ALLEMAGNE



Les fondements juridiques

En décembre 1983 , la Cour constitutionnelle a, dans un jugement relatif au recensement de la population, proclamé un nouveau droit : " le droit d'autodétermination informationnelle ", qui est le droit, pour chaque individu, de décider de la communication et de l'emploi des informations relatives à sa personne. Si elle n'équivaut pas à une interdiction absolue de toute interconnexion, car la Cour constitutionnelle a souligné la nécessité de l'équilibre entre la protection de la vie privée et l'intérêt général, l'affirmation du droit d'autodétermination informationnelle limite beaucoup les possibilités d'interconnexion.

L'article 14 de la loi de 1990 sur la protection des données
oblige les organismes du secteur public à respecter le principe de finalité : les données personnelles ne peuvent être utilisées que pour la finalité pour laquelle elles ont été collectées. Le même article précise cependant qu'une règle de droit peut autoriser, explicitement ou non, un changement de finalité. La loi de 1990 précise par ailleurs que les transferts de données personnelles peuvent se faire de façon automatique, dans la mesure où la procédure utilisée est adaptée aux buts recherchés et sauvegarde les droits des intéressés.

Conformément à l'article 14, plusieurs lois autorisent des transferts d'informations entre administrations différentes. Dans le texte qui suit, on a pris l'exemple des lois sociales, c'est-à-dire des données personnelles qui sont traitées par les organismes de sécurité sociale.

I. L'IDENTIFIANT UNIQUE

L'utilisation d'un tel numéro d'identification est considérée comme anti-constitutionnelle.

II. L'INTERCONNEXION DES FICHIERS ADMINISTRATIFS

1) La loi sur l'aide sociale

Son article 117 autorise les bureaux d'aide sociale à contrôler " régulièrement au moyen de rapprochements de données effectués de façon automatique " que les bénéficiaires ne cumulent pas soit plusieurs prestations d'aide sociale d'origine différente, soit une prestation d'aide sociale avec une allocation de chômage, une pension de retraite, une rente pour accident du travail...

Pour réaliser ce contrôle, les bureaux d'aide sociale peuvent communiquer aux autres administrations certains renseignements, limitativement énumérés : nom et prénom, date et lieu de naissance, nationalité, sexe, adresse et numéro d'immatriculation sociale.

Le rapprochement est réalisé par les autres administrations qui en communiquent les résultats aux bureaux d'aide sociale. Une fois les vérifications faites, ces derniers ont l'obligation de restituer, d'effacer ou de rendre inaccessibles les données et leurs supports. Les bureaux d'aide sociale n'ont le droit d'utiliser les informations qui leur sont fournies que pour rechercher des cumuls illégaux.

Le même article oblige les administrations et les entreprises qui dépendent des collectivités territoriales à fournir aux bureaux d'aide sociale d'autres données (date et lieu de naissance, état civil et situation de famille, adresse, propriété d'un véhicule automobile, durée du bail et coût du loyer, montant des factures d'électricité, de gaz, d'eau...).

Le Délégué général à la protection des données, qui, en collaboration avec le ministère de la Santé, a élaboré le règlement permettant l'application de l'article 117 de la loi, a émis, de même que le ministère de la Justice, des doutes sur la constitutionnalité d'un fichier central des données sociales comportant toutes les données relatives aux bénéficiaires de l'aide sociale et permettant l'interconnexion avec d'autres fichiers.

2) Le code social

Les articles 68 à 76 du livre X du code social autorisent les organismes de sécurité sociale à transmettre des données sociales dans certains cas. Des règlements du ministère des Affaires sociales précisent dans quelles conditions ces transferts peuvent avoir lieu.

a) A la justice, à la police, aux autres forces de l'ordre et à toute personne faisant valoir un droit devant un tribunal administratif
D'après l'article 68, la transmission de certaines données sociales à la justice et aux différentes forces de l'ordre, ainsi qu'à toute personne faisant valoir devant un tribunal administratif un droit d'au moins 1.000 DEM (c'est-à-dire environ 3.000 francs) est justifiée dans la mesure où elle ne lèse aucun des intérêts légitimes de l'intéressé.

Les données susceptibles d'être transmises sont : le nom et le prénom de la personne, ses date et lieu de naissance, son adresse, ainsi que les noms et adresses de ses employeurs.

b) Pour l'accomplissement de missions sociales

L'article 69 autorise, de façon générale, la transmission de données sociales lorsque cette dernière permet :

- l'accomplissement par un organisme des missions que le code social lui impartit ou le déroulement d'un procès connexe ;

- la rectification de déclarations inexactes, lorsque lesdites déclarations fondent l'attribution de prestations.


L'article 69 justifie par exemple qu'un organisme qui gère l'assurance contre les accidents du travail communique à une caisse de retraite le montant de la rente qu'il verse à un assuré.

L'article 69 légitime également la transmission de certaines données sociales dans quelques cas particuliers. Il autorise ainsi une caisse de sécurité sociale à indiquer à un employeur si la prolongation ou le renouvellement d'un arrêt de travail est dû à la même maladie que celle qui a justifié l'arrêt de travail initial.

c) Pour le respect de la sécurité du travail

Aux termes de l'article 70, la transmission de données sociales afin d'atteindre cet objectif est justifiée dans la mesure où elle ne lèse aucun des intérêts légitimes de l'intéressé.

d) Pour l'accomplissement de certaines obligations légales

Selon l'article 71, la transmission des données sociales est justifiée lorsqu'elle est nécessaire à l'accomplissement d'une obligation légale consistant à fournir des informations lorsque celles-ci permettent par exemple la prévention des infractions pénales, de la fraude fiscale ou du travail au noir.

e) Pour la protection de la sécurité intérieure et extérieure

D'après l'article 72, cet objectif justifie la transmission de certaines données : les nom et prénom, éventuellement les noms utilisés précédemment, les date et lieu de naissance, les adresse actuelle et antérieure(s), ainsi que les noms et adresses des employeurs actuel(s) et antérieur(s).

f) Pour la réalisation d'un procès pénal

L'article 73 justifie la transmission des mêmes données que dans le cas précédent.

g) Pour faire valoir un droit à pension alimentaire

L'article 74 autorise la transmission de données sociales, que le litige soit ou non réglé par un tribunal, que le droit à pension découle d'une loi ou d'un contrat.

h) Pour la recherche et la programmation

Selon l'article 75, cet objectif justifie la transmission de données sociales, dans la mesure où aucun des intérêts légitimes de l'intéressé n'est lésé. Cette restriction est supprimée lorsque l'intérêt général l'emporte.

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Afin de lutter contre la perception frauduleuse de prestations sociales, le ministère du Travail et des affaires sociales avait envisagé de faire adopter un texte général sur le rapprochement des données sociales, qui aurait été inclus dans un chapitre du code social consacré à la protection des données personnelles.

Le Délégué fédéral à la protection des données et le ministère n'étaient pas d'accord sur le contenu du projet et le ministère a, malgré la désapprobation du Délégué, fait voter l'article 67e du livre X du code social, intitulé : " Collecte et transmission pour la lutte contre la perception injustifiée de prestations sociales et contre le travail illégal des étrangers ". Cet article élargit les compétences de l'Office fédéral du travail et des bureaux des douanes. Cette nouvelle disposition les charge en effet, dans le cadre de leur mission générale de lutte contre la perception injustifiée de prestations sociales et contre l'emploi illégal des étrangers, prévue à l'article 304 du livre III du code social, d'interroger les personnes qu'ils contrôlent sur :

- les catégories de prestations sociales perçues ;

- leur caisse d'assurance maladie ;

- les cotisations versées ;

- les travailleurs étrangers employés.

Les réponses obtenues peuvent être transmises par les organismes de sécurité sociale aux autorités qui sont compétentes pour faire cesser la fraude.

En 1995, les ministères du Travail et des Affaires sociales des Länder ont créé un groupe de travail sur l'amélioration de l'échange des données sociales. Dans ses conclusions, rendues à la fin de l'année 1997, le groupe priait le gouvernement fédéral de " faire le nécessaire pour permettre la réalisation d'un meilleur échange de données ". Le gouvernement fédéral n'a rien fait jusque maintenant, mais le Délégué fédéral et les délégués régionaux à la protection des données ont manifesté leur accord avec d'éventuels changements, dans la mesure où ils seraient nécessaires et adaptés au but recherché, et où les garanties fondamentales des individus seraient respectées.

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