Septembre 2022

- LÉGISLATION COMPARÉE -

NOTE

sur

LES CONDITIONS D'ACCÈS
DES MINEURS À LA PORNOGRAPHIE

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Allemagne - Australie - Royaume-Uni

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Cette note a été réalisée à la demande de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Le rapport de la délégation est disponible sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-900-1-notice.html

AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la Division de la Législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

L'ACCÈS DES MINEURS
AUX CONTENUS PORNOGRAPHIQUES

À la demande de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, la Division de la Législation comparée du Sénat a réalisé une étude sur les conditions d'accès des personnes mineures à la pornographie, dont les contenus en ligne, en Allemagne, en Australie et au Royaume-Uni.

Dans ces trois pays, l'accès à la pornographie est réservé aux adultes. Cependant, la diffusion de contenus à caractère pornographique sur Internet, souvent par des fournisseurs basés à l'étranger, remet en question l'effectivité de l'interdiction aux mineurs et montre, s'agissant de l'Allemagne et de l'Australie, les limites de la co-régulation entre puissance publique et secteur privé.

Parmi les trois pays étudiés, seule l'Allemagne exige actuellement la mise en place d'un système de vérification pour accéder aux sites pornographiques. Après avoir écarté un tel système dans le projet de loi sur la sécurité en ligne adopté en 2021, le gouvernement australien étudie actuellement cette possibilité. Par ailleurs, au Royaume-Uni, un nouveau projet de loi instituant une obligation de restriction d'accès aux contenus pornographiques en ligne est en cours d'examen par le parlement, après l'échec de la loi de 2017 sur l'économie numérique, instituant un régulateur chargé de la vérification de l'âge.

En Allemagne, l'obligation de vérification de l'âge pour accéder à des sites pornographiques a été complétée par de nouvelles mesures de prévention concernant les plateformes en ligne interactives. Depuis 2019, les autorités régulatrices des médias de certains Länder , soutenues par la Commission à la protection de la jeunesse, ont également multiplié les recours à l'encontre des sites pornographiques afin de faire respecter l'obligation de vérification de l'âge par les sites internet basés à l'étranger, y compris en prononçant une mesure de blocage par les fournisseurs d'accès à Internet.

I. L'ALLEMAGNE

En Allemagne, le droit de la protection de la jeunesse dans les médias se caractérise, d'une part, par sa complexité, inhérente au partage des compétences entre l'État fédéral et les Länder selon les différents types de médias et, d'autre part, par le recours à la co-régulation avec le secteur privé.

L'offre de contenus pornographiques aux mineurs est interdite par le code pénal. Par conséquent, l'accès à de tels contenus est, en principe, réservé à des groupes fermés d'utilisateurs, âgés de plus de 18 ans. En pratique, les contenus pornographiques sont souvent accessibles sans aucune vérification de l'âge, à partir de sites internet ayant leur siège à l'étranger.

Face à ce constat, une révision de la loi fédérale sur la protection de la jeunesse a été adoptée en 2021 tandis qu'au niveau des Länder , des actions ont été lancées depuis 2019 pour garantir l'effectivité des normes de protection existantes.

A. LES DISPOSITIONS NORMATIVES VISANT À PROTÉGER LES JEUNES DE CERTAINS CONTENUS EN LIGNE

Aux termes de l'article 184 du code pénal allemand 1 ( * ) , l'offre et la mise à disposition de contenus pornographiques à des personnes mineures âgées de moins de 18 ans ou la diffusion de tels contenus dans un lieu accessible aux mineurs sont des délits pénaux, passibles d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an ou d'une amende.

Les dispositifs de protection des mineurs face aux contenus inappropriés ou dangereux - dont les contenus pornographiques - reposent, d'une part, sur la loi fédérale relative à la protection de la jeunesse et, d'autre part, sur l'accord entre les Länder sur la protection de la dignité humaine et la protection des jeunes dans les médias audiovisuels et numériques.

1. La loi fédérale relative à la protection de la jeunesse

À l'origine, la loi fédérale du 23 juillet 2002 relative à la protection de la jeunesse 2 ( * ) traite de la protection des enfants et des adolescents dans l'espace public (restaurants, salles de jeux, etc.) et de la limitation de la diffusion de certains contenus dans les médias sur support (presse écrite, vidéos, CD-Rom et DVD). Les dispositions relatives à la protection de la jeunesse face aux médias audiovisuels ( Rundfunk ) et sur Internet ( Telemedien ) sont prévues dans l'accord des Länder du 8 mars 2002 sur la protection de la dignité humaine et de la jeunesse dans les médias audiovisuels et numériques ( Jugendmedienschutz-Staatsvertrag , ci-après JMStV) 3 ( * ) . Cette distinction juridique selon le type de média s'expliquait par la répartition des compétences entre l'État fédéral et les Länder 4 ( * ) .

Conformément au contrat de coalition des partis au pouvoir (CDU/CSU et SPD) pour la 19 e législature, la loi fédérale sur la protection de la jeunesse a été amendée en 2021 en vue de l'adapter à la réalité des médias contemporains et de renforcer le niveau de protection. Constatant le phénomène de « convergence des médias » selon lequel les canaux de diffusion ne peuvent plus être distingués pour un même contenu, le champ d'application de la loi a été étendu à la diffusion des médias en ligne ( Telemedien ). La répartition des compétences a également été clarifiée : l'État fédéral est responsable de la définition du cadre général en matière de prévention et de protection et de la jeunesse dans les médias, tandis que les Länder demeurent compétents pour mettre en oeuvre les mesures individuelles de suivi des contenus.

Selon l'article 15 alinéa 2 de la loi sur la protection de la jeunesse, les contenus pornographiques relèvent automatiquement de la catégorie des médias portant gravement atteinte aux jeunes. Dès lors, et ce conformément à l'article 184 du code pénal, ces contenus ne peuvent être proposés, donnés ou rendus accessibles aux enfants et adolescents mineurs dans les médias sur support et dans les médias en ligne, ainsi que dans les lieux accessibles aux jeunes et les commerces de détail.

La définition de la pornographie en droit allemand

Le concept de pornographie n'est pas défini par la loi allemande. La jurisprudence de la cour suprême fédérale ( Bundesgerichtshof , BGH) estime qu'« Une représentation doit être considérée comme pornographique si, ignorant les autres rapports humains, elle met les rapports sexuels au premier plan d'une manière grossière ou outrancière et que sa tendance générale vise exclusivement ou principalement l'intérêt du spectateur pour les choses sexuelles » (voir BGH St 23,44; 37,55).

Une distinction est faite par le BGH entre la pornographie dite « dure » (pornographie juvénile, animale ou violente) et la pornographie dite « simple ».

Source : KJM, Tätigkeitsbericht März 2019 - Februar 2021

La principale mesure de prévention de la diffusion de contenus pornographiques aux mineurs passe par l'obligation pour les prestataires de services de s'assurer que ces contenus ne sont accessibles qu'aux adultes, conformément à l'article 4 de l'accord entre les Länder sur la protection de la jeunesse dans les médias (voir infra ).

S'agissant plus spécifiquement des contenus accessibles sur Internet, la loi sur la protection de la jeunesse prévoit l'obligation pour les prestataires de services 5 ( * ) de mettre en place un mécanisme de plainte (§ 24a, alinéa 1) permettant aux utilisateurs de signaler toute offre non autorisée telle que définie à l'article 4 de l'accord des Länder - c'est-à-dire des contenus portant atteinte à la jeunesse, dont les contenus pornographiques - ainsi que tout contenu pouvant porter préjudice au développement de l'enfant ou de l'adolescent 6 ( * ) . Ce mécanisme de plainte recoupe en partie l'obligation prévue à l'article 3 de la loi de 2017 sur les réseaux sociaux ( Netzwerkdurchsetzungsgesetz , ci-après NetzDG) 7 ( * ) , tout en étant plus exigeante dans la mesure où il ne concerne pas seulement les contenus interdits. Cette obligation ne s'applique pas si l'offre en Allemagne compte moins d'un million d'utilisateurs.

Tenant compte de l'utilisation croissante par les enfants et les jeunes de plateformes numériques interactives, dont le contenu peut être généré par les utilisateurs eux-mêmes, l'article 24a de la loi sur la protection de la jeunesse, tel que révisé en 2021, introduit deux nouvelles mesures de prévention qui peuvent s'avérer pertinentes pour prévenir l'accès à des contenus pornographiques par des mineurs :

- la mise à disposition par le prestataire d'un système de notation des contenus audiovisuels générés par défaut par les utilisateurs, incitant ces derniers à noter la pertinence des contenus réservés aux adultes correspondant à la catégorie d'âge « plus de 18 ans » ;

- et, lorsque l'utilisateur a classé des vidéos générées automatiquement comme étant réservées aux adultes, la mise à disposition par le fournisseur de moyens techniques de vérification de l'âge pour ces contenus.

Ces obligations ne s'appliquent pas aux prestataires de services en ligne dont les offres ne s'adressent pas aux enfants et aux adolescents et ne sont généralement pas utilisés par eux (par exemple, les sites et réseaux sociaux à caractère professionnel), ni aux offres journalistiques et éditoriales, dont le prestataire est directement responsable de la création des contenus 8 ( * ) . En revanche, la révision de 2021 précise que les prestataires de services qui ne disposent pas de siège social en Allemagne - notamment les grandes plateformes internationales - sont soumis aux obligations de prévention de la loi sur la protection de la jeunesse.

L'Agence fédérale pour la protection des enfants et des adolescents dans les médias ( Bundeszentrale für Kinder- und Jugendmedienschutz , ci-après BzKJ) 9 ( * ) est principalement responsable de la tenue de la liste des médias portant atteinte à la jeunesse (§ 17a JuSchG). Depuis 2021, elle est également chargée de contrôler la mise en oeuvre et l'adéquation des mesures de prévention prises par les plateformes sur Internet (§ 24b JuSchG). Si l'Agence fédérale constate qu'un prestataire n'a pas pris de mesures de prévention ou que ces mesures sont insuffisantes, une procédure contradictoire s'engage. Si le prestataire ne donne pas suite aux demandes de l'agence à l'issue de cette phase contradictoire, la BzKJ peut ordonner des mesures conservatoires et infliger une amende pouvant aller jusqu'à 50 millions d'euros 10 ( * ) .

2. L'accord entre les Länder sur la protection de la jeunesse dans les médias

L'accord entre les Länder du 8 mars 2002 sur la protection de la jeunesse dans les médias - JMStV - a pour objectif d'offrir aux enfants et adolescents 11 ( * ) une protection uniforme sur le territoire allemand contre les offres qui entravent ou mettent en danger leur développement ou leur éducation ou violent la dignité humaine ou d'autres droits protégés par le code pénal, dans les médias audiovisuels et sur Internet.

Les nouvelles obligations introduites lors de la révision de la loi fédérale sur la protection de la jeunesse n'ont pas d'impact sur l'accord JMStV, dont les règles sont confirmées et demeurent pleinement applicables aux médias audiovisuels et en ligne.

L'accord JMStV classe les offres de contenus audiovisuels ou numériques en trois catégories :

i) les contenus interdits en toutes circonstances (§ 4 alinéa 1 JMStV). Il s'agit de contenus interdits par le code pénal, même aux adultes, comme par exemple les contenus faisant l'apologie de la violence et des discours de haine, le matériel de propagande et la pornographie enfantine, juvénile, violente et impliquant des animaux ;

ii) les contenus interdits à certains groupes (§ 4 alinéa 2 JMStV). Entrent principalement dans cette catégorie la pornographie pour adultes, les contenus classés comme réservés aux adultes en raison du risque pour le développement de l'enfant ou du jeune et les contenus figurant sur la liste des contenus portant atteinte à la jeunesse établie par l'agence fédérale BzKJ. Les fournisseurs de contenus relevant de cette catégorie doivent s'assurer qu'ils ne sont accessibles qu'aux adultes, par des groupes fermés d'utilisateurs, notamment au moyen de systèmes de vérification de l'âge (voir infra ) ;

iii) les contenus pouvant altérer le développement (§ 5 alinéa 4 JMStV). Il s'agit de contenus autorisés mais qui peuvent inhiber ou ralentir le développement des enfants ou adolescents en ce qu'ils tendent à les désorienter socialement ou sexuellement, à encourager des attitudes violentes ou à susciter des peurs excessives. Les fournisseurs de tels contenus doivent veiller à ce que les mineurs des tranches d'âge respectives ne puissent pas accéder aux contenus qui leur sont déconseillés, par exemple à l'aide de filtres ou de la limitation des horaires de diffusion.

La mise en oeuvre de l'accord JMStV repose sur un système d' « autorégulation réglementée » ( regulierte Selbstregulierung ) dans lequel les rôles sont répartis de la façon suivante :

- la Commission pour la protection de la jeunesse dans les médias ( Kommission für Jugendmedienschutz , ci-après KJM), en tant qu'instance commune aux autorités régulatrices des médias des Länder , contrôle le respect des dispositions de l'accord JMStV et propose aux autorités des Länder des mesures individuelles à prendre à l'encontre des prestataires de services audiovisuels et sur Internet. La KJM est aussi chargée de déterminer les heures de diffusion de certains contenus, d'approuver les technologies de chiffrement et de blocage, de définir les critères de reconnaissance des programmes de protection de la jeunesse et de soumettre à l'agence BzKJ des demandes d'indexation de contenus portant atteinte à la jeunesse ou interdits ;

- les entreprises prestataires de services peuvent faire appel à des organismes d'autorégulation volontaire ( Einrichtungen der Freiwilligen Selbstkontrolle ), reconnus par la KJM 12 ( * ) , afin de vérifier le contenu de leurs offres et de s'assurer du respect des règles de protection de la jeunesse (§ 19 JMStV).

Le concept « d'autorégulation réglementée »
dans le droit de la protection de la jeunesse allemand

Le système d'« autorégulation réglementée » ( regulierte Selbstregulierung ) signifie que les prestataires eux-mêmes sont responsables d'assurer la protection des enfants et des jeunes lors de la conception de leur offre. Avant de diffuser des contenus, ils doivent vérifier sous leur propre responsabilité si leur offre peut nuire au développement ou porter atteinte aux enfants et aux jeunes et prendre les mesures de protection appropriées.

Pour s'acquitter de leur responsabilité, les prestataires peuvent recourir à des organismes d'autorégulation volontaire ( Einrichtungen der Freiwilligen Selbstkontrolle ). Si les prestataires se conforment aux exigences des organismes d'autorégulation reconnus et si les décisions desdits organismes demeurent dans la marge d'appréciation qui leur est conférée par la loi, les mesures de surveillance du fournisseur par la KJM ou l'autorité régulatrice des médias du Land sont exclues.

Source : KJM, Tätigkeitsbericht März 2019 - Februar 2021

B. LA MISE EN oeUVRE DES MESURES DE LIMITATION DE L'ACCÈS À LA PORNOGRAPHIE

Selon le droit de la protection de la jeunesse, certains contenus interdits aux mineurs, comme la pornographie, ne peuvent être diffusés à la télévision ou sur Internet que s'il est garanti qu'ils ne sont accessibles qu'à un groupe fermé d'utilisateurs, excluant les enfants et les adolescents. Cette garantie passe par le déploiement de systèmes de vérification de l'âge.

La Commission pour la protection de la jeunesse dans les médias (KJM), relevant des Länder , joue un rôle central dans l'évaluation des solutions techniques de vérification de l'âge ainsi que dans le contrôle du respect des normes de protection de la jeunesse. Constatant qu'en pratique de nombreux sites internet pornographiques sont librement accessibles, la KJM a renforcé ses exigences en matière de contrôle de l'âge et lancé plusieurs procédures à l'encontre de sites et de réseaux sociaux basés à l'étranger.

L'articulation avec les nouvelles compétences de l'Agence fédérale pour la protection de la jeunesse (BzKJ) concernant les plateformes numériques constitue un enjeu important pour les prochaines années.

1. Les moyens techniques de contrôle de l'âge

L'accord JMStV ne prévoit pas de procédure pour la reconnaissance des solutions techniques de vérification de l'âge ou de restriction d'accès à des groupes fermés d'utilisateurs. C'est pourquoi la KJM a développé sa propre procédure d'évaluation positive 13 ( * ) des solutions techniques de contrôle de l'âge. Elle peut également évaluer les nouvelles solutions techniques des entreprises, à la demande de ces dernières.

Constatant le manque d'effectivité de certains systèmes, la KJM a introduit, en décembre 2019, de nouveaux critères d'évaluation des solutions techniques de vérification de l'âge, plus exigeants. Ainsi, la vérification de l'âge pour les groupes fermés d'utilisateurs doit s'effectuer en deux étapes interconnectées 14 ( * ) :

- à travers au moins une identification personnelle, permettant de vérifier la majorité. Un « contact personnel entre personnes présentes » est considéré comme nécessaire pour minimiser les risques de contrefaçon et de contournement. Ce contact personnel peut être effectué par un contrôle du visage de la personne ( face-to-face Kontroll ), avec une comparaison des données figurant sur la pièce d'identité officielle. Dans certaines conditions, il est possible de se référer à un précédent contrôle de l'âge des personnes physiques effectué lors de l'ouverture d'un compte bancaire ou la signature d'un contrat de téléphonie mobile. Dans tous les cas, une simple présentation d'une copie de la carte d'identité ou une identification par webcam ne suffit pas (à moins qu'elle ne soit assortie d'un programme permettant de comparer les données biométriques de la pièce d'identité) ;

- et une authentification lors de chaque utilisation (session). L'authentification sert à garantir que seule la personne identifiée, et dont l'âge a été vérifié, a accès à un groupe d'utilisateurs fermé et vise à rendre plus difficile la transmission des autorisations d'accès à des tiers non autorisés. En principe, une authentification par mot de passe attribué personnellement peut suffire. La KJM encourage cependant des solutions techniques limitant la transmission de l'autorisation d'accès à des tiers non autorisés (par exemple, grâce à un hardware (puce de la pièce d'identité, carte SIM) associé à un mot de passe ou un code PIN à usage unique généré par un token ) 15 ( * ) .

Au mois de mars 2022, la KJM a conclu à une évaluation positive pour 90 solutions techniques (globales ou partielles) de vérification de l'âge 16 ( * ) . Parmi ces solutions figure un logiciel d'évaluation de l'âge au moyen de l'intelligence artificielle et de l'apprentissage automatique ( maschinelles Lernen ) : à l'aide de grands ensembles de données d'images faciales, le logiciel calcule la correspondance probable entre l'âge de la personne présentée et l'âge des personnes du jeu de données. Pour une plus grande sécurité, la KJM souligne que le seuil d'accès doit être fixé cinq ans au-dessus de celui spécifié par le JMStV (par exemple, pour accéder à un contenu réservé aux personnes de plus de 18 ans, les utilisateurs doivent être reconnus par le système comme ayant au moins 23 ans) 17 ( * ) . Dans son dernier rapport d'activité, la KJM recommande le développement continu de nouvelles solutions techniques plus efficaces 18 ( * ) .

Les organismes d'autorégulation jouent également un rôle important pour aider les entreprises dans le choix et la mise en place de systèmes de vérification de l'âge fiables. Pour les sites internet et plateformes de vidéos en ligne, l'organisme d'autorégulation réglementée des prestataires de services multimédia (FSM) propose à ses entreprises membres des tests et des certifications de contenus et de logiciels 19 ( * ) .

La KJM constate cependant que l'utilisation par les enfants et les adolescents de smartphones , pour accéder à des applications et des sites internet, rend le contrôle parental plus difficile et que les solutions techniques de protection ne sont pas encore suffisantes 20 ( * ) . Ceci a conduit la commission à envisager des instruments d'application de la loi inédits, pouvant aller jusqu'à des mesures de blocage d'accès de sites à l'encontre de fournisseurs d'accès à Internet.

2. Le contrôle exercé par la Commission pour la protection de la jeunesse (KJM)

Depuis 2019, la KJM a renforcé son action de surveillance, en partie déléguée au centre d'expertise jugendschutz.net , commun à l'État fédéral et aux Länder 21 ( * ) . Les procédures initiées par les autorités régulatrices de certains Länder ont conduit la KJM à lancer des procédures à l'encontre de plusieurs grandes plateformes de vidéos pornographiques et de réseaux sociaux dont le siège se situe à l'étranger.

En juin 2020, la KJM a statué sur trois procédures, lancées par l'autorité régulatrice des médias de Rhénanie-du-Nord-Westphalie contre des sites pornographiques basés à Chypre 22 ( * ) . Dans les trois cas, la KJM a constaté des violations des dispositions du JMStV, ces sites offrant des contenus pornographiques librement accessibles sans garantir que les enfants et les jeunes n'y ont pas accès. La KJM a par conséquent interdit la diffusion de ces offres sous leur forme actuelle. Selon le président de la KJM, « l'autorité régulatrice des médias de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a déjà parcouru un long chemin en informant et en consultant une grande variété d'acteurs nationaux et étrangers. Ceci comprenait une audition des fournisseurs, en coordination avec le régulateur des médias chypriote. Si, malgré les décisions désormais prises par la KJM, il n'est toujours pas possible de convaincre les prestataires d'adapter leurs offres de manière conforme à la loi, la KJM est prête à poursuivre dans cette voie et à épuiser toutes les voies de recours disponibles. Il est inacceptable que des fournisseurs d'une telle portée, qui s'adressent spécifiquement à un public allemand, ignorent la loi allemande malgré la mise en danger évidente des enfants et des jeunes » 23 ( * ) .

En novembre 2021, le tribunal administratif de Düsseldorf a confirmé la compétence de la KJM pour prononcer cette mesure d'interdiction. Les fournisseurs avaient argué du fait que le siège des plateformes étant basé à Chypre, et non en Allemagne, les normes de protection de la jeunesse allemande ne trouvaient pas à s'appliquer. Le juge, à l'inverse, a estimé que le principe du pays d'origine ne trouvait exceptionnellement pas à s'appliquer, sous peine d'augmenter sensiblement le risque d'accès des mineurs aux contenus pornographiques 24 ( * ) . Face à l'inaction de certains de ces prestataires de sites internet, la KJM a introduit un nouveau recours devant le tribunal administratif supérieur (OVG) de Münster, actuellement pendant.

En outre, la KJM a décidé, en mars 2022, d'une mesure de blocage par les fournisseurs d'accès à Internet à l'encontre du site pornographique le plus utilisé en Allemagne, xHamster. Elle fait suite à une première décision de mars 2020, à la suite de laquelle l'autorité régulatrice des médias de Rhénanie-du-Nord-Westphalie avait demandé à la société Hammy Media Ltd basée à Chypre et fournisseur de xHamster, de rendre le site conforme à la loi et d'effectuer un contrôle de l'âge des utilisateurs. En l'absence de mise en conformité, la KJM a demandé aux autorités régulatrices des Länder où la société dispose de représentants d'ordonner des mesures de blocage du site aux cinq principaux fournisseurs d'accès à Internet en Allemagne 25 ( * ) . Pour la KJM, cette mesure de blocage constitue un moyen de dernier recours, qui a vocation à agir comme un signal vis-à-vis des autres fournisseurs de contenus pornographiques. « L'objectif de cette approche, au moins à moyen terme, est la mise en conformité des sites pornographiques - c'est-à-dire d'établir de nouveaux standards pour cette branche. Les interdictions d'accès sont des mesures qui ne peuvent être indifférentes aux sociétés pornographiques et qui contribuent à exercer une pression pour qu'elles vérifient l'âge de leurs utilisateurs » 26 ( * ) . Selon certains médias spécialisés, le fournisseur de la plateforme pornographique a contourné ce blocage en changeant simplement le nom de domaine pour l'Allemagne (.deu ou lieu de .de), la décision du régulateur allemand ne s'appliquant pas automatiquement à tous les domaines distribuant des contenus identiques (contrairement au droit applicable en matière de droits d'auteurs).

Détail de la procédure initiée par l'autorité régulatrice des médias
de Rhénanie-du-Nord-Westphalie à l'encontre de sites pornographiques

« Selon le principe de la responsabilité graduée, une procédure est d'abord ouverte contre le fournisseur de contenus . Si celui-ci est basé dans un autre pays européen, le responsable des affaires européennes de la conférence des directeurs des autorités régulatrices des médias des Länder allemands (DLM) doit d'abord contacter le régulateur des médias étranger responsable avant toute intervention de l'autorité des médias du Land compétent. La Commission européenne est également impliquée dans ces procédures.

« Si le fournisseur de contenu ne peut être identifié ou qu'un acte administratif définitif contre lui ne peut y être exécuté en raison de son siège social à l'étranger, l'étape suivante consiste à intenter une action contre l'hébergeur .

« Conformément au § 2 de la loi sur les médias en ligne (TMG), est également responsable en tant que fournisseur de services toute personne juridique qui se contente de mettre à disposition des contenus numériques étrangers. Selon le § 20 (4) du JMStV, en lien avec le § 7 (3) TMG, les prestataires de services sont responsables de la suppression des informations ou du blocage de l'utilisation des informations ordonnés par l'administration, même s'ils n'avaient (jusqu'à présent) aucune connaissance de l'activité illégale. Les principes de responsabilité de l'article 14 de la directive 2000/31/CE (E-Commerce) ont été transposés au § 10 TMG. Conformément au § 20 paragraphe 1 et 4 JMStV, en lien avec le § 109 de l'accord entre les Länder sur les médias (MStV), les autorités régulatrices des Länder peuvent également prendre des mesures contre le prestataire de services pour bloquer les contenus de tiers conformément au § 10 TMG, à condition que le blocage soit techniquement possible et raisonnable et que les mesures à l'encontre du fournisseur de contenus soient irréalisables ou aient peu de chance d'aboutir.

« Étant donné que les hébergeurs sont, eux aussi, principalement basés dans d'autres pays européens, le responsable des affaires européennes de la DLM doit au préalable contacter ou consulter le régulateur des médias étranger responsable ainsi que la Commission européenne.

« Si les poursuites contre l'hébergeur n'aboutissent pas non plus, les autorités régulatrices des Länder doivent prendre en dernier ressort des mesures contre les fournisseurs d'accès à Internet afin qu'ils rendent l'accès aux sites internet illégaux beaucoup plus difficile grâce à un blocage DSN et protègent ainsi les enfants et les adolescents de contenus inadaptés.

« Afin d'agir efficacement contre le danger, les autorités régulatrices contactent d'abord les cinq plus gros fournisseurs d'accès en Allemagne (...). Les poursuites contre les autres fournisseurs d'accès suivront graduellement. »

Source : KJM, Tätigkeitsbericht März 2019 - Februar 2021

Outre les actions à l'encontre de sites pornographiques, la KJM et les autorités régulatrices des médias des Länder de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et du Schleswig-Holstein ont pris, en 2020, des mesures contre plusieurs profils diffusant des contenus pornographiques sur le réseau social Twitter. Les détenteurs de ces profils n'ayant pu être identifiés, les autorités régulatrices des médias ont tenu Twitter responsable en tant qu'hébergeur. Twitter s'est par la suite assuré que ces profils ne puissent plus être consultés par les utilisateurs dont le profil est paramétré en Allemagne.

L'information des parents sur les solutions techniques
de filtrage des appareils et des sites internet

Les paramètres de protection des enfants et de filtrage sur les ordinateurs, smartphones , sites internet et applications étant très variés et souvent difficiles à trouver pour les parents, les autorités régulatrices des médias de Brême, Bade-Wurtemberg et de Mecklembourg-Poméranie ont créé un portail internet (medien-kindersicher.de ) informant les parents sur les solutions techniques de filtrage pour enfants, pour les différents types et marques d'appareils et les principaux fournisseurs de contenus.

3. Les actions de l'Agence fédérale pour la protection de la jeunesse dans les médias (BzKJ)

À la suite de la révision de la loi fédérale sur la protection de la jeunesse, la nouvelle Agence fédérale pour la protection des enfants et des adolescents dans les médias (BzKJ) a vu ses compétences et ses moyens renforcés. Un an après l'entrée en vigueur de la loi, le recul demeure insuffisant pour apprécier l'efficacité des nouvelles dispositions, notamment les obligations concernant les contenus vidéo générés automatiquement sur Internet.

Le directeur de l'agence constatait, en mai 2022, que l'agence devait poursuivre le développement des liens et du dialogue avec les fournisseurs de contenus et les différents acteurs impliqués dans la protection des enfants et des jeunes dans les médias, en particulier la KJM, les organismes d'autorégulation volontaire et le centre jugendschutz.net .

Afin de servir de base à ce processus de dialogue, la BzKJ a publié, en mai 2022, une deuxième édition de l'atlas sur les dangers pour les enfants et les adolescents dans le monde numérique. La pornographie sur Internet y est identifiée comme l'un des dangers auxquels la jeunesse est confrontée. Selon des enquêtes réalisées en 2018, environ 2 % à 6 % des enfants entre 6 ans et 13 ans interrogés avaient été confrontés au moins une fois à des contenus pornographiques sur Internet. Chez les adolescents, 32 % des 14-15 ans et 47 % des 16-17 ans avaient vu au moins une fois une vidéo à caractère pornographique 27 ( * )


* 1 Strafgesetzbuch (StGB), § 184 Verbreitung pornographischer Inhalte

* 2 Jugendschutzgesetz (JuSchG)

* 3 Staatsvertrag über den Schutz der Menschenwürde und den Jugendschutz in Rundfunk und Telemedien (Jugendmedienschutz-Staatsvertrag - JMStV)

* 4 Presque chaque Land possède sa propre autorité régulatrice des médias, à l'exception des Länder de Berlin et de Brandebourg, qui partagent une autorité commune, tout comme Hambourg et le Land de Schleswig-Holstein. Au total, il existe donc 14 autorités régulatrices des médias, qui coopèrent pour la définition de lignes directrices communes au sein de commissions centrales.

* 5 Sont définis comme prestataires de services au sens de la loi du 26 février 2007 sur le numérique, toute personne physique ou morale qui met à disposition son propre service d'information et de communication électronique (Telemedien) autre qu'un service de télécommunication classique ou audiovisuel, ou celui d'un tiers, ou fournit un accès à leur utilisation. Entrent notamment dans cette catégorie les services de vente en ligne, les plateformes de vidéo qui ne sont pas liées à une chaîne télévisée, les moteurs de recherche sur Internet mais aussi les fournisseurs d'accès.

* 6 Définis à l'article 5 de l'accord des Länder.

* 7 Gesetz zur Verbesserung der Rechtsdurchsetzung in sozialen Netzwerken (Netzwerkdurchsetzungsgesetz - NetzDG), § 3 .

* 8 Dans ce dernier cas, le prestataire de services est soumis aux obligations prévues par les articles 54 et suivants de l'accord des Länder sur l'audiovisuel.

* 9 Créée en 2021, à l'occasion de la révision législative en remplacement du Centre fédéral de contrôle des médias portant atteinte aux jeunes (Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Medien).

* 10 https://www.bzkj.de/bzkj/ueberuns/aufgaben

* 11 Le droit allemand considère comme un enfant tout mineur de moins de 14 ans et comme un adolescent un mineur âgé de 14 ans ou plus et de moins de 18 ans.

* 12 La KJM reconnaît quatre organismes d'autorégulation : FSF, compétente pour la télévision et les plateformes de vidéo en ligne, FSM dans le domaine des services multimédias, FSK.online pour l'industrie du film en ligne et USK.online pour les programmes informatiques.

* 13 La KJM ne communique que sur les évaluations ayant abouti à un résultat positif de conformité avec les exigences de protection de la jeunesse.

* 14 https://www.kjm-online.de/aufsicht/technischer-jugendmedienschutz/unzulaessige-angebote/altersverifikationssysteme

* 15 https://www.kjm-online.de/fileadmin/user_upload/KJM/Aufsicht/Technischer_Jugendmedienschutz/KJM-AVS-Raster.pdf

* 16 https://www.kjm-online.de/service/pressemitteilungen/meldung/kjm-bewertet-sieben-weitere-altersverifikationssysteme-positiv-1

* 17 https://www.kjm-online.de/service/pressemitteilungen/meldung/kjm-bewertet-yoti-age-scan-als-technisches-mittel-positiv

* 18 KJM, Tätigkeitsbericht März 2019 - Februar 2021, p. 59.

* 19 https://www.fsm.de/online-jugendschutz/jugendmedienschutz-in-der-praxis/

* 20 https://www.kjm-online.de/service/pressemitteilungen/meldung?tx_news_pi1%5Bnews%5D=4826&cHash=faf6ef201d23b877624d67cb61f0a121

* 21 https://www.jugendschutz.net/ueber-uns/wer-wir-sind

* 22 Selon l'hebdomadaire Die Zeit, les trois sites concernés sont Pornhub, Youporn et Mydirtyhobby.

Voir : https://www.zeit.de/digital/internet/2020-06/pornografie-minderjaehrige-medienschutz-pornoplattform-sperre?page=11

* 23 https://www.kjm-online.de/service/pressemitteilungen/meldung?tx_news_pi1%5Bnews%5D=4826&cHash=faf6ef201d23b877624d67cb61f0a121

* 24 Verwaltungsgericht Düsseldorf, 27 L 1414/20

* 25 https://www.kjm-online.de/service/pressemitteilungen/meldung/kjm-beschliesst-sperrung-von-xhamster

* 26 https://www.kjm-online.de/themen/vorgehen-porno-portale

* 27 Bundeszentrale für Kinder- und Jugendmedienschutz - Gefährdungsatlas p. 175.

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