SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (juin 2004)

CANADA

Les questions d'insolvabilité relèvent de la compétence fédérale et sont essentiellement réglées par trois lois : la loi sur la faillite et l'insolvabilité, la loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la loi sur la liquidation et la restructuration, le champ d'application de cette dernière étant limité, notamment aux établissements financiers et aux sociétés de chemins de fer.

La loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), qui détermine le cadre dans lequel les entreprises les plus importantes négocient un plan de restructuration avec les créanciers, est souvent considérée comme la version canadienne du chapitre 11.

La loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI), applicable à toutes les entreprises et utilisée pour organiser la liquidation, comporte également des dispositions sur le redressement.

La LFI et la LACC permettent donc d'atteindre le même objectif, la sauvegarde de l'entreprise, mais de façon différente. Contrairement à la LFI, très complète et très détaillée, la LACC constitue un cadre très souple et donne aux tribunaux un fort pouvoir d'appréciation.

Le texte ci-dessous analyse donc les procédures de redressement prévues par la LFI et la LACC.

1) Les critères de déclenchement des procédures collectives

L'évolution législative explique l'existence de deux lois comportant des dispositions relatives à la réorganisation des entreprises : la LFI, accessible à toutes les entreprises, et la LACC, réservée aux plus importantes. Les distinctions initiales entre les deux lois ont été effacées par les réformes successives , de sorte que c'est en général le débiteur qui choisit la loi dont il se prévaut pour réorganiser son entreprise lorsque le niveau des dettes est important.

La LFI tire son origine de la loi sur la faillite de 1919, qui prévoyait la réorganisation pour les seules entreprises en faillite. En 1933, pendant la Grande crise, la LACC a été introduite pour permettre aux entreprises insolvables, mais pas en faillite et donc incapables de se prévaloir de la LFI, de se réorganiser. La LFI a été profondément réformée en 1949, 1992 et 1997 et la LACC, peu utilisée jusqu'au début des années 80, a été révisée en 1997, si bien que les deux textes peuvent être utilisés dans les mêmes circonstances. Cette évolution a suscité de nombreuses réflexions sur l'intégration de la LACC à la LFI.

a) La LACC

Grâce à la LACC, une entreprise insolvable, en faillite ou en voie de liquidation peut demander à un tribunal de prendre une ordonnance suspendant toutes les procédures intentées par les créanciers ou qui pourraient l'être pendant qu'elle négocie avec ces derniers un plan de restructuration ou de réduction de ses dettes. Une entreprise qui n'est pas encore insolvable ne peut pas se prévaloir de la LACC.

Le bénéfice de la LACC est réservé aux entreprises dont les dettes dépassent 5 millions de dollars (soit un peu moins de 3 millions d'euros).

b) La LFI

La LFI comprend à la fois des dispositions relatives à la réorganisation et à la liquidation. Elle est applicable aux entreprises insolvables ou en faillite .

La réorganisation est demandée par le dépôt d'une « proposition concordataire », consistant à modifier les modalités de remboursement des dettes. Une telle proposition peut être faite par le débiteur, failli ou seulement insolvable, ou par le syndic lorsque le débiteur est failli.

D'après la LFI, une entreprise est insolvable lorsque ses obligations s'élèvent au moins à 1 000 dollars (soit environ 600 euros) et qu'elle se trouve dans l'une des trois situations suivantes :

- incapacité à honorer ses créances au fur et à mesure des échéances ;

- cessation des paiements ;

- totalité des biens insuffisante pour acquitter les obligations échues ou à échoir.

2) Les principales caractéristiques de l'arrangement avec les créanciers des compagnies et de la proposition concordataire

a) La suspension immédiate des poursuites

La LACC

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La LFI

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La suspension des poursuites doit être demandée au tribunal , qui l'accorde ou non en fonction des circonstances. Pour que le tribunal puisse vérifier que l'entreprise a la capacité de poursuivre son activité pendant la période de suspension, la demande doit être accompagnée d'un état d'évolution de la trésorerie et des documents financiers les plus récents.

En règle générale, la suspension des poursuites est octroyée pour permettre au débiteur d'établir un plan de réorganisation, mais elle est refusée lorsque le tribunal estime qu'aucun plan ne pourra être élaboré ou que l'entreprise n'a aucune chance de survie.

La durée de la suspension initialement accordée est de 30 jours . Elle peut ensuite être prolongée sans limite .

Ainsi, Air Canada, qui a demandé le 1 er avril 2003 une demande de protection en vertu de la LACC, a obtenu plusieurs prolongations. La dernière, octroyée le 21 mai 2004, protège la société jusqu'au 30 septembre 2004.

Le dépôt d'une proposition concordataire auprès d'un syndic autorisé entraîne automatiquement la suspension des poursuites, tous les créanciers étant concernés, y compris les créanciers titulaires de garanties, qui ne l'étaient pas jusqu'à la réforme de 1992.

Avant de déposer une proposition, le débiteur insolvable a, également depuis la réforme de 1992, la possibilité, s'il craint des actions en recouvrement de la part de certains créanciers, de déposer un avis d'intention de faire une proposition, qui a le même effet suspensif que la proposition elle-même. Un tel avis est également déposé auprès d'un syndic autorisé. La proposition doit être présentée dans les 30 jours suivant le dépôt de l'avis d'intention.

La durée de la suspension des poursuites est de 30 jours . Le débiteur peut en demander la prorogation. Le tribunal l'accorde s'il estime qu'un délai plus long permettra au débiteur de faire une « proposition viable » et que les créanciers ne seront pas lésés. Chacune des prorogations est limitée à 45 jours et la durée totale de la suspension est limitée à six mois .

Inversement, le tribunal peut raccourcir la durée de la période de suspension s'il estime qu'aucune proposition sérieuse et susceptible de recueillir l'assentiment des créanciers ne peut être élaborée.

b) L'administration par le débiteur

La LACC

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La LFI

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Le débiteur n'est pas dessaisi , mais un contrôleur est nommé par le tribunal. Le contrôleur surveille les affaires et les finances de l'entreprise pendant la durée de validité de l'ordonnance du tribunal. Il doit déposer au tribunal des rapports lorsqu'il remarque une dégradation de la situation, avant la tenue de l'assemblée des créanciers. De plus, il est tenu d'accomplir les opérations que le tribunal lui prescrit.

Le contrôleur n'est pas nécessairement un syndic . Il peut s'agir du comptable ou du commissaire aux comptes de l'entreprise.

Lorsque l'entreprise n'est pas encore en faillite, le débiteur n'est pas dessaisi , mais le tribunal nomme un syndic , qui surveille la marche de l'entreprise pendant la durée de la suspension des poursuites. En principe, le syndic retenu est celui qui est désigné dans la proposition.

c) Le plan de redressement

L'initiative du plan

La LACC

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La LFI

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Le plan est proposé par le débiteur .

Le plan est proposé par le débiteur. Si un avis d'intention a été déposé, le syndic qui y est désigné participe à la préparation du plan.

Le syndic soumet aux créanciers un rapport écrit dans lequel il exprime son soutien ou ses réticences envers les propositions du débiteur.

Lorsqu'il concerne une entreprise déjà en faillite, le plan peut être proposé par le syndic.

Le contenu du plan

La LACC

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La LFI

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Le plan peut concerner tout ou partie des créanciers : par exemple les seuls créanciers chirographaires ou les créanciers munis de sûreté, voire à l'intérieur d'une catégorie de créanciers uniquement certains d'entre eux.

Le plan peut concerner tout ou partie des créanciers. Le plus souvent, il s'adresse aux seuls créanciers non garantis, auxquels il est proposé de régler un certain pourcentage des créances.

L'adoption du plan

La LACC

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La LFI

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Seuls, les créanciers concernés par le plan votent . Les propositions relatives à une catégorie sont adoptées si elles recueillent l'adhésion de la majorité des créanciers représentant les deux tiers de la valeur des créances. Avant la réforme de 1997, une majorité des trois quarts était requise.

Le plan doit ensuite être homologué par le tribunal.

Les créanciers sont appelés à se prononcer sur la proposition dans les 21 jours qui suivent le dépôt de celle-ci. Ils votent par catégorie. En règle générale, les créanciers non garantis constituent une seule catégorie, tandis que les créanciers garantis sont répartis en plusieurs catégories présentant un intérêt commun. La loi prévoit plusieurs critères susceptibles de justifier la création de catégories distinctes (nature de la créance, nature de la garantie, recours ouverts aux créanciers en l'absence de proposition...).

Le plan est adopté s'il est approuvé par la majorité des créanciers non garantis représentant les deux tiers des créances non garanties . Le vote des créanciers garantis est sans effet sur l'adoption du plan.

Les créanciers peuvent subordonner leur approbation à des dispositions sur la surveillance des affaires du débiteur, en particulier en nommant des inspecteurs. Ils peuvent aussi exiger des modifications du plan.

Après son adoption, le plan doit être homologué par le tribunal. La loi précise que le tribunal peut refuser son homologation en raison du caractère inéquitable du plan ou du comportement frauduleux du débiteur.

L'exécution du plan

La LACC

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La LFI

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Les propositions lient tous les créanciers auxquels elles s'appliquent, même ceux qui ont voté contre.

Le refus du plan n'entraîne pas nécessairement la mise en faillite.

Les créanciers non garantis sont liés par le plan, tandis que les créanciers garantis ne sont liés que si la catégorie à laquelle ils appartiennent a voté pour.

L'approbation d'un plan postérieur à la mise en faillite entraîne l'annulation de cette dernière et la réattribution au débiteur (ou à un tiers choisi par le tribunal) des biens qui avaient été cédés au syndic au moment de la faillite.

En revanche, le rejet d'un plan entraîne la mise en faillite ou la liquidation selon qu'il est présenté par une entreprise insolvable ou par une entreprise en faillite.

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La LACC est une loi courte et qui offre un cadre souple. Comme elle laisse une grande faculté d'appréciation aux tribunaux, elle est parfois critiquée par les créanciers, qui estiment qu'elle les laisse dans l'incertitude. En effet, à l'opposé, la procédure de la LFI est très encadrée et très surveillée et le non-respect des exigences qu'elle pose, en particulier des délais, entraîne automatiquement la mise en faillite.

En 2002, c'est-à-dire cinq ans après leur révision, la LACC et la LIF ont été évaluées et il a été décidé de conserver deux textes distincts, le premier étant considéré comme particulièrement adapté aux grandes entreprises, L'efficacité de la LACC, qui permet d'obtenir une réorganisation dans le délai moyen de six mois, avait alors été soulignée.

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