SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (juin 2004)

ESPAGNE

Considéré comme particulièrement archaïque - la plupart des dispositions applicables remontent au XIX e siècle - et rendu complexe par la multiplicité des normes, le droit des procédures collectives a été réformé par la loi 22/2003 du 9 juillet 2003, dite loi de concurso , le concurso désignant le rassemblement des créanciers sur les biens d'un débiteur commun.

La nouvelle loi entrera en vigueur le 1 er septembre 2004 . Elle remplace les actuelles procédures de faillite et de suspension des paiements par une procédure unique applicable à tout débiteur et qui aboutit en principe à un concordat entre le débiteur et les créanciers, car la liquidation judiciaire constitue seulement une solution subsidiaire.

La suspension des paiements, qui paralyse les actions individuelles de recouvrement afin de permettre au débiteur de négocier un accord avec ses créanciers et de poursuivre l'activité de l'entreprise, ne remplit pas son rôle : dans la plupart des cas, elle est devenue le prélude de la faillite.

En revanche, la nouvelle loi, bien qu'elle se fixe pour objectif essentiel la satisfaction des créanciers , s'efforce de favoriser la sauvegarde des entreprises. Elle comporte donc plusieurs mesures qui devraient encourager les débiteurs à demander rapidement l'ouverture de la procédure, et ses dispositions relatives au concordat se caractérisent par une grande souplesse, ce qui devrait constituer une forte incitation à la négociation.

Le texte ci-dessous analyse uniquement les dispositions de la loi 22/2003.

1) Les critères de déclenchement des procédures collectives

La procédure s'ouvre par une demande de déclaration de concurso , qui peut être présentée au tribunal par le débiteur ou par n'importe quel créancier . Dans le premier cas, la procédure est dite volontaire. Dans le second, elle est obligatoire.

a) La procédure volontaire

Le débiteur doit justifier son endettement et son insolvabilité , qui peut être actuelle ou imminente .

D'après la loi, le débiteur qui ne peut régler de manière régulière ses dettes exigibles se trouve en état d'insolvabilité, tandis que l'insolvabilité imminente caractérise la situation du débiteur qui prévoit qu'il ne pourra satisfaire ponctuellement et régulièrement à ses obligations.

Le débiteur est obligé de demander l'ouverture de la procédure dans les deux mois qui suivent le moment où il prend connaissance de son insolvabilité. De plus, il est présumé être au courant de cet état dès la survenance de l'un des faits susceptibles de justifier une demande d'ouverture par un créancier. Le débiteur qui ne respecte pas ses obligations peut être déclaré incapable d'exercer des fonctions d'administration pendant une période comprise entre deux et quinze ans.

b) La procédure obligatoire

Le créancier doit fonder sa demande sur l'un des faits suivants , a priori révélateurs d'un état d'insolvabilité :

- échec d'une tentative de récupération d'un bien fondée sur un titre exécutoire ;

- suspension générale des paiements courants ;

- existence de saisies sur l'ensemble du patrimoine du débiteur ;

- banqueroute frauduleuse ou liquidation précipitée des biens par le débiteur ;

- manquement généralisé à certaines obligations comme le paiement des impôts, des charges sociales ou des salaires.

2) Les principales caractéristiques du concordat

a) La suspension immédiate des poursuites

La déclaration de concurso , prononcée par le tribunal en principe le même jour que la demande, entraîne la suspension de toutes les voies d'exécution jusqu'à l'approbation du concordat ou jusqu'à l'ouverture de la liquidation. Si la procédure n'est pas ouverte immédiatement, le tribunal prend des mesures conservatoires visant à geler l'actif du débiteur, parmi lesquelles la suspension des poursuites.

La durée de la suspension ne peut pas excéder un an à compter de l'ouverture de la procédure.

b) L'administration par le débiteur

Si la procédure est ouverte à la demande du débiteur, ce dernier conserve l'administration de l'entreprise. Il l'exerce sous le contrôle du collège syndical, qui a la possibilité de considérer comme nuls les actes du débiteur réalisés sans son autorisation. Si la procédure est ouverte à la demande d'un créancier, le débiteur est dessaisi et le collège syndical se substitue à lui.

Cependant, le juge peut décider d'adapter cette règle générale en fonction des circonstances. Sa décision doit alors être motivée. Il peut également dessaisir le débiteur de la gestion de l'entreprise ou, au contraire, la lui rendre à la demande du collège syndical.

Le collège syndical est nommé par le tribunal après que celui-ci a décidé l'ouverture de la procédure. Il se compose d'un avocat, d'un commissaire aux comptes et d'un représentant des créanciers. Qu'il se substitue ou non au débiteur dans l'administration de l'entreprise, le collège syndical est chargé de faire l'inventaire des actifs, d'établir la liste des créanciers et de présenter au juge un rapport sur la situation de l'entreprise dans les deux mois, ce délai pouvant être prolongé d'un mois par le juge.

c) Le concordat

D'après la loi, le concordat constitue la solution normale des problèmes d'insolvabilité, et la liquidation la solution subsidiaire. En effet, à tout moment, il est possible de passer de la procédure du concordat à celle de la liquidation : si aucune proposition de concordat n'est élaborée, si la proposition ne recueille pas la majorité requise ou si le concordat se révèle impossible à mettre en oeuvre.


L'initiative du concordat

Elle appartient au débiteur et aux créanciers . Pour proposer un concordat, ces derniers doivent représenter au moins 20 % du montant des créances. Les propositions de concordat sont recevables dès que le délai pour la déclaration des créances est écoulé.

Après la publication du rapport du collège syndical et en l'absence de contestation de ce document, la phase du concordat est ouverte par décision du juge. Une assemblée des créanciers est alors convoquée.

Afin d'accélérer le déroulement de la procédure, la loi offre au débiteur la faculté de proposer un concordat de façon anticipée : à partir du moment où il demande l'ouverture de la procédure ou, en cas de procédure obligatoire, à compter de la déclaration de concurso .


Le contenu du concordat

Il est encadré par la loi . Le concordat peut contenir les mesures suivantes : remise limitée à 50 % sur les créances ordinaires, moratoire d'au plus cinq ans, combinaison de ces deux dispositions, conversion des créances en titres de propriété, voire cession, partielle ou totale, de l'entreprise. Le juge peut toutefois autoriser des dérogations à ces règles générales, notamment lorsque l'enjeu est particulièrement important sur le plan économique.

Le concordat doit également contenir un plan de financement ainsi qu'un programme mettant en évidence la viabilité de l'entreprise.


L'adoption du concordat

Pour accélérer le déroulement de la procédure, la loi prévoit la possibilité d'adopter le concordat à différents stades de la procédure, et notamment avant l'ouverture de la phase du concordat.

En effet, si le concordat est présenté de façon anticipée, son adoption ne requiert pas la réunion de l'assemblée des créanciers, car ces derniers se prononcent par écrit, après que le collège syndical a évalué la proposition et que le juge l'a approuvée. L'approbation du concordat est subordonnée à l'adhésion des détenteurs de la moitié du montant des créances ordinaires , les créanciers subordonnés n'ayant pas le droit de vote. Les créances privilégiées dont les titulaires votent pour la proposition sont considérées comme incluses dans les créances ordinaires.

Les créances ordinaires peuvent se définir comme les créances qui ne sont ni privilégiées ni subordonnées. La loi distingue deux catégories de créances privilégiées : les créances privilégiées spéciales , qui sont garanties par une sûreté ad hoc (hypothèque, gage, antichrèse...), et les créances privilégiées générales , détenues par le fisc et les organismes sociaux (à hauteur de la moitié de leur montant) ainsi que par les salariés (dans la limite du double du salaire minimum pour les 30 jours précédant l'ouverture de la procédure). Les créances subordonnées sont essentiellement les créances tardives, celles qui ont un caractère accessoire, punitif (amendes et intérêts de retard) ou personnel (détenues par les associés, les liquidateurs...).

Sinon, le concordat est adopté par l'assemblée des créanciers à la majorité de la moitié du montant des créances ordinaires. En cas de concours de propositions, l'assemblée se prononce d'abord sur la proposition du débiteur, puis sur celles des créanciers, en commençant par celles sont signées par les titulaires des créances les plus importantes. Une majorité relative suffit lorsque le concordat prévoit le règlement total des créances ordinaires dans un délai de trois ans ou le règlement immédiat des dettes déjà échues avec une remise inférieure à 20 %. Après avoir été approuvé par les créanciers, le concordat doit être homologué par le juge.


L'exécution du concordat

Une fois adopté et en l'absence de recours, le concordat s'impose, sauf aux créanciers privilégiés qui ne l'ont pas approuvé et qui peuvent obtenir le règlement séparé de leurs créances.

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En principe, la nouvelle procédure devrait être plus rapide que les anciennes : alors qu'une faillite dure en règle générale entre deux et deux ans et demi, et une suspension des paiements environ dix-huit mois, il est prévu que le concurso dure environ six ou douze mois selon que le concordat fait ou non suite à une proposition anticipée. Ce raccourcissement est considéré comme un facteur supplémentaire en faveur de la sauvegarde des entreprises.

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