SUISSE

Le régime applicable à la création et à l'exploitation des « maisons de jeux » en Suisse résulte de la combinaison de dispositions de droit fédéral et de droit cantonal.

À la suite d'une initiative populaire, les autorités de Berne ont entamé une réforme de la législation fédérale qui s'est concrétisée par le dépôt d'un projet de loi à l'automne 2015.

On examinera successivement le droit en vigueur et l'incidence de la réforme du régime des jeux d'argent et le régime des maisons de jeux.

I. LE DROIT EN VIGUEUR

Le droit en vigueur résulte notamment :

- de l'article 106 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 modifiée qui détermine la répartition des compétences entre la Fédération et les États ;

- de la loi fédérale du 19 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux modifiée ;

- de l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux ;

- et des dispositions de droit cantonal relatives à cette matière.

A. LES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION FÉDÉRALE

Aux termes de l'article 106 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 modifiée, « la Confédération légifère sur les jeux d'argent en tenant compte des intérêts des cantons ».

Ce texte distingue, dans la législation relative aux jeux, ce qui revient à la Confédération et ce qui appartient aux cantons.

Relève de la Confédération la délivrance des autorisations (concessions) qui sont « nécessaires pour ouvrir et exploiter une maison de jeu ». La Confédération les attribue en « pr[enant] en considération les réalités régionales ». Elle prélève sur les recettes dégagées par l'exploitation des jeux un impôt, affecté à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, qui ne saurait dépasser 80 % du produit brut des jeux.

Relèvent des cantons l'« autorisation et la surveillance des jeux d'argent », à savoir :

- « les jeux auxquels peuvent participer un nombre illimité de personnes en plusieurs endroits et dont le résultat est déterminé par un tirage au sort commun ou par un procédé analogue, à l'exception des systèmes de jackpot des maisons de jeu ; des paris sportifs et des jeux d'adresse » ;

- et « les jeux d'argent exploités par le biais d'un réseau de communication électronique ».

Pour coordonner l'action de la Confédération et des cantons, la loi institue un organe commun composé, à parts égales, de membres des autorités d'exécution de la première et des seconds.

B. LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÈGLEMENTAIRES

La loi fédérale du 19 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux modifiée s'applique aux « jeux de hasard » entendus comme ceux qui « offrent, moyennant une mise, la chance de réaliser un gain en argent ou d'obtenir un autre avantage matériel, cette chance dépendant uniquement ou essentiellement du hasard » (article 3). Elle réserve aux « maisons de jeux » titulaires d'une autorisation (concession) le droit de proposer de tels jeux (article 4). Elle confie à l'exécutif de la Confédération, le Conseil fédéral, le soin de « définir dans une ordonnance les jeux que les maisons de jeu peuvent proposer » précisant que « Ce faisant, il tient compte des jeux habituellement proposés dans les autres pays » (article 4).

1. La forme juridique des exploitants d'établissements de jeux

En vertu des articles 7 et 8 du même texte, les maisons de jeux sont des entreprises qui « offre [ nt ] à titre professionnel la possibilité de se livrer à deux jeux de hasard », appartenant à deux catégories : les grands casinos, d'une part, et les casinos, d'autre part.

Les grands casinos « proposent des jeux de table et des appareils à sous servant aux jeux de hasard. Ils sont habilités à établir une connexion entre les jeux à l'intérieur de l'établissement et avec d'autres maisons de jeu, notamment afin de former des jackpots ». Ils sont titulaires d'une autorisation d'implantation dénommée « concession A ». Les mises pour les jeux de table n'y sont pas limitées. Ils peuvent exploiter un nombre illimité d'« appareils à sous servant aux jeux de hasard » 17 ( * ) .

Les casinos peuvent, quant à eux, « proposer au plus trois jeux de table ainsi que des appareils à sous servant aux jeux de hasard présentant un potentiel de perte ou de gain moindre ». Ils sont titulaires d'une autorisation d'implantation dénommée « concession B ». Les mises maximales autorisées pour les jeux de table qui y sont exploités sont limitées par décision des pouvoirs publics. Ces établissements peuvent exploiter au plus 250 « appareils à sous servant aux jeux de hasard » 18 ( * ) . En outre, « dans des cas particuliers dûment justifiés », la commission fédérale des maisons de jeux peut « accorder des exceptions pour des appareils à sous servant aux jeux de hasard supplémentaires ».

Sur les 21 maisons de jeux autorisées en Suisse, 8 sont des « grands casinos » titulaires de l'autorisation « A », et 13 sont titulaires de l'autorisation « B ».

Les autorisations sont délivrées uniquement à :

- des personnes morales de droit public ;

- des sociétés anonymes, régies par le droit suisse, dont le capital est divisé en actions nominatives et dont le conseil d'administration est composé exclusivement de membres domiciliés en Suisse ;

- et à des sociétés coopératives, régies par le droit suisse, dont le conseil d'administration est composé exclusivement de membres domiciliés en Suisse (article 11 de la loi précitée).

2. Le régime d'attribution des autorisations

Transmises à la commission fédérale des maisons de jeux, les demandes d'autorisation font l'objet d'une décision du Conseil fédéral insusceptible de recours. Sauf dérogation justifiée par des circonstances particulières, les autorisations sont valables vingt ans. Elles sont délivrées sous réserve du respect des conditions suivantes.

a) Conditions générales d'obtention

Outre le respect des conditions générales relatives à la forme juridique de l'exploitant de la maison de jeux, évoquées supra , la loi précise qu'une autorisation relative à ce type d'établissement ne peut être délivrée que si :

- « le requérant, ses principaux partenaires commerciaux, leurs ayants droits économiques 19 ( * ) , ainsi que les porteurs de parts et leurs ayants droits économiques disposent de moyens financiers propres suffisants, jouissent d'une bonne réputation 20 ( * ) et offrent la garantie d'une activité commerciale irréprochable » ;

- « le requérant, les porteurs de parts et, sur demande de la Commission fédérale des maisons de jeu, leurs principaux partenaires commerciaux ont établi l'origine licite des fonds à disposition » 21 ( * ) ;

Outre les conditions relatives à la localisation applicables aux autorisations d'implantation évoquées infra , la loi dispose que les autorisations (concessions) d'exploitation ne peuvent être délivrées que si :

- « les statuts, l'organisation, les relations contractuelles avec le titulaire de la concession d'implantation, les autres relations contractuelles et le règlement des jeux garantissent l'indépendance de la gestion vis-à-vis des tiers ainsi que la surveillance de la maison de jeu » ;

- « le requérant présente un programme de mesures de sécurité et un programme de mesures sociales » ;

- « le requérant produit des calculs de rentabilité établissant de manière crédible que la maison de jeu projetée est économiquement viable » ;

- « le requérant expose les mesures qu'il entend prendre pour permettre la taxation correcte de la maison de jeu » ;

- et si le titulaire de l'autorisation d'implantation a donné son accord lorsque les titulaires de l'autorisation d'implantation et de l'autorisation d'exploitation sont distincts (article 12).

3. La répartition géographique des établissements de jeux

Aux termes de l'article 9 de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux, « Les maisons de jeu doivent, autant que possible, être réparties de façon équilibrée entre les régions intéressées ».

En outre, la délivrance d'une autorisation d'implantation n'est possible que si :

- « le requérant établit, dans un rapport, l'utilité économique de la maison de jeu pour la région d'implantation » (article 13.1. b ) ;

- « le canton et la commune d'implantation y sont favorables » ( id . a ).

Régie par le droit cantonal, la procédure d'examen de la demande d'implantation est coordonnée par le canton et la commune concernés 22 ( * ) .

À titre d'exemple, on retiendra que dans le canton de Vaux, où un « grand casino » existe à Montreux, la loi cantonale du 30 janvier 2001 d'application de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LVLMJ) dispose que l'exécutif cantonal, le Conseil d'État, est compétent pour mettre en oeuvre la procédure de délivrance de l'approbation cantonale pour l'attribution d'une autorisation d'implantation d'une maison de jeux.

À ce titre, il peut :

- « demander au requérant de produire un dossier de présentation de la demande de concession d'exploitation » ;

- « subordonner son approbation à des conditions telles que :

- l'affectation pour l'essentiel du bénéfice des jeux, [...], à des projets d'intérêt général pour la région ou dans des projets d'utilité publique ;

- et la participation financière à un programme cantonal ou intercantonal de prévention et de traitement du jeu pathologique » (article 2).

Sur la base du dossier de présentation qui lui est transmis, la municipalité de la commune d'implantation donne ou refuse son approbation à la demande d'autorisation et transmet sa décision à l'exécutif cantonal (article 3).

Consacré à la « Coordination intercantonale », l'article 6 de la même loi prévoit que l'exécutif vaudois « est habilité à conclure avec les gouvernements d'autres cantons une ou plusieurs conventions ayant notamment pour but de :

- coordonner la politique en matière de jeux de hasard et de maisons de jeu ;

- organiser une péréquation des bénéfices des maisons de jeu entre les cantons signataires ;

- prévoir un programme cantonal ou intercantonal de prévention et de traitement du jeu pathologique ;

- et créer une personne morale chargée d'exploiter une ou des maisons de jeu et dont le bénéfice est affecté exclusivement à l'utilité publique ».


* 17 Articles 52 et 47 de l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les maisons de jeu.

* 18 Articles 53 et 48 de l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les maisons de jeu.

* 19 Les définitions et règles applicables aux « moyens propres », aux « principaux partenaires commerciaux » et aux « ayants droits économiques » sont précisées aux articles 2 à 4 de l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les maisons de jeu.

* 20 Les critères de preuve d'une « bonne réputation » figurent à l'article 5 de l'ordonnance précitée.

* 21 Article 12.

* 22 Article 7 de l'ordonnance du 24 septembre 2004 précitée.

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