Colloque sur les Pays du Golfe


Le marché des hydrocarbures, pétrole et gaz

Saïd NACHET

Chargé des questions énergétiques pour la zone Moyen-Orient
Mission économique en Arabie Saoudite
I. Le marché pétrolier international
1. Les raisons de la tension actuelle

Le marché pétrolier est actuellement marqué par une forte tension sur les cours. Depuis 1998, où le prix du baril de pétrole a chuté à 12 dollars le baril, celui-ci n'a cessé de croître pour atteindre près de 38 dollars. Cette tendance à la hausse est venue contrebalancer la tendance baissière connue depuis la première guerre du Golfe.

La tension actuelle résulte de plusieurs causes :

· Une forte demande de pétrole, notamment en Chine, au Moyen-Orient et aux Etats-Unis

La demande, notamment celle des pays hors OCDE, progresse de manière continue. La Chine, dont la croissance est tirée par l'industrie, le BTP et les transports, absorbe à elle seule une part majeure de la demande additionnelle. Cette tendance devrait rester soutenue et la part de la Chine dans la demande mondiale devrait atteindre 10 % à l'horizon 2010 contre 5 % aujourd'hui.

· La faiblesse des stocks de pétrole

Les stocks américains de pétrole (hors réserves stratégiques) se trouvent en deçà des minima historiques. Cette situation tient à l'attitude des raffineurs, qui travaillent de plus en plus en flux tendu, et à la politique de régulation de l'OPEP, qui a permis de restreindre la production et d'éviter la reconstitution des stocks.

· Les difficultés d'approvisionnement en essence au Etats-Unis

Les marges de raffinage ont atteint aux Etats-Unis un niveau très élevé, l'essence devant répondre à des contraintes environnementales de plus en plus fortes. La demande est également très importante à l'approche des vacances d'été ( driving season).

· Les tensions au Moyen-Orient et dans d'autres pays producteurs (Venezuela, Nigeria...)

Il existe des facteurs de risque importants. La situation en Iraq est loin d'être sécurisée, les installations pétrolières étant menacées d'attentats. Les attentats en Arabie Saoudite ont également contribué à accroître la tension sur le marché, sans parler de pays comme le Venezuela ou le Nigeria, où la situation reste extrêmement tendue.

· Une forte spéculation sur les marchés financiers dérivés

2. Les perspectives à court et moyen terme

Il existe pour 2004 plusieurs facteurs haussiers :

· une demande plus vigoureuse que prévu (+1,7 million de barils par jour) ;

· la persistance des difficultés d'approvisionnement en essence aux Etats-Unis ;

· les incertitudes liées à la situation géopolitique dans les pays exportateurs (Iraq, Nigeria, Venezuela, Arabie Saoudite).

Mais il existe également des facteurs baissiers :

· une moindre discipline de l'OPEP en cas de repli du marché ;

· une plus forte progression de l'offre pétrolière russe, pour n'en citer que quelques-uns.

Au total, les prévisions sont divergentes mais prévoient toutes un prix du baril supérieur à 30 dollars. S'agissant des conséquences pour les pays producteurs, il est clair que grâce aux prix actuels, l'ensemble des pays de la zone se trouve dans une situation confortable.

II. Le marché du gaz naturel

La demande de gaz est en croissance dans les principales zones de consommations (Etats-Unis, Europe et Extrême-Orient). Etant donné l'éloignement des sources d'approvisionnement, le recours aux importations, notamment sous forme de GNL, ira sans doute croissant.

Par le jeu de l'indexation, le prix du pétrole entraîne à la hausse le prix du gaz naturel. La demande de GNL des Etats-Unis, conjuguée à un essoufflement progressif de la production domestique, devrait progresser fortement.

III. Le marché de l'énergie

D'une manière générale, le niveau d'intégration économique du secteur de l'énergie est très faible. Les complémentarités entre pays du Golfe semblent évidentes et l'on peut imaginer qu'un commerce interrégional serait bénéfique à l'ensemble des pays. Malheureusement, pour des raisons historiques, cette complémentarité n'est pas toujours mise en oeuvre, même s'il existe des projets dans le secteur électrique.

IV. Conclusion

La production d'hydrocarbures des pays du Golfe devrait connaître une forte croissance, mais celle-ci ne suffira pas à créer les emplois dont ces pays ont besoin. De plus, la conjoncture actuelle du marché pétrolier ne risque pas d'encourager la diversification de leur économie. De la même manière, les réformes entreprises ces dernières années ne sont pas servies par l'évolution du cours du baril : il risque en effet d'être difficile de les faire accepter par la population si la situation budgétaire de ces pays est bonne.

Jacques de LAJUGIE

C'est précisément pour cette raison que les Emirats Arabes Unis ont renoncé à leur récente réforme fiscale. Je précise par ailleurs que, pour stabiliser le chômage dans les pays du Golfe, il faudrait que la croissance de leur économie hors hydrocarbures dépasse 5 % par an. Je pense par ailleurs que les facteurs haussiers sont plus importants que les facteurs baissiers et que le poids relatif de l'OPEP sur le marché devrait redevenir ce qu'il était dans les années 70.

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