secteur des transports que pour les services urbains, et le Président Medvedev a d'ailleurs indiqué que la modernisation était une question de survie pour son pays. Or, les investissements sont insuffisants et déséquilibrés, qu'il s'agisse des investissements russes ou des investissements étrangers, même si un certain nombre d'avancées ont d'ores et déjà été enregistrées sur le sol russe, grâce à l'aide de la France, notamment.
Le projet Skolkovo vise ainsi à créer une « inograd » ou ville de l'innovation, dans la banlieue de Moscou.
Le développement du projet de Moscou Place Financière Internationale s'est quant à lui déjà traduit par le renforcement des infrastructures des marchés financiers, avec la fusion des bourses de Moscou et des avancées législatives majeures. Le Fonds russe des investissements directs a en outre été créé en avril 2011.
Un ambitieux programme de privatisations a été lancé il y a un an, avec pour objectif de moderniser le pays, grâce notamment à l'amélioration de la gouvernance en entreprises.
La France accompagne la transformation de l'économie russe, via la mise en place d'un partenariat pour la modernisation, en décembre 2010. Nombre de projets sont ainsi mis en oeuvre, dans les secteurs des hydrocarbures, de l'aéronautique civile, de l'automobile, de l'efficacité énergétique, des infrastructures et de la santé.
Les avancées sont toutefois encore limitées car l'Etat actionnaire continue à jouer un rôle majeur dans les secteurs gazier et pétrolier. La politique industrielle continue ainsi à favoriser les grands groupes russes et la lutte contre la corruption n'a pas été tout à fait à la hauteur des espérances.
II. L'adhésion à l'OMC, facteur de modernisation de l'environnement des affaires et de l'industrie
Depuis l'adhésion de la Chine à l'OMC en 2011, la Russie est le dernier grand pays non membre de cette organisation. Ceci ne devrait plus durer très longtemps, toutefois, puisque la question de cette adhésion devrait être au centre des débats de l'Assemblée générale de l'OMC qui se tient aujourd'hui même à Genève.
Ce processus d'adhésion à l'OMC, suspendu en amont à une modernisation de la législation russe, faciliterait, à n'en pas douter, le règlement des litiges.
Pour l'heure, la Russie a obtenu des dérogations de trois à sept ans aux règles de l'OMC, dans le secteur de l'automobile et de l'agriculture, notamment. Néanmoins, à l'issue de cette période transitoire, les droits de douane sur les produits manufacturés devraient croître.
III. L'union douanière ou l'ouverture régionale ?
La Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie forment une union douanière depuis 2010. Et le 18 novembre dernier, une nouvelle étape a été franchie dans cette coopération puisque ces trois partenaires ont signé un traité pour la création d'un espace économique commun d'ici au 1 er janvier 2015. Depuis lors, le Kirghizstan a manifesté son souhait de rejoindre cette union. Pour autant, la Russie a maintenu son intention de rejoindre l'OMC dans les prochains mois.
Les outils pour faire de l'économie russe une économie moderne, diversifiée et ouverte, sont de plusieurs types. Il faudrait notamment :
• améliorer le climat des affaires en favorisant la création de PME ;
• attirer d'avantage d'IDE ;
• développer encore le capital humain ;
• adhérer rapidement à l'OMC ;
• favoriser les exportations industrielles.
Sur tous ces points, la région de Kalouga a joué un rôle précurseur, comme nous allons le voir dans le cadre de la prochaine table ronde.