Service des études juridiques (Octobre 2009)

PAYS-BAS

1) Les règles et la pratique actuelles

Aucun texte législatif ou règlementaire n'interdit le port de la burqa dans les lieux publics , et l'on estime à quelque 150 le nombre de femmes portant le voile intégral.

Toutefois, des dispositions sectorielles permettent d'interdire la burqa ou de demander aux femmes qui la portent de la retirer dans certaines circonstances. C'est notamment le cas de la loi sur l'obligation de s'identifier , qui autorise les forces de police à procéder aux contrôles d'identité nécessaires, de la loi sur le transport des personnes , en vertu de laquelle les entreprises de transport public peuvent adopter des règlements intérieurs limitant l'accès des passagers pour des raisons de sécurité, et de la loi sur les communes , grâce à laquelle certains conseils municipaux peuvent prononcer des interdictions applicables sur le territoire de leur commune.

Sur la base de l'article de la loi sur les communes qui permet au conseil municipal de prendre les arrêtés « qu'il estime nécessaires », plusieurs villes ont, pour des raisons de sécurité publique, adopté des arrêtés municipaux relatifs à l'interdiction du port de vêtements couvrant le visage. C'est notamment le cas de Maastricht. De tels arrêtés sont incontestables s'ils sont motivés et s'ils obéissent au principe de proportionnalité.

Dans l'enseignement, il n'existe pas de règles générales, mais plusieurs établissements scolaires ont édicté des interdictions, lesquelles ont été considérées comme légitimes par la Commission pour l'égalité de traitement (10 ( * )) . En 2004, celle-ci a en effet estimé que les vêtements couvrant le visage peuvent être interdits dans les établissements scolaires parce qu'ils gênent l'identification ainsi que les relations personnelles et qu'ils constituent une source d'insécurité. La commission a toutefois précisé que les interdictions doivent être formulées de façon « neutre » et ne contenir aucune allusion au fait que les vêtements visés sont portés pour des raisons religieuses.

2) Le débat public

Le 20 décembre 2005, la Seconde chambre (c'est-à-dire la chambre basse) a adopté une résolution (11 ( * )) dans laquelle les députés demandaient au gouvernement d'édicter une interdiction générale de la burqa dans les lieux publics .

En réponse à cette résolution, le gouvernement a désigné en avril 2006 un groupe de travail composé de théologiens musulmans et de juristes qu'il a chargé de réfléchir aux différentes solutions possibles. Le rapport du groupe, publié en novembre 2006, recommande l'adoption d'interdictions « formulées de manière neutre » (c'est-à-dire ne comprenant aucune allusion à un vêtement donné, mais se rapportant à tous ceux qui couvrent le visage) et applicables non pas de façon générale, mais seulement dans certains lieux ou certaines situations.

Sur la base de ces conclusions, le gouvernement a annoncé la préparation d'un projet de loi sur l'interdiction du port de la burqa dans tous les établissements de l'enseignement primaire et secondaire, mais pas dans l'enseignement supérieur. Le projet de loi devait être présenté au Parlement au milieu de l'année 2009, mais il n'est pas encore déposé.

Pour les autres domaines où le port de la burqa peut constituer un problème, aucune intervention du législateur n'est prévue :

- les dispositions en vigueur (loi sur l'obligation de s'identifier, loi sur les communes, etc.) ont été considérées comme suffisantes le plus souvent, le gouvernement se déclarant prêt à réfléchir à des réformes législatives ponctuelles en cas de besoin ;

- dans les autres cas, le gouvernement est intervenu. Ainsi, le ministre de l'intérieur a rappelé que le port de la burqa par les employés des services publics était incompatible avec les fonctions des intéressés. Cette consigne a été reprise par les associations de collectivités locales. Par ailleurs, les ministères concernés se sont concertés avec les entreprises de transport public pour que ces dernières adaptent leurs règlements intérieurs.

Après la publication du rapport du groupe de travail, Geert Wilders - l'auteur de la proposition de résolution adoptée en 2005 - a déposé en juillet 2007, avec l'un de ses collègues, une proposition de loi tendant à modifier le code pénal pour faire du port de la burqa dans les lieux publics une infraction. En janvier 2008, un autre député a déposé une proposition de loi tendant à modifier la loi sur l'obligation d'identification ainsi que le code pénal : la proposition prévoit l'interdiction du port de tout accessoire empêchant l'identification et érige en infraction pénale le fait de ne pas se conformer à cette prescription.

* (10) Il s'agit d'un organisme indépendant institué par la loi de 1994 sur l'égalité de traitement. La Commission pour l'égalité de traitement enquête sur les affaires de discrimination qui lui sont soumises ou dont elle se saisit de sa propre initiative. Bien que les conclusions de la commission soient dépourvues de force juridique, elles sont généralement suivies.

* (11) L'auteur de la proposition était Geert Wilders, leader de l'extrême droite qui s'est distingué par ses nombreuses prises de position contre l'islam.

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