SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (juillet 2004)

CANADA (QUÉBEC)

La Constitution confie l'administration de la justice aux provinces, qui sont donc compétentes pour organiser l'aide juridique . Cependant, depuis 1972, le gouvernement fédéral participe au financement de l'aide juridique , notamment à cause de la disposition de la Charte canadienne des droits et libertés selon laquelle : « Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention [...] d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit [...] ».

Au Québec, la loi de 1972 sur l'aide juridique est entrée en vigueur en juin 1973 . Elle permet aux personnes à faibles revenus de se défendre et de faire valoir leurs droits devant les juridictions civiles et pénales, mais seulement pour certaines affaires. Dans le cadre de l'aide juridique, il est également possible d'obtenir des consultations juridiques , ainsi que l'assistance d'un avocat ou d'un notaire pour la rédaction d'un acte juridique.

La profonde réforme de 1996 a notamment modifié les critères d'admissibilité économique à cette aide, qui sont précisés dans le règlement sur l'aide juridique de 1996.

Le ministère de la Justice québécois souhaite améliorer le régime d'aide juridique et a engagé le 3 mars 2004 une consultation publique, qui s'est achevée le 31 mai 2004 et dont les résultats vont permettre à un groupe de travail de réfléchir à la future réforme.

I. L'AIDE JURIDICTIONNELLE

1) Les bénéficiaires

a) Les conditions générales

Aucune condition d'âge ou de nationalité n'est exigée.

En matière civile, l'aide juridique présente un caractère subsidiaire : elle n'est pas accordée si les services pour lesquels elle est sollicitée peuvent être obtenus par une autre voie, par exemple si le demandeur a souscrit une assurance de protection juridique ou s'il appartient à un syndicat ou une association susceptible de prendre en charge sa défense.

b) Les conditions de ressources

Sauf en matière pénale, où chacun peut, indépendamment de sa situation financière, recourir gratuitement à l'assistance d'un avocat au moment de son arrestation ou de sa détention, l'aide juridique est en principe réservée aux personnes qui ne peuvent pas payer elle-même les frais occasionnés par un procès. À titre exceptionnel , l'aide juridique peut cependant être accordée à un justiciable qui, compte tenu de ses ressources, ne devrait pas en bénéficier, mais pour qui le fait de refuser cette aide entraînerait « un tort irréparable ».

L'aide peut être retirée si le bénéficiaire cesse de remplir les conditions requises. Le remboursement des fonds publics qui ont été consacrés à son affaire peut alors lui être demandé . C'est notamment le cas lorsque le l'intéressé obtient gain de cause et se trouve, de ce fait, dans une situation financière qui l'exclut du bénéfice de l'aide : celle-ci joue alors le rôle d'une avance .


L'aide totale

L'octroi de l'aide juridique est subordonné à une double condition de revenus et de patrimoine.

Les revenus annuels du foyer doivent être inférieurs à un plafond, qui dépend de la composition de la famille :

Composition de la famille

Revenu annuel maximal

(en dollars canadiens)

une personne seule

8 870 (soit environ 5 300 €)

un adulte et un enfant

12 500 (soit environ 7 500 €)

un adulte et deux enfants ou plus

15 000 (soit environ 9 000 €)

un couple sans enfant

12 500 (soit environ 7 500 €)

un couple et un enfant

15 000 (soit environ 9 000 €)

un couple et deux enfants ou plus

17 500 (soit environ 10 500 €)

Pour le calcul des revenus du foyer, on exclut certaines ressources, comme les prestations familiales ou les crédits d'impôt correspondant à des dépenses d'ordre familial, et l'on déduit certaines charges, comme les pensions alimentaires ou les frais de scolarité ou de garde des enfants.

Les liquidités du demandeur et celles des membres de sa famille ne doivent pas excéder :

- 2 500 dollars canadiens (soit environ 1 500 €) s'il s'agit d'une personne seule ;

- 5 000 dollars canadiens (soit environ 3 000 €) sinon.

Le patrimoine , constitué par la totalité les autres actifs possédés par le demandeur et les membres de sa famille, à l'exception des automobiles utilisées à titre personnel, des meubles et des instruments de travail, ne doit pas dépasser :

- 45 500 dollars canadiens (soit environ 28 500 €) si le requérant ou son conjoint n'est pas propriétaire de sa résidence ;

- 90 000 dollars canadiens (soit environ 54 000 €) dans le cas contraire.

Lorsqu'un litige oppose deux conjoints, seuls les revenus du demandeur sont pris en compte.

L'aide totale est également accordée aux personnes présumées disposer de ressources insuffisantes , comme les titulaires de « l'aide financière de dernier recours », qui est la prestation d'assistance versée aux personnes incapables de subvenir à leurs besoins essentiels et à ceux de leur famille.


L'aide partielle

Lorsqu'une personne ne remplit pas les critères requis pour l'attribution de l'aide totale, l'aide juridique peut être accordée moyennant le paiement d'une contribution , dans la mesure où le revenu annuel « corrigé » du foyer est inférieur à un certain montant, qui varie avec la composition de la famille.

Le revenu corrigé est calculé en additionnant :

- la totalité des revenus du foyer ;

- 10 % de la fraction du patrimoine qui dépasse le plafond admis pour l'octroi de l'aide totale ;

- la fraction des liquidités qui dépasse le plafond admis pour l'octroi de l'aide totale.

Le revenu corrigé maximal ouvrant droit à l'aide en échange d'une contribution s'établit comme suit :

Composition de la famille

Revenu annuel corrigé maximal

(en dollars canadiens)

une personne seule

12 640 (soit environ 7 600 €)

un adulte et un enfant

17 813 (soit environ 10 700 €)

un adulte et deux enfants ou plus

21 375 (soit environ 12 800 €)

un couple sans enfant

17 813 (soit environ 10 700 €)

un couple et un enfant

21 375 (soit environ 12 800 €)

un couple et deux enfants ou plus

24 938 (soit environ 15 000 €)

Le montant de la contribution dépend du revenu annuel corrigé et de la composition du foyer. Ainsi, pour une personne seule et pour un couple avec deux enfants ou plus, la contribution s'établit comme suit :

Composition de la famille

Revenu annuel corrigé

Montant de la contribution

Personne seule

de 8 871 à 9 341

100

de 9 342 à 9 812

200

de 9 813 à 10 284

300

de 10 285 à 10 755

400

de 10 756 à 11 226

500

de 11 227 à 11 697

600

de 11 698 à 12 689

700

de 12 170 à 12 640

800

Couple avec deux enfants
ou plus

de 17 501 à 18 430

100

de 18 431 à 19 359

200

de 19 360 à 20 289

300

de 20 290 à 21 219

400

de 21 220 à 22 148

500

de 22 149 à 23 078

600

de 23 079 à 24 008

700

de 24 009 à 24 938

800

2) La procédure

Le justiciable doit s'adresser au bureau d'aide juridique le plus proche de sa résidence. S'il est éligible à l'aide partielle, il doit verser une somme de 50 dollars au titre des frais administratifs. Cette somme est ensuite déduite du montant de la contribution due.

Les bureaux d'aide juridique sont créés par les centres régionaux d'aide juridique en fonction des besoins de la population. Il en existe actuellement environ 120. Les centres régionaux, au nombre de onze, sont eux-mêmes institués dans les régions déterminées par la Commission des services juridiques, en tenant compte des divisions administratives et des districts judiciaires existants.

La Commission des services juridiques a été créée par la loi sur l'aide juridique avec notamment pour mission de :

- veiller à ce que l'aide juridique soit fournie aux personnes financièrement admissibles ;

- former et développer des centres régionaux d'aide juridique ;

- veiller au financement des centres régionaux et locaux d'aide juridique.

Le dossier du demandeur est étudié par le directeur général du centre régional , qui est le seul habilité à décider de l'attribution de l'aide juridique, mais qui peut déléguer sa compétence.

L'aide juridique peut être refusée si la requête est manifestement peu fondée, si elle a peu de chances d'aboutir, si le coût est déraisonnable par rapport au profit que peut en tirer le demandeur. Elle peut également être refusée ou retirée si le justiciable refuse une proposition raisonnable permettant de régler le litige par voie extra-judiciaire.

En cas d'admissibilité, il est délivré à chaque personne à qui l'aide juridique est accordée une attestation sur laquelle sont indiqués le litige et la juridiction concernés, ainsi que la période pendant laquelle l'aide est octroyée et, le cas échéant, le montant de la contribution exigée du bénéficiaire.

En cas de refus, le demandeur a trente jours à compter de la décision pour demander une révision de cette décision à la Commission des services juridiques.

L'aide juridique n'est accordée que pour un litige et une période déterminés . Chaque recours devant une nouvelle instance, y compris en appel, doit donc faire l'objet d'une nouvelle demande d'aide juridique.

3) Le champ d'application

L'aide ne peut être attribuée que dans certains cas, précisés par la loi.


• En matière pénale, si l'on excepte l'assistance d'un avocat au moment de l'arrestation ou de la détention, l'aide juridique est essentiellement accordée lorsque l'accusé est soupçonné d'avoir commis un crime ou qu'il s'agit d'un adolescent poursuivi dans le cadre de la loi sur les jeunes contrevenants.

L'aide peut également être accordée lorsque l'une des conditions suivantes est remplie :

- l'accusé encourt une peine d'emprisonnement ;

- l'accusé risque de perdre ses moyens de subsistance ;

- l'affaire apparaît particulièrement grave ou complexe.

A contrario , la loi précise que l'aide ne peut pas être accordée pour les infractions concernant le stationnement.


• Devant les juridictions civiles, le champ de l'aide est principalement limité aux procédures relatives aux questions familiales et à la protection de la jeunesse. Elle peut cependant être allouée dans d'autres affaires, dont l'enjeu est particulièrement important pour le justiciable (risque pour sa sécurité ou son équilibre psychologique, mise en cause de ses moyens de subsistance...).

En revanche, la loi précise que l'aide n'est jamais accordée en matière de diffamation.

4) Les caractéristiques de l'aide

a) La nature de l'aide

Le bénéficiaire de l'aide juridique est dispensé, totalement ou moyennant le versement d'une contribution, du paiement des honoraires de l'avocat désigné pour sa défense, le cas échéant des frais et honoraires des huissiers et experts, ainsi que des dépens et des taxes.

b) Le choix et l'indemnisation de l'avocat

Le bénéficiaire de l'aide juridique peut choisir un avocat employé à temps plein par un centre d'aide juridique ou un avocat exerçant en cabinet privé. Toutefois, ce dernier n'a pas l'obligation d'accepter un mandat d'aide juridique.

Dans le second cas, un stagiaire travaillant sous le contrôle d'un avocat expérimenté peut traiter l'affaire. Les honoraires des avocats dont les clients bénéficient de l'aide juridique sont calculés selon les tarifs résultant de l'entente conclue entre le ministre de la Justice et le barreau du Québec du 14 décembre 2000 et ratifiée par voie réglementaire.

En matière civile, ces tarifs varient avec la valeur du litige. À titre d'exemple, les honoraires payés en cas de jugement au fond en première instance sont les suivants :

Valeur du litige

Montant des honoraires

moins de 3 000 dollars

420 $

entre 3 000 et 10 000 dollars

600 $

entre 10 000 et 25 000 dollars

840 $

entre 25 000 et 50 000 dollars

960 $

au-delà de 50 000 dollars

1 200 $

Lorsque l'enjeu est financièrement très important et que le bénéficiaire de l'aide juridique a gagné son procès, l'avocat perçoit des honoraires supplémentaires , qui sont proportionnels à la valeur du litige :

- 1 % de la fraction comprise entre 100 000 et 1 000 000 $ ;

- 0,1 % de la fraction excédant 1 000 000 $.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page