ASEAN : un dynamisme retrouvé

Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande,

Brunei, Viêt Nam, Birmanie, Laos et Cambodge

Actes du colloque SÉNAT-UBIFRANCE

Jeudi 4 novembre 2004

Sous le haut patronage de Christian PONCELET, Président du Sénat

et sous l'égide des Groupes interparlementaires

France-Asie du Sud-Est, France-Cambodge et Laos

France-Viêt Nam

En présence de :

- Patrick BERRON, Chef de la Mission économique en Indonésie

- Reynold de la BOUTETIÈRE, Conseiller financier, Mission économique

à Singapour

- Jacques TORREGROSSA, Chef des Missions économiques en Thaïlande

et au Laos

- Worapot MANUPIPATPONG, représentant du Secrétariat général de

l'ASEAN

- et des représentants de la communauté d'affaires française dans les pays

de l'ASEAN

Ouverture

Michel GUERRY, représentant de Christian PONCELET, Président du Sénat

Madame et Messieurs les Présidents,

Messieurs les ambassadeurs,

Chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est particulièrement honoré d'accueillir aujourd'hui ce colloque économique consacré à l'Association des Nations du Sud-Est asiatique, plus connue sous l'abréviation ASEAN. Je remercie, à cette occasion, le représentant du secrétaire général de l'ASEAN, qui est venu spécialement au Sénat pour nous honorer de sa présence et participer à nos travaux.

Cette association, vous le savez, regroupe dix pays avec lesquels la France entretient les meilleures relations, d'autant que plusieurs d'entre eux sont aussi membres de l'organisation internationale de la Francophonie. Avant d'aborder le thème de notre rencontre, je voudrais redire l'importance que j'accorde à ces colloques qui, à leur échelle, sont des instruments de promotion de nos exportations et des investissements français à l'étranger.

Or le Sénat est très attentif à tout ce qui peut asseoir et renforcer la présence française dans le monde, y compris, bien entendu, au plan économique. C'est pourquoi je me félicite de notre efficace collaboration avec UBIFRANCE, ex-Centre français du Commerce extérieur, et l'Agence française pour le développement international des entreprises - dont je tiens à saluer la sympathique équipe, présente dans cette salle.

Pour en revenir à l'ASEAN, on entend ou on lit, çà et là, des commentaires contradictoires qui, à bien des égards, me rappellent un peu ceux qu'inspire le Sénat. Selon certains observateurs, l'ASEAN traverserait une crise existentielle interne pouvant, à la longue, aller jusqu'à faire douter de son utilité. Cette organisation, déjà ancienne dans un monde où tout évolue très vite, aurait perdu aujourd'hui de sa représentativité. Repliée sur elle-même, elle n'aurait pas su accompagner les évolutions intervenues depuis sa fondation, il y a maintenant presque quarante ans...

Pour d'autres, au contraire, l'ASEAN, tout en préservant son originalité, a su se réformer de l'intérieur et fait preuve, aujourd'hui, d'un réel dynamisme qui, dans l'ensemble, lui a permis de surmonter le choc économique majeur qui a frappé l'Asie dans les années 97-98. Permettez-moi de prolonger la comparaison : il faut bien admettre que l'ASEAN - comme le Sénat - n'est pas encore toujours bien connue du public français, même si, pour ce qui nous concerne, les choses avancent heureusement dans un sens favorable.

Une des raisons du déficit d'image dont l'ASEAN pâtit dans les milieux économiques français tient en grande part à ce que nos entreprises y sont encore largement sous-représentées et ne perçoivent donc qu'imparfaitement toutes les opportunités d'affaires que cette région pourrait leur offrir.

Je n'aborderai pas, ce matin, la délicate question de la montée du fondamentalisme musulman dans plusieurs pays de l'ASEAN - on songe immédiatement aux attentats terroristes qui ont marqué ces dernières années l'actualité en Indonésie, en Thaïlande, en Malaisie ou encore aux Philippines. Je sais que les Gouvernements du Sud-Est asiatique luttent avec détermination contre ces tentatives de déstabilisation, dont les retombées économiques, pour le moment, demeurent semble-t-il assez faibles : nous nous en réjouissons tous.

Pour m'en tenir au thème central de ce colloque, « l'ASEAN, un dynamisme retrouvé », je crois préférable, en premier lieu, d'insister sur une vérité d'évidence, que le morcellement géographique de ces pays ferait parfois oublier : à lui seul, l'espace ASEAN représente un très vaste marché, dont la population totale - 550 millions d'habitants - est supérieure à celle de l'Union européenne à vingt-cinq.

Sans entrer trop avant dans le détail des données macroéconomiques - je laisse ce soin aux orateurs qui vont se succéder toute la journée à cette tribune - il faut constater qu'avec un PIB total d'environ 700 milliards de dollars et des taux moyens de croissance supérieurs à 5 %, ce grand marché est aussi un marché attractif. La main-d'oeuvre, beaucoup moins chère qu'en Europe, y est bien formée, et dispose déjà d'un pouvoir d'achat suffisant pour absorber sur place des produits à forte valeur ajoutée.

Certes, la pénétration de cet immense marché peut se révéler compliquée, car en dépit de leur appartenance commune à l'ASEAN, chacun des dix pays concernés conserve des particularismes forts, peu propices à la mise en place d'une démarche d'ensemble. Il existe aussi, entre les membres de l'ASEAN, des disparités économiques sensibles, notamment en matière de rémunérations ou de productivité du travail. Pour ne citer qu'un exemple, le même cadre d'une même banque percevra un salaire d'environ 500 dollars US s'il travaille en Indonésie et de plus de 4 000 dollars à Singapour, soit un écart de un à huit !

Cette diversité a bien été mise en évidence lors du sixième Forum ASEAN réuni à Bangkok au mois de mars dernier, à l'initiative, notamment, du MEDEF International, de notre mission économique et du Comité national des Conseillers du commerce extérieur, dont je salue au passage l'activité, la productivité et l'efficacité au service des intérêts de la France.

Les pays réunis au sein de l'ASEAN dessinent en fait plusieurs « sous-espaces régionaux » que les entreprises françaises doivent connaître et domestiquer si elles veulent y être efficaces. L'approche sous-régionale impose une stratégie « à géométrie variable », avec une bonne prise en compte des différences, au sein du même ensemble, entre les législations, entre les pratiques commerciales et, finalement, entre les cultures. Mais passé cet obstacle, les opérateurs économiques sont assurés de trouver, dans chacun des Etats concernés, des conditions très favorables à la réalisation de leurs projets. Parmi les sous-espaces qui retiennent particulièrement l'attention, je citerai l'axe Thaïlande-Birmanie-Laos qui constitue une plateforme de premier ordre pour s'implanter en Asie.

Car c'est évidemment le deuxième intérêt majeur de l'implantation en Asie du Sud-Est : les relations d'affaires nouées dans l'espace ASEAN sont du même coup une passerelle privilégiée vers l'immense marché chinois, avec lequel plusieurs pays de la région entretiennent un volume d'échanges chaque jour plus important.

On objectera que certains économistes ne partagent pas pleinement cette analyse optimiste et craignent plutôt que la production chinoise submerge le marché sud-asiatique, au détriment des autres entreprises étrangères.

Pour le moment, leur crainte n'est pas avérée et l'examen des balances de paiement montre au contraire que l'ASEAN est largement bénéficiaire dans ses échanges avec la Chine.

En outre, les pays de l'ASEAN se positionnent de préférence sur des productions à haute valeur ajoutée, là où la Chine aura longtemps du mal à les concurrencer. Dans ces secteurs, les entreprises françaises ont une carte à jouer et ont donc tout intérêt à développer des partenariats avec leurs homologues du Sud-Est asiatique.

La compétition sera sans doute serrée - d'ailleurs moins avec les entreprises des Etats-tiers qu'avec celles de nos partenaires de l'Union européenne. Car la vérité force à reconnaître que dans bien des domaines, les sociétés allemandes ou britanniques ont été plus réactives que les nôtres.

Mais la partie n'est ni jouée, ni perdue d'avance : les intervenants de ce colloque, j'en suis certain, sauront vous en convaincre !

Soyez assurés du soutien du Sénat et, notamment de nos trois groupes interparlementaires pour cette région du monde (France-Asie du Sud-Est, France-Cambodge et Laos et France-Vietnam).

A tous, je souhaite de bons travaux, en espérant que vous garderez un excellent souvenir de votre passage au Sénat et que vous y reviendrez.

Agnès GABORIT, UBIFRANCE

On parle beaucoup, depuis quelques années, de la Chine et de l'Inde. Nous sommes néanmoins persuadés qu'il ne faut pas délaisser la région du Sud-Est asiatique qui totalise, comme vous l'avez souligné, 550 millions d'habitants, soit sensiblement plus que l'Union européenne. Je rappelle que l'ASEAN a été fondée au mois d'août 1967 et regroupe aujourd'hui dix pays, radicalement différents par leur taille géographique, l'importance de leur population ainsi que leur régime économique et politique.

Les pays de l'ASEAN ont été durement touchés par la crise asiatique et ont dû faire face à de sérieuses secousses politiques après 1998. En 1992, l'ASEAN s'est engagée dans un processus de libéralisation commerciale, avec pour objectif d'aboutir en 2010 à tous les droits de douane entre les pays participants. Enfin, je n'aborderai pas le vaste sujet de l'intégration régionale, qui sera largement abordé au cours du colloque. La question consistera notamment à savoir si la Chine se place comme un concurrent ou comme une opportunité pour les membres de l'ASEAN.

Françoise CROUIGNEAU, rédactrice en chef International, Les Echos

L'ASEAN est assez méconnue et cela est injuste, car elle est un élément clé d'une des régions les plus prometteuses de la planète. Dans le même temps, il est vrai que l'ASEAN constitue un ensemble très hétéroclite, qui demeure un « poids plume » dans une région poids lourd, certes dominée par le géant chinois, mais aussi par le Japon que l'on tend à redécouvrir actuellement. L'ASEAN se veut plus qu'une association : elle rêve de zones de libre-échange, de marchés communs.

Nous découvrirons sans doute ses faiblesses tout au long de la matinée, ainsi que ses atouts, qui sont de taille.

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