SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Juin 2005)

NOTE DE SYNTHÈSE

La plupart des mesures prises par la France pour lutter contre l'obésité enfantine ne présentent pas de caractère normatif, mais visent à modifier les habitudes alimentaires et à encourager l'activité physique.

Ainsi, le programme national nutrition-santé 2001-2005, qui met l'accent sur la nécessité d'une alimentation équilibrée pour améliorer l'état de santé de l'ensemble de la population et « interrompre l'augmentation [...] de la prévalence de l'obésité chez les enfants », promeut également l'activité physique.

Deux circulaires du ministère de l'éducation, de juin 2001 et de décembre 2003, mettent en avant le rôle de l'école, en particulier des cantines scolaires, dans la prévention des problèmes de surpoids. La première rappelle les besoins nutritionnels des jeunes ainsi que la composition des repas, tandis que la seconde insiste sur la nécessité d'une formation des enfants à la diététique.

Le programme EPODE (Ensemble, prévenons l'obésité des enfants) a été lancé en janvier 2004 dans dix villes pilotes situées dans dix régions différentes. D'une durée de cinq ans, il vise à mobiliser tous les acteurs locaux pour juguler l'obésité enfantine. Ce programme est financé en partie par des partenaires privés, parmi lesquels Nestlé et les principales sociétés d'assurances.

Les professionnels de l'alimentation ont également pris des mesures d'autodiscipline : en mars 2004, l'Association nationale des industries alimentaires a présenté neuf engagements, qui portent notamment sur la communication destinée aux enfants, le maintien de portions raisonnables et l'amélioration de l'information des consommateurs.

Dans le cadre de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, deux mesures normatives ont été adoptées pour lutter contre l'obésité enfantine .

La première, qui résulte de l'article 29 de cette loi, dispose que les messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés en faveur des « boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d'édulcorants de synthèse et de produits alimentaires manufacturés [...] doivent contenir une information à caractère sanitaire » et soumet les actions de promotion de ces produits à la même obligation. Elle prévoit que les annonceurs peuvent se dispenser de cette obligation en versant à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé une contribution égale à 1,5 % du montant annuel des sommes consacrées à la publicité et à la promotion des produits concernés. Cette mesure, dont l'application requiert un décret, devrait entrer en vigueur au plus tard le 1 er janvier 2006.

La seconde, issue de l'article 30 de la même loi, interdit les « distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants et accessibles aux élèves » dans les établissements scolaires à compter du 1 er septembre 2005. Cette disposition s'applique en particulier aux distributeurs de barres chocolatées et de boissons gazeuses, le ministère de la santé ayant précisé que l'interdiction ne concernait pas les fruits et légumes.

Deux propositions de loi récentes présentent un ensemble de mesures destinées à lutter contre l'obésité . La première, antérieure à la loi relative à la politique de santé publique, a été déposée au Sénat le 23 juillet 2004 par M. Claude Saunier et plusieurs de ses collègues. Elle prévoit la création d'une agence chargée de la gestion d'un plan national de lutte contre l'obésité - lui-même à définir -, la réglementation de la publicité des produits considérés comme favorisant l'obésité et la modification du régime fiscal de certains de ces aliments. La seconde, déposée à l'Assemblée nationale le 23 mars 2005 par M. Jean-Marie Le Guen et plusieurs de ses collègues, reconnaît l'obésité comme une maladie et prévoit l'introduction d'un dispositif multiforme, reposant en particulier sur l'information des consommateurs et l'éducation des enfants, et sur la création d'un haut comité de lutte contre l'obésité, ainsi que d'un observatoire de l'épidémie d'obésité.

Dans ce contexte et compte tenu des travaux que l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé mène depuis le début de l'année 2005 sur les politiques de prévention et de prise en charge de l'obésité en France, il a paru utile d'étudier les mesures prises pour lutter contre l'obésité enfantine dans plusieurs pays européens, ainsi qu'en Amérique du Nord. Compte tenu du petit nombre de dispositions normatives , les principales mesures d'autorégulation prises par les professionnels des secteurs économiques concernés, c'est-à-dire l'agroalimentaire et la publicité, ont également été examinées.

Pour chacun des pays retenus, l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, le Canada et les États-Unis , les points suivants ont été analysés :

- les mesures applicables dans les établissements scolaires, qu'elles portent sur le contenu de l'enseignement ou sur la consommation de produits alimentaires dans l'enceinte scolaire ;

- les mesures relatives à l'industrie agroalimentaire ;

- les mesures encadrant la publicité pour les produits alimentaires destinés aux enfants ;

- les mesures fiscales , certains produits alimentaires pouvant faire l'objet de taxes spécifiques.

L'examen des règles étrangères montre que :

- les mesures normatives prises pour lutter contre l'obésité enfantine sont peu nombreuses...

- ...et sont essentiellement applicables dans les établissements scolaires.

1) Les mesures normatives prises pour lutter contre l'obésité enfantine sont peu nombreuses...

Tous les pays étudiés sont sensibilisés depuis plus ou moins longtemps à la nécessité de lutter contre l'obésité enfantine. Les uns ont adopté des mesures éparses, les autres des plans d'ensemble qui visent toutes les parties concernées : la communauté éducative, les entreprises de la restauration, de l'agroalimentaire et de la publicité, etc.

En règle générale, ces dispositifs, quelle que soit leur ampleur, ne comprennent que peu de mesures normatives .

Ainsi, le ministre de la santé espagnol a présenté le 10 février 2005 un plan national qui vise à modifier les habitudes alimentaires et à lutter contre la sédentarité, en particulier chez les enfants. Ce plan, qui a reçu l'appui de l'Organisation mondiale de la santé et devrait servir de modèle pour d'autres pays, ne contient aucune mesure normative, mais est constitué d'un ensemble de recommandations, d'accords avec les organisations représentant l'industrie alimentaire, la distribution et la publicité, ainsi que de mesures d'autorégulation.

De façon générale, dans les divers pays étudiés, les mesures applicables à l'industrie agroalimentaire ou à la publicité résultent de l'autodiscipline des professions concernées. Dans le cadre de chartes et de codes de bonne conduite, les industriels s'engagent par exemple à fournir des informations sur la qualité nutritionnelle des produits fabriqués pour les enfants ou à ne pas recourir à certains arguments pour faire la promotion des mêmes produits.

2) ... et s'appliquent avant tout aux établissements scolaires

Pour lutter contre l'obésité enfantine, les pays étudiés ont retenu deux catégories de mesures normatives : les unes applicables dans les établissements scolaires , les autres fiscales .

a) En Angleterre et aux États-Unis, les repas servis dans les cantines scolaires doivent répondre à certaines normes nutritionnelles

En Angleterre, depuis 2001, un règlement détermine les normes nutritionnelles applicables aux repas servis dans les cantines scolaires . Le règlement classe les aliments en cinq grandes catégories et prescrit la quantité ainsi que la fréquence selon lesquelles chacun d'eux doit être servi. De plus, des fonds ont été débloqués pour l'amélioration des repas servis dans les cantines : il est ainsi prévu d'affecter 0,50 livre (soit environ 0,70 €) par enfant et par jour dans les écoles primaires à partir de septembre 2005.

De même, aux États-Unis , où certaines écoles bénéficient de subventions pour servir aux enfants des familles défavorisées des déjeuners et des petits déjeuners gratuits ou à prix réduits, le code législatif fédéral dispose que l'octroi de fonds publics est réservé aux établissements qui servent des repas conformes aux règles du « guide nutritionnel des Américains » . Ce document, dont l'existence et la révision quinquennale sont prévues par le code législatif fédéral, est réalisé conjointement par les ministères de l'agriculture et de la santé. Il recommande notamment un régime alimentaire pauvre en corps gras saturés et en cholestérol, ainsi que des boissons et des aliments à faible apport en sucre. Le code législatif fédéral précise également la part des apports journaliers recommandés que les repas servis dans le cadre de ces programmes doit représenter.

Comme les écoliers américains ont la possibilité d'acheter des produits alimentaires dans divers points de vente situés dans l'enceinte de leur établissement (distributeurs automatiques, kiosques gérés par un concessionnaire ou une coopérative scolaire), le code législatif fédéral autorise le ministère de l'agriculture à réglementer la vente de ces produits, qui « entrent en concurrence » avec les repas subventionnés. Sur la base de cette disposition législative, le ministère de l'agriculture a édicté une réglementation qui interdit la vente de certains produits très caloriques au moment des repas dans les aires réservées à la restauration . Ces produits font l'objet d'une liste limitative, également établie par le ministère de l'agriculture. En pratique, les règles applicables, édictées par les États ou par les établissements scolaires, sont souvent plus strictes que la réglementation du ministère de l'agriculture. Ainsi, l'interdiction de la vente peut être étendue à d'autres produits que les seuls aliments très caloriques, la plage horaire d'interdiction peut être plus large, etc.

Par ailleurs, si tous les pays reconnaissent le rôle que l'école peut jouer dans la lutte contre l'obésité enfantine par la diffusion de quelques notions fondamentales de diététique, aucun n'a encore inclus cette matière dans le cursus de base des écoliers.

b) Le Canada et plusieurs États américains taxent certains produits alimentaires jugés néfastes pour les enfants

Au Canada , la plupart des aliments et des boissons échappent à la taxe sur la vente au détail , qui est une taxe à la valeur ajoutée. En revanche, certains de ces produits, comme les boissons gazeuses, les bonbons et les gâteaux secs, sont soumis à cette taxe.

De même, une vingtaine d'États américains appliquent une taxe spécifique sur les boissons sucrées, les bonbons, les chewing-gums, les chips, etc. Il faut cependant noter qu'une dizaine d'États ont supprimé ce type de taxe depuis le début des années 90.

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L'analyse des règles en vigueur dans six pays européens ainsi qu'en Amérique du Nord montre que la France s'est dotée, grâce à la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, d'un dispositif normatif de lutte contre l'obésité enfantine équivalent à celui qui existe dans les pays anglo-saxons et plus développé que celui des autres pays d'Europe continentale.

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