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ÉTUDE D'IMPACT

Projet de loi

d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur

NOR : IOMD2223411L/Bleue-1

7 septembre 2022

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION GÉNÉRALE 4

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 9

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 10

TABLEAU DES INDICATEURS D'IMPACT 11

TITRE I ER 15

OBJECTIFS ET MOYENS DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR 15

Article 1 : Approbation du rapport annexé 15

Article 2 : Trajectoire budgétaire 23

TITRE II 26

DISPOSITIONS RELATIVES A LA REVOLUTION NUMÉRIQUE DU MINISTÈRE 26

CHAPITRE I ER 26

LUTTE CONTRE LA CYBERCRIMINALITÉ 26

Article 3 : Permettre aux officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, de réaliser des saisies d'actifs numériques 26

Article 4: Subordonner, en cas de cyber attaque avec demande de rançon, le versement d'une indemnisation assurantielle au dépôt, par la victime, d'une plainte dans un délai maximal de 48h à compter du paiement de la rançon 33

CHAPITRE II 42

UN ÉQUIPEMENT À LA POINTE DU NUMÉRIQUE 42

Article 5 : Habilitation du Gouvernement pour le Réseau Radio du Futur 42

TITRE III 50

DISPOSTIONS RELATIVES A L'ACCUEIL DES VICTIMES ET A LA REPRESSION DES INFRACTIONS 50

CHAPITRE IER 50

AMÉLIORER L'ACCUEIL DES VICTIMES 50

Article 6 : Simplification du recours à la télécommunication audiovisuelle en procédure pénale et possibilité d'y avoir recours pour le recueil de la plainte 50

CHAPITRE II 56

MIEUX LUTTER CONTRE LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES ET SEXISTES ET PROTÉGER LES PERSONNES 56

Article 7 : Renforcer la répression de l'outrage sexiste 56

Article 8 : Elargir le recours aux techniques spéciales d'enquête (TSE) pour mieux lutter contre les agissements sectaires, les viols et les homicides sériels ainsi que pour retrouver les fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée 62

TITRE IV 73

DISPOSITIONS VISANT À ANTICIPER LES MENACES ET CRISES 73

CHAPITRE I ER 73

RENFORCER LA FILIÈRE INVESTIGATION 73

Article 9 : Former tous les nouveaux policiers et gendarmes aux fonctions d'officier de police judiciaire (OPJ) dès la formation initiale 73

Article 10 : Création des assistants d'enquête 84

CHAPITRE II 93

RENFORCER LA FONCTION INVESTIGATION 93

Article 11: Supprimer la procédure de la réquisition des services de police scientifique (PTS) par les services de police 93

Article 12 : Prévenir la nullité des procédures judiciaires tirée de la seule absence de mention expresse, au procès-verbal de consultation de traitements de données, de l'habilitation de l'agent qui y a procédé 99

Article 13 : Extension des autorisations générales de réquisitions 104

CHAPITRE III 115

AMÉLIORER LA RÉPONSE PÉNALE 115

Article 14 : Généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour tous les délits punis d'une seule peine d'amende ou d'un an d'emprisonnement au plus 115

CHAPITRE IV 122

FAIRE FACE AUX CRISES HYBRIDES ET INTERMINISTÉRIELLES 122

Article 15 : Pouvoirs du préfet en cas de crise 122

TITRE V 134

DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER 134

Article 16 : Habilitation du Gouvernement relative à l'application des dispositions dans les outre-mer 134

INTRODUCTION GÉNÉRALE

L'action du ministère de l'intérieur est au coeur de la vie des Français. Vivre en sécurité, accéder à des services publics de proximité modernes, faciliter les projets dans tous les départements sont des attentes majeures des citoyens. Y répondre efficacement est une nécessité démocratique et constitue la mission des agents du ministère de l'intérieur, au service de tous, partout et tout au long de l'année. Pour les cinq ans à venir, cette loi fixe les objectifs et programme les moyens des missions relevant du ministère de l'intérieur, alors que l'univers numérique et la délinquance évoluent considérablement.

Depuis 2017, un effort sans précédent pour lutter contre le crime et garantir la sécurité du quotidien a été engagé, avec le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes. En 2022, chaque département comptera plus de policiers et gendarmes qu'en 2017. De premières réponses ont ainsi été apportées aux priorités fixées, notamment la lutte contre le trafic de drogue et la répression des violences intrafamiliales, lesquelles touchent les femmes et les enfants.

Grâce à ces renforts, la lutte contre le trafic de drogue s'est traduite par la création d'un nouvel office anti-drogue et par la baisse du nombre de points de deal en France de 10% en 2021. La généralisation des amendes forfaitaires délictuelles sanctionne, quant à elle, efficacement les consommateurs de stupéfiants : 130 000 amendes ont été dressées en 2021.

En outre, les atteintes aux biens ont reculé depuis 2017, qu'il s'agisse des cambriolages de logements, des vols de véhicules, des vols avec armes ou des vols violents sans armes.

Si les atteintes aux personnes ne s'infléchissent pas, c'est notamment du fait de l'augmentation déclarée des violences intrafamiliales et sexuelles. La parole se libère, les violences sont mieux connues et sont donc mieux combattues même s'il reste bien évidemment des efforts à faire. Depuis le Grenelle des violences conjugales, 2 000 enquêteurs spécialisés se sont déployés, 90 000 policiers et gendarmes ainsi que tous les élèves policiers et gendarmes ont été formés, 400 intervenants sociaux accueillent et accompagnent les victimes dans les commissariats et les brigades. Une plateforme de signalements a été créée ; les outrages sexistes et le harcèlement dans l'espace public sont désormais verbalisés.

Des moyens supplémentaires sont aussi venus faciliter les démarches quotidiennes des citoyens, avec notamment la création de 2 000 espaces France Services, partout dans les territoires. Pour la première fois ces deux dernières années, les effectifs des services territoriaux de l'État ont été stabilisés, alors même que 5 000 postes de fonctionnaires avaient été supprimés dans les préfectures et directions départementales interministérielles depuis 2010. L'échelon départemental, préservé et renforcé, s'est aussi transformé avec la mutualisation des fonctions de soutien des services pilotés par les préfets.

Ce renforcement des moyens humains est une partie de la réponse. La présente loi remet à niveau et modernise les moyens du ministère, pour l'adapter aux nouveaux enjeux de sécurité.

A la suite du Livre blanc sur la sécurité intérieure, le Beauvau de la sécurité lancé en février 2021 a permis une large concertation sur les missions, le statut et les moyens des policiers et gendarmes. Le très fort renforcement de la fonction investigation et la simplification de la procédure pénale se sont traduits par des avancées concrètes, comme l'extension des amendes forfaitaires délictuelles (AFD).

Parallèlement, des mesures pour améliorer transparence et exemplarité ont été prises : formation renforcée et allongée des policiers et gendarmes, meilleur encadrement par une hiérarchie présente sur le terrain, équipement en caméras-piétons individuelles, nouveau schéma national du maintien de l'ordre, publicité des rapports des inspections.

Par ailleurs, le modèle français de sécurité civile et de gestion de crise a été consolidé, avec le plan de soutien au volontariat de 2018 ainsi que la loi de 2021, première grande loi de sécurité civile depuis 2011, qui valorise le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels. Durant cinq ans, les services de l'État, pilotés par les préfets, ont plus que jamais joué un rôle majeur : lutte contre la pandémie, mise en oeuvre du plan France Relance avec des sous-préfets dédiés, pilotage de la lutte contre le séparatisme, notamment islamiste. Surtout, une manière nouvelle d'agir, fondée sur la confiance, a émergé. Préfets, sous-préfets et agents des préfectures travaillent étroitement avec les élus, en particulier les maires. Les partenaires des forces de sécurité, parties prenantes du continuum de sécurité, ont été confortés : les polices municipales sont dotées de nouvelles missions et le cadre d'exercice des professions de la sécurité privée sera profondément revu en 2022.

Cette remise à niveau des moyens humains, financiers ou matériels du ministère de l'intérieur a été permise par une augmentation de son budget - inégalée dans l'histoire administrative - de 10 milliards d'euros. S'arrêter serait une erreur : le ministère de l'intérieur, s'il est celui de l'urgence, ne peut se satisfaire de politiques « par à-coups », provenant en partie d'un déficit d'anticipation et de programmation. Ces cinq années de réparation se prolongeront pendant les cinq suivantes, avec un effort augmenté à hauteur de 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires sur le périmètre actuel. L'institution continuera de se renforcer, tout en se transformant profondément. C'est la voie à suivre pour que les femmes et les hommes du ministère de l'intérieur relèvent les défis des cinq prochaines années.

La présente loi donne de nouveaux moyens humains, juridiques, budgétaires et matériels au ministère de l'intérieur. Préparer la France de 2030 suppose de prendre le tournant révolutionnaire du numérique, d'agir dans la proximité et de mieux prévenir les crises et menaces futures.

Le numérique, levier de modernisation et de rapprochement avec les citoyens à saisir mais aussi nouveau champ d'action à investir pour lutter notamment contre la cyber criminalité, impose au ministère de l'intérieur une « révolution copernicienne » comparable à la création de la police judiciaire sous Georges Clemenceau. Une part très importante des moyens de la présente loi est ainsi dédiée à la transformation numérique, pour que le ministère de l'intérieur se saisisse des opportunités qu'elle offre : démarches dématérialisées, outils de travail en mobilité, moyens d'investigation modernisés. Il est aussi un nouveau territoire de délinquance de masse, qui demande à ce que des moyens humains, juridiques et budgétaires importants soient orientés vers la lutte contre la cyber criminalité, l'accompagnement des victimes et l'anticipation de la crise de demain.

Dans les cinq années à venir, le ministère de l'intérieur se rapprochera des citoyens et des territoires ruraux. 200 brigades de gendarmerie seront créées et la présence de l'Etat dans les territoires sera renforcée, notamment dans les zones périurbaines et rurales. En outre, la présence des policiers et des gendarmes sur le terrain sera doublée en 2030. Grâce au numérique, à une meilleure gestion des effectifs, à l'abandon de tâches périphériques qui ne sont pas le coeur de métier des forces de l'ordre et à la simplification de la procédure, le temps sur la voie publique sera la règle et le temps au commissariat ou à la brigade l'exception. Les victimes, notamment de violences intrafamiliales ou sexuelles, placées au centre d'un parcours modernisé, seront mieux accueillies et accompagnées. Policiers et gendarmes refléteront aussi davantage la diversité de la population, grâce à des dispositifs de recrutement diversifiés. Avec des garanties de transparence et d'exemplarité renforcées dans l'action des forces de sécurité, jeunes et habitants des quartiers populaires auront davantage envie de s'engager dans celles-ci. Le ministère de l'intérieur nouera des partenariats renouvelés avec les acteurs du continuum de sécurité et se rapprochera du monde de la recherche. Les agents seront équipés de matériels performants et innovants et bénéficieront d'un immobilier offrant des conditions de travail et d'accueil rénovées et répondant aux besoins accrus de formation.

La présente loi donnera également les moyens de mieux faire face aux crises et menaces actuelles (ordre public, délinquance et criminalité, crises de sécurité civile), tout en préparant mieux notre société aux enjeux de 2030. Faire face mieux qu'hier à la délinquance du quotidien et à la criminalité suppose ainsi de continuer de renforcer les moyens humains et juridiques d'investigation, en intégrant davantage police et justice. La subversion violente sera combattue grâce de nouvelles unités plus réactives, après une décennie de baisse des effectifs de forces mobiles. A l'approche de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, des outils de gestion des grands évènements plus robustes seront bâtis. Face aux crises climatiques, nos moyens devront mieux s'adapter aux enjeux actuels mais aussi futurs : le renouvellement amorcé des matériels de sécurité civile sera amplifié de manière inédite avec le renouvellement de la flotte d'hélicoptères du ministère et une mutualisation plus grande des moyens aériens. La gestion de crise sera professionnalisée, sous l'autorité des préfets, et saura mieux qu'avant s'appuyer sur une population dotée d'une meilleure culture du risque. Enfin, nos frontières seront mieux sécurisées, grâce à une meilleure coordination opérationnelle et à l'utilisation d'outils technologiques de pointe.

L'ensemble de ces moyens ne saurait se déployer sans une attention accrue aux conditions de travail et au soutien. La présente loi, pour être à la hauteur des enjeux de 2030, devra avant tout être à la hauteur des femmes et des hommes du ministère de l'intérieur et au service des Français.

Le titre I er détaille les objectifs et moyens du ministère de l'intérieur, qui figurent dans le rapport annexé au texte de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

L 'article 1 er a pour objet l'adoption du rapport annexé à la loi. L' article 2 fixe la trajectoire budgétaire sur les cinq années de la loi, soit de 2023 à 2027, pour le budget du ministère de l'intérieur.

Le titre II du projet de loi contient les dispositions relatives à la transformation numérique du ministère.

Le chapitre I er du titre II détaille les mesures prises pour lutter plus efficacement contre la cyber criminalité. L' article 3 du projet de loi permet aux officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, de réaliser, au même titre de ce qui existe déjà pour les actifs bancaires, des saisies d'actifs numériques qui sont aujourd'hui plus rapidement et aisément dissimulables que des actifs bancaires. L' article 4 encadre les clauses de remboursement des rançongiciels par les assurances, en conditionnant ce remboursement au dépôt rapide d'une plainte par la victime, afin d'améliorer l'information des forces de sécurité et de l'autorité judiciaire et de « casser » le modèle de rentabilité des cyber attaquants.

Le chapitre II du titre II dédié à l'équipement numérique des forces de sécurité et de secours contient un unique article 5 qui habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance pour engager les modifications du code des postes et des communications électroniques nécessaires au déploiement du projet « réseau radio du futur ».

Le titre III du projet de loi contient des dispositions relatives à l'accueil des victimes et à la répression des infractions.

Le chapitre Ier du titre III concerne l'accueil des victimes. L' article 6 simplifie le dépôt de plainte en ouvrant la possibilité aux victimes de le faire par voie de télécommunication audiovisuelle.

Le chapitre II du titre III contient les dispositions visant à mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes. Compte tenu de la récurrence des faits de harcèlement dans l'espace public ou dans les transports, l' article 7 prévoit l'aggravation de la peine d'amende encourue pour le délit d'outrage sexiste et fait de cet outrage un délit lorsqu'il est commis dans certaines configurations. L' article 8 prévoit quant à lui le renforcement du dispositif pénal applicable à plusieurs types d'atteinte aux personnes. Il étend notamment l'usage des techniques spéciales d'enquête aux investigations en matière d'abus de faiblesse commis en bande organisée, pour mieux réprimer le phénomène sectaire ; il autorise le recours aux techniques spéciales d'enquêtes pour la recherche des fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée ; il permet enfin le recours à ces mêmes techniques spéciales d'enquête, ainsi qu'à la garde à vue dérogatoire, pour des faits d'homicides et de viols lorsqu'ils sont commis en série.

Le titre IV contient les dispositions visant à anticiper les menaces et crises et à doter le ministère des moyens juridiques d'y faire face.

Le chapitre I er du titre IV vise à simplifier la procédure pénale pour renforcer la filière investigation. Pour augmenter le nombre d'officiers de police judiciaire et renforcer la formation juridique des nouveaux policiers et gendarmes, l' article 9 supprime la condition d'ancienneté appliquée aux policiers et gendarmes pour se présenter à l'examen d'officier de police judiciaire permettant ainsi à tous les élèves policiers et gendarmes de le passer à l'issue de leur scolarité et prévoit désormais une condition d'ancienneté en service et d'expérience pour recevoir l'habilitation d'officier de police judiciaire par l'autorité judiciaire. L' article 10 créé la fonction d'assistants d'enquête, nouvelle catégorie de police judiciaire, qui seconderont les officiers et agents de police judiciaire dans l'exercice de leurs missions de police judiciaire en réalisant des missions encadrées par le code de procédure pénale.

Le chapitre II du titre IV prévoit des dispositions visant à renforcer la fonction investigation. Par souci de simplification et d'allègement de la procédure pénale, l' article 11 supprime la réquisition des services de police technique et scientifique par les services de police et de gendarmerie.

L' article 12 vise à éviter que la seule absence de mention expresse au procès-verbal de consultation des traitements de données de la décision d'habilitation de l'agent des forces de sécurité ou des douanes, à procéder à cette consultation, n'entraîne automatiquement la nullité des procédures en cause, cette justification pouvant intervenir à tout moment, à la demande de l'autorité judiciaire ou de l'une des parties. L' article 13 étend les autorisations générales de réquisitions résultant d'instructions générales du procureur de la République concernant plusieurs catégories d'infractions.

Le chapitre III du titre IV est relatif à l'amélioration de la réponse pénale. Ainsi l' article 14 généralise l'amende forfaitaire délictuelle (AFD) à tous les délits punis d'une seule peine d'amende ou d'un an d'emprisonnement au plus.

Le chapitre IV du titre IV est relatif à l'amélioration de la réponse aux crises hybrides et interministérielles. L'article 15 vise à clarifier et à renforcer, lors d'événements d'une particulière gravité et sur autorisation du préfet de zone, les prérogatives du préfet de département à l'égard des établissements publics de l'Etat et services déconcentrés ne relevant pas de son autorité, pour les seules mesures liées à la gestion de la situation.

Le titre V prévoit l'application outre-mer de la réforme, en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l'application outre-mer des modifications prévues par le présent projet de loi.

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Consultations facultatives

3

Permettre aux officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, de réaliser des saisies d'actifs numériques

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières

(Article L. 614-2 du code monétaire et financier)

4

Subordonner, en cas de cyber attaque avec demande de rançon, le versement d'une indemnisation assurantielle au dépôt, par la victime, d'une plainte dans un délai maximal de 48h à compter du paiement de la rançon

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières

(Article L. 614-2 du code monétaire et financier)

9

Former tous les nouveaux policiers et gendarmes aux fonctions d'officier de police judiciaire dès la formation initiale

Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

(Article R. 4124-1 du code de la défense)

Comité technique de réseau de la police nationale (CTRPN)

10

Création des assistants d'enquête

Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

(Article R. 4124-1 du code de la défense)

Comité technique de réseau de la police nationale (CTRPN)

Comité technique de la Gendarmerie Nationale (CTGN)

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION

Article

Objet de l'article

Textes d'application

Administration compétente

7

Renforcer la répression de l'outrage sexiste

Décret en Conseil d'Etat

9

Former tous les nouveaux policiers et gendarmes aux fonctions d'officier de police judiciaire (OPJ) dès la formation initiale

Décret en Conseil d'État

Arrêté

Ministère de l'intérieur

10

Création des assistants d'enquête

Décret en Conseil d'Etat

Arrêté

Ministère de l'intérieur

TABLEAU DES INDICATEURS D'IMPACT

Indicateurs

Objectifs et modalités de l'indicateur

Objectif visé (en valeur et/ou en tendance)

Horizon temporel et périodicité

Identification et objectifs des dispositions concernées

Présence des forces de sécurité intérieure (FSI) sur la voie publique

Cet indicateur vise à mesurer l'évolution du taux de présence des forces de sécurité intérieure (policiers et gendarmes) sur la voie publique.


Pour la Direction générale de la police nationale (DGPN), l'assiette inclut la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), y compris le Service central du renseignement territorial (SCRT), la Préfecture de police (PP), la Direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS), la Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).

L'objectif est de s'assurer que ce taux de présence augmente et converge vers l'objectif final de doublement de la présence sur la voie publique des policiers et gendarmes sur dix années. Il s'agit de rapprocher la population des forces de sécurité intérieure, d'accroître la visibilité des forces en renforçant le maillage territorial pour assurer les missions de sécurisation et de s'assurer de l'amélioration de la sécurité des citoyens et de l'effet de dissuasion sur les délinquants.

L'évaluation annuelle sera réalisée par les directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale (DGGN) du ministère de l'intérieur, en comptabilisant les heures de présence sur la voie publique, quelle que soit la mission effectuée. L'heure est comptabilisée dès lors que les agents se trouvent hors des locaux de police ou de gendarmerie.

Objectif tendanciel : le doublement de la présence des forces de sécurité intérieure (policiers et gendarmes) sur la voie publique en 10 ans, soit d'ici 2032

Pluriannuel (2032)

Les leviers qui seront mobilisés pour atteindre l'objectif de doublement de la présence des forces de sécurité intérieure (policiers et gendarmes) sur la voie publique sont évoqués dans le rapport annexé au projet de loi, dans le chapitre 2.3 intitulé « Doubler la présence de nos forces de l'ordre sur le terrain d'ici 2030 ».

Nombre d'officiers de police judiciaire (OPJ) exerçants dans la police nationale

Cet indicateur vise à mesurer le nombre d'officiers de police judiciaire (OPJ) en fonction dans la police nationale.

L'objectif est de disposer de davantage d'officiers de police judiciaire, pour accroitre les capacités opérationnelles des services d'investigation des forces de sécurité, permettre un traitement plus efficient des enquêtes judiciaires dont ils ont la charge ainsi que leur élucidation et plus globalement d'augmenter le niveau de qualification juridique des policiers.

L'évaluation annuelle sera réalisée par la direction générale de la police nationale (DGPN) du ministère de l'intérieur.

Modalité 1 :

17 000 OPJ en fonction dans la police nationale en 2022

Modalité 2 :

Atteindre 22 000 OPJ dans la police nationale d'ici 2027, en formant 2 800 OPJ par an à compter de 2023 contre 1 200 seulement en 2021

Annuel

Article 9 : Former tous les nouveaux policiers et gendarmes aux fonctions d'officier de police judiciaire (OPJ) dès la formation initiale

Le dispositif est détaillé littéralement dans le rapport annexé au projet de loi, dans son chapitre 3.1.1 « Former plus d'officiers de police judiciaire ». Ainsi, l'ensemble des nouveaux policiers et gendarmes seront formés aux fonctions d'OPJ, en intégrant un socle commun à la formation initiale et en prévoyant le passage de l'examen à l'issue de la scolarité et de la période de stage (et non plus après trois ans). Cette formation élèvera le niveau juridique de l'ensemble des nouveaux policiers et gendarmes et valorisera ces fonctions qui souffrent aujourd'hui d'un déficit d'image.

Montant annuel d'avoirs crypto-actifs saisis

Cet indicateur vise à suivre l'évolution des montants des avoirs criminels saisis sous forme de crypto-actifs.

L'objectif est de permettre aux services enquêteurs de saisir les avoirs criminels quelle que soit la forme sous laquelle ils sont détenus, alors qu'il s'avère aujourd'hui que les avoirs détenus sous forme de crypto-actifs sont plus aisés à disperser et à dissimuler par les criminels qui les détiennent.

L'évaluation annuelle sera réalisée conjointement par les directions générales de la police nationale (DGPN) et de la gendarmerie nationale (DGGN) du ministère de l'intérieur.

Objectif sur 5 ans : augmenter fortement le montant de crypto-actifs saisis (dans la mesure où la loi ouvre une nouvelle possibilité de saisie, il est difficile de s'appuyer sur une base chiffrée existante)

Pluriannuel (2027)

Article 3 : Permettre aux officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, de réaliser des saisies d'actifs numériques.

Nombre d'effectifs dédiés aux violences intrafamiliales (VIF) dans les brigades de gendarmerie et commissariats de police

Cet indicateur vise à mesurer le nombre d'enquêteurs dédiés aux violences intrafamiliales dans les unités de police et de gendarmerie, conformément à l'objectif fixé d'un doublement de ces enquêteurs sur 5 ans

L'objectif est de disposer de plus d'enquêteurs formés pour enquêter sur les faits de violences intrafamiliales et pour accueillir les victimes de ces faits, qui sont, grâce à la libération de la parole des victimes, notamment des femmes, beaucoup plus déclarés qu'auparavant.

L'évaluation annuelle sera réalisée conjointement par les directions générales de la police nationale (DGPN) et de la gendarmerie nationale (DGGN) du ministère de l'intérieur.

Modalité 1 :

1 973 enquêteurs dédiés en 2021

Modalité 2 :

3 000 effectifs dédiés (PN + GN) en 2025

4 000 effectifs dédiés (PN + GN) en 2027

Annuel

Article 7 : Renforcer la répression de l'outrage sexiste

Article 8 : Elargir le recours aux techniques spéciales d'enquête (TSE) pour mieux lutter contre les agissements sectaires, les viols et les homicides sériels ainsi que pour retrouver les fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée.

L'objectif de ces dispositions est de renforcer les moyens de lutte contre les violences intrafamiliales. Ainsi, les victimes de violences sexuelles et intrafamiliales sont au coeur de la refonte du « parcours victime », et la montée en puissance des moyens se prolongera dans le présent projet de loi.

Le doublement du nombre d'enquêteurs dédiés aux faits de violences intrafamiliales est détaillé dans le rapport annexé au projet de loi, dans son chapitre 2.5.1 « Les moyens de lutter contre les violences intrafamiliales seront encore renforcés ».

TITRE I ER

OBJECTIFS ET MOYENS DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

Article 1 : Approbation du rapport annexé

1. ETAT DES LIEUX

L'article 34 de la Constitution prévoit que « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'Etat ». Elles peuvent être votées dans tous les domaines.

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La précédente loi d'orientation intéressant le ministère de l'Intérieur est la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ; elle programmait des moyens pour la période 2011-2013 pour les seules police et gendarmerie.

Depuis 2013, aucun document d'orientation et de programmation n'a permis de remettre à niveau les moyens du ministère. C'est pourquoi en conclusion du Beauvau de la sécurité, qui a consisté en un cycle de concertations sur les moyens de la sécurité intérieure tout au long de l'année 2021, la Président de la République a annoncé qu'une loi d'orientation et de programmation remédierait à cette lacune.

Cette loi prévoit un horizon de cinq ans (2023-2027) et englobe l'ensemble des moyens du ministère de l'intérieur : en effet, aujourd'hui, la sécurité est certes publique, mais également civile et au-delà, repose sur une transformation (notamment numérique) de l'ensemble du ministère. Cette loi permet de fixer une trajectoire des ressources financières du ministère et, partant, de prévoir les moyens concourant aux projets portés pour transformer le ministère, renforcer sa présence dans les territoires et anticiper les menaces et les crises.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur fixe une trajectoire à l'ambition de transformation du ministère jusqu'en 2027, dans le périmètre des missions qui sont les siennes aujourd'hui, grâce à des moyens humains, juridiques, budgétaires. Cette ambition est détaillée dans un rapport annexé que l'article 1er permet d'adopter.

Cette loi ainsi que le rapport annexé qui l'accompagne se fondent sur le bilan des politiques publiques mises en oeuvre par le ministère de l'intérieur au cours de récents exercices, comme par exemple le Livre blanc de la sécurité intérieure puis les travaux préparatoires à l'élaboration de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, engagés au sein des services du ministère de l'intérieur :

- En matière de bilan sur le champ des sécurités, un effort sans précédent pour lutter contre le crime et garantir la sécurité du quotidien a été engagé depuis 2017, avec le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. 90 % d'entre eux ont été affectés dans les territoires. Après plusieurs années de réductions des moyens humains, le renforcement des effectifs a permis d'apporter de premières réponses aux priorités fixées, en particulier la lutte contre le trafic de stupéfiants. Grâce aux moyens supplémentaires, avec la création du nouvel office anti-stupéfiants (OFAST), le nombre de points de deal sur le territoire a baissé de 10 % en 2021, grâce à près de 6 000 opérations dédiées et à l'augmentation de 20 % du nombre d'interpellations liées. La généralisation des amendes forfaitaires délictuelles permet de sanctionner plus efficacement les consommateurs : 130 000 amendes pour usage de stupéfiants ont été dressées en 2021. Par ailleurs, les atteintes aux biens ont reculé depuis 2017, qu'il s'agisse des cambriolages de logements, des vols de véhicules, des vols avec armes ou violents sans armes. Si les atteintes aux personnes ne connaissent pas la même tendance, c'est notamment du fait de l'augmentation déclarée des violences intrafamiliales et des violences sexuelles. Dès 2017, avec le Grenelle des violences conjugales, 2 000 enquêteurs spécialisés et 123 intervenants sociaux en police et gendarmerie supplémentaires ont été recrutés ; une plateforme de signalements a été déployée ; les outrages sexistes et le harcèlement dans l'espace public sont verbalisés.

- En matière de sécurité civile et de gestion de crise, le modèle français a été consolidé. Dès 2018, un plan de soutien au volontariat a été lancé pour garantir son avenir, fidéliser et diversifier le recrutement. La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, première grande loi de sécurité civile depuis des années, impulse les transformations nécessaires pour moderniser le système de sécurité civile. Le renouvellement des matériels de sécurité civile, plus adaptés aux crises actuelles mais aussi futures, a été engagé.

- Le bilan dans le champ de l'administration territoriale est marqué par la réaffirmation du rôle des services de l'État dans les territoires. Ces derniers ont vu leurs effectifs stabilisés, après des années de baisse : depuis 2010 et la révision générale des politiques publiques, 4 910 équivalents temps-plein, soit 18% des effectifs des préfectures et directions départementales interministérielles, ont été supprimés. Ces suppressions d'emplois ont pesé sur l'échelon départemental, qui est désormais préservé et même renforcé par rapport à l'échelon régional, sans pour autant cesser de se transformer : des secrétariats généraux communs ont permis la mutualisation des fonctions de soutien de l'ensemble des services placés sous l'autorité des préfets de département. Ces derniers ont été particulièrement sollicités par les crises diverses de ces dernières années, et en premier lieu la pandémie de Covid-19. Le réseau préfectoral a également joué un rôle majeur dans la bonne exécution du plan France Relance, en mobilisant les acteurs économiques locaux avec le concours des sous-préfets dédiés qui ont été déployés dans les territoires ; le préfet est le pivot de la lutte contre le séparatisme, qui mobilise l'ensemble des services de l'État depuis 2020. Surtout, une nouvelle manière de travailler, fondée sur le renforcement de liens de confiance avec les partenaires du ministère de l'intérieur, a émergé depuis 2017. Préfets et sous-préfets travaillent plus étroitement avec les élus, en particulier les maires. Les procédures pour l'implantation d'activités économiques ont été simplifiées, le pouvoir de dérogation des préfets étendu pour d'adapter aux spécificités des territoires et les usagers voient désormais un « droit à l'erreur » reconnu dans leurs relations avec l'administration. Les partenaires des forces de sécurité, qui participent du continuum de sécurité, ont été confortés : les polices municipales sont dotées de nouvelles missions et le cadre d'exercice des professions de la sécurité privée sera profondément revu en 2022.

En tirant toutes les conséquences de ce bilan, le rapport annexé détaille les trois objectifs principaux poursuivis par la loi :

? Etre à la hauteur de la révolution numérique, pour ne plus avoir « un coup de retard » sur les délinquants et offrir à nos concitoyens des services en ligne avec ce que le numérique permet aujourd'hui ;

? Doubler la présence des forces de sécurité sur le terrain à l'horizon 2030, mais aussi garantir la transparence et l'exemplarité de leur action ;

? Mieux anticiper les menaces et les crises.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Prévoir l'adoption du rapport annexé à l'article 1 er du présent projet de loi. Il s'agit d'une pratique courante pour les lois d'orientation et de programmation, à l'image de ce qui est réalisé par exemple pour les lois de programmation militaire.

3.2. OPTION RETENUE

Prévoir l'adoption du rapport annexé à l'article 1 er du présent projet de loi.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

4.1. IMPACTS SUR L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE

L'article 1 er approuve le rapport annexé, qui décrit les projets qui seront conduits par le ministère de l'intérieur de 2023 à 2027.

Le rapport annexé détaille de manière littérale et le plus clairement possible les dispositions de nature législative et réglementaire, mais aussi des éléments de nature budgétaire et d'organisation. Ces derniers éléments résultent des priorités fixées dans le rapport et correspondent à l'objectif d'une telle loi de programmation . Cette logique de programmation permet de fixer de grands objectifs de politiques publiques (exemple : doublement de la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique), de lancer des projets d'ampleur dont le déploiement sera nécessairement pluriannuel et ainsi de se fixer des ambitions sur un terme allant au-delà de l'annualité budgétaire. C'est un document utile pour le citoyen, qui pourra y trouver, exprimées littéralement, la vision, les ambitions et priorités du ministère de l'intérieur pour les années à venir ; pour les agents du ministère de l'intérieur, concernés au premier chef par les transformations ; et pour la représentation nationale, auprès de laquelle le gouvernement expose et justifie les demandes de moyens humains, juridiques, matériels et budgétaires nécessaires à la réalisation de ses ambitions.

4.2. IMPACTS BUDGÉTAIRES

La trajectoire budgétaire est fixée à l'article 2 du présent projet de loi. Le rapport annexé détaille des projets et ambitions, qui ont un impact sur les finances publiques (coûts ou transformations), cet impact étant strictement limité à ce que prévoit l'article 2.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le rapport annexé prévoit un sous-chapitre dédié au continuum de sécurité (2.8). L'objet de ce sous-chapitre n'est pas de modifier substantiellement la répartition des compétences entre Etat et collectivités en matière de sécurité, beaucoup ayant été fait récemment avec la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés . Il est prévu d'améliorer le pilotage de la relation avec les collectivités dans le continuum, par la création d'une direction en charge du partenariat de sécurité, et de confier aux collectivités une compétence résiduelle effectuée aujourd'hui par la police nationale dans les communes à police d'Etat (mais déjà transférée aux collectivités en zone gendarmerie). Enfin le rapport annexé prévoit le triplement des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) dédiés à la vidéo-protection pour aider les collectivités à se doter des matériels nécessaires.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le rapport annexé adopté par l'article 1 er prévoit un ensemble de mesures de modernisation des services du ministère de l'Intérieur, parmi lesquelles on peut citer :

? La création de nouvelles brigades de gendarmerie (2.1) ;

? Le renforcement de la densification des implantations du ministère (notamment sous-préfets et sous-préfectures) (2.1) ainsi que le renforcement de certains services des préfectures (fonction communication par exemple, ou encore gestion de crise) (3.2.4) ;

? Une transformation numérique qui vise l'ensemble des services du ministère, administrations centrales comme services déconcentrés et qui dote les forces de sécurité intérieure (FSI) d'une agence du numérique (1.3 ; 1.4) ;

? Une réorganisation de la DGPN et de ses implantations départementales (les DDSP se transformant en DDPN pour unifier le pilotage départemental des services de police et leur donner une meilleure lisibilité) (2.2.3) ;

? Une professionnalisation de la fonction immobilière du ministère ainsi que de la politique d'achats, avec de nouveaux outils (permettant entre autres la maintenance préventive) (2.10) ;

? Une plus grande attention portée à l'ouverture du ministère sur le monde extérieur : recherche, notamment pour l'action des forces, prospective, politique européenne et internationale (2.9) ;

? Un effort important sur la formation des FSI, avec une augmentation de 50% du temps de formation initiale, un doublement de la formation continue (3.5) ;

? Un renforcement de l'action sociale, notamment envers les FSI (3.6), ainsi qu'une réforme en profondeur de la fonction RH de la police nationale.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Le rapport annexé adopté en article 1 er de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur prévoit d'améliorer l'accueil des victimes ou plaignants en commissariats et brigades (2.4). Au sein de cet objectif, une attention toute particulière est portée aux plus vulnérables, dont font partie les personnes en situation de handicap. L'application « ma sécurité », la prise de plainte hors les murs, la formation des policiers et gendarmes à l'accueil des vulnérables, l'ergonomie des accueils, etc. amélioreront les conditions de dépôt de plainte des personnes vulnérables.

4.5.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Le rapport annexé adopté en article 1 er de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur prévoit des dispositions pour renforcer la prévention des violences conjugales et punir plus sévèrement les outrages sexistes (2.5).

4.5.3. Impacts sur la jeunesse

Le rapport annexé prévoit des mesures pour rapprocher les forces de l'ordre de la jeunesse (2.6).

Cent « classes de reconquête républicaine » seront créées dans les quartiers de reconquête républicaine (QRR) et dans les quartiers politique de la ville (QPV), destinées prioritairement aux élèves décrocheurs, pour préparer aux concours de la fonction publique et du ministère en particulier (policier, gendarme, pompier, administratif) ou inciter les jeunes à s'engager dans les réserves opérationnelles.

Cet effort sera complété par la mise en place d'actions ciblées de recrutement dans les territoires prioritaires, relayées par les préfets à l'égalité des chances, afin d'encourager les recrutements de policiers adjoints, gendarmes adjoints volontaires ou de sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires. Les partenariats avec les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE) et les écoles de la deuxième chance seront renforcés. Les partenariats avec les plates-formes d'insertion des conseils départementaux seront développés.

En complément, pour donner toute sa place à la méritocratie, les concours du ministère de l'intérieur seront réformés pour neutraliser les biais de recrutement.

Par ailleurs, le ministère de l'intérieur amplifiera le plan « 10 000 jeunes » mis en place en 2021, qui a permis de proposer 10 000 stages, apprentissages et alternances à de jeunes actifs. Le fort succès enregistré (95% de l'objectif sur deux ans atteint en moins d'un an) incite à reconduire et amplifier le dispositif pour les années à venir. Des modules d'immersion en services seront proposés aux élèves de 3e scolarisés dans des établissements en QRR.

Le ministère prendra également toute sa place dans la réinsertion des jeunes délinquants, en fléchant prioritairement ses dispositifs vers des jeunes ayant pu commettre des actes de petite délinquance.

Au-delà de l'intégration dans les effectifs du ministère de l'intérieur, il s'agit enfin de proposer aux agents du ministère de l'intérieur des perspectives d'évolution en interne ; des cours du soir (« classes Beauvau ») destinés aux agents volontaires seront proposés pour faciliter l'ascenseur social des personnels.

Enfin, l'extension des réserves du ministère de l'intérieur (gendarmerie/police), la consolidation du modèle du volontariat chez les sapeurs-pompiers et la création de la réserve préfectorale devront s'accompagner de la possibilité de servir des « causes » au sein même du ministère (environnement, violences intrafamiliales (VIF), etc.), car celles-ci constituent aujourd'hui les principales sources d'engagement de la population française, et singulièrement de sa jeunesse.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Le rapport annexé détaille un ensemble de mesures visant à renforcer la sécurité des particuliers.

Une partie entière est dédiée à l'objectif de proximité avec les citoyens. Au sein de cette partie, un chapitre détaille les mesures prises pour mieux prendre en compte les victimes, qui sont placées au coeur des préoccupations (2.4). Un autre chapitre prévoit des moyens pour faire face aux violences intrafamiliales (2.5).

Au sein de la partie sur la transformation numérique du ministre, un chapitre renforce les moyens pour mieux lutter contre la cybercriminalité dont sont victimes nos concitoyens (1.1) et un chapitre prévoit d'étoffer l'identité numérique de nos concitoyens et de leur assurer un contact humain avec chaque procédure dématérialisée (1.2).

Enfin, dans l'anticipation des menaces et des crises, l'enjeu est de mieux protéger nos concitoyens en réalisant un effort de prévision et de prévention, avec notamment une meilleure culture des risques (3.2).

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

La professionnalisation de la fonction immobilière doit permettre de conduire une rénovation énergétique d'ampleur des implantations du ministère (2.11).

La fonction achat sera tournée vers l'achat responsable (2.10). Tous les leviers du ministère seront ainsi mobilisés afin de mettre en oeuvre une politique d'achat responsable et orientée vers les productions françaises, dans le strict respect des règles de la commande publique, afin de conjuguer satisfaction des besoins des services et accessibilité des entreprises françaises : meilleure information des entreprises du tissu local, utilisation des marchés réservés aux structures de l'économie sociale et solidaire, application de clauses sociales et environnementales, allotissement, etc. L'ensemble des matériels seront acquis dans une démarche d'achat responsable à travers la labellisation « Relations Fournisseurs & Achats Responsables » (conforme à l'ISO 20400) qui doit aboutir à l'été 2022. Les matériels acquis seront ensuite mieux contrôlés, grâce à la mobilisation du Centre de recherche et d'expertise de la logistique (CREL) du ministère de l'intérieur dont les moyens seront renforcés pour en faire un laboratoire de pointe pour le ministère.

L'amélioration de l'anticipation des crises, via la meilleure connaissance des phénomènes (risques naturels, technologiques) en interministérialité peut produire des externalités positives sur l'environnement (3.2.1) ; le renouvellement des flottes aériennes du ministère permettra de lutter efficacement contre les feux de forêt (3.2.7).

5. CONSULTATIONS ET MODALITES D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Néant.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les mesures décrites en rapport annexé s'appliqueront à compter du 1 er janvier 2023 lorsqu'elles ont un impact budgétaire ou dès adoption de la loi pour certaines dispositions purement normatives et applicables immédiatement. Les moyens sont prévus pour l'application de ces dispositions jusqu'en 2027, mais certains objectifs sont fixés avec un horizon à 2030 (comme le doublement de la présence des forces sur la voie publique).

5.2.2. Application dans l'espace

Le rapport annexé prévoit des dispositions ayant vocation à s'appliquer sur le territoire métropolitain et les outre-mer. Il contient des encadrés sur des dispositions spécifiques aux outre-mer.

5.2.3. Textes d'application

Pour l'application du rapport annexé adopté par l'article 1 er de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, des textes d'application de toute nature sont prévus.

Article 2 : Trajectoire budgétaire

1. CADRE GENERAL

Le ministère de l'intérieur conduit ses missions dans un contexte marqué par des risques forts (terrorisme, cyber, aléas climatiques) et un besoin réaffirmé de rénovation du pacte de protection et de sécurité entre la population et les forces de sécurité. Ministère de l'action territoriale de l'Etat, le ministère de l'intérieur maille le territoire grâce à son réseau départemental et infra-départemental.

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La poursuite de ces missions et l'anticipation des besoins et crises à venir suppose une vision pluriannuelle des dépenses budgétaires du ministère de l'intérieur, fondée sur une analyse globale et prospective des enjeux auxquels il devra faire face. Plusieurs postes de dépenses, comme les investissements immobiliers ou le renouvellement de la flotte aérienne, nécessitent une programmation sur plusieurs années. De même, l'annonce par le Président de la République du doublement de la présence des forces de sécurité sur la voie publique sous dix ans constitue un engagement sur le long terme. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur s'inscrit donc dans la continuité de plusieurs travaux de concertation et de réflexion stratégique sur les missions et les moyens du ministère de l'intérieur, avec d'une part le livre blanc sur la sécurité intérieure en 2020 et d'autre part le Beauvau de la sécurité en 2021.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

2.2.1. Ressources budgétaires

Sur le périmètre du budget du ministère de l'intérieur, les ressources programmées hors compte d'affectation spécial (CAS) « Pensions » s'élèveront à 15 milliards d'euros courants sur la période 2023-2027 (en périmètre de la loi de finances initiale pour 2022).

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur porte sur l'ensemble du périmètre budgétaire ministériel actuel, à l'exception du programme « Vie politique » :

? Mission « Sécurités : Programmes « Gendarmerie nationale », « Sécurité civile », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » ;

? Mission « Administration générale et territoriale de l'État » : Programmes « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » et « Administration territoriale de l'État » ;

? Mission « Immigration, asile et intégration » : Programmes « Intégration et accès à la nationalité française » et « Immigration et asile » ;

? Compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » : Programme « Structures et dispositifs de sécurité routière » et « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » ;

? Taxes affectées à l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Les crédits de paiement et plafonds des taxes affectées du ministère de l'intérieur, hors charges de pensions, évolueront sur la période 2023-2027, sous réserve des dispositions des lois de finances et des lois de programmation des finances publiques, conformément au tableau suivant :

CRÉDITS DE PAIEMENT ET PLAFONDS DES TAXES AFFECTEES hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Budget du ministère de l'intérieur, en millions d'euros (hors programme 232)

20 784

22 034

22 914

24 014

24 664

25 294

Evolution (N / N - 1), en millions d'euros

-

1 250

880

1 100

650

630

Taux d'évolution (N / N - 1)

-

6 %

4 %

5 %

3 %

3 %

Les ressources sont programmées en crédits budgétaires et correspondent également aux plafonds des taxes affectées. Toutefois, des recettes issues notamment des produits des cessions immobilières pourront abonder les crédits des missions « Sécurités » ou « Administration générale et territoriale de l'État ».

A ce titre, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur 2023-2027 garantit un taux de retour de 50% du produit des cessions immobilières au ministère de l'intérieur.

Dans le respect de l'enveloppe de ressources prévue au titre de la période 2023-2027, le ministère de l'intérieur pourra bénéficier de la reconduction d'une année sur l'autre des moyens programmés n'ayant pas été consommés.

L'actuelle loi de programmation des finances publiques (2018-2022) arrivant à son terme à la fin de l'année 2022, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur sera mise en cohérence avec la prochaine loi de programmation des finances publiques lorsque celle-ci sera adoptée.

En outre, le rapport annexé prévoit la création d'un comité ministériel des investissements, qui pourra s'appuyer, s'agissant des principaux projets d'investissement, sur un comité financier interministériel associant le ministère chargé du budget. Cette instance procédera à un examen contradictoire de la soutenabilité financière des projets de même que, chaque année, de la programmation pluriannuelle.

2.2.2. Transformations

Au-delà des renforts budgétaires et créations nettes d'effectifs, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur est avant tout une loi de transformation qui vise à dégager de nouvelles marges au sein des ressources existantes.

Ces efforts de transformation se traduisent en premier lieu par des réorganisations, avec la réforme centrale et territoriale de la direction générale de la police nationale - DGPN (créations de directions départementales uniques, refonte de l'administration centrale en filières métiers, rationalisation des fonctions supports à tous les niveaux) ainsi que de la direction générale de la gendarmerie nationale - DGGN (passage d'une organisation fondée sur les anciennes régions à la maille des zones de défense). En outre, la suppression ou l'externalisation de tâches périphériques pour les forces de sécurité intérieure, comme par exemple les gardes de certains bâtiments, participent de ces réorganisations.

La transformation impose, en second lieu, des réformes liées au temps de travail, avec une négociation « temps de travail » en cours (augmentation du temps de travail des unités de voie publique, de 2 heures par semaine par exemple), la suppression à compter du mois de février 2022 du cycle dit de « vacation forte », la poursuite de la résorption des heures supplémentaires des personnels actifs de la police nationale, ou encore la lutte contre l'absentéisme.

En outre, plusieurs mesures RH sont prévues, comme le recours à la politique de substitution de personnels actifs par des personnels administratifs (notamment dans les aubettes dédiées au contrôle des identités lors des passages frontière), ou encore l'amélioration du système d'affectation et de mobilité des policiers, à compter du 1er janvier 2023. Est également prévue l'augmentation du recours aux contractuels (objectif de 20% en 2030 contre 10% aujourd'hui), des plans de départs volontaires pour les cadres supérieurs du ministère, ainsi qu'une politique de modération salariale avec l'affichage d'un objectif chiffré intégrant le protocole actuellement en discussion avec les organisations syndicales des forces de sécurité intérieure.

La mutualisation et la polyvalence des moyens constituent un autre pilier des transformations de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Sont ainsi prévues des mutualisations significatives dans le secteur aérien, dans le domaine des achats, de la sécurité des vols, du réseau des bases et de la formation et du maintien en condition opérationnel. De nouveaux domaines de mutualisation sont affichés, en matière d'achats (automobile notamment) et de formations (continues et spécialités).

Enfin, la transformation numérique portée par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur est source d'efficience. Il s'agit notamment de favoriser la réorganisation de la fonction numérique pour éviter de nouvelles dérives financières, grâce à la création d'un secrétaire général adjoint au numérique, et d'une agence dédiée pour le numérique des forces de sécurité intérieure. L'automatisation des tâches et le recours à de nouveaux outils numériques (introduction de l'intelligence artificielle sur les tâches routinières de l'administration, recours à des automatisations sur certaines procédures, pilotage par les données) permettront également de rationnaliser certaines missions.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A LA REVOLUTION NUMÉRIQUE DU MINISTÈRE

CHAPITRE I ER

LUTTE CONTRE LA CYBERCRIMINALITÉ

Article 3 : Permettre aux officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, de réaliser des saisies d'actifs numériques

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1 CADRE GÉNÉRAL

La loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale a introduit dans le code de procédure pénale (CPP), des dispositions relatives aux saisies spéciales, ayant pour objet de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation, lorsque les saisies (article 706-142 du code de procédure pénale) portent notamment sur un bien ou un droit mobilier incorporel ou une créance.

La procédure de saisie pénale spéciale est également applicable à tous les biens et droits incorporels qui sont susceptibles de confiscation en application de l'article 131-21 du code pénal.

Aux termes de l'article 706-153 du code de procédure pénale, à l'instar des autres saisies spéciales, la saisie pénale de biens ou droits incorporels est ordonnée par le parquet dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance après autorisation préalable du juge des libertés et de la détention par ordonnance motivée. Dans le cadre d'une information judiciaire, elle est ordonnée par le juge d'instruction. Ce texte s'applique à toutes les saisies de droits ou biens meubles incorporels.

Introduits dans le code monétaire et financier (article L. 54-10-1) par la loi PACTE du 22 mai 2019 1 ( * ) , les actifs numériques constituent des biens incorporels saisissables. Les actifs numériques comprennent d'une part, Les jetons mentionnés à l'article L. 552-2 , à l'exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l'article L. 211-1 et des bons de caisse mentionnés à l'article L. 223-1 et d'autre part, les crypto-actifs utilisés à des fins de paiement définis au 2° de l'article du code monétaire et financier (CMF) comme « toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».

Un crypto-actif est un actif numérique utilisant un réseau informatique ainsi qu'une chaîne de blocs signés par des techniques cryptographiques ( blockchain ) afin de pouvoir valider et effectuer des transactions entre deux, voire plusieurs entités. Dans la majorité des cas, ces actifs ne requièrent pas de « tiers de confiance ».

L'article 706-154 du CPP prévoit des dispositions spécifiques en matière de saisie de sommes figurant sur des comptes bancaires ouverts auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts.

Par dérogation à l'article 706-153 du CPP, l'officier de police judiciaire peut être autorisé par tout moyen par le procureur de la République ou le juge d'instruction à procéder à la saisie d'une somme d'argent inscrite au crédit d'un compte bancaire. Aucun formalisme n'est requis pour donner l'autorisation, qui devra cependant faire l'objet d'une mention en procédure.

La saisie est soumise a posteriori au contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) saisi par le procureur de la République, ou du juge d'instruction, qui doit se prononcer par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation.

La saisie s'applique indifféremment à l'ensemble des sommes inscrites au crédit du compte au moment de la saisie et à concurrence, le cas échéant, du montant indiqué dans la décision de saisie.

L'article 706-154 du CPP vise « la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts » et la saisie de sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'un compte de dépôt ouvert dans un établissement de crédit.

Les enquêteurs doivent procéder au transfert des fonds vers l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), qui en assure la gestion centralisée.

En pratique, l'officier de police judiciaire qui procède, sur autorisation du magistrat, à la saisie de sommes sur un compte bancaire, doit enjoindre l'établissement de crédit de transférer les sommes saisies à l'AGRASC. Si, dans le délai de 10 jours, le JLD ou le juge d'instruction, par ordonnance motivée, maintient la saisie, les sommes resteront sur le compte de l'Agence. En revanche, si le magistrat décide d'une mainlevée, totale ou partielle, les fonds concernés seront restitués par l'Agence dès réception de l'ordonnance.

La rédaction de cette disposition ne permet de couvrir que les fonds présents sur les comptes bancaires et mérite d'être complétée pour englober à la fois les fonds « classiques » et les actifs numériques.

1.2 CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel considère que les peines de confiscation prévues par l'article 131-21 du code pénal ne méconnaissent pas, en elles-mêmes, le principe de nécessité des peines 2 ( * ) . En effet, il a estimé qu'eu égard aux conditions de gravité des infractions pour lesquelles elles sont applicables et aux biens qui peuvent en faire l'objet, les peines de confiscation ainsi instituées ne sont pas manifestement disproportionnées.

Dans une autre décision, rendue à propos des saisies opérées sur le fondement de l'article 706-153 du CPP, il a considéré que si la propriété figure au nombre des Droits de l'Homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dont nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité, même en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi 3 ( * ) .

En l'espèce, prenant acte de ce que :

? la mesure de saisie est ordonnée par un magistrat du siège et ne peut porter que sur des biens ou droits dont la confiscation peut être prononcée à titre de peine complémentaire en cas de condamnation pénale,

? en ne prévoyant pas de débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention et devant le juge d'instruction et en ne conférant pas d'effet suspensif à l'appel devant la chambre de l'instruction, le législateur a entendu éviter que le propriétaire du bien ou du droit visé par la saisie puisse mettre à profit les délais consécutifs à ces procédures pour faire échec à la saisie par des manoeuvres et a assuré le caractère effectif de la saisie et, ainsi, celui de la peine de confiscation.

? toute personne qui prétend avoir un droit sur un bien placé sous main de justice peut en solliciter la restitution par requête auprès, selon le cas, du procureur de la République, du procureur général ou du juge d'instruction, que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction autorisant ou prononçant la saisie est notifiée au propriétaire du bien ou du droit saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien ou sur ce droit qui peuvent la contester devant la chambre de l'instruction, que ces personnes, qu'elles aient fait appel ou non, peuvent par ailleurs être entendues par la chambre de l'instruction avant que celle-ci ne statue ;

? le juge devant toujours statuer dans un délai raisonnable, l'absence d'un délai déterminé imposé à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel de l'ordonnance prise par un juge autorisant la saisie ne saurait constituer une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif de nature à priver de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété.

Le juge constitutionnel a considéré que les saisies autorisées sur le fondement de cette disposition étaient nécessaires, proportionnées et ne portaient pas une atteinte manifestement déséquilibrée aux droits et libertés garanties par la Constitution.

S'agissant de la procédure de saisie spéciale, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 3 février 2021 4 ( * ) , la Cour de cassation a refusé de soumettre à l'appréciation du Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 706-154 du Code de procédure pénale qui prévoit une procédure de saisie particulière en matière de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire, faute de caractère sérieux. Elle précise que la saisie conservatoire de sommes d'argent inscrites sur un compte de dépôts opérée dans l'urgence par un OPJ autorisé par le procureur de la République ou le juge d'instruction est provisoire. En effet, elle n'entraîne « aucune dépossession des fonds qu'elle a pour seul effet de rendre indisponibles et doit être maintenue ou levée dans les dix jours de sa réalisation, par le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction, qui doit s'assurer du caractère confiscable des fonds concernés ». La Cour de cassation a ainsi jugé que « les dispositions législatives contestées concilient, avant toute déclaration de culpabilité, l'efficacité de la lutte contre la fraude, objectif à valeur constitutionnelle, avec le droit de propriété, la présomption d'innocence et les droits de la défense constitutionnellement garantis ».

Un raisonnement identique peut être appliqué aux saisies d'avoirs financiers figurant sur les comptes et, par voie de conséquence, aux avoirs numériques y figurant également.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La loi n° 2010-768 précitée du 9 juillet 2010, en créant les saisies spéciales (articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale), a confié au seul juge, gardien de la liberté individuelle, le pouvoir d'ordonner un acte portant atteinte à l'exercice du droit de propriété par une personne présumée innocente, sur un bien potentiellement de grande valeur (bien immobilier, assurance-vie, compte bancaire). L'article 706-154 ne vise que les sommes d'argent versées sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts.

Or, les actifs numériques, définis par l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier, plus communément désignés sous les termes de crypto-actifs, crypto-monnaies, tokens ou monnaies virtuelles, présentent cependant tous la même caractéristique d'être aussi rapidement transférables, et donc dissipés, que les fonds détenus sur un compte bancaire. Ces actifs numériques sont massivement utilisés dans le cadre d'extorsion par rançongiciel pour les demandes de rançon ou encore dans le cadre d'échanges ayant pour but le financement d'activités terroristes.

Par ailleurs, c'est au cours d'investigations (perquisition, audition, exploitation de matériels saisis (téléphone ou ordinateur), qu'il peut être découvert un portefeuille de crypto-actifs. Cette découverte nécessite la recherche par l'enquêteur du mot de passe du compte, ou de l'obtenir de son titulaire, afin de pouvoir s'y connecter et déterminer la valorisation du portefeuille de crypto-actifs détenu et leur nature.

Cette découverte intervient souvent alors que la mesure de garde à vue est déjà bien avancée, réduisant d'autant le temps disponible pour procéder à la saisie des crypto-actifs.

En effet, le rapport adressé au parquet en vue de solliciter le JLD en vertu des dispositions de l'article 706-153 CPP est rédigé en faisant mention précisément de la référence de portefeuille et du montant disponible.

L'autorisation du JLD pour un portefeuille déterminé et un montant déterminé parvient au service dans un délai de quelques heures à une journée (mais au minimum trois heures).

Or, à ce stade, plusieurs risques sont encourus et la saisie peut être vouée à l'échec si l'enquêteur n'agit pas en urgence :

? les actifs numériques peuvent être contrôlés par plusieurs personnes qui peuvent transférer les actifs ou modifier les mots de passe ;

? la première connexion par l'enquêteur a pu générer une alerte sur un compte mail / téléphone d'un tiers non placé en garde à vue qui a accès au portefeuille et aura intérêt à dissiper les actifs numériques ;

? le portefeuille peut entre-temps recevoir d'autres actifs numériques qui ne pourront, dès lors, pas être saisis, le JLD ayant donné son accord pour un montant déterminé.

La modification de l'article 706-154 du CPP permettrait d'une part d'étendre le dispositif de saisie aux actifs numériques ouverts auprès de prestataires de paiement et ainsi permettre aux enquêteurs d'autre part, de bénéficier de la dérogation offerte par cette disposition et réduire les risques liés à la volatilité des actifs numériques, notamment en évitant les délais incompressibles liés au recours au JLD.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est de permettre aux officiers de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, de réaliser des saisies d'actifs numériques par dérogation aux dispositions de l'article 706-153 du code de procédure pénale.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Aucune autre option n'a été envisagée dès lors qu'il s'agit d'étendre les possibilités de saisies portant aujourd'hui sur les sommes d'argent versées sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, aux avoirs numériques tels que visés à l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier, afin d'embrasser l'ensemble des avoirs financiers de la personne faisant l'objet de la saisie.

3.2. OPTION RETENUE

Il est proposé de rendre en facteur commun la procédure prévue à l'article 706-154 du CPP et applicable actuellement aux seuls actifs présents sur les comptes, aux actifs numériques tels que définis à l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La présente disposition modifie l'article 706-154 du code de procédure pénale pour ajouter les actifs numériques aux avoirs pouvant faire l'objet d'une saisie.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS BUDGÉTAIRES

Les présentes dispositions entraîneront une augmentation de saisie d'actifs numériques dans le cadre de la politique de saisie des avoirs criminels et de leur vente avant jugement sur le fondement du deuxième alinéa des articles 41-5 et 99-2 du code de procédure pénale.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Les enquêteurs seront désormais en mesure de procéder à de telles saisies, ce qui supprimera la possibilité pour les personnes d'échapper à la saisie de leurs avoirs.

4.4. IMPACTS SOCIAUX

Néant.

4.5. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

En application de l'article L. 614-2 du code monétaire et financier, le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été consulté sur cette disposition.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Au titre du 2° de l'article 112-2 du code pénal, cette modification procédurale sera applicable immédiatement à la répression des infractions commises avant son entrée en vigueur, le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Cette disposition sera applicable à l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Néant.

Article 4: Subordonner, en cas de cyber attaque avec demande de rançon, le versement d'une indemnisation assurantielle au dépôt, par la victime, d'une plainte dans un délai maximal de 48h à compter du paiement de la rançon

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1 CADRE GÉNÉRAL

Dans un contexte où la cyber criminalité, et notamment les attaques par rançongiciel, se sont considérablement renforcées, le paiement des rançons au travers de couvertures assurantielles apparaît comme l'un des moteurs économiques des activités criminelles.

Les rançongiciels, également appelés ransomwares , font partie de la famille des logiciels malveillants ou malwares qui se définissent comme des logiciels conçus pour infecter et endommager le système hôte d'un utilisateur. Plus précisément, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) définit le rançongiciel de la manière suivante : « technique d'attaque courante de la cyber criminalité, le rançongiciel ou ransomware consiste en l'envoi à la victime d'un logiciel malveillant qui chiffre l'ensemble de ses données et lui demande une rançon en échange du mot de passe de déchiffrement ».

La motivation principale derrière une attaque par rançongiciel est donc la recherche de profit, soit directement par l'obtention de la rançon, soit indirectement par la revente des données dérobées. Ce type d'attaque peut se propager aux ordinateurs par le biais de pièces jointes ou de liens contenus dans des emails de phishing , via des sites Web ou des clés USB infectés. Les deux rançongiciels les plus utilisés sont les crypto- ransomwares, qui chiffrent les données d'un ordinateur, et les ransomwares « locker » qui ne chiffrent pas les données, mais empêchent la victime d'accéder à son appareil.

Entre 2016 et 2020 , on estime que les services de police et de gendarmerie nationales ont enregistré entre 1 580 et 1 870 procédures en lien avec des attaques par rançongiciel (logiciels malveillants de demande de rançon par blocage de l'accès aux données) visant des entreprises et des institutions. Quelle que soit l'estimation retenue, les tendances sont les mêmes. En particulier, selon l'estimation haute, le nombre de procédures ouvertes en lien avec des attaques par rançongiciel a augmenté en moyenne de 3 % chaque année jusqu'en 2019, avec une accélération entre 2019 et 2020 (+32 %). Bien que ce phénomène soit en hausse, les procédures en lien avec des attaques par rançongiciel envers les entreprises et les institutions ne représentent cependant que 15 % des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données enregistrées entre 2016 et 2020.

Certains secteurs d'activité sont plus visés que d'autres. Le secteur industriel est particulièrement touché : il représente 15 % des victimes enregistrées contre 7 % du tissu économique en France. De même, le secteur des administrations publiques, de l'enseignement, de la santé humaine et de l'action sociale est surreprésenté : 20 % des victimes pour 13 % des établissements en France.

Sur la période 2016-2020, les enregistrements issus des logiciels de rédaction des procédures ne permettent pas d'approcher de manière exhaustive le nombre de cyber attaquants identifiés par les services. Sur l'ensemble des procédures en lien avec des rançongiciels, seules 0, 3 % ont au moins un mis en cause enregistré. Enfin, en lien avec des attaques de plus en plus ciblées, les entreprises et les institutions se voient réclamer des rançons de plus en plus importantes, le plus souvent en cryptomonnaie. Ainsi, selon les données enregistrées par la police et la gendarmerie, lorsque les montants sont renseignés (dans 16 % des procédures seulement), la valeur médiane a progressé d'environ 50 % par an entre 2016 et 2020, s'élevant à 6 375 euros pour cette dernière année 5 ( * ) . La direction centrale de la police judiciaire de la police nationale comme le service central du renseignement criminel de la gendarmerie nationale estiment que la réalité du phénomène des rançongiciels est sous-estimée du fait de l'absence de plainte systématique.

Beaucoup de personnes morales et même de particuliers renoncent à faire valoir leur droit de victime, craignant de reconnaitre leur vulnérabilité et que cette démarche ne porte atteinte à leur image. Cela prive les investigations d'indices de compromission, que seule la victime peut fournir (la date précise de l'attaque, le préjudice, la rançon, le paiement, la structure informatique touchée), alors qu'un rançongiciel frappe très rarement une seule victime et que le recoupement de plaintes et donc d'indices permettrait de faire avancer les enquêtes.

Le rançongiciel n'a pas de qualification juridique propre. En effet, il n'existe pas d'article de loi traitant spécifiquement de cette cyber attaque. Cependant, plusieurs articles du code pénal peuvent trouver à s'appliquer :

? L'article 323-1 à 8 du code pénal, relatif aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (STAD). Les peines correspondantes peuvent aller jusqu'à dix ans de prison et 300 000 € d'amende. Par ailleurs, le cyber délinquant pourra être puni des mêmes peines simplement pour la possession d'un rançongiciel (ou de tout autre instrument, équipement ou programme informatique permettant la réalisation des infractions d'atteintes aux STAD) comme le dispose l'article 323-3-1 du code pénal ;

? L'article 312-1 du code pénal relatif à l'extorsion, puisqu'il s'agit d'exiger la remise de fonds sous la contrainte. L'extorsion est passible de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende. Depuis 2016 et la mise en place du règlement général sur la protection des données (RGPD), lorsque des données personnelles sont perdues, l'entreprise ou l'institution attaquée doit le notifier à la CNIL dans les 72 heures. ;

? D'autres types d'infractions sont constatées par les forces de sécurité dans les procédures en lien avec des attaques par rançongiciel comme le chantage (art. 312-10 du code pénal) consistant dans le fait de menacer de rendre publique certaines données personnelles si la rançon n'était pas payée, ou encore l'escroquerie (art. 313-1 du code pénal).

Si la posture des services compétents a toujours été de recommander le non-paiement des rançons, la dégradation rapide de la situation appelle à une action publique plus déterminée afin de s'assurer, que dans les cas où une rançon a été payée, les autorités compétentes disposent des informations nécessaires pour poursuivre les auteurs de l'infraction. Dans une analyse de de décembre 2021, le service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale recommande de renforcer les capacités de renseignement sur les cyber menaces afin d'améliorer les connaissances sur les auteurs, les moyens dont ils disposent et les secteurs qu'ils ciblent, et développer des outils de détection et de remédiation à l'encontre des serveurs et logiciels utilisés par les attaquants, deux évolutions qui nécessitent de pouvoir collecter beaucoup plus d'information d'une part et dans des délais permettant leur exploitation en temps utiles d'autre part.

La régulation de la couverture assurantielle du paiement de rançons apparait ainsi comme nécessaire et pourrait prendre différentes formes, au niveau national comme au niveau européen.

En effet, les conséquences économiques importantes de la vague d'attaques par rançongiciels que connaît la France depuis 18 mois se divisent en quatre grandes catégories. Principalement supportés par les victimes, soutenues lorsqu'elles en disposent d'assurances cyber, ces coûts peuvent être :

? des coûts directs liés au traitement de l'attaque : mobilisation des équipes et de prestataires, conseil ;

? des coûts indirects liés à la perte d'activité opérationnelle ;

? des coûts liés aux indemnisations et aux amendes associées à l'attaque (comme les amendes RGPD potentielles liées à la publication de données exfiltrées par les attaquants) ;

? des coûts liés au paiement de rançongiciels.

Du point de vue de la victime et de son assureur, le paiement des rançons apparaît parfois comme une solution viable à court terme pour limiter les coûts des quatre catégories précédentes. S'il est difficile d'affecter directement ce calcul économique, sans distordre la concurrence, notamment à l'échelle européenne, des mécanismes peuvent être envisagés pour que le paiement d'une rançon, voire de garanties assurantielles suite à un rançongiciel, soit assujetti à l'information des services enquêteurs ou d'autorités compétentes. En effet, sans interdire le paiement des rançons, ce qui ne semble pas envisageable sans que cela ne pèse de manière démesurée sur les victimes, les autorités compétentes pourraient ainsi bénéficier des informations nécessaires à la poursuite des infractions et affecter par la voie judiciaire les capacités de groupes cyber criminels.

L'assurance du risque cyber est un marché en développement en France. Cependant, il apparait qu'une part encore minoritaire des entreprises françaises souscrit une assurance cyber. Alors que 87 % des grandes entreprises sont couvertes par un contrat, moins de 8 % des entreprises de taille intermédiaire ont souscrit une assurance cyber. Au total, près de 95% des entreprises ne sont pas couvertes par de telles garanties. Dans ce faible volume de souscriptions, peu de contrats prévoient une garantie paiement de rançons.

Une sous-couverture globale d'assurance cyber fait courir des risques pour l'ensemble de l'écosystème des entreprises en raison d'importants risques de contagion (sous-traitants, fournisseurs, clients, partenaires commerciaux...). C'est dans ce cadre que le développement et la structuration d'un marché de l'assurance du risque cyber français présente des enjeux de résilience économique et d'anticipation d'un risque potentiellement systémique.

Compte tenu des enjeux macroéconomiques majeurs que représente le risque cyber, le marché des contrats d'assurance dans ce domaine devrait se développer considérablement dans les années à venir.

Ceux des assureurs qui proposent déjà de couvrir les sommes extorquées par des rançongiciels conditionnent pour les principaux d'entre eux le paiement de l'indemnisation à un dépôt de plainte.

1.2 CADRE CONSTITUTIONNEL

Aucune règle ni aucun principe de nature constitutionnelle n'interdit le paiement d'une somme d'argent sans cause juridique. Le paiement d'une rançon par la victime d'une extorsion ne constitue ni un délit ni un acte de complicité (son consentement au paiement n'étant pas libre mais résultant de la contrainte qui caractérise le délit). Il suit de là que le principe d'assurer le dommage causé par le paiement de la rançon ne parait se heurter à aucun obstacle juridique majeur.

La liberté contractuelle a été consacrée par le Conseil constitutionnel par sa décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, dont il considère qu'elle découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789. En conséquence, le Conseil constitutionnel juge que, lorsque le législateur souhaite réglementer les conditions d'accès à un contrat, il doit le faire en respectant la liberté des conventions et en limitant les entraves rendues nécessaires par l'intérêt général ou la protection de l'ordre public.

La présente disposition respecte cette jurisprudence constante du Conseil constitutionnel en ce qu'elle impose, pour un motif d'ordre public, une restriction dans l'exécution de la relation contractuelle, motif qui justifie qu'elle s'applique aux contrats futurs mais aussi aux contrats en cours.

En ce qu'elle impose une clause d'ordre public aux assureurs qui proposent ou souhaitent proposer ce service, cette disposition pourrait être regardée comme portant une atteinte, quoiqu'extrêmement mineure, à la liberté du commerce et d'industrie, également garantie par l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Si le Conseil constitutionnel en a consacré les trois principes fondateurs (la liberté d'entreprendre, celle d'exploiter et celle de concurrencer) il n'en a pas moins confirmé la possibilité d'y porter atteinte au nom d'objectifs à valeur constitutionnelle tels que la protection de la santé ou de l'environnement, ou la protection de l'ordre public en général.

Ainsi, la loi peut soumettre ces libertés à des contraintes visant, par exemple, à protéger des consommateurs (cf. décision n° 2019-823 QPC), l'obligation de dépôt de plainte conditionnant le versement d'une rançon participant bien ici d'un tel objectif qui permet à l'autorité judiciaire d'investiguer rapidement et d'éviter la réitération de cyber attaques.

1.3 ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Aucun Etat de l'OCDE n'a pris de mesure d'interdiction du paiement des rançons, ni prohibé le principe de leur couverture assurantielle. 6 ( * )

Plusieurs d'entre eux ont pris des dispositions visant à renforcer l'information des forces de l'ordre, comme au Canada où la victime qui paie une rançon doit le notifier à la police ou en Allemagne, où existe l'obligation, pour les assureurs et les assurés, d'informer les autorités et de collaborer avec les services de police en cas de demande de rançon.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Dès lors qu'il s'agit d'imposer une obligation à un acteur économique, en l'occurrence les compagnies d'assurances, en subordonnant leur garantie au dépôt d'une plainte, cette disposition entre dans le champ de l'article 34 de la Constitution selon lequel la loi fixe les règles en matière d'obligations civiles et commerciales.

2.2 OBJECTIFS POURSUIVIS

La subordination de la mise en oeuvre de la garantie assurantielle au dépôt rapide d'une plainte vise à permettre l'information systématique des autorités judiciaires afin de leur permettre de lancer rapidement des investigations de nature à permettre, à tout le moins de connaître les méthodes de cyber attaque ou au mieux, de les empêcher.

Une telle obligation, prévue par la loi et qui pourrait être inscrite dans le code des assurances, est inédite.

En revanche, des clauses contractuelles qui conditionnent une indemnisation au dépôt de plainte ne sont pas inédites. Il en va par exemple ainsi de celles qui imposent à l'assuré de déposer plainte afin d'être indemnisé d'un vol de véhicule pour prouver, dans le cadre de la répartition classique de la charge de la preuve du litige (article 1353 du code civil), que son véhicule a bien été volé, le dépôt de plainte faisant alors office de justificatif.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1 OPTIONS ENVISAGÉES

Une première option serait d'assujettir le remboursement d'une rançon versée par un assureur au dépôt de plainte . Cette disposition permettrait à l'autorité judiciaire de bénéficier d'une information relative au paiement des rançons. Elle pèserait dans les faits sur la victime en l'encourageant au dépôt de plainte et n'affecterait que marginalement les assureurs en ce qu'ils pourraient commercialiser des polices d'assurance incluant la possibilité de payer des rançons. Elle ne constituerait donc pas une distorsion disproportionnée du marché assurantiel national par rapport au marché européen et international.

Le principal inconvénient réside dans le fait qu'elle puisse être interprétée par le marché, le grand public et les futures victimes comme un blanc-seing du législateur pour procéder au paiement de rançons en cas de rançongiciel alors même que les autorités compétentes et, en premier lieu, l'ANSSI recommandent systématiquement de ne pas payer.

Une deuxième option serait d'intervenir via les obligations des professionnels visés à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, qui recoupent très largement l'ensemble des acteurs du secteur assurantiel, lesquels sont tenus d'effectuer une déclaration de soupçon à TRACFIN 7 ( * ) dans les cas repris à l'article L. 561-15 du code monétaire et financier, c'est-à-dire déclarer au service les sommes ou opérations dont ils « savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme ». En effet, les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (articles 323-1 et suivants du code pénal) sont toutes passibles de deux ans ou plus d'emprisonnement.

En ce sens, lorsqu'un assureur procède ou fait procéder au paiement d'une rançon par un intermédiaire ou par la victime, il sait que cette opération résulte d'une infraction passible d'une peine supérieure à un an. Il est donc dans l'obligation de prévenir TRACFIN.

L'article L. 561-16 du code monétaire et financier dispose même que les assurances « s'abstiennent d'effectuer toute opération portant sur des sommes » ayant les mêmes caractéristiques mentionnées précédemment.

Toutefois, il pourrait être soutenu que le code monétaire et financier évoque des sommes « provenant » de telles infractions, alors que dans le cadre du paiement d'une rançon, le paiement « résulte » de l'infraction. Deux sous-options existent donc également ici :

? Le rappel par les autorités prudentielles et par TRACFIN de l'applicabilité de cette disposition au paiement des rançons cyber dans le cadre de contrats d'assurance vis-à-vis des acteurs de la place assurantielle française ;

? L'introduction d'une disposition dans le code monétaire et financier pour rendre obligatoire la déclaration à TRACFIN de tout paiement d'une rançon résultant d'une atteinte à des systèmes de traitement automatisé de données par un professionnel visé à l'article L. 561-2, éventuellement par l'introduction d'un alinéa au L. 561-15 du code monétaire et financier.

Toutefois, là encore, le délai mis entre le paiement de la rançon et la déclaration à TRACFIN par les compagnies assurantielles n'atteint pas l'objectif d'associer, au plus tôt, les services judiciaires à l'enquête nécessaire pour tenter d'identifier les ressorts de la cyber attaque.

Une troisième option consiste à promouvoir l'interdiction du paiement des rançons par les assureurs suite à une cyber attaque au niveau européen.

D'une part, une interdiction stricte du remboursement du paiement des rançons par les assureurs n'a de sens que si elle est très largement appliquée sur la scène internationale, une interdiction à la seule échelle nationale étant susceptible de nuire à la compétitivité et altérer la concurrence entre les entreprises françaises - industrielles ou d'assurance - et leurs pairs , en particulier au niveau européen, en incitant les acteurs à s'assurer auprès de compagnies européennes non assujetties à cette règle.

Afin de ne pas faire peser de distorsion de concurrence disproportionnée sur les assureurs nationaux, notamment par rapport au marché européen, l'interdiction du paiement de rançons par les assureurs ne peut être recherchée qu'au niveau européen. Il s'agit de travaux de plus long terme qui incombent principalement au ministère de l'économie, des finances et de la relance mais qui pourraient être initiés dès maintenant afin de mobiliser la direction générale pour la stabilité financière, les services financiers et l'union des marchés de capitaux (DG FISMA) et de la sensibiliser à cet enjeu fort pour la France dans l'espoir de voir des travaux de régulation assurantielle tenant compte de cette préoccupation portés au niveau européen.

3.2 OPTION RETENUE

L'option retenue consiste à assujettir le paiement des garanties assurantielles en cas de rançongiciel au dépôt de plainte par la victime dans un délai de quarante-huit heures.

Une telle disposition permet à l'autorité judiciaire de pouvoir rapidement procéder à une enquête.

4 ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1 IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1 Impacts sur l'ordre juridique interne

Il s'agit de créer dans le code des assurances, au titre II du livre 1 er un chapitre X relatif à l'assurance des risques de cyber attaques, contenant un article unique , subordonnant le paiement d'une garantie assurantielle en matière de cyber attaque au dépôt d'une plainte au plus tard dans les quarante-huit heures suivant le paiement de la rançon.

4.1.2 Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Au niveau communautaire, le principe de liberté de commerce et d'industrie trouve son pendant dans la libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et la liberté d'établissement.

L'article 56 du TFUE dispose que « les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation » . Autrement dit, les personnes physiques ou morales (commerçants, artisans, sociétés, etc.) légalement établies dans un État membre ont le droit d'offrir des services dans un autre État membre.

Pour interdire cette prestation, la justification doit être non-discriminatoire et justifiée par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

4.2 IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1 Impacts macroéconomiques

La présente disposition vise à renforcer l'efficacité de l'action des services opérationnels de lutte cyber de l'Etat, des services d'investigations et de l'autorité judiciaire face à un phénomène qui gagne en importance et qui génèrent des frais très importants.

Une réponse plus rapide et plus efficace des services de l'Etat, informés plus tôt et plus systématiquement, permettra au global d'atténuer les coûts liés à cette criminalité, explicité au point 1.1 supra .

4.2.2 Impacts sur les entreprises

Les entreprises devront déposer plainte sous quarante-huit heures, ce qui peut les obliger à révéler qu'elles ont été victimes d'une cyber attaque, nuisant ainsi à leur réputation.

Les sociétés d'assurance concernées devront veiller à respecter cette obligation nouvelle, au risque sinon de se voir sanctionner par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, en application de l'article L. 612-1 du code monétaire et financier.

4.3 IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Les services de police et de gendarmerie, spécialisés en cyber menace, seront informés plus rapidement des attaques, ce qui facilitera leurs investigations.

4.4 IMPACTS SOCIAUX

Néant.

4.5 IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La présente disposition introduira une obligation de dépôt de plainte sous quarante-huit heures en cas de cyber attaque avec demande de rançon, pour pouvoir être couvert par son assurance.

5 CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1 CONSULTATIONS MENÉES

En application de l'article L. 614-2 du code monétaire et financier, le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été consulté sur cette disposition.

5.2 MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1 Application dans le temps

La mesure envisagée sera d'application immédiate et s'appliquera donc aux contrats en cours.

5.2.2 Application dans l'espace

La mesure envisagée s'appliquera à l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3 Textes d'application

Néant.

CHAPITRE II

UN ÉQUIPEMENT À LA POINTE DU NUMÉRIQUE

Article 5 : Habilitation du Gouvernement pour le Réseau Radio du Futur

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1 CADRE GÉNÉRAL

1. Le Réseau Radio du Futur (ci-après, RRF), service de communication mobile sécurisé à haut débit (4G puis 5G), constitue un projet visant à remplacer les actuels réseaux Rubis et INPT, réseaux radio internes construits sur la base de la technologie Tetrapol et opérant sur la base d'une infrastructure détenue et exploitée par l'État ainsi que sur l'utilisation d'un spectre radio alloué de façon exclusive au ministère de l'intérieur.

Ces réseaux radio, INPT (ACROPOL+ANTARES) et RUBIS, utilisés notamment par les policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, SAMU, armées, douanes, services pénitentiaires, ont été construits dans les années 1980 et 1990. Ils reposent sur une infrastructure de pylônes, d'antennes, de coeurs de réseaux et de terminaux intégralement financée et exploitée par l'État ou les collectivités territoriales au moyen de fréquences radio « privatives » dans les bandes des 80 MHz et des 400 MHz attribuées soit au ministère de l'intérieur, soit au ministère des armées par le Tableau national de répartition des bandes de fréquences (TNRBF). Ce réseau ne permet qu'une communication limitée aux utilisateurs internes aux réseaux.

Ils reposent sur des technologies aujourd'hui obsolescentes, qui les rendent difficilement maintenables au-delà de 2025, 2030 au plus tard, et à des coûts importants. Ils sont également saturés, notamment sur la plaque parisienne. De plus, les transmissions de données à haut débit depuis le terrain sont aujourd'hui impossibles avec ces outils.

2. Dans ce contexte, le ministère de l'intérieur s'est engagé dans le programme RRF afin de procéder au remplacement de ces réseaux historiques et de doter l'État d'un système de communication mobile à haut débit, sécurisé et résilient.

Lancé en 2016 et annoncé par le Président de la République lors de son discours du 18 octobre 2017, les travaux relatifs au RRF reposent, contrairement aux réseaux INPT et RUBIS, sur le recours à un réseau hybride, essentiellement basé sur les infrastructures des opérateurs commerciaux de réseau mobiles mais mettant en oeuvre des solutions de résilience basées sur des capacités radio additionnelles et projetables, fonctionnant sur la bande de fréquence 700 Mhz PPDR ( public protection and disaster relief ) dont le ministère de l'intérieur est attributaire à titre exclusif. Ce réseau serait commun à l'ensemble des services de sécurité et de secours.

En l'état de ces travaux, le ministère de l'intérieur a fait le choix de fonder l'architecture de ce futur système de communication sur les spécifications techniques définies par le 3GPP pour la technologie 4G, qui prévoit la mise en oeuvre de communications mobiles pour missions critiques. Cette approche permet d'utiliser les réseaux commerciaux 4G de téléphonie mobile pour y faire transporter les communications des services de sécurité et de secours, tout en bénéficiant d'une qualité de service spécifique donnant aux utilisateurs du RRF des droits de priorité d'accès radio et de préemption des capacités de transport de données.

3. Cette approche constitue donc un changement de paradigme majeur par rapport aux réseaux radios RUBIS et INPT.

Ainsi le RRF constituerait un réseau hybride s'appuyant sur les infrastructures haut débit des opérateurs commerciaux de réseaux mobiles, ainsi que sur les fréquences qu'ils utilisent pour délivrer les services de communication 4G à leurs clients, contrairement aux réseaux actuels patrimoniaux et utilisant un spectre radio privatif et dédié. Pour constituer ce réseau, un marché public devrait être passé pour sélectionner les opérateurs de réseaux mobiles sur lesquels le RRF s'adossera.

Cette approche permettrait par ailleurs d'équiper les abonnés au RRF d'un smartphone, comportant une carte SIM et donnant accès aux fonctions classiques de téléphonie et d'accès à internet en plus du service applicatif de communications « missions critiques ».

Ce choix de rupture offrirait au RRF une couverture inégalée en France métropolitaine et en outremer et le fera bénéficier des innovations technologiques et des développements mis en oeuvre en continu par les opérateurs commerciaux sur leurs réseaux, et notamment le bénéfice immédiat de la 5G dès lors que celle-ci sera disponible au sein de leurs réseaux.

En pratique, le RRF permettrait de répondre aux besoins opérationnels de communication des services en charge des missions relevant du traitement de l'urgence, tant dans le domaine de la sécurité publique que dans celui du secours aux personnes et aux populations. A titre d'illustration :

ï Les services de communications critiques du RRF étant destinés à l'ensemble des acteurs de la sécurité et du secours, ils intégreraient par conception une capacité forte d'interopérabilité permettant de mettre en relation plusieurs groupes fermés d'utilisateurs (GFU) - par exemple ceux des SDIS et des SAMU - et d'inviter à la demande des tiers - par exemple les services de secours et de sécurité des pays frontaliers - en leur sein ;

ï Le réseau RRF permettrait la géolocalisation en temps réel des acteurs dont le terminal est activé ;

ï Le réseau RRF permettrait également de transmettre des flux vidéo de situation et permettrait à ses utilisateurs de converser en vidéo, ainsi que d'envoyer des rapports et des constatations sous forme photographique ou écrite ;

ï Pour les utilisateurs, toutes les fonctionnalités seraient centralisées dans un unique terminal RRF, ce qui faciliterait considérablement les interventions.

En termes de fonctionnalités, les services du RRF reposerait sur des smartphones, dotés d'une carte SIM permettant l'identification des abonnés au RRF sur le réseau des opérateurs commerciaux. Ces terminaux mobiliseront des services particuliers (communications critiques dits services MCX), équivalant à une application WhatsApp sécurisée et permettront de mettre les utilisateurs en conférence avec une résilience élevée.

Le RRF proposerait également en parallèle des services de téléphonie classique entrant/sortant fondés sur la numérotation et permettant de joindre n'importe quelle personne abonnée aussi bien au RRF qu'à l'extérieur du RRF par exemple auprès d'un opérateur commercial de réseau mobile et un accès IP, via une plateforme d'accès dédié ou les opérateurs.

4. Pour assurer des communications résilientes à ses utilisateurs, et dans une logique de disponibilité permanente des services, le RRF devrait disposer de la « priorité-préemption » sur le réseau des opérateurs permettant à ses utilisateurs de bénéficier d'un accès préférentiel et garanti aux réseaux et de l'attribution préférentielle de ressources en bande passante.

L'objectif est de disposer et rendre ce service opérationnel pour les Jeux olympiques de Paris en 2024.

A terme la mise en oeuvre du RRF devrait permettre une réduction annuelle des dépenses prévisionnelles de télécommunications.

5. Cette réflexion n'est pas spécifique à la France : le marché des services de communications critiques est actuellement en pleine mutation. Les avancées technologiques (développement de la 4G puis de la 5G) et les évolutions des normes de téléphonie mobile poussent aujourd'hui les utilisateurs à abandonner progressivement les réseaux PMR et à se tourner vers des réseaux haut débit voir de très haut débit.

Dans ce contexte, des réseaux mobiles de télécommunication hybrides sont actuellement en cours de développement dans plusieurs pays. Ce nouveau type de système de télécommunication repose sur un accès aux réseau haut débit (4G / 5G) commerciaux tout en combinant des fonctionnalités similaires à celles des systèmes PMR (priorité préemption, forte résilience, prise d'alternat, etc.). Les briques de solutions techniques permettant de développer ces réseaux sont en cours de développement par des acteurs industriels internationaux à l'instar de Thalès, Airbus ou encore Streamwide.

Alors que les communications mobiles opérationnelles des services de sécurité et de secours sont actuellement transportées par des infrastructures radio bas débit dédiées et propriété de l'État, le choix de recourir à un réseau « hybride » adossé aux infrastructures radio très haut débit (4G et 5G) des opérateurs commerciaux de réseaux mobiles pour transporter ces communications crée une situation inédite et non anticipée par le code des postes et communications électroniques (CPCE) qui nécessite donc son adaptation et sa modification.

1.2 CADRE CONSTITUTIONNEL

Le présent article n'a pas d'impact sur le cadre constitutionnel. Les domaines dans lesquels le Gouvernement est habilité à légiférer par ordonnance visent à définir la nature et les missions d'un tel réseau, au sein du CPCE.

1.3 ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

La Finlande a mis en place un réseau de communication électronique similaire à celui envisagé. Dans ce cadre, le gouvernement finlandais a introduit plusieurs modifications législatives permettant la mise en oeuvre de ce réseau dédié aux acteurs de la sécurité et des secours. Ces modifications, entrées en vigueur en février 2019, ont été introduites dans la loi sur les services de communications électroniques ainsi que dans la loi sur les réseaux de sécurité des administrations publiques.

La Belgique, par arrêté royal de novembre 2021 a introduit les mêmes dispositions au profit de la société ASTRID, société à qui a été chargée, via une loi du 8 juin 1998 relative aux radiocommunications des services de secours et de sécurité en Belgique, de l'organisation des communications critiques des services de secours et de sécurité belges. Cette loi charge ASTRID d'une mission de service public relevant d'un service non économique d'intérêt général au sens de l'article 106 du TFUE.

Les dispositions législatives prises par le gouvernement finlandais recouvrent les domaines de du présent article du projet de loi, à savoir notamment la détermination et la définition du réseau et de l'opérateur qui en assure l'exploitation, en fournissant des communications publiques sécurisés utilisant les réseaux de télécommunications commerciaux.

2 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Dans son avis n° 402470 en date du 18 mai 2021, le Conseil d'Etat (section des travaux publics) a considéré que, sous réserve qu'il fournisse bien des services de communications électroniques, qu'il soit bien ouvert à son public cible et fournisse ses services contre rémunération, le réseau radio du futur (RRF) relevait de la catégorie des réseaux de communications électroniques ouverts au public 8 ( * ) . En effet il ne peut être qualifié de réseau indépendant dans la mesure où il n'en a pas les caractéristiques ; d'une part, il est destiné à être connecté à d'autres réseaux et, d'autre part, la configuration de ses utilisateurs, particulièrement en situation de crise, est conçue pour pouvoir varier et s'ouvrir à des tiers non abonnés au RRF, en fonction des besoins. Ces possibilités de connexion à tous les réseaux disponibles et d'ouverture à des tiers font obstacle à ce que les utilisateurs du RRF soient regardés comme constituant un groupe fermé d'utilisateurs et donc que le RRF soit un réseau indépendant. Ainsi le RRF qui proposera, au profit des services en charge des opérations de sécurité et de secours ainsi que de la protection des populations et de la gestion des crises, un service de communications électroniques 9 ( * ) , fourni contre rémunération, via un réseau de communications électroniques, est bien susceptible de remplir l'ensemble des conditions pour constituer un réseau de communications électroniques ouvert au public 10 ( * ) . De fait, le service de communication pour missions critiques qui sera proposé par le RRF pourrait prendre la forme d'une application pour smartphone permettant de créer dynamiquement des groupes de discussion entre l'ensemble des acteurs de la sécurité et des secours, mais aussi de lancer des invitations à des tiers non abonnés au travers de la transmission d'une adresse web (URL), notamment, aux services de sécurité et de secours de pays frontaliers, comme à des experts et intervenants externes ou encore à certains opérateurs d'importance vitale. Enfin, les services résilients de téléphonie associés à la carte SIM dont disposeraient les abonnés permettraient de téléphoner, d'envoyer ou de recevoir des SMS/MMS à n'importe quel interlocuteur doté d'un numéro de téléphone.

Le réseau envisagé serait donc un réseau hybride, pour partie, adossé aux réseaux 4G des opérateurs de téléphonie mobile qui seraient mis à sa disposition contractuellement, et, pour partie, adossé à une bande de fréquences d'émission réservée exclusivement aux usagers du RRF prise sur les fréquences 700 MHz, dont le ministre de l'intérieur est l'attributaire exclusif, en vertu de l'article L. 41 du code des postes et communications électroniques . Des capacités radio additionnelles venant compléter les infrastructures 4G fixes des opérateurs de réseaux pourraient, en outre, être mises en oeuvre, à la demande de l'État, par les opérateurs privés attributaires du marché public mentionné au point 1.1., en cas de nécessités opérationnelles (itinérance, priorité...).

Les modalités d'adhésion des services de sécurité et de secours au RRF ne peuvent, en raison de la dimension régalienne de ce réseau, s'envisager selon un cadre juridique dans lequel les règles du droit de la concurrence s'appliqueraient pleinement. Selon la qualification juridique qui sera applicable au RRF, ce droit pourra être écarté si le RRF peut être regardé comme une activité se rattachant à l'exercice des prérogatives de puissance publique de l'État en matière de sécurité pour l'application du droit de l'Union européenne ou être limité par l'octroi à l'opérateur ou aux opérateurs appelés à exploiter le RRF de droits exclusifs, qui pourrait notamment résulter de la qualification de SIEG (service d'intérêt économique général).

Cela pourrait notamment permettre aux acteurs de la sécurité et du secours autres que l'Etat de passer des marchés avec le futur opérateur sans publicité ni mise en concurrence.

Il est nécessaire d'habiliter le pouvoir réglementaire à définir au sein du CPCE la nature spécifique de ce type de réseau et les contraintes qui en découlent.

2.2 OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi est d'habiliter le gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier le code des postes et communications électroniques, pour la mise en oeuvre de ce réseau de communication électronique ouvert.

Il s'agit en premier lieu de définir les notions de « communications mobiles critiques très haut débit, de « réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité , de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes ainsi que le statut et les missions du ou des opérateurs chargés d'exploiter un tel réseau.

En effet, les catégories de réseaux prévues à ce jour par le code des postes et communications électroniques - réseau ouvert au public et réseau indépendant - ne permettent pas de répondre totalement aux spécificités et aux enjeux du RRF, tant sur les finalités poursuivies que sur les usagers concernés (sécurité et secours, protection des populations, gestion des crises et des catastrophes).

La qualification du RRF comme réseau de communications électroniques ouvert au public impose de définir une nouvelle catégorie d'opérateur de réseau, l'« opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes » et de définir les modalités de son organisation, notamment le statut de son exploitant et les modalités d'adhésion de ses usagers, au regard de ses missions d'une part et du droit de la concurrence d'autre part.

De même, compte tenu des missions d'intérêt général poursuivies par cet opérateur spécifique, doivent être déterminées d'une part, les obligations des opérateurs privés de téléphonie mobile visant à garantir, en cas de congestion du réseau, l'acheminement, la continuité des communications mobiles critiques très haut débit ainsi que le maintien de communications résilientes pour les usagers du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes et leur compensation. Le réseau radio du futur doit en effet pouvoir bénéficier de prestations d'itinérance sur les réseaux des principaux opérateurs privés de téléphonie mobile, itinérance indispensable pour garantir la disponibilité et la continuité de service de ses usagers ainsi que de la priorité-préemption. Il convient donc de donner une base légale aux mécanismes mis en place au profit du RRF, ceci dans le but de garantir la continuité de service et le maintien de communications résilientes pour les utilisateurs en cas, notamment, de gestion de crise. Compte tenu des missions et des finalités du Réseau Radio du Futur, la disponibilité permanente des services est en effet primordiale. Les mesures souhaitées respectent strictement le règlement 2015/2120 du 25 novembre 2015 et les conditions posées pour éviter les congestions imminentes de réseau ou atténuer les effets d'une congestion temporaire ou exceptionnelle.

Il convient également de préciser celles des obligations prévues aux chapitres II et III du titre I du livre II de code des postes et communications électroniques dont il convient de dispenser le ou les opérateurs chargés d'exploiter un tel réseau à raison des missions exercées.

3 OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1 OPTIONS ENVISAGÉES

Une option aurait pu consister à ne pas recourir à des ordonnances et à intégrer dans la loi les différentes modifications du code des postes et communications électroniques nécessaires à la mise en oeuvre du RRF. Toutefois, la technicité du projet et la nécessité de préciser les différents mécanismes impliquent de privilégier le recours à des ordonnances.

3.2 OPTION RETENU

Le présent article du projet de loi comprend une habilitation à légiférer par ordonnance afin de :

1° Déterminer le périmètre et les parties prenantes de ce réseau ;

2° Déterminer le statut et les missions du ou des opérateurs chargés d'exploiter un réseau ;

3° Déterminer les conditions et modalités d'accès des différents services de secours et de sécurité, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes à ce réseau ;

4° Déterminer les obligations des opérateurs privés de téléphonie mobile visant à garantir, en toutes circonstances, l'acheminement à très haut débit et la continuité des communications électroniques émises, transmises ou reçues par la voie du réseau mentionné au premier alinéa, ainsi que, en cas de congestion, leur résilience, pour les usagers de ce réseau et leur compensation ;

5° Préciser celles des obligations prévues au chapitre II et III du titre I du livre II de ce code ne pouvant être mises à la charge du ou des opérateurs mentionnés au 2° à raison des missions exercées.

4 ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

Les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation visent à permettre de définir le cadre juridique du futur Réseau Radio du Futur. L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

Néanmoins, il peut d'ores et déjà être fait état du fait que le ou les futurs opérateurs en charge du RRF interviendront sur les communications critiques haut débit et très haut débit pour les seuls besoins de sécurité de secours, de la protection des populations et de la gestion des crises.

5 JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Un délai d'habilitation de douze mois est nécessaire au Gouvernement pour mener les éventuelles études complémentaires, principalement d'un point de vue technique.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.

TITRE III

DISPOSTIONS RELATIVES A L'ACCUEIL DES VICTIMES ET A LA REPRESSION DES INFRACTIONS

CHAPITRE IER

AMÉLIORER L'ACCUEIL DES VICTIMES

Article 6 : Simplification du recours à la télécommunication audiovisuelle en procédure pénale et possibilité d'y avoir recours pour le recueil de la plainte

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1 CADRE GÉNÉRAL

Les premières dispositions relatives au recours à la visioconférence en matière pénale ont été introduites par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne . Son champ d'application, défini à l'article 706-71 du code de procédure pénale (CPP), a été étendu à plusieurs reprises par le législateur.

Ainsi, aux termes du premier alinéa de cet article : « Aux fins d'une bonne administration de la justice, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l'estime justifié, dans les cas et selon les modalités prévues au présent article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle ».

Cette faculté de recourir à la visioconférence est largement prévue et peut intervenir à tous les stades de la procédure pénale - pendant l'enquête, l'instruction et le jugement - la Cour de cassation ayant interprété cet article comme n'imposant pas au juge de motiver le recours à la visioconférence (voir par exemple Crim., 7 décembre 2010, n° 10-86.884 ).

Aux termes du deuxième aliéna de l'article 706-71, les enquêteurs peuvent être autorisés par le procureur de la République dans le cadre d'une enquête (article R. 53-34 du CPP) ou par le juge d'instruction dans le cadre d'une information (article R. 53-35 du CPP) à y avoir recours pour :

? une audition, un interrogatoire ou une confrontation entre plusieurs personnes ;

? la présentation aux fins de prolongation de garde à vue ou de la retenue judiciaire devant l'autorité judiciaire.

Le recours à la visioconférence en matière pénale est autorisé dans les conditions fixées aux articles 706-71, 706-71-1, R. 53-33 à R. 53-39 et D. 47-1-1 à D. 47-12-6 du code de procédure pénale.

D'un point de vue procédural, l'utilisation de la visioconférence est soumise à l'exigence que soit « dressé, dans chacun des lieux, un procès-verbal des opérations qui y sont effectuées » (article 706-71, même alinéa).

L'article R. 53-37 du code de procédure pénale précise que « les déclarations faites par les personnes entendues en plusieurs points du territoire sont retranscrites dans les différents procès-verbaux qui sont élaborés sous la direction de l'officier de police judiciaire, du procureur de la République ou du juge d'instruction qui est chargé de la procédure. S'il apparaît des différences dans les retranscriptions des déclarations d'une même personne, seules font foi celles figurant dans le procès-verbal signé par l'intéressé ou établi dans les conditions fixées par l'article 706-58 ».

Enfin, l'article D. 47-12-6 du CPP précise que « Le procès-verbal dressé en chacun des lieux en application des dispositions du premier alinéa de l'article 706-71 est un relevé de constatations techniques comportant notamment la mention du test du matériel et les heures de début et de fin de connexion . (...) »

Ces dispositions impliquent donc, pour les actes d'enquête réalisés, la mobilisation d'autant d'enquêteurs que de procès-verbaux dressés dans les lieux où les personnes sont entendues.

S'agissant, par ailleurs, des modalités du recueil d'une plainte d'une victime par les forces de l'ordre, toutefois décolérées du dispositif de l'article 706-71 du CPP décrit s upra , le code de procédure pénale prévoit aujourd'hui deux alternatives : la plainte en présentiel, où les déclarations de la victime sont recueillies sur procès-verbal (article 15-3) et le dépôt de plainte par voie électronique, dit « plainte en ligne », autorisé par l'article 15-3-1 du CPP, issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice. Le dispositif prévu pour un périmètre infractionnel déterminé (escroqueries commises sur Internet mentionnées à l'article A 1 er du CPP) sera prochainement ouvert aux usagers.

1.2 CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a validé à plusieurs reprises le recours à la visioconférence dans la procédure judiciaire et juridictionnelle au regard de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice (voir notamment les décisions n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 , cons. 27 ; n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 , cons. 93 et suivants ; n° s 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 et n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020 ).

S'il a censuré certaines extensions du recours à la visioconférence, c'est lorsqu'il a considéré que les dispositions en cause n'opéraient pas une conciliation équilibrée entre cet objectif (voire d'autres objectifs complémentaires comme le bon usage des deniers publics ou la santé publique) et le droit de la défense, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant le magistrat (voir les décisions n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 et n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020 ; les décision n° 2020-872 QPC du 15 janvier 2021 et n° 2021-911/919 QPC du 4 juin 2021).

L'évolution envisagée, en ce qu'elle vise uniquement d'une part à permettre le recueil à distance de la plainte, qui se fait, par construction, avec l'accord de la personne, et d'autre part à alléger le formalisme d'établissement des procès-verbaux d'interrogatoire ou d'audition sans porter atteinte à la garantie procédurale qui s'attache à ce que la personne entendue puisse prendre connaissance et contester, le cas échéant, les informations contenues dans ce document, est conforme aux exigences constitutionnelles.

1.3 CADRE CONVENTIONNEL

L'article 9 du deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 8 novembre 2001 ( STCE n°182 ) ainsi que l'article 24 de la directive 2014/41/UE du 3 avril 2014 concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale prévoient la possibilité de recourir à la visioconférence pour procéder à l'audition d'une personne mise en cause dans le cadre d'une procédure pénale, d'un témoin ou d'un expert lorsque que cette personne se trouve à l'étranger.

La Cour européenne des droits de l'Homme 11 ( * ) a validé le recours à l'utilisation de la visioconférence, notamment au regard des exigences de l'article 6 de la Convention, dès lors que le recours à ce moyen de télécommunication est entouré de garanties.

2 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le cadre juridique actuel encadrant le dépôt de plainte ne permet pas de recourir à l'utilisation de la visioconférence pour le recueil de la plainte d'une victime. Cet usage présenterait pourtant des avantages pour les victimes, en matière d'accueil et d'accessibilité des services de police et de gendarmerie (suppression du déplacement dans un commissariat ou une brigade pour déposer plainte, réduction du temps d'attente avant le dépôt de plainte pour le plaignant qui prendrait un rendez-vous en ligne pour déposer plainte par visioconférence, mise à disposition des documents, récépissé de dépôt de plainte, copie du procès-verbal de plainte, en format numérique) et pour les forces de sécurité intérieure (désengorgement des services d'accueil dans les commissariats et les brigades).

Cette mesure s'inscrit ainsi pleinement dans le cadre des travaux de modernisation de l'action publique et viendra compléter l'offre de télé-service à distance du ministère de l'intérieur, source d'amélioration de la qualité du service public : pré-plainte en ligne, Pharos, plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes (PVSS), mon.commissariat.fr, THESEE et des projets en cours, telle que plainte en ligne.

Par ailleurs, le régime actuel d'établissement d'un double procès-verbal (PV) en matière de recours à la visioconférence pour les besoins d'une procédure pénale constitue une exigence lourde en termes de mobilisation d'agents de police judiciaire ou de greffier, alors qu'elle est injustifiée sur le fond. En effet, dès lors que la personne entendue à distance est mise à même, à l'issue, de prendre connaissance du procès-verbal et d'en contester le contenu en faisant état de ses objections s'il ne retraçait pas fidèlement ses propos ou la conduite de l'audition ou de l'interrogatoire, la garantie procédurale exigée par le droit constitutionnel et conventionnel est déjà respectée, sans que l'établissement d'un autre PV n'apporte aucune plus-value.

Cette seconde évolution tire d'ailleurs les conséquences de la jurisprudence de la Cour de cassation qui admet la régularité des opérations d'audition par visio-conférence nonobstant l'absence d'établissement d'un double procès-verbal (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 février 2011, 10-88.179 , Inédit ; Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mai 2011, 10-87.910 , Inédit ; Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 octobre 2010, 10-85.237 , Publié au bulletin ; Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 29 septembre 2010, 09-88.414 , Inédit).

2.2 OBJECTIFS POURSUIVIS

Deux objectifs sont poursuivis :

? Permettre la prise de plainte par le recours à la visioconférence ;

? Faciliter le recours à la visioconférence pour d'autres actes procéduraux, en simplifiant le formalisme procédural.

3 OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1 OPTIONS ENVISAGÉES

Une nouvelle modification de l'article 706-71 CPP a d'abord été envisagée pour introduire seulement la possibilité de recourir à la visioconférence lors du dépôt de plainte de la victime.

Néanmoins, pour être pleinement effective, la visio-plainte suppose un formalisme procédural allégé, ce qui est incompatible avec le régime d'autorisation a priori de l'autorité judiciaire pour le recours à la visioconférence pour les autres actes mentionnés à cet article.

3.2 OPTION RETENUE

Afin de permettre le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour l'audition-plainte d'une victime, le projet de loi prévoit d'insérer un nouvel article 15-3-1-1 dans le code de procédure pénale prévoyant des modalités propres de recours à la visioconférence pour le seul acte de la plainte.

Il est envisagé de réserver le dispositif au périmètre infractionnel des atteintes aux biens ne nécessitant pas d'intervention de police technique et scientifique, ce qui correspond à environ 800 000 plaintes.

Sa mise en oeuvre n'est ainsi pas conditionnée à l'autorisation préalable de l'autorité judiciaire.

En outre, l'article 706-71 du code de procédure pénale est modifié pour supprimer l'exigence de rédaction d'un procès-verbal dans chacun des lieux dans lesquels sont effectués des actes d'enquête. Ce dispositif sera remplacé, sans préjudice des prescriptions d'ordre technique exigées par les articles R. 53-39 et D. 47-1-1 à D. 47-12-6 du code de procédure pénale, par l'établissement d'un procès-verbal unique établi soit sur le lieu où se trouve la personne entendue, et signée immédiatement par elle, soit sur le lieu où se trouve le juge ou l'officier de police judiciaire et transmis immédiatement à la personne entendue afin de recueillir sa signature, en s'inspirant du mécanisme de contreseings simultanés tel qu'il figure aux articles D. 47-12-2 et D. 47-12-3 du code de procédure pénale.

4 ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1 IMPACTS SUR L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE

La plainte d'une victime par un moyen de télécommunication audiovisuelle est encadrée par un nouvel article 15-3-1-1 inséré dans le code de procédure pénale. Les dispositions de l'article 706-71 du même code sont par ailleurs modifiées pour supprimer l'exigence de l'établissement d'un double procès-verbal en cas de recours à la visioconférence.

4.2 IMPACTS BUDGÉTAIRES

Le développement de la visio plainte nécessitera la mise en place :

? d'un téléservice ouvert aux usagers, adossé à Franceconnect, pour réserver un rendez-vous,

? d'une solution technique de visioconférence répondant aux exigences de disponibilité, de sécurité et de protection des données à caractère personnel ;

? d'une plateforme centralisée dédiée fonctionnant 7j/7 et H24. Cette plateforme serait démétropolisée et composée de 40 à 50 policiers dédiés à la prise de plainte.

4.3 IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La prise de plainte en visio-conférence permettra de désengorger les accueils des services de police sans pour autant nuire à la prise en charge de l'usager ni au travail d'enquête.

Par ailleurs, le désengorgement des services de plainte permettra aux policiers d'assurer un meilleur traitement des urgences arrivées directement en commissariat. L'allègement du formalisme exigé permettra un recours effectif au dispositif par les forces de l'ordre.

4.4 IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les particuliers pourront déposer plainte sans avoir à se déplacer au commissariat et sans subir de temps d'attente dans la mesure où ils auront préalablement obtenu un rendez-vous en ligne. Egalement, l'usager aura accès aux documents relatifs à sa plainte de manière dématérialisée.

5 CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1 CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation n'est nécessaire.

5.2 MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1 Application dans le temps

S'agissant d'une loi de procédure, cette disposition est immédiatement applicable au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2 Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3 Textes d'application

Néant.

CHAPITRE II

MIEUX LUTTER CONTRE LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES ET SEXISTES ET PROTÉGER LES PERSONNES

Article 7 : Renforcer la répression de l'outrage sexiste

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1 CADRE GÉNÉRAL

L'article 621-1 du code pénal, introduit par l' article 15 de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, définit l'outrage sexiste comme le fait « d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

L'outrage sexiste est sanctionné de la peine d'amende prévue pour les contraventions de 4 ème classe.

L'outrage sexiste est sanctionné de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5 ème classe lorsque les faits sont commis avec les circonstances aggravantes suivantes :

« 1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

2° Sur un mineur de quinze ans ;

3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur;

4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;

5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

7° En raison de l'orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime. »

Des peines complémentaires sont par ailleurs applicables, notamment la nouvelle peine de stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Cette contravention peut être constatée par les agents de police judiciaire adjoints de l'article
21 du code de procédure pénale, et notamment par les agents de police municipale. Elle peut aussi être constatée par les agents assermentés chargés de la police des transports, notamment ceux de la SNCF et de la RATP, en application de l'article L. 2241-1 du code des transports qui a également été complété à cette fin.

Comme l'indique expressément le II de l'article 621-1 du code pénal, la procédure de l'amende forfaitaire, y compris celle de l'amende minorée, est applicable à cette contravention.

Suivant la circulaire du 3 septembre 2018 relative à la présentation de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, l'article 621-1 du code pénal a pour principal objet de « réprimer le phénomène de harcèlement de rue dont les femmes sont très fréquemment victimes ». « Cette définition est ainsi similaire à celle du harcèlement sexuel, à la différence que n'est pas reprise l'exigence de répétition des faits, et qu'un propos ou comportement unique peut donc caractériser l'infraction. La création de l'outrage sexiste comble ainsi un vide juridique en réprimant un certain nombre de comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui échappaient jusqu'alors à toute sanction pénale ».

Depuis la promulgation de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 précitée créant des infractions spécifiques pour outrage sexiste, le nombre de constatations enregistrées par les forces de sécurité est orienté à la hausse, selon les données publiées par le Service ministérielle de la sécurité intérieure. En novembre 2020, 1 746 infractions d'outrages sexistes ont été enregistrées en France par les forces de sécurité : 742 entre la promulgation de la loi et le 31 juillet 2019, puis 1 004 entre le 1 er août 2019 et le 31 juillet 2020 12 ( * ) , tendance haussière qui s'est confirmée depuis et qui illustre les limites du régime répressif actuel.

Source : Ministère de l'intérieur, 2021 13 ( * ) .

1.2 CADRE CONSTITUTIONNEL ET CONVENTIONNEL

Les sanctions pénales prévues dans notre ordonnancement juridique doivent obéir à certains principes fondamentaux dont notamment le principe de légalité criminelle et le principe de nécessité et de proportionnalité des peines.

Si l'article 37 de la Constitution permet que les contraventions soient déterminées par le règlement, il prévoit l'encadrement du pouvoir règlementaire par la loi.

Le principe de légalité criminelle induit également qu'un individu ne peut être poursuivi et condamné que par l'application d'une loi préexistant à l'acte qui lui est reproché (article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, DDHC). En outre, il convient de préciser que le projet de texte prévoit de faire de l'outrage sexiste aggravé un délit et non plus une contravention de la cinquième classe.

L'article 8 de la DDHC énonce également que « les lois ne doivent établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », le Conseil constitutionnel vérifiant le caractère proportionné des peines au regard du comportement qu'elles sanctionnent ( décision n°80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981 ). L'aggravation du régime des peines envisagée dans le projet de texte est justifiée au regard des agissements visés.

2 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'objectif de politique pénale en matière d'outrage sexiste est de ne pas laisser impunis ces outrages du quotidien, en les réprimant de la manière la plus effective possible.

Pour cette raison, le Gouvernement privilégie un traitement forfaitisé, qui matérialise immédiatement la sanction.

Or, la contravention de 4 ème classe forfaitisée n'étant sanctionnée que d'une amende de 135 euros, elle est modérément dissuasive pour les contrevenants.

Au regard de leur augmentation tendancielle, de la gravité de ces agissements pour les personnes qui en sont victimes et de l'utilité de les sanctionner dès la première occurrence pour en prévenir la réitération, il parait nécessaire de rehausser le niveau de sanction, tant pour l'outrage sexiste simple que pour l'outrage sexiste aggravé.

2.2 OBJECTIFS POURSUIVIS

Les orientations proposées visent à renforcer la répression et, par conséquent, aggraver les peines encourues pour l'outrage sexiste et pour l'outrage sexiste aggravé. S'agissant de l'outrage sexiste, il s'agirait de sanctionner les faits par une contravention de 5 ème classe. S'agissant de l'outrage sexiste aggravé, par cohérence pénale, il est proposé d'en faire un délit puni d'une peine d'amende de 3750 euros.

Par ailleurs, suivant le régime de poursuite déjà prévu, le projet d'article entend introduire une voie de poursuite simplifiée pour réprimer ces agissements en permettant de recourir à la procédure de l'amende forfaitaire. Cette forfaitisation permettra une répression immédiate des faits en cause. Cette voie de poursuite est adaptée aux circonstances de commission de cette infraction, les faits en cause ayant le plus souvent lieu dans la rue. La verbalisation immédiate et publique répond ainsi à l'objectif d'éducation et de sensibilisation contre les comportements sexistes.

3 OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1 OPTIONS ENVISAGÉES

Le recours à la création d'un délit pour l'outrage sexiste simple, s'il a pu être envisagé, aurait été incohérent au regard de l'échelle des peines du code pénal, ainsi qu'il avait déjà indiqué dans l'étude d'impact de la loi du 3 août 2018 . En effet, l'outrage simple se positionne en amont des délits de harcèlement sexuel, des agressions sexuelles, du viol et des violences physiques.

3.2 OPTION RETENUE

Il est donc proposé de sanctionner l'outrage sexiste d'une peine d'amende prévue pour les contraventions de 5 ème classe, tout en préservant le bénéfice de la procédure simplifiée de l'amende forfaitaire, passant de 135 euros actuellement à 200 euros. En effet, la sanction par une contravention de 5 ème classe avait été écartée en 2018, faute à l'époque d'un dispositif opérationnel de forfaitisation. Cette forfaitisation étant désormais matériellement possible, le Gouvernement entend y avoir recours dans le cadre d'une contravention de 5 ème classe qui lui paraissait déjà le niveau pertinent de sanction lors de la création de l'infraction d'outrage sexiste.

En conséquence, pour conserver la gradation des peines, l'outrage sexiste aggravé, c'est-à-dire lorsqu'il est commis dans des circonstances particulières, devient un délit sanctionné d'une amende de 3750 euros (comme cela est prévu pour le délit de défaut d'assurance prévu par l'article L. 324-2 du code de la route). Il fait l'objet d'un dispositif d'amende forfaitaire délictuelle propre d'un montant de 300 €, de 250 € lorsqu'il est minoré et de 600 € lorsqu'il est majoré. Cette délictualisation du seul outrage aggravé est cohérente avec l'échelle des peines prévue au code pénal.

Les montants envisagés des amendes forfaitaires, sont à la fois plus dissuasifs pour les contrevenants tout en restant conformes au principe de nécessité des délits et des peines tel qu'il découle de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

4 ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1 IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1 Impacts sur l'ordre juridique interne

La disposition modifie l'article 621-1 du code pénal à deux titres :

? D'une part, pour en retirer les dispositions de nature contraventionnelle (conformément à la demande du Conseil d'Etat dans son avis du 15 mars 2018 sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, v. points 34 à 36) ;

? D'autre part, pour modifier les dispositions relatives à l'outrage sexiste aggravé.

Il y aura lieu de procéder à plusieurs modifications règlementaires pour tirer les conséquences de ces modifications :

? La création par voie règlementaire de la contravention d'outrage sexiste qui sera désormais réprimée des peines applicables aux contraventions de 5 ème classe ;

? Une modification en cohérence de l'article R. 48-1 du CPP (qui prévoit la liste des contraventions de 4 ème classe soumises à la procédure de l'amende forfaitaire) afin de supprimer la mention de l'outrage sexiste comme contravention de 4 ème classe.

4.1.2 Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

5 CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1 CONSULTATIONS MENÉES

Les présentes dispositions ne requièrent aucune consultation préalable.

5.2 MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1 Application dans le temps

Les nouvelles dispositions aggravant la répression, elles ne pourront s'appliquer qu'à des faits commis après leur entrée en vigueur, soit à partir du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2 Application dans l'espace

Ces dispositions s'appliqueront sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3 Textes d'application

Les présentes dispositions nécessitent de procéder, par décret en Conseil d'Etat, à plusieurs modifications règlementaires pour tirer les conséquences des évolutions envisagées :

? La création par voie règlementaire de la contravention d'outrage sexiste qui sera désormais réprimée des peines applicables aux contraventions de 5 ème classe ;

? Une modification en cohérence de l'article R. 48-1 du CPP (qui prévoit la liste des contraventions de 4 ème classe soumises à la procédure de l'amende forfaitaire) afin de supprimer la mention de l'outrage sexiste comme contravention de 4 ème classe.

Article 8 : Elargir le recours aux techniques spéciales d'enquête (TSE) pour mieux lutter contre les agissements sectaires, les viols et les homicides sériels ainsi que pour retrouver les fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. ETAT DU DROIT

Les techniques spéciales d'enquête (TSE)

Les techniques spéciales d'enquête, régies par les sections V et VI du titre XXV, issu du Livre quatrième du code de procédure pénale (CPP), présentent chacune un régime juridique distinct.

Elles ont été introduites par diverses lois successives : la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (sonorisation et fixation d'images de certains lieux ou véhicules), la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (captation de données informatiques) et la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (IMSI-catcher, recueil à distance de données informatiques stockées).

Plus attentatoires aux libertés individuelles que les techniques d'enquête classiques (perquisitions, surveillances et filatures, etc.), leur utilisation est soumise à l'autorisation du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction selon les cadres d'enquête et limitée pour la poursuite des seules infractions réprimant la criminalité et la délinquance organisées listées aux articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale, ainsi qu'à certaines infractions économiques et financières ou d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données.

Outre les techniques spéciales d'enquête, le titre XXV, consacré à la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes du code de procédure pénale, prévoit à l'article 706-88 la possibilité de déroger à la durée de droit commun de la garde à vue définie aux articles 63 (cadre de l'enquête de flagrance), 77 (cadre de l'enquête préliminaire) et 154 (cadre de l'instruction) lors des procédures relatives aux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du même code.

En effet, si les nécessités d'une enquête ou d'une instruction relative à l'une des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisée l'exigent, la garde à vue d'une personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune décidées par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d'instruction. Ces prolongations s'ajoutent à la durée de droit commun définie par l'article 63 du même code, et portent à quatre-vingt-seize heures la durée maximale de la garde à vue.

Les crimes sériels

Aujourd'hui, en dehors de l'ouverture ou non d'une information judiciaire, le régime procédural applicable à l'homicide ou au viol, même lorsqu'ils sont commis en série, correspond sensiblement à celui applicable au vol simple. Cette situation est d'autant plus paradoxale que lorsqu'ils sont commis de façon sérielle, il existe un intérêt majeur à ce que leurs auteurs soient appréhendés rapidement pour éviter que d'autres personnes soient victimes de leurs agissements.

La recherche de personnes en fuite

L'article 74-2 du code de procédure pénale prévoit un cadre juridique dédié à la recherche des fugitifs qui permet aux enquêteurs de diligenter des investigations en dehors de toute infraction afin de :

? mettre à exécution un mandat d'arrêt national, un mandat d'arrêt européen, une extradition ou une peine privative de liberté sans sursis supérieur ou égale à un an, lorsque la condamnation est exécutoire ou passée en force de chose jugée ;

? rechercher une personne qui a manqué à ses obligations alors qu'elle est inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) ou au fichier national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) ;

? rechercher une personne ayant fait l'objet d'une décision de retrait ou de révocation d'un aménagement de peine ou d'une libération sous contrainte, ou d'une décision de mise à exécution de l'emprisonnement prévu par la juridiction de jugement en cas de violation des obligations et interdictions résultant d'une peine, dès lors que cette décision a pour conséquence la mise à exécution d'un quantum ou d'un reliquat de peine d'emprisonnement supérieur à un an.

Ce cadre juridique permet aux enquêteurs d'utiliser une partie seulement des techniques spéciales d'enquête (la géolocalisation, l'interception et la transcription de correspondances émises par voie de télécommunication).

La répression de l'emprise sectaire

L'article 223-15-2 du code pénal, incriminant l'abus de faiblesse, permet de réprimer spécifiquement les dérives sectaires.

En effet, la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales a fait évoluer l'article 223-15-2 du code pénal à deux égards :

? d'une part, elle a élargi le champ d'application de l'infraction en incriminant spécifiquement l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement ;

? d'autre part, elle a érigé en circonstance aggravante le fait que l'infraction a été commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes. Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende au lieu de trois ans et 375 000 euros.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 relative à la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Conseil constitutionnel considère que le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes ou des délits sous réserve que ces mesures soient réservées aux infractions d'une gravité et d'une complexité particulières, dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire et que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées (considérant 6).

A l'occasion de sa décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 concernant la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, il a considéré que les infractions de corruption et de trafic d'influence ainsi que de fraude fiscale et douanière, constituaient des délits qui n'étaient pas susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes. Il a repris ce raisonnement dans sa décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014 , au sujet de l'infraction d'escroquerie en bande organisée, ce dont il a inféré qu'en permettant de recourir à la garde à vue selon les modalités fixées par l'article 706-88 du code de procédure pénale au cours des enquêtes ou des instructions portant sur ces délits, le législateur a permis qu'il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi.

Le projet de loi de programmation justice avait souhaité rendre applicables les techniques spéciales, au-delà de la criminalité et la délinquance organisées pour tout crime. Le Conseil constitutionnel a censuré cette extension dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 , en considérant que : « le législateur a autorisé le recours à des techniques d'enquête particulièrement intrusives pour des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière complexité, sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé » pour conclure que « le législateur n'a pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'un côté, l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et l'inviolabilité du domicile » (paragraphes 164 et 165).

Désormais, et pour tenir compte de ces deux décisions du Conseil Constitutionnel, toute extension du recours aux TSE doit respecter au moins deux critères :

? une particulière complexité de l'infraction rendant nécessaire le recours à des techniques d'enquête plus sophistiquées ;

? le contrôle suffisant du juge.

A cela s'ajoute, lorsqu'il est envisagé d'avoir recours aux dispositifs de garde à vue dérogatoire de l'article 706-88 du code de procédure pénale, que cette possibilité soit mise en oeuvre pour des délits qui sont susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'autorisation de recourir aux techniques spéciales d'enquêtes étant strictement encadré dans la loi, l'objectif recherché par les présentes dispositions, à savoir d'élargir le champ de cette autorisation, nécessite une modification législative.

2.1.1 Etendre le recours à la garde à vue dérogatoire et aux techniques spéciales d'enquête à certains crimes sériels

La poursuite de ces catégories d'infractions, lorsqu'elles sont répétées en cas de sérialité, engage des investigations complexes. En effet, ces affaires criminelles impliquent systématiquement une multiplicité d'actes aux délais incompressibles tels que le travail de la police technique et scientifique, l'exploitation de supports numériques, les examens psychologiques, les enquêtes de voisinage poussées ou encore les nombreuses auditions de témoins. Faute de pouvoir réunir les éléments de preuve, les personnes qui se rendent coupable de ces crimes de manière sérielle, rompues aux techniques permettant de brouiller les pistes, peuvent poursuivre leur activité beaucoup plus facilement.

En raison de cette complexité, et de la particulière sensibilité de ces affaires, il apparaît indispensable de permettre aux enquêteurs d'apporter le maximum d'éléments au magistrat afin que ce dernier puisse prendre la décision la plus éclairée possible. Dans le même temps, l'extension des techniques spéciales d'enquêtes à ces infractions aiderait à leur résolution dans des délais plus courts, et permettrait d'éviter la réitération de nouveaux faits.

2.1.2 Etendre le recours aux TSE dans certains cas de recherche de fugitifs

Ainsi qu'il a été dit au point 1.1.3 supra , seules certaines techniques spéciales d'enquêtes sont mobilisables par les enquêteurs dans le cadre de la recherche d'une personne fugitive. Or, les services sont de plus en plus confrontés aux techniques modernes de communications de type « Whatsapp, Snapchat, Viber et autres » qui permettent aux personnes en fuite de pouvoir contacter les personnes de leur entourage sans risque d'être écoutés. En outre, la majorité des fugitifs recherchés relèvent de la criminalité organisée et sont par conséquents rompus aux techniques d'enquête traditionnelles qui s'avèrent rapidement inefficaces.

Plusieurs exemples fournis par la brigade nationale de recherche des fugitifs de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée illustrent cette difficulté :

? Enquête en cours sur le fondement de l'art 74-2 du CPP contre monsieur B. C. - condamné à 5 et 7 ans notamment pour trafic de stupéfiants. Les investigations laissent clairement apparaître que le fugitif est au contact de sa famille via des applications data, et établissent qu'il se trouve en C..... ; sans plus de précisions, malgré la bonne volonté des autorités de l'Etat concerné, la localisation précise est impossible. L'installation d'un keylogger sur le téléphone des familiers permettrait une localisation plus précise et l'interpellation de ce dernier par les autorités locales.

? Enquête achevée sur le fondement de l'art 74-2 du CPP contre D. D., condamné en 2001 par contumace à 20 ans de réclusion criminelle pour des vols à main armée en bande organisée (attaque de fourgon blindé). Cet individu est resté introuvable à ce jour. Pendant plusieurs années de recherche et plusieurs procédures successives, il a été procédé à de nombreuses interceptions de communication et géolocalisations, ainsi qu'à des surveillances physiques de multiples personnes de l'entourage du fugitif, dont certaines en à l'étranger, en vain. Les éléments d'enquête et les informations recueillies laissaient clairement apparaître qu'il était au contact d'un individu considéré comme étant son « fils spirituel ». Tous les interlocuteurs restaient particulièrement prudents sur les communications vocales. La mise en place de keylogger ou de sonorisations auraient permis de contourner l'organisation et la prudence de son entourage ou de ses anciens complices, et de permettre la mise à exécution de la lourde sentence prononcée contre lui.

A contrario , la localisation de malfaiteurs en fuite menée dans le cadre de commissions rogatoires pour des infractions bénéficiant de TSE, démontre leur utilité. A titre d'illustration, l'arrestation de S. Z., recherché sur commission rogatoire pour évasion, vols à main armée, et séquestration en bande organisée, n'a été rendue possible que par la sonorisation du domicile de sa soeur, qui communiquait l'identité d'un individu au contact de celui-ci, là où près de 40 interceptions téléphoniques et géolocalisations avaient été réalisées durant un an d'enquête et s'étaient révélées totalement inefficaces. Interpellé, l'individu a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises de Paris.

2.1.3 Mieux lutter contre les dérives sectaires

Au sein de l'office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), un des groupes d'enquêtes criminelles de l'office a été chargé depuis septembre 2009, de centraliser les informations et de traiter les dossiers judiciaires relatifs aux sectes en créant une cellule d'assistance et d'interventions en matière de dérives sectaires : la CAIMADES. Ces trois dernières années, cette cellule a traité quarante dossiers (une centaine depuis sa création) qui constituent les dossiers les plus complexes et les plus sensibles. Vingt-cinq sont en cours d'investigation.

De son côté, la gendarmerie nationale est en charge d'une part importante des procédures par la fréquente localisation des faits dans sa zone de compétence (129 procédures en 2019).

Les services d'enquête comme les parquets confirment la difficulté, avec les moyens d'enquête classique, à réunir des preuves permettant d'établir l'infraction d'abus de faiblesse dans un cadre sectaire compte tenu de l'opacité, de l'enfermement et de la discrétion des groupes sectaires. Les auteurs cherchent à tout prix à camoufler leurs agissements et les victimes ne réalisent pas, du fait de l'emprise mentale, qu'une infraction est commise à leur encontre.

En outre, la rédaction actuelle de l'article 223-15-2 du code pénal est restrictive puisqu'elle ne vise que les agissements du dirigeant de fait ou de droit d'un groupement, définition qui ne recouvre que partiellement la réalité de l'abus de l'état de faiblesse « sectaire » qui se définit par une action concertée des personnes qui s'en rendent coupables.

Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a lui-même admis, le législateur peut autoriser le recours aux techniques spéciales d'enquête lorsque « la difficulté d'appréhender les auteurs de ces infractions tient à des éléments d'extranéité ou à l'existence d'un groupement ou d'un réseau dont l'identification, la connaissance et le démantèlement posent des problèmes complexes » 14 ( * ) .

Les agissements sectaires se caractérisant, d'une part, par la complexité des montages juridiques des structures, des méthodes d'approche et d'embrigadement des victimes et, d'autre part, par la gravité des faits commis à l'encontre des victimes de dérives sectaires (agressions sexuelles, viols, violences psychologiques et physiques, mise en péril de la santé et de la moralité des mineurs, etc.), l'infraction d'abus d'état de faiblesse en bande organisée vérifie les critères définis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

2.2 OBJECTIFS POURSUIVIS

2.2.1 Recourir aux techniques spéciales d'enquêtes pour certains crimes sériels

L'impossibilité actuelle d'y recourir dès les premières heures de l'enquête prive les enquêteurs de moyens permettant d'orienter les recherches, de privilégier ou d'écarter rapidement certaines hypothèses d'enquête. La professionnalisation des délinquants, leurs capacités à dissimuler leurs activités et à s'adapter aux méthodes d'investigations traditionnelles, le développement de l'usage des messageries instantanées cryptées, ainsi que le phénomène de recours au « darknet » pour commettre des infractions, exigent une mise en oeuvre élargie et simplifiée de ces techniques spéciales d'enquête.

La simplification et l'ouverture de ces techniques aux infractions les plus graves ainsi que la possibilité de les utiliser en cas d'urgence, répondent à l'évolution actuelle des moyens utilisés par les auteurs d'infraction pénale. Cet élargissement du recours à certaines techniques d'enquête répond à fort besoin des enquêteurs documenté au cours de la consultation déjà menée à l'occasion des travaux sur la loi de programmation justice.

Quatre techniques spéciales d'enquêtes désormais mobilisables présenteraient un intérêt majeur dans le cadre des enquêtes considérées : l'IMSI- catcher , la sonorisation et la captation d'image, la captation de données informatiques et l'accès à distance à des données stockées au moyen d'un identifiant informatique.

2.2.2 Etendre le recours aux TSE dans certains cas de recherche de fugitifs

Le recours aux TSE, notamment la mise en place de sonorisation ou de keylogger , permettrait de pallier ces difficultés et d'aboutir à l'interpellation d'individus recherchés pour des affaires criminelles particulièrement graves.

2.2.3 Mieux lutter contre l'emprise sectaire

Le dispositif permettra en matière de délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse commis en bande organisée de recourir à certaines techniques spéciales d'enquête 15 ( * ) et d'améliorer la lutte contre les dérives sectaires.

L'évolution législative visée rendra possible la sonorisation des lieux de réunion ou de vie des groupes sectaires, voire l'infiltration de ces groupes fermés, cadre dans lequel les techniques d'enquête classiques montrent leurs limites, et favorisera ainsi le recueil d'éléments de preuve.
En effet, sonoriser les lieux dans lesquels oeuvrent les cibles, permettra de contextualiser les déclarations des victimes afin de permettre aux enquêteurs de rendre compte de la manière dont les leaders s'adressent à leurs adeptes, quel est le langage employé, les méthodes d'emprise, et également favorisera l'identification d'autres victimes.

Il est en effet essentiel de pouvoir infiltrer ces milieux afin que les enquêteurs prennent connaissance très précisément du discours et des techniques employées. L'emploi de ces outils d'enquête permettra également de caractériser l'influence directement exercée sur les adeptes, et d'en évaluer les retentissements de nature à altérer leur jugement. De surcroit, être en contact avec le délinquant ne pourra qu'alimenter l'enquête et fournir des éléments objectifs permettant notamment de corroborer les déclarations des victimes.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1 Recourir aux techniques spéciales d'enquêtes pour certains crimes sériels

Pour répondre aux besoins opérationnels exprimés par les services d'enquête, il a d'abord été envisagé d'ouvrir la possibilité aux magistrats et enquêteurs de recourir à quatre techniques d'investigation pour les infractions de droit commun les plus graves que sont les crimes d'homicides et de viols simples.

La jurisprudence récente du Conseil Constitutionnel rappelée supra faisant obstacle à une telle extension, il a été envisagé de la restreindre aux crimes d'homicides et viols présentant une certaine complexité, en reprenant la définition prévue à l'article 706-106-1 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire , qui crée au sein du parquet, un pôle en charge des crimes sériels ou non élucidés, lui attribuant une compétence d'attribution « pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5,222-1,222-3 à 222-6,222-23 à 222-26 et 224-1 à 224-3 du code pénal et de tous les délits connexes à ces crimes, lorsque l'une au moins des deux conditions ci-après est remplie et que les investigations les concernant présentent une particulière complexité: /1° Ces crimes ont été commis ou sont susceptibles d'avoir été commis de manière répétée à des dates différentes par une même personne à l'encontre de différentes victimes ; /2° Leur auteur n'a pas pu être identifié plus de dix-huit mois après leur commission ».

3.1.2 Etendre le recours aux TSE dans certains cas de recherche de fugitifs

Une option aurait été de rendre possible la mise en oeuvre des TSE pour tout fugitif mentionné à l'article 74-2, en considérant que ces situations constituent par elles-mêmes des situations complexes justifiant de recourir à ces moyens, l'article 74-2 autorisant déjà l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, 100-1 et 100-3 à 100-7.

Un tel élargissement ne paraissait cependant pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce d'autant moins que la particularité de ce régime tient à ce que la TSE est mise en oeuvre non pas dans le cadre de l'enquête sur l'infraction à proprement parler mais en vue de retrouver les personnes qui se sont rendues coupables de ces infractions.

3.1.3 Mieux réprimer l'emprise sectaire

Si dans un premier temps, il a été envisagé de créer un délit autonome, distinct de l'actuel article 223-15-2 du code pénal, cette option a été abandonnée dans la mesure où elle présentait un risque constitutionnel en ce que le délit créé pouvait se confondre avec le délit actuel d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne particulièrement vulnérable.

3.2. OPTION RETENUE

3.2.1 Recourir aux techniques spéciales d'enquêtes pour certains crimes sériels

Plutôt que de reprendre la même définition que celle prévue à l'article 706-106-1 du code de procédure pénale, il a été préféré de recourir au critère de sérialité qui s'inspire du 1° de ce même article, sans faire référence à la notion de complexité.

3.2.2 Etendre le recours aux TSE dans certains cas de recherche de fugitifs

L'option retenue a été de ne permettre le recours aux TSE dans le cadre de l'article 74-2 pour les seuls cas où les investigations visent l'une des infractions pour lesquelles ces techniques peuvent par ailleurs être mises en oeuvre. De cette façon, le recours aux TSE en matière de recherche de fugitif conserve une cohérence avec les infractions au titre desquelles la personne est recherchée et dont la caractérisation a déjà pu donner lieu à mise en oeuvre de TSE par les enquêteurs.

En légistique, ce choix se traduit, plutôt que la création d'un article dédié ou un complément aux articles 706-73 et 706-73-1, par un complément apporté à l'article 74-2 pour préciser ceux des cas qu'il mentionne pour lesquels le recours aux TSE sera possible. De cette façon, tout le régime jurisprudentiel et procédural s'appliquera à la mise en oeuvre de ces techniques dans le cadre de la recherche de fugitifs.

3.2.3 Mieux réprimer l'emprise sectaire

L'écriture retenue s'inscrit dans le droit positif et propose de renforcer le dispositif existant, en remplaçant les termes « dirigeant de droit ou de fait » par la circonstance aggravante de bande organisée afin de permettre l'application du régime dérogatoire lié à cette circonstance. Il est également prévu de renforcer la répression, en cohérence avec la répression du phénomène de la bande organisée, en augmentant le quantum de peines prévu. Cette rédaction est cohérente avec la réalité du phénomène sectaire et s'inscrit dans la logique d'ensemble du recours à la technique spéciale d'enquête (l'article 706-74 disposant d'ailleurs de façon générale que les dispositions du titre XXV sont applicables, lorsque la loi le prévoit « aux crimes et délits commis en bande organisée, autres que ceux relevant des articles 706-73 et 706-73-1 »).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS SUR L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE

S'agissant du recours aux techniques spéciales d'enquêtes pour certains crimes sériels, les présentes dispositions modifient les articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale. Le recours aux TSE dans certains cas de recherche de fugitifs se traduit par une modification de l'article 74-2 du code de procédure pénale

Enfin, les dispositions visant à mieux réprimer l'emprise sectaire modifient les articles 706-73 du code de procédure pénale et 223-15-2 du code pénal.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Ouvrir aux services d'enquête la possibilité de recourir à des moyens d'investigation complémentaires pour certaines enquêtes relatives à des faits d'une gravité certaine (abus de faiblesse en bande organisée, homicides ou viols présentant un caractère sériel) est de nature à favoriser et accroître les perspectives de leur élucidation mais également, potentiellement, à interrompre certains parcours criminels (infractions criminelles sérielles).

Ces mêmes moyens dédiés à la recherche de personnes s'étant soustraites à la justice suite à une condamnation pour des faits relevant de la criminalité organisée permettront de favoriser leur localisation en vue de leur mise à disposition de la justice, pour l'exécution de leur peine.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les présentes dispositions ne requièrent aucune consultation préalable.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les nouvelles dispositions qui aggravent la répression en matière d'emprise sectaire ne pourront s'appliquer qu'à des faits commis après leur entrée en vigueur. Les dispositions de nature procédurale pourront s'appliquer à des affaires en cours.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions s'appliqueront sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Néant.

TITRE IV

DISPOSITIONS VISANT À ANTICIPER LES MENACES ET CRISES

CHAPITRE I ER

RENFORCER LA FILIÈRE INVESTIGATION

Article 9 : Former tous les nouveaux policiers et gendarmes aux fonctions d'officier de police judiciaire (OPJ) dès la formation initiale

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 16 du code de procédure pénale (CPP) énumère les catégories d'agents disposant de la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ).

« Ont ainsi la qualité d'officier de police judiciaire :

1° Les maires et leurs adjoints ;

2° Les officiers et les gradés de la gendarmerie, les gendarmes comptant au moins trois ans de service dans la gendarmerie, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l'intérieur, après avis conforme d'une commission ;

3° Les inspecteurs généraux, les sous-directeurs de police active, les contrôleurs généraux, les commissaires de police et les officiers de police ;

4° Les fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale comptant au moins trois ans de services dans ce corps, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l'intérieur, après avis conforme d'une commission, (...) s'ils sont affectés soit dans un service ou une catégorie de services déterminés en application de l ' article 15-1 et figurant sur une liste fixée par arrêté des ministres de la justice et de l'intérieur, soit, à titre exclusif, dans une formation d'un service mentionnée par le même arrêté ».

« Ont également la qualité d'officier de police judiciaire les personnes exerçant des fonctions de directeur ou sous-directeur de la police judiciaire et de directeur ou sous-directeur de la gendarmerie ».

L'article 16 dispose enfin que « les fonctionnaires mentionnés aux 2° à 4° ci-dessus ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité d'officier de police judiciaire ni se prévaloir de cette qualité que s'ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu d'une décision du procureur général près la cour d'appel les y habilitant personnellement, cette qualité étant suspendue pendant le temps où ils participent, en unité constituée, à une opération de maintien de l'ordre ».

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL ET CADRE CONVENTIONNEL

L'article 16 du code de procédure pénale n'a pas été examiné par le Conseil constitutionnel.

Toutefois, il peut être rappelé que les officiers de police judiciaire agissent nécessairement sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel considère « qu'il résulte de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire ; qu'à cette fin, le code de procédure pénale, notamment en ses articles 16 à 19-1, assure le contrôle direct et effectif de l'autorité judiciaire sur les officiers de police judiciaire chargés d'exercer les pouvoirs d'enquête judiciaire et de mettre en oeuvre les mesures de contrainte nécessaires à leur réalisation » (cons. 59).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le projet de loi propose de modifier l'article 16 du code de procédure pénale afin d'autoriser un gardien de la Paix en formation initiale et un élève sous-officier de gendarmerie à se présenter à l'examen technique d'officier de police judiciaire à l'issue de sa scolarité (cf. infra 3.2.).

A cette fin, la formation d'OPJ doit donc être intégrée à la formation initiale afin qu'à l'issue de leurs vingt-quatre mois de formation, les gardiens de la paix stagiaires et les élèves sous-officier de gendarmerie puissent se présenter à l'examen d'OPJ. En cas de réussite, ils devront ensuite exercer, pendant 6 mois au moins, un emploi comportant l'exercice des attributions attachées à leur qualité d'APJ avant de pouvoir recevoir leur habilitation.

Aussi est-il nécessaire de modifier la condition des trois ans de service avant de se présenter à l'examen, prévue actuellement par l'article 16 du code de procédure pénale, et de la remplacer par la condition de trente mois de service à compter de l'entrée en formation initiale dont au moins six mois effectués sur un emploi comportant l'exercice des attributions attachées à leur qualité d'APJ pour être habilité, une fois l'examen réussi.

En effet, il est actuellement requis que les agents exercent leurs fonctions durant trois années à l'issue de leur formation avant de pouvoir se présenter à l'examen d'OPJ, ce qui restreint le champ des candidats éligibles. L'assouplissement de cette exigence passe par la modification de l'article 16 du code de procédure pénale (partie législative) et nécessite donc une intervention du législateur.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Pour l'heure, la formation OPJ existe en formation continue, uniquement au bénéfice des agents titulaires. Cette formation s'articule autour de 14 semaines de formation et trois semaines d'observation pratique dans un service d'enquête. Elle est organisée en deux sessions annuelles à l'issue desquelles les stagiaires passent l'examen (juin et janvier). Ces modalités de la formation OPJ sont maintenues pour les policiers déjà en service.

La mesure consiste à intégrer la formation OPJ dans la formation initiale des gardiens de la paix de la police nationale et des sous-officiers de gendarmerie pour :

? disposer de plus d'OPJ sur le terrain pour augmenter de manière significative la qualité et la performance en termes de traitement des procédures judiciaires (objectifs : 22 000 OPJ cartographiés pour la police nationale en 2023, qui en compte aujourd'hui 17 000) ;

? accroître notablement la qualité de l'accueil des victimes dans les services de police et les unités de gendarmerie ;

? renforcer l'attractivité de la filière investigation en valorisant les agents titulaires de cette habilitation.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

D'autres mesures sont mises en oeuvre en parallèle pour renforcer l'attractivité de la filière judiciaire dans la police nationale, mais elles sont complémentaires de la présente disposition. Il s'agit notamment de :

? la mise en place d'une cartographie des postes OPJ ;

? l'accroissement du montant de la prime spécifique ;

? l'avancement accéléré pour le corps d'encadrement et d'application dans une filière dédiée aux OPJ.

3.2. OPTION RETENUE

La mesure vise à augmenter le nombre d'OPJ formés tout en maintenant le niveau et les garanties liées à cette qualité :

1/ La formation d'OPJ est intégrée à la formation initiale des gardiens de la paix et des sous-officiers en supprimant le délai de trois ans de service aujourd'hui nécessaire pour présenter l'examen d'OPJ.

2/ Une distinction est introduite entre la qualité d'OPJ qui pourra être obtenue dès la fin de la formation initiale à condition d'avoir réussi l'examen d'OPJ et l'habilitation d'OPJ qui nécessitera de compter trente mois de services depuis l'entrée en formation dont six mois dans un service leur permettant d'exercer leur qualité d'APJ. A l'issue de ces trente-mois, soit six mois au minimum depuis leur titularisation pour les gardiens de la paix, ils pourront être habilités OPJ par le procureur général près la cour d'appel pour exercer en tant qu'OPJ dans leur service d'affectation.

Cette mesure ne modifie ni le contenu ni les modalités de l'examen d'OPJ, qui sera commun que les candidats aient suivis leur formation OPJ au cours de leur formation initiale ou lors d'une formation continue au cours de leur carrière.

Pour la police nationale :

À cette fin, la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale a refondu la formation initiale des gardiens de la paix afin d'y intégrer la formation OPJ. Son suivi se fera en deux temps :

? Un premier module de formation de quatre semaines sera dispensé à la fin de la première partie de la scolarité avant le départ en alternance. Il sera sanctionné par un examen dont les résultats entreront dans le classement final. L'accession au second module de formation sera conditionnée à l'obtention d'une moyenne de 10/20 au premier module ;

? Un second module de huit semaines sera dispensé au plus près du début de la formation d'adaptation au premier emploi (FAPE). Il sera organisé par la direction zonale pour le recrutement et la formation de la police nationale du lieu d'affectation.

Les douze semaines de formation théorique (36 heures d'enseignement par semaine), prévues en deux blocs lors de la scolarité des élèves-gardiens de la paix, comptent davantage d'heures de formation que pendant les quatorze semaines de la formation OPJ (de 30H d'enseignement) réservée aux gardiens de la paix déjà en poste. Avec la réforme, 432H de formation théorique seront dispensées aux élèves gardiens de la paix (contre 420H de formation pour les candidats à l'examen OPJ titulaires et déjà en poste).

En outre, certains enseignements relatifs aux libertés publiques, compris dans le programme de la formation OPJ, seront aussi dispensés pendant le socle initial de la scolarité des gardiens de la paix.

L'examen final, dont les épreuves, seront identiques à celles de l'examen d'OPJ passé en formation continue, se déroulera à l'issue de la FAPE, au cours d'une des deux sessions annuelles, qui ont lieu respectivement mi-janvier et mi-juin chaque année.

Cette nouvelle scolarité, intégrant le module d'OPJ, entrera en vigueur à compter de mai 2022. L'allongement de la scolarité, qui permet d'intégrer la formation OPJ en formation initiale, est prévue par une modification du décret n° 2004-1439 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale.


Pour la gendarmerie nationale :

La formation d'OPJ rénovée sera articulée en deux phases, une première de nature théorique et la seconde plus pratique. Elle autorisera l'accès à l'examen vingt mois après la signature du contrat d'engagement et reposera sur :

? Un premier module de formation de quatre semaines en école, pour les deux subdivisions d'arme gendarmerie mobile (GM) et gendarmerie départementale (GD), portant sur les fondamentaux théoriques de la qualification d'OPJ ;

? Pour les gendarmes affectés en gendarmerie départementale, un enseignement à distance de huit mois débutant dès la nomination au grade de gendarme, complété en cours d'année par deux stages pratiques de trois semaines chacun. Il sera ainsi possible de se présenter à l'examen avant l'échéance de la deuxième année de service et après un an de pratique professionnelle sur le terrain. Cette formation d'OPJ sera également ouverte, sur la base du volontariat, aux gendarmes mobiles qui souhaiteraient s'orienter vers cet examen.

L'examen d'OPJ, aujourd'hui organisé annuellement au plan national, devra l'être deux fois par an pour absorber sans délai excessif la succession des promotions sur l'année. A ce titre, une scolarité de douze mois permettra d'intégrer la majeure partie de la formation dans le temps de scolarité, accompagné d'un stage complémentaire au terme de la première année d'exercice et avant l'examen.

Les gendarmes pourront accéder à la qualification d'OPJ à compter trente mois de services depuis l'entrée en formation dont six mois dans un service leur permettant d'exercer leur qualité d'APJ. A l'issue de ces trente mois, soit au moins dix-huit mois en unité opérationnelle pour les militaires de la gendarmerie, ils pourront être habilités OPJ par le procureur général près la cour d'appel pour exercer en tant qu'OPJ dans leur service d'affectation. Cette formation en deux étapes permet de distinguer dans un premier temps ceux qui disposent de capacités à exercer en tant qu'OPJ, puis de les placer dans leur environnement professionnel pendant un an et demi avant qu'ils puissent exercer, s'ils l'obtiennent, leur qualification d'OPJ.

Enfin, la formation d'OPJ est adaptée au contexte de la scolarité. Elle est d'une durée sensiblement équivalente à la formation aujourd'hui dispensée en formation continue et présente l'avantage d'avoir une véritable continuité pédagogique.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Il est nécessaire de faire évoluer l'article 16 du code de procédure pénale afin d'autoriser un gardien de la Paix en formation initiale comme un élève sous-officier de gendarmerie à se présenter à l'examen technique d'officier de police judiciaire à l'issue de sa scolarité et sans attendre le délai actuellement requis de trois ans.

Un certain nombre de dispositions réglementaires devront être harmonisées du fait de cette réforme. Il conviendra notamment de modifier les articles règlementaires (R et A) du CPP relatifs aux OPJ de la police et de la gendarmerie nationales pour tirer les conséquences de l'évolution de l'article 16 du code de procédure pénale et les délais d'application.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS BUDGÉTAIRES

Pour la gendarmerie nationale :

Ce nouveau dispositif de formation d'OPJ s'inscrit dans le projet de renforcement des capacités de formation dans le cadre de la présente loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, lequel comprend la création de 315 ETP (encadrement et soutien), ainsi que des investissements immobiliers et d'équipement.

Sur la période 2023-2027, 22,5 M€ T2 et 137,5 M€ HT2 seraient ainsi nécessaires.

Ce budget comporte principalement des coûts liés à l'augmentation du capacitaire école (+15 compagnies d'instruction), consécutive à l'allongement de la durée de la formation initiale de huit à douze mois.

D'autres incidences budgétaires devront être prises en compte lorsque le dispositif sera consolidé :

? Il s'agit des coûts liés à la formation continue des candidats à l'OPJ post-formation initiale (frais de déplacement et de séjour pour les deux sessions de trois semaines de stage par an et par élève) ;

? et un coût lié à l'augmentation possible du nombre d'OPJ (et consécutivement du volume d'avancement au grade de MDC) ;

? gains liés à l'augmentation de la durée de la scolarité, avec un impact minorant sur l'Indemnité Sujétion Spéciale Police (ISSP) du fait des quatre mois supplémentaires de taux école ;

? coûts liés à l'augmentation du nombre de sessions d'examens OPJ.

Pour la police nationale :

L'intégration d'une formation à l'OPJ dans le cursus de formation des élèves gardiens de la paix prendra la forme d'un tronc commun de quatre semaines (Module 1), dispensé durant la scolarité, puis d'un module de huit semaines (Module 2), organisé en trois sessions à l'issue de la scolarité initiale, lors de la formation d'accès au premier emploi (FAPE).

En 2022, il n'y aura que les quatre semaines de formation initiale, à partir de mi-décembre, pour la formation d'OPJ, la FAPE débutant pour les promotions concernées à partir de 2023.

En effet, la première promotion qui bénéficiera pleinement de ce dispositif est la 266 ème , qui entrera en structure en mai 2022. Sa période de FAPE débutera en mai 2023.

Conséquences en matière de ressources humaines :

Afin d'évaluer les besoins en formateurs OPJ, les points suivants ont été intégrés pour construire les besoins :

? un premier module de formation OPJ de quatre semaines au cours de la scolarité pour l'ensemble (100%) des élèves gardien de la paix ;

? un second module de huit semaines, dont 2 en distanciel à répartir durant la période de la FAPE avant examen d'OPJ, au bénéfice de 65 % des élèves gardiens de la paix (le taux de notes inférieures à 10/20 à l'examen réalisé à la suite du premier module a été estimé à 35 %) ;

? en 2022, le module 1 sera suivi par 780 élèves ;

? en 2023, le module 1 sera suivi par 3330 élèves et le module 2 par environ 1677 stagiaires (en ayant appliqué le taux de sélection) ;

? 65 % des élèves gardiens de la paix étant affectés sur la zone Île-de-France et le reste en province la direction zonale au recrutement et à la formation de la police nationale d'Île-de-France (DZRFPN IDF) est donc la principale zone concernée par le second module ;

? une section compte 30 élèves en école pour le premier module et 22 pour le second module durant la FAPE ;

? le besoin en nombre de formateurs issus des calculs est ensuite mis en parallèle avec le volume des formateurs OPJ arrêté au 31/12/2022.

En 2022, l'objectif de la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN) sera d'intégrer le premier module de la formation OPJ réalisé en école. Ceci suppose de disposer théoriquement de 38 formateurs OPJ. Au 31 décembre 2021, le nombre de formateurs disponibles est de 24. Les 14 formateurs OPJ supplémentaires devront être opérationnels en décembre 2022.

En 2023, il conviendra de dispenser des formations OPJ dans le cadre de la FAPE (Module 2) avec une augmentation conjointe de celles dispensées lors de la période de scolarité de toutes les promotions (Module 1).

Le tableau ci-dessous décrit les besoins de formateurs OPJ (FOPJ) pour 2022.

Assurer le Module 1 suppose de disposer, pour l'année 2023, de 52 formateurs OPJ, ce qui représente une augmentation de 33 formateurs supplémentaires par rapport à l'existant. Le tableau ci-dessous décrit les besoins de formateurs OPJ pour le Module 1 pour 2023.

En ce qui concerne le Module 2, d'une durée de huit semaines, à compter de mai 2023, les stagiaires effectueront sept semaines d'affilée, puis une dernière semaine juste avant la période d'examen de mi-juin ou mi-janvier. Ce second module requiert 62 formateurs OPJ sur l'année 2023, ce qui représente 45 formateurs supplémentaires par rapport à l'existant. Le tableau ci-dessous décrit les besoins de formateurs OPJ pour le Module 2 pour 2023.

Compte tenu de ce qui précède, les besoins pour les deux modules dans l'ensemble des zones sont de 90 formateurs supplémentaires en 2023, dont 14 au titre de l'année 2022. Le tableau ci-dessous résume l'ensemble des besoins formateurs OPJ pour les Module 1 et 2 pour 2023.

Sur le plan budgétaire, le coût de ce dispositif est globalement neutre. En effet, l'enseignement du premier module se déroulera dans les écoles de police sur une durée de quatre semaines qui s'intègrent dans la période de la scolarité des élèves gardiens de la paix. Il en va de même de la formation durant la période de la FAPE qui ne présente pas de surcoût dans la mesure où celle-ci est assurée dans la zone d'affectation des gardiens de la paix stagiaires.

En revanche, l'augmentation du nombre de formateurs ayant la qualification OPJ, nécessitera un abondement des postes cartographiés OPJ de la DCRFPN. Le volume passerait de 378 postes cartographiés en 2022, à 468 en 2023.

Du fait de la saturation des salles de cours existantes, notamment en ce qui concerne la région parisienne, qui ne dispose pas d'école, le coût HT2 est évalué à 523,71€ par stagiaire, en se fondant sur l'hypothèse d'une externalisation des salles de cours et d'une restauration collective dans un établissement de l'administration. Si la restauration est externalisée, donc comptée en frais de mission, le coût passe à 873,72€ par stagiaire.

En se référant au pourcentage d'élèves ayant obtenu une moyenne supérieure à 10/20 à l'actuel contrôle national écrit, qui comprend une majorité de questions de procédure et de droit pénal, on estime que 65 % des élèves gardien de la Paix obtiendront le module 1 de la formation OPJ. Sur la base de cette estimation, pour 2023, 2137 stagiaires suivront le module 2.

En conséquence, le coût de supplémentaire sera compris entre :

? pour la location des salles : 523,71 × 2137 = 1 119 168,27 €

? en cas de restauration externalisée : 873,72 × 2137 = 1 867 139,64 €

Enfin, il n'est pas possible à ce stade d'évaluer les coûts inhérents aux frais de déplacement et d'hébergement des stagiaires de la FAPE, notamment dans les zones où les lieux d'affectation et de formation des personnels peuvent être particulièrement distants.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Un impact direct est attendu pour :

? - les services du ministère de la justice (parquet, juge des libertés et de la détention, juge d'instruction, service pénitentiaire d'insertion et de probation) qui devront absorber une production accrue en provenance des services de police judiciaire ;

? les services partenaires intervenant dans certains types de délinquance (URSSAF, Immigration, BCR...) qui verront une meilleure prise en charge de ce type de contentieux.

4.4. IMPACTS SOCIAUX

4.4.1. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

L'évolution de cette formation est positive, car elle permet d'accéder plus vite à ce cursus conditionnant l'accès au grade supérieur et à des responsabilités plus importantes, permettant ainsi aux femmes de mieux concilier vie personnelle et leur évolution professionnelle.

4.4.2. Impacts sur la jeunesse

Les perspectives de valorisation plus rapide des carrières dans la police et la gendarmerie pourront avoir un impact sur la jeunesse en termes de choix d'orientation, en facilitant la projection des plus jeunes à des postes à responsabilités

4.5. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les usagers seront mieux pris en charge et verront leurs affaires traitées plus vite avec un accès facilité à l'OPJ en lieu et place de l'APJ.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La mesure a été présentée en comité technique de réseau de la police nationale (CTRPN) les 16 février et 3 mars 2022.

En application de l'article R. 4124-1 du code de la défense, le Conseil supérieur de la fonction militaire a été consulté sur cette disposition.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'appliquera à compter du 1 er janvier 2023.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions s'appliqueront à l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

La présente mesure nécessite une modification des articles R.5, A.2 et A.13 du code de procédure pénale. Pour ces textes, il s'agit de tenir compte de l'évolution du délai de trois ans de service dans l'article 16 et d'en reporter la modification.

Article 10 : Création des assistants d'enquête

1. ÉTAT DES LIEUX

La loi confie l'exercice de la police judiciaire et l'établissement des procédures judiciaires visant à constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, aux officiers de police judiciaire (OPJ), agents de police judiciaire (APJ), agents de police judiciaire adjoints et fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire (articles 14 et 15 du code de procédure pénale).

Les articles 16, 20, 20-1 et 21 du code de procédure pénale (CPP) déterminent à ce titre, les catégories de personnes pour lesquelles la loi a entendu confier l'exercice de la police judiciaire. Au sein du ministère de l'intérieur, il s'agit exclusivement de fonctionnaires de la police nationale ou de la gendarmerie nationale investis de pouvoirs de police judiciaire plus ou moins étendus.

Ont en premier lieu la qualité d'officier de police judiciaire , les inspecteurs généraux, les sous-directeurs de police active, les contrôleurs généraux, les commissaires et officiers de police (3° de l'article 16 du CPP).

Ont également la qualité d'officier de police judiciaire, les officiers et les gradés de la gendarmerie, les gendarmes comptant au moins trois ans de service dans la gendarmerie et les fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale comptant au moins trois ans de services dans ce corps, désignés après avis conforme d'une commission (sanctionnant la réussite d'un examen) et exerçant habituellement dans un service à vocation judiciaire, nominativement désignés par arrêté conjoint des ministres de la justice et de l'intérieur (2° et 4° de l'article 16).

L'article 16-1A du CPP, créé par l'article 12 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et la sécurité intérieure prévoit que les fonctionnaires de police actifs ou à la retraite ayant eu, durant leur activité professionnelle, la qualité d'officier de police judiciaire peuvent, par ailleurs, après une actualisation de leurs connaissances et dès lors qu'est établi qu'ils réunissent les conditions d'expérience et d'aptitude requises, conserver la qualité d'OPJ pour une durée de cinq ans à compter de la date de leur départ à la retraite.

Les attributions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire ne peuvent être exercées par les personnels visés aux 2° et 4° de l'article 16 et 16-1A du CPP que sur décision du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle ils sont affectés, les y habilitant personnellement. C'est cette même autorité qui procède à l'évaluation (notation) des OPJ conformément à l'article 19-1 du CPP.

Les officiers de police judiciaire disposent en effet des pouvoirs de police judiciaire les plus étendus parmi les prérogatives définies par la loi notamment s'agissant des décisions relatives aux mesures privatives de liberté. L'article 62-2 du code de procédure pénale prévoit ainsi que seuls les officiers de police judiciaire peuvent décider de prendre une mesure de garde à vue, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. De même, la mesure de retenue applicable à une personne placée sous contrôle judiciaire et soupçonnée d'avoir manqué à ses obligations est une prérogative propre de l'officier de police judiciaire (article 141-4 du code de procédure pénale).

Ont en second lieu, la qualité d'agent de police judiciaire , les fonctionnaires des services actifs de la police nationale, titulaires ou stagiaires et les militaires de la gendarmerie, n'ayant pas la qualité d'officiers de police judiciaire, chargés de seconder dans l'exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire.

La qualité d'APJ n'est conditionnée ni à un examen, ni à une habilitation du procureur général.

Les fonctionnaires de police à la retraite ayant eu durant leur activité la qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire peuvent bénéficier de la qualité d'agent de police judiciaire au titre de la réserve civile de la police nationale. La loi leur confie des pouvoirs de police judiciaire plus restreints que ceux que la loi confie aux officiers de police judiciaire. A titre d'exemple, les articles 54 et 56 du code de procédure pénale ne permettent pas aux agents de police judiciaire de réaliser, dans le cadre de l'enquête en flagrant délits des actes de constatations criminelles et de perquisitions : seuls les officiers de police judiciaire disposent de ces prérogatives de saisie.

Sont enfin agents de police judiciaire adjoints et ont pour mission de seconder les officiers de police judiciaire dans l'exercice de leurs missions, les fonctionnaires des services actifs de police nationale ne remplissant pas les conditions prévues par l'article 20 du CPP ; les policiers adjoints mentionnés à l'article L. 411-5 du code de la sécurité intérieure et les membres de la réserve civile de la police nationale qui ne remplissent pas les conditions prévues à l'article
20-1. Sont également agent de police judiciaire adjoints les volontaires servant en qualité de militaire dans la gendarmerie et les militaires servant au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale ne remplissant pas les conditions prévues par l'article 20-1. Ils ne disposent que de pouvoirs de police judiciaire limités (constatation de contravention).

La loi autorise par ailleurs à ces acteurs de la procédure pénale de procéder aux actes et diligences définies par la loi dans le cadre de l'exécution de leur mission de police judiciaire et de les relater dans des procès-verbaux qui seront transmis à l'autorité judiciaire (articles D.11 et D.13 du CPP). Leurs attritions ne sont soumises ni à un examen, ni à une habilitation.

Pour les besoins de leur mission de police judiciaire et notamment l'accomplissement de diligences nécessitant une certaine technicité, les policiers et gendarmes peuvent également être assistés d'agents spécialisés, techniciens ou ingénieurs de police technique et scientifique ; ces derniers ne disposent d'aucun pouvoir de police judiciaire et ne relatent leurs diligences que par rapport.

Conformément aux dispositions des articles 12 et 41 du code de procédure pénale, l'activité de police judiciaire conduite par les officiers et fonctionnaires décrits supra est exercée sous la direction et la supervision du procureur de la République ; il peut en effet prescrire l'initiation d'une enquête ou certains actes d'enquête et fixer certaines aux personnels chargés de la police judiciaire.

La surveillance et le contrôle de la police judiciaire sont quant à eux confiés au procureur général et à la chambre de l'instruction (articles 13 et 38 du CPP) : ils portent à la fois sur le contrôle de l'aptitude des agents à exercer leurs prérogatives de police judiciaire par le biais de l'habilitation décrite supra , et sur le respect des règles légales et déontologiques. Le procureur général dispose à ce titre d'un pouvoir disciplinaire lui permettant d'ordonner la suspension ou le retrait de l'habilitation des OPJ placés sous sa surveillance (articles R 15-2 et R. 15-6 du CPP).

Il peut par ailleurs saisir la chambre de l'instruction de fautes commises par les APJ à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions (articles 224 et suivants du CPP) ou par les APJA (article 230 du CPP).  Cette juridiction peut dans ce cadre faire interdiction à l'agent concerné d'exercer ses fonctions.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La complexification croissante de la procédure pénale depuis une vingtaine d'années présente trois conséquences majeures qui nuisent à l'efficacité de l'enquête de police et, in fine, au service public de la sécurité rendu au citoyen :

? La qualité des procédures transmises à l'autorité judiciaire connaît une baisse préoccupante, fragilisant les enquêtes et pénalisant ainsi la manifestation de la vérité et la protection des victimes et de la société ;

? La part du métier d'enquêteur consacrée à l'investigation tend à disparaître au profit d'une mission essentiellement tournée vers la formalisation d'actes d'enquête obligatoires, laissant peu de place à la curiosité et au sens policier. Un déséquilibre s'est ainsi installé entre le temps consacré aux investigations et celui dédié à la mise en forme et au respect du formalisme procédural. En moyenne, les services d'investigation estiment que deux tiers des procès-verbaux composant une procédure répondent à des exigences uniquement formelles de la procédure pénale (par exemple : procès-verbal d'avis, procès-verbal de notification des droits de la personne placée en garde à vue, procès-verbal d'annexe de réquisition etc.). ;

? Les policiers et gendarmes se détournent de la filière investigation, qui connaît une véritable crise de vocation et de fidélisation, en raison de la perte de sens de la mission même d'enquête. Les soixante-deux postes proposés dans des services d'enquête de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) non pourvus sur les cent trois postes d'officiers ouverts, faute de candidats lors du dernier mouvement de mutation du corps de commandement de la police nationale, illustrent cette désaffection des policiers pour la filière investigation.

La note de la Cour des comptes, publiée en novembre 2021, La gestion des ressources humaines au coeur des difficultés de la police nationale, dresse un constat similaire : « La police judiciaire qui doit faire face à 3,9 millions de procédures par an, est également en difficulté. Elle n'attire plus les policiers confirmés et ses résultats sont marqués par un faible niveau d'élucidation des délits de bas et milieu de spectre, correspondant pour nos concitoyens à la délinquance du quotidien. La police nationale connaît depuis plusieurs années une désaffection de l'ensemble de la filière investigation au plan national et plus particulièrement dans le ressort de la préfecture de police de Paris [...]. Cette situation est notamment le résultat de conditions d'exercice dégradées en Île-de-France et se traduit par une faible attractivité des postes d'investigation dans les commissariats mais aussi désormais au sein des services spécialisés de police judiciaire ».

Parallèlement à ces évolutions, le temps nécessaire au traitement de chaque procédure a aussi été allongé, sans augmentation du taux d'élucidation. Entre 2010 et 2019, les taux d'élucidation des violences physiques crapuleuses et des atteintes aux biens ont respectivement chuté de 29 % et 28 % 16 ( * ) .

La hausse des flux de dossiers, combinée à l'allongement des délais de traitement conduit inexorablement à la constitution de stocks de procédures, en particulier dans les services de police judiciaire de sécurité publique qui assument le traitement de 76 % des atteintes volontaires à l'intégrité physique, 72 % des atteintes aux biens et 69 % de la délinquance économique et financière 17 ( * ) . Ainsi, en moyenne, un enquêteur affecté en sécurité publique compte 95 dossiers dans son portefeuille, ce chiffre pouvant s'élever jusqu'à plus de 200 dossiers par enquêteur dans les services les plus en difficulté.

C'est de ce constat qu'est née l'idée, à la fois pour revaloriser l'attractivité des services d'investigation et améliorer l'efficacité et la qualité des enquêtes en recentrant l'enquêteur sur son coeur de métier, de créer un nouvel acteur de police judiciaire dédié au respect du formalisme procédural.

Cet appui, formalisé par la création des assistants d'enquête, serait effectué par des personnels administratifs qui accompliraient, sous le contrôle des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire, des diligences procédurales formelles. Cette mission suppose qu'il soit doté d'une qualification judiciaire.

La création des assistants d'enquête impose dès lors que ce nouvel acteur, ainsi que ses prérogatives, soient inscrits dans la partie législative du code de procédure pénale.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Deux objectifs sont poursuivis :

? revaloriser le métier d'enquêteur en lui redonnant du temps d'enquête et en le recentrant sur les actes d'investigation, en confiant à des personnels administratifs, une partie du formalisme procédural ;

? améliorer la qualité des enquêtes en permettant aux enquêteurs de déléguer à des personnels administratifs, certaines diligences et actes formels chronophages pour consacrer plus de temps à la rédaction des actes d'investigation de fond.

3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU

La disposition introduit un nouvel acteur de la procédure pénale policière, incarné par l'assistant d'enquête.

Recruté parmi les personnels issus du corps des personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS) et notamment des secrétaires administratifs de catégorie B de la police nationale. Pour la gendarmerie nationale, les assistants d'enquête seront recrutés parmi des personnels civils et administratifs de catégorie B et des militaires du corps de soutien (CSTAGN).

Les futurs assistants d'enquête devraient suivre une formation dédiée de deux à trois mois leur permettant d'acquérir les connaissances de procédure pénale, à la fois théoriques et pratiques, relatives aux actes qu'ils auront mission d'effectuer. Cette formation sera sanctionnée par un examen qui permettra d'attester que le candidat est capable d'assumer les missions qu'il aura à exercer. Le contenu précis de cette formation ainsi que le détail des épreuves de cet examen seront fixés par voie règlementaire. A l'issue de cette formation, les assistants d'enquête passeront un examen qui attestera de l'acquisition de ces compétences.

A l'occasion de sa prise de fonction, l'assistant d'enquête prêtera serment, à l'image des assistants spécialisés de l'autorité judiciaire (article 706 du CPP).

Au sein de la police nationale, l'assistant d'enquête sera positionné au sein des groupes d'enquête des services et travaillera sous le contrôle des officiers et agents de police judiciaire qu'il secondera) dans leur mission de police judiciaire. Les enquêteurs pourront leur confier certaines missions et prérogatives nécessaires au bon déroulement de la procédure pénale policière.

Au sein de la gendarmerie nationale, les militaires CSTAGN seront prioritairement affectés dans les unités élémentaires et les personnels civils administratifs de catégorie B au niveau départemental ou supra-départemental.

Tous leurs actes seront effectués, sur demande expresse, et sous le contrôle des officiers de police judiciaire et agents de police judiciaire.

Les assistants d'enquête ne disposeront d'aucune compétence propre ou plus étendue que celle confiée aux agents de police judiciaire. L'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire aura ainsi toujours la possibilité d'effectuer une diligence relevant du champ de compétence de ces assistants.

Certaines des missions qui leur seront confiées nécessitent toutefois qu'ils soient légalement investis de prérogatives de police judiciaire, exclusives de toute mesure coercitive, aux fins de :

? procéder aux réquisitions en enquête préliminaire, sur autorisation du Procureur de la République, sous le contrôle de l'OPJ, ou l'APJ (articles 77-1, 77-1-1 pour les seules réquisitions concernant les enregistrements issus de système de vidéoprotection du CPP), en enquête de flagrance sous le contrôle de l'OPJ (articles 60, 60-1 pour les seules réquisitions concernant les enregistrements issus de système de vidéoprotection et 60-3du CPP) et dans le cadre d'une information judiciaire, sous le contrôle de l'OPJ (article 99-5 du CPP) ;

? formaliser les réquisitions les plus fréquentes et non attentatoires aux libertés, souvent en lien avec une mesure de garde à vue dont les délais sont contraints ; ainsi les assistants d'enquête dresseront procès-verbal de leurs diligences (réquisition à médecin pour vérifier la compatibilité de l'état de santé de la personne avec la mesure de garde à vue, réquisition à médecin en vue de l'examen médical d'une victime, réquisition d'un interprète, réquisition pour obtenir des images de vidéoprotection) ;

? notifier, ses droits à une victime conformément à l'article 10-2 du CPP  ;

? réaliser et acter certaines diligences exigées par le code de procédure pénale notamment celles annexes aux mesures privatives de liberté (qu'ils n'exerceront pas) tel que l'avis à avocat, à famille, à interprète, au consulat ou à l'employeur ;

? consulter les fichiers de police et d'en acter le résultat en procédure ;

? aviser une victime, de convoquer les différentes parties à la procédure (mis en cause, témoin ou victime) et de notifier des convocations en justice prévues par l'article 390-1 du CPP ;

? participer au déroulement de certaines investigations notamment en procédant à la retranscription sur procès-verbal d'interceptions judiciaires ou sonorisations prévues par les articles 100-5 et 706-95-18 du CPP. Concrètement l'enquêteur prendra connaissance des enregistrements, identifiera précisément les éléments utiles à la manifestation de la vérité dont il indiquera les références à l'assistant d'enquête, ce dernier opérant leur simple retranscription sur PV, que l'enquêteur relira aux fins de vérification.

D'autres missions ne nécessitant ni modification normative, ni habilitation judiciaire leur seront par ailleurs confiées (gestion administrative des gardes à vue, gestion administrative et logistique des scellés, appui dans le traitement des procédures administratives, etc.).

Enfin, comme cela est actuellement prévu pour les OPJ, APJ et APJA, la chambre de l'instruction pourra exercer son contrôle en cas notamment de non-respect par les assistants d'enquête des obligations déontologiques auxquelles ils sont soumis au même titre que les personnels actifs, suivant les modalités prévues aux articles 224 à 230 du CPP.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS SUR L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE

L'article 15 du code de procédure pénale est modifié pour ajouter les assistants d'enquête parmi les acteurs composant la police judiciaire.

Une section IV dédiée à ces assistants d'enquête, au chapitre Ier du titre Ier du livre Ier, est ensuite insérée après la section III du même chapitre consacrée aux agents de police judiciaire.

Un article 21-3 est créé dans cette section pour définir le statut, les missions et prérogatives de police judiciaire des assistants d'enquête.

Les articles 10-2, 60, 60-1 60-3, 63-2, 63-3, 63-3-1, 77-1, 77-1-1, 99-5, 230 et 390-1 sont également modifiés pour y intégrer les assistants d'enquête.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Le dispositif nécessite la création, au sein de la police nationale, de 4 400 assistants d'enquête, ce qui permettra l'affectation d'un assistant par groupes d'enquête dans les services d'investigation de la police nationale exerçant une mission de police judiciaire (DCSP, DCPJ, DCPAF, PP).

La mesure aura des impacts sur le schéma d'emploi de la police nationale , et plus particulièrement les recrutements de personnels administratifs, à échelonner sur plusieurs années.

Les postes d'assistants d'enquête devraient dès lors donner lieu à des créations d'emplois de personnel administratif ad hoc dotés d'une régime indemnitaire spécifique dans la mesure où leurs vacations devront coïncider avec les exigences induites par la conduite et l'établissement des procédures judiciaires.

L'indemnisation des heures supplémentaires des assistants d'enquête impliquera la modification de l' arrêté du 23 avril 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires servies à certaines catégories de personnel du ministère de l'intérieur .

Pour la gendarmerie nationale, la création de 1000 ETP (+700 ETP CSTAGN et +300 ETP civils) est envisagée, soit un coût de 73, 3M d'euros en T2 (calculs avec coûts d'entrée) et 7,3M d'euros en HT2 (sac à dos) sur la période 2023-2027. Les agents militaires du corps de soutien seraient éligibles à la prime relative à la nouvelle bonification indiciaire (NBI) relative à la politique de la ville pour ceux affectés dans des unités élémentaires visées dans l' arrêté du 21 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 19 décembre 2016 fixant pour la gendarmerie nationale, la liste des emplois ouvrant droit au bénéfice d'une nouvelle bonification indiciaire, aux militaires en service au ministère de l'intérieur.

La mesure aura également des impacts sur le plan et le budget de formation des deux forces. Compte tenu du volume de personnels à former, des formateurs supplémentaires seront recrutés.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Les services d'enquête verront leur mission allégée par le renfort d'un nouvel acteur, ce qui devrait permettre une meilleure fluidité de la conduite des enquêtes et in fine , un meilleur taux d'élucidation.

4.4. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

L'affectation des assistants d'enquête de police dans les services d'investigation permettra de redonner du temps d'enquête aux officiers et agents de police judiciaires et contribuera ainsi à l'amélioration des taux d'élucidation.

Outre cette protection accrue des victimes liée à l'efficacité des enquêtes, ces dernières seront également mieux prises en charge et accompagnées au cours de la procédure :

? Les enquêteurs, libérés de certaines diligences purement formelles, pourront consacrer davantage de temps aux victimes lors des auditions ;

? Les assistants d'enquête, chargés d'effectuer certains avis, sous le contrôle des OPJ ou des APJ, des victimes pourront également répondre à leur demande d'informations sur les procédures en cours et améliorer ainsi le suivi auprès d'elles.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

En application de l'article R. 4124-1 du code de la défense, le Conseil supérieur de la fonction militaire a été consulté sur cette disposition.

En outre, les organisations syndicales et représentatives des policiers et des personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS) ont été consultées à l'occasion de deux comités techniques de réseau.

De même, les organisation syndicales et représentatives des gendarmes ont été consultées lors du Comité technique de la Gendarmerie Nationale - CTGN.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Ces dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2 Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables à l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3 Textes d'application

Les présentes dispositions nécessiteront un décret en Conseil d'Etat relatif aux « assistants d'enquête » dans la partie réglementaire du CPP.

CHAPITRE II

RENFORCER LA FONCTION INVESTIGATION

Article 11: Supprimer la procédure de la réquisition des services de police scientifique (PTS) par les services de police

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les travaux de police scientifique et technique (PTS) sont soumis au régime juridique de la réquisition de personne qualifiée.

Conformément aux dispositions des articles 60 (enquête de flagrance) et 77-1 (enquête préliminaire) du code de procédure pénale (CPP), ce régime conduit les officiers de police judiciaire (OPJ) ou, sous leur contrôle, les agents de police judiciaire (APJ) à adresser des réquisitions à des agents des services de police technique et scientifique de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, personnes spécialement compétentes pour réaliser ces opérations.

Sauf s'ils sont inscrits sur la liste des experts judiciaires mentionnée à l'article 157 du CPP, les agents de la PTS requis doivent, par écrit, prêter serment d'apporter leur concours en leur honneur et conscience.

Les personnes désignées pour procéder aux examens techniques ou scientifiques peuvent procéder à l'ouverture des scellés. Elles en dressent inventaire et en font mention dans un rapport établi conformément aux dispositions des articles 163 et 166 du CPP. Ces personnes peuvent également, en le mentionnant dans leur rapport, replacer sous scellés les objets examinés et placer sous scellés les objets résultant de leur examen. Elles peuvent communiquer oralement leurs conclusions aux enquêteurs en cas d'urgence.

Par ailleurs, les dispositions de l'article 99-5 (information judiciaire) du CPP encadrent l'opération qui consiste à effectuer une copie des données informatiques qui se trouvent sur un objet placé sous scellé. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire peut, par tout moyen, requérir toute personne qualifiée inscrite sur une des listes prévues à l'article 157 ou ayant prêté par écrit le serment prévu à l'article 60 de procéder à l'ouverture des scellés pour réaliser une ou plusieurs copies de ces données, afin de permettre leur exploitation sans porter atteinte à leur intégrité. La personne requise fait mention des opérations effectuées dans un rapport établi conformément aux articles 163 et 166.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel n'a jamais eu à connaître à proprement parler de la conformité à la Constitution du régime de la réquisition des agents des services de PTS lorsqu'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques. On pourra cependant observer que par sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, relative à la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), il a censuré, au visa notamment de l'article 12 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (points 64 à 66), la disposition par laquelle le législateur entendait créer un fonds de concours au soutien de la police technique et scientifique, rappelant à cette occasion qu'il ne pouvait y avoir de privatisation de la force publique en général et, en l'espèce, des missions de police judiciaire 18 ( * ) .

Il est possible d'en conclure que le Conseil constitutionnel regarde la police technique et scientifique comme une activité de police judiciaire indissociable de la force publique, et qu'il est paradoxal de prévoir sa sollicitation selon les mêmes modalités qu'une personne privée, cette seconde hypothèse devant, elle, faire l'objet d'un encadrement spécifique. Dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 relative à la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (points 205 à 207), le Conseil constitutionnel a d'ailleurs validé le régime de la réquisition de personne qualifiée en écartant le grief tiré de ce que les dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, en ce qu'elles permettent à des personnes autres que des officiers ou agents de police judiciaire d'effectuer des actes d'enquête, méconnaissaient le principe d'indépendance de la justice et les droits de la défense.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le cadre juridique de la réquisition de personne qualifiée existant, tel qu'il résulte de la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénale, entraîne :

? La rédaction de plusieurs centaines de milliers de réquisitions chaque année ;

? La rédaction de la prestation de serment de la personne requise à la formulation désuète au regard des obligations de probité et d'impartialité qui s'imposent déjà aux personnels de la police et de la gendarmerie en application des articles R. 434-9 à R. 434-11 du code de la sécurité intérieure. Contrairement à la prestation de serment, ces dernières font d'ailleurs l'objet de contrôles et de sanctions qui constituent autant de garanties.

La mesure propose de supprimer le formalisme de la réquisition ainsi que de la prestation de serment lorsque les demandes de travaux s'adressent à des services ou organismes de police technique et scientifique de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, tout en maintenant les prérogatives liées à l'ouverture des scellés qui leur sont confiés pour pouvoir procéder aux examens techniques.

Cette mesure vise notamment à supprimer les réquisitions suivantes :

? réquisition transmise par un enquêteur (OPJ ou APJ sous son contrôle) aux personnels PTS chargés d'extraire le profil génétique présent sur le prélèvement sur la personne mise en cause et de l'enregistrement sur le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) ;

? réquisition transmise par un enquêteur (OPJ ou APJ sous son contrôle) aux personnels PTS en charge de la gestion du FNAEG aux fins d'alimentation et de comparaison avec les traces et profils biologiques contenus dans le fichier ;

? réquisition transmise par un enquêteur (OPJ ou APJ sous son contrôle) aux personnels PTS en charge de la gestion du FNAEG pour contrôle et confirmation d'un rapprochement positif entre deux traces ou profils ;

? réquisition transmise par un enquêteur (OPJ ou APJ sous son contrôle) aux personnels PTS affectés sur les plateaux de révélation des traces papillaires en vue de rechercher des traces papillaires présentes sur des scellés ;

? réquisition transmise par un enquêteur (OPJ ou APJ sous son contrôle) aux personnels PTS en charge de la gestion du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) en vue de son alimentation de l'empreinte digitale révélée et d'une comparaison avec les traces et les empreintes des personnes déjà enregistrées dans le fichier ;

Il convient de rappeler que l'objectif d'une réquisition est triple : il s'agit d'abord de fournir un moyen coercitif à l'enquêteur afin d'obtenir la réalisation d'une prestation utile à l'enquête, puis d'assurer que ces actes nécessaires à la procédure sont menés avec des garanties permettant d'en assurer la fiabilité, et enfin de constituer une forme de reconnaissance de dette permettant l'indemnisation de la prestation par l'État.

S'agissant des services techniques et scientifiques de la police ou de la gendarmerie nationale, ni la coercition, ni l'exigence de garantie, ni enfin le paiement n'entrent en jeu. Les réquisitions inter-services apparaissent à ces égards inutiles, chronophages et sources de complexification formelle de la procédure pénale.

La suppression de l'obligation procédurale de réquisitionner des services de police technique et scientifique entraînerait un gain de temps précieux pour les enquêteurs, surtout lors du traitement des contentieux de masse où ces réquisitions figurent quasi systématiquement dans les procédures afférentes. Ce temps d'enquête pourrait également être utilement mis à profit pour améliorer la qualité des prélèvements effectués et in fine les taux d'identification.

De la même manière, dans le cadre d'une information judiciaire, le formalisme de la réquisition aux fins d'ouverture d'un scellé supportant des données informatiques pour procéder à une ou plusieurs copies de ces données et permettre leur exploitation sans porter atteinte à leur intégrité doit être simplifié ; il conviendrait d'appliquer la même mesure de suppression de la réquisition judiciaire et de la prestation de serment.

Le régime de la réquisition de personnes tierces reste en revanche inchangé.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure proposée contribue à l'objectif général de simplification de la procédure pénale. Plus spécifiquement, il s'agit de simplifier le formalisme de la procédure pénale, en supprimant l'obligation actuelle consistant pour un enquêteur, officier de police judiciaire ou agent de police judiciaire agissant sous son contrôle, à solliciter, via une réquisition judiciaire des agents de police technique et scientifique pour effectuer des investigations techniques et scientifiques ou une copie de données informatiques sur un support placé sous scellés.

Plus simplement, il s'agit d'alléger le formalisme procédural en supprimant des réquisitions superfétatoires entre services de police.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Pour simplifier ce régime, deux options ont été initialement envisagées : la suppression de la réquisition des services de PTS ou la possibilité pour les agents PTS d'établir eux-mêmes les réquisitions dans leur sphère de compétence pour les prélèvements qu'ils réalisent (réquisition pour alimentation du FNAEG, et du FAED, réquisition pour recherche de traces papillaires et comparaison de traces révélées, réquisition pour confirmation de traces au FNAEG).

Ces deux dispositifs permettraient tous deux de libérer du temps d'enquête pour les OPJ et de faciliter les missions des agents de police technique et scientifique qui sont souvent les seuls intervenants, en dehors de la patrouille de police-secours présente pour la sécurisation des lieux, sur les scènes d'infraction du quotidien. Une fois de retour au service, l'agent PTS pourrait alors, sans avoir à solliciter un OPJ, transmettre les prélèvements effectués sur la scène d'infraction pour exploitation.

Néanmoins, la suppression de la réquisition des services de PTS est l'option de simplification la plus aboutie, qui évitera un transfert non exclusif de compétence des OPJ vers les agents PTS. Qu'elles soient réalisées par un OPJ ou un agent PTS, les réquisitions inter-services restent superfétatoires et chronophages pour les agents en charge de les produire. Aussi, il a été décidé in fine d'opter pour le dispositif prévoyant la suppression de ces réquisitions.

3.3. OPTION RETENUE

Le dispositif de réquisition des agents des services de PTS étant le même que celui des personnes qualifiées, l'option retenue pour simplifier ce régime consiste à prévoir de façon transversale que ces agents puissent procéder à ces examens « sans avoir besoin d'être requis à cette fin par un officier ou un agent de police judiciaire ».

Concrètement, les prélèvements seront transmis aux services de PTS en vue de leur exploitation, sans que cet envoi s'accompagne d'une réquisition. En revanche, cette transmission devra toujours être retranscrite sur procès-verbal dans la procédure concernée.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS SUR L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE

Les dispositions des articles 60, 77-1, et 99-5 du CPP sont modifiées.

En effet, un nouvel alinéa est introduit à l'article 60 pour préciser que les services de police technique et scientifique de la police et de la gendarmerie nationale peuvent directement procéder à des constatations et examens techniques et scientifiques relevant de leur compétence sans avoir besoin d'être requis à ces fins par un officier ou agent de police judiciaire.

Les articles 77-1 et 99-5 transposent cette précision dans le cadre de l'enquête préliminaire et de l'information judiciaire.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Sans objet.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Sans objet.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Cette mesure participe à l'objectif de simplification de la procédure pénale. Elle devrait permettre d'une part d'augmenter les prélèvements transmis pour exploitation en facilitant leur envoi aux services de PTS et donc les identifications obtenues, et d'autre part de libérer du temps d'enquête pour les officiers et agents de police judiciaire, contribuant aussi à améliorer l'efficacité des enquêtes et les taux d'élucidation.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

Sans objet.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Cette mesure devrait permettre aux enquêteurs de consacrer davantage de temps aux investigations et aux services de PTS d'exploiter plus de prélèvements transmis par les enquêteurs. Ces deux effets attendus devraient permettre d'améliorer les taux d'élucidation des enquêtes et in fine la réponse aux attentes légitimes des victimes.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation n'est requise.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

S'agissant d'une loi de procédure, cette disposition entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Néant.

Article 12 : Prévenir la nullité des procédures judiciaires tirée de la seule absence de mention expresse, au procès-verbal de consultation de traitements de données, de l'habilitation de l'agent qui y a procédé

1. ÉTAT DES LIEUX

Les fichiers de police poursuivant une finalité de prévention, recherche et constatation des infractions pénales sont autorisés par acte réglementaire, conformément aux dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés qui précise les destinataires habilités à recevoir communication des données qui en sont issues. L'acte réglementaire mentionne à ce titre, que les agents sont individuellement désignés et habilités à accéder aux fichiers par l'autorité hiérarchique dont ils relèvent.

L'ensemble des fichiers administrés par le ministère de l'intérieur sont accessibles via un portail sécurisé (CHEOPS-NG) auquel l'agent a accès par authentification de sa carte agent et d'un mot de passe personnel. Un gestionnaire d'habilitation octroie les accès après vérification du droit d'en connaître de l'agent (mission, qualité) et de l'autorisation de l'autorité hiérarchique. Chaque accès fait l'objet d'une traçabilité conformément aux prescriptions de la loi informatique et libertés.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Certaines procédures portées devant le juge judiciaire ont été frappées de nullité, faute de justification dans la procédure ou de vérification par les juges du fond, de la réalité de l'habilitation expresse à consulter les fichiers, délivrée aux agents par leur hiérarchie, conformément aux prescriptions des actes réglementaires autorisant chacun des fichiers.

Dans un arrêt du 26 juin 2018 19 ( * ) , dans un cas d'espèce (trafic de stupéfiants) pour lequel subsistait un doute quant à l'identité réelle de l'enquêteur ayant eu effectivement accès au système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI), la chambre criminelle de la Cour de Cassation a confirmé la nécessité de faire clairement figurer, en procédure, l'identité de l'agent ayant accédé au fichier et son habilitation à y procéder. Cette identité permet ainsi de s'assurer, in concreto, que l'agent disposait d'une telle habilitation. La chambre criminelle a maintenu cette position dans une décision postérieure du 19 février 2019 20 ( * ) .

La Cour de cassation, de jurisprudence désormais constante, considère en effet que l'habilitation des agents à accéder aux fichiers constitue une garantie pour la protection des libertés individuelles et ne peut être présumée.

La chambre civile dans ses arrêts du 17 octobre 2018 21 ( * ) puis du 14 octobre 2020 22 ( * ) est, quant à elle, allée au-delà, en considérant que s'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers automatisé d'empreintes digitales (FAED) était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve alors entachée d'une nullité d'ordre public. Autrement dit, la justification de cette habilitation doit figurer au dossier et ne peut faire l'objet d'une mesure d'instruction.

Afin de sécuriser les procédures judiciaires et se prémunir contre un tel risque de nullité, il est donc nécessaire, dans le procès-verbal relatant les résultats d'une consultation positive d'un fichier et ainsi susceptible de faire grief à la personne (exemple : découverte d'un alias au FAED ou d'une fiche de recherche au fichier des personnes recherchées, FPR), de mentionner d'une part en procédure, l'identité de l'agent à l'origine de la consultation si le rédacteur du procès-verbal n'est pas l'agent ayant consulté directement le fichier (exemple : le FAED, le LAPI ou le passenger name record , PNR, pour lesquels les enquêteurs sont destinataires des données accessibles directement des seuls gestionnaires) et de mentionner d'autre part que l'agent ayant procédé à la consultation du fichier est dûment habilité.

Cette obligation est de nature à complexifier la procédure alors que le dispositif encadrant l'habilitation des agents aux fichiers présente déjà des garanties suffisantes et qu'il est loisible au juge, en cas de moyen expressément soulevé, de solliciter, par mesure d'instruction, l'habilitation que détenait l'agent pour consulter le fichier.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi est d'alléger le formalisme procédural en établissant une présomption d'habilitation à la consultation des fichiers. Cela permettra d'éviter aux FSI et aux agents des douanes de produire des fiches d'habilitation pour chaque acte.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Seule la voie législative a été envisagée dans la mesure où l'exigence procédurale nouvelle induite par la jurisprudence allait à l'encontre de la simplification de la procédure pénale.

3.2. OPTION RETENUE

Une disposition normative prescrivant que seuls les agents individuellement désignés et habilités peuvent consulter les fichiers, ajoutée aux garanties techniques figurant dans l'application CHEOPS-NG vérifiant ces habilitations, est de nature à créer une présomption légale d'habilitation dispensant les enquêteurs d'une nouvelle mention en procédure.

Cette disposition est complétée d'un mécanisme imposant au magistrat de vérifier, par mesure d'instruction, d'initiative ou pour répondre à un moyen soulevé par une partie, la réalité de cette habilitation, lui interdisant ainsi de déduire de l'absence de cette mention l'absence de cette habilitation. Le même dispositif est prévu pour les agents des douanes confrontés à la même jurisprudence.

Une telle disposition devrait réduire les nullités procédurales sans toucher à la substance de la garantie offerte à la personne concernée par la consultation du fichier, dès lors que, dans tous les cas, la consultation sera faite par une personne habilitée, cette habilitation pouvant être vérifiée à tout moment par le juge.

Cette pratique est en effet celle prévalant devant la juridiction administrative, devant laquelle il est de jurisprudence constante que si l'absence d'assermentation ou d'habilitation d'agents pour conduire des contrôles est de nature à affecter la validité des constatations de procès-verbaux qu'ils établissent à l'issue de ces contrôles a à faire ainsi obstacle à ce qu'elles constituent le fondement d'une décision défavorable, le juge, lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision prise à la suite de telles constatations ne saurait se fonder sur les seules mentions figurant sur le procès-verbal. S'il est donc loisible à une partie d'invoquer ce vice de procédure, ou au juge de souhaiter le vérifier d'office, il ne saurait inférer de l'absence de ces mentions un défaut d'habilitation, la justification de cette habilitation n'étant nécessaire qu'en cas de contestation de la personne destinataire de la mesure ou de moyen soulevé d'office par le juge 23 ( * ) .

Dans un tel cas, l'administration étant seule en mesure d'établir l'agrément et l'assermentation des agents qu'elle désigne pour effectuer les contrôles, il appartient au juge, si cette qualité ne ressort pas des éléments produits en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur 24 ( * ) .

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La présente mesure crée un article 15-5 dans le code de procédure pénale et son pendant dans le code des douanes avec un article 55 ter au chapitre III du titre II, afin de spécifier que l'absence de mention d'habilitation dans les pièces de la procédure n'emporte pas par elle-même nullité de cette même procédure.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Cette mesure vise à dispenser les agents, d'acter dans chacune des procédures judiciaires ayant donné lieu à la consultation positive d'un fichier, qu'ils sont individuellement désignés et habilités à y procéder. Cette mention, prescrite par la jurisprudence, a été de nature à imposer aux enquêteurs un formalisme procédural supplémentaire.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1 CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation n'est requise.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

S'agissant d'une loi de procédure, cette disposition entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Cette disposition sera applicable à l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Néant.

Article 13 : Extension des autorisations générales de réquisitions

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La direction de la police judiciaire par le procureur de la République est régie par plusieurs dispositions du code de procédure pénale (CPP).

L'article 12 dispose que : « La police judiciaire est exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers, fonctionnaires et agents désignés au présent titre. »

L'article 39-3 dispose, dans son premier alinéa que, « Dans le cadre de ses attributions de direction de la police judiciaire, le procureur de la République peut adresser des instructions générales ou particulières aux enquêteurs. Il contrôle la légalité des moyens mis en oeuvre par ces derniers, la proportionnalité des actes d'investigation au regard de la nature et de la gravité des faits, l'orientation donnée à l'enquête ainsi que la qualité de celle-ci. »

Il précise dans son deuxième alinéa que ce magistrat : « veille à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. »

Les deux premiers alinéas de l'article 41 précisent par ailleurs que : « Le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale » et qu'« A cette fin, il dirige l'activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal . ».

Ces principes sont déclinés dans le code de procédure pénale pour les différentes catégories d'actes d'enquête. A ce titre, des règles spécifiques sont prévues pour les réquisitions demandant des examens à des personnes qualifiées (77-1) ainsi que pour les réquisitions tendant à obtenir des documents ou des informations (77-1-1).

Dans le cadre de l'enquête préliminaire, l'article 77-1 alinéa 1 er du code de procédure pénale prévoit que « s'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier ou l'agent de police judiciaire, a recours à toutes personnes qualifiées. ».

L'article 77-1 alinéa 2 précise que sont applicables les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 60. Celui-ci prévoit ces mêmes actes pendant l'enquête de flagrance. En outre, il précise les modalités d'intervention des personnes qualifiées agissant sur réquisitions et organise l'information des parties quant aux résultats des examens réalisés.

L'article 77-1 est issu de la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 de simplification de la procédure pénale. Les actes que cet article permettait de réaliser au cours de l'enquête de flagrance n'étaient initialement possibles que s'ils ne pouvaient « être différés », cette condition d'urgence ayant été supprimée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale.

L'article 77-1-1 prévoit quant à lui dans son premier alinéa :

« Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier ou l'agent de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, notamment sous forme numérique, le cas échéant selon des normes fixées par voie réglementaire, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, la remise des informations ne peut intervenir qu'avec leur accord.

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice a permis que ces actes ou informations puissent être demandés par un agent de police judiciaire et non uniquement par un officier de police judiciaire.

Pendant plusieurs années, notamment depuis la circulaire du 8 septembre 2016 relative aux mesures de simplification de la procédure pénale et la circulaire du 16 novembre 2018 relative à la simplification de la procédure pénale à droit constant , la pratique judiciaire reconnaissait la possibilité pour les procureurs de la République d'adresser aux enquêteurs de leur ressort des instructions générales et permanentes les autorisant à procéder à certains actes relevant de l'article 77-1, notamment à des examens médicaux ou psychologiques des victimes ou des suspects.

S'agissant de l'article 77-1-1, il était préconisé dans la circulaire du 8 septembre 2016 précitée de recourir à des autorisations permanentes pour les catégories de réquisitions suivantes :

? Réquisition pour l'obtention d'images extraites d'un système de vidéoprotection (RATP, SNCF, banque, etc.) ;

? Réquisition à un opérateur téléphonique pour l'identification d'un numéro de téléphone ou la recherche d'un abonné, « sous réserve de définir précisément les contentieux par infraction et par importance de préjudice » ;

? Réquisition aux administrations (préfectures, mairies, etc.) aux fins de fourniture de données relatives à l'état civil, aux documents d'identité (passeport, carte nationale d'identité, etc.), au permis de conduire ainsi qu'aux documents d'organisation interne, rapports, marchés publics ;

? Réquisition aux organismes sociaux et fiscaux (CAF, sécurité sociale, pôle emploi, CARSAT, URSSAF, conservations des hypothèques pour les références cadastrales et relevés de propriétés, base GIE carte bancaire, ARGOS, EDF-GDF) ;

? Réquisition aux fins d'obtention de données issues du traitement LAPI (lecture automatisée des plaques d'immatriculation) ;

? Réquisitions aux établissements privés ou publics en vue d'obtenir des listes de personnels ou de clients (embarquements aériens, clients de sites internet, émetteurs de mandats cash...), « sous réserve de préciser un seuil de coût au-delà duquel une autorisation individuelle est nécessaire ».

La généralisation de cette pratique, pour les réquisitions relevant de l'article 77-1-1, était recommandée dans les mêmes termes par la circulaire du 16 novembre 2018 précitée (fiche annexe 1 de la circulaire).

Ces pratiques, du moins celles concernant l'article 77-1, ont été remises en cause par un arrêt n° 19-83.574 rendu par la Cour de cassation le 17 décembre 2019 25 ( * ) , publié au bulletin. Dans cette décision, la chambre criminelle a cassé un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon qui avait validé, dans une procédure criminelle, le recours à une autorisation permanente du procureur de la République de procéder à une réquisition visée à l'article 77-1 du code de procédure pénale, en l'espèce une réquisition adressée à l'Institut national de police scientifique aux fins de comparaison entre des traces génétiques relevées sur la scène de l'infraction et le profil génétique d'un suspect.

La chambre criminelle a précisé qu'il résultait de l'article 77-1 du code de procédure pénale « que l'autorisation donnée par le procureur de la République aux officiers de police judiciaire de faire procéder à des examens techniques ou scientifiques doit être donnée dans le cadre de la procédure d'enquête préliminaire en cours et non par voie d'autorisation générale et permanente préalable ; que cette interprétation est commandée par la nécessité de garantir la direction effective des enquêtes préliminaires par le procureur de la République ».

Les juridictions ont été informées de cette décision par un message de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) en date du 23 décembre 2019, qui en précisait la portée 26 ( * ) .

Tirant les conséquences de la jurisprudence de la Cour de cassation, la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a modifié l'article 77-1 du code de procédure pénale pour permettre dans certaines hypothèses le recours aux instructions permanentes ou l'absence d'autorisation préalable.

Cet article prévoit désormais que :

« Le procureur de la République peut, par la voie d'instructions générales prises en application de l'article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire à requérir toutes personnes qualifiées afin de procéder à des examens médicaux ou psychologiques de la victime ou de procéder à des examens médicaux de la personne suspectée d'avoir commis une des infractions mentionnées à l'article 706-47 ou exigés en application de l'article 706-115. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées.


Aucune autorisation n'est nécessaire lorsque l'officier de police judiciaire a recours à une personne qualifiée aux fins :


1° De procéder à la comparaison entre une empreinte génétique issue de trace biologique et l'empreinte génétique d'une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55, ou à la comparaison entre plusieurs traces biologiques ;


2° De procéder à la comparaison entre une trace digitale ou palmaire et l'empreinte digitale ou palmaire d'une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un crime ou un délit, ou à la comparaison entre plusieurs traces digitales ou palmaires. »

Le Conseil d'Etat, dans son avis concernant le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, en date du 23 janvier 2020, avait indiqué qu'il ne relevait « pas d'obstacle constitutionnel à ce que la loi habilite en enquête préliminaire le procureur de la République à donner aux enquêteurs de son ressort une autorisation générale et préalable mais non permanente, pour effectuer des réquisitions à la condition que celles-ci soient précisément définies, nécessaires à la manifestation de la vérité ou prescrites par la loi et en adéquation avec les infractions auxquelles elles se rapportent ». Il avait ajouté que le procureur de la République devait être informé de ces réquisitions afin d'être en mesure d'exercer effectivement le pouvoir de contrôle de la police judiciaire qu'il tient de l'article 66 de la Constitution.

S'agissant de la comparaison d'empreintes, après avoir rappelé que l'article 706-54 du code de procédure pénale permettait à un officier de police judiciaire de décider d'office de faire procéder à un rapprochement entre l'empreinte génétique d'une personne suspectée d'avoir commis une infraction mentionnée à l'article 706-55 et les données inscrites dans le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) et que des dispositions similaires existaient s'agissant du fichier automatisé des empreintes digitales ( décret n° 87-249 du 8 avril 1987 ), le Conseil d'Etat avait estimé que les dispositions nouvelles ne se heurtaient à aucune objection constitutionnelle ou conventionnelle, dès lors que les réquisitions en cause portaient « sur des réquisitions circonscrites à des rapprochements entre un nombre limité de traces ou d'empreintes et pour les comparaisons génétiques à celles des personnes suspectées de l'une des infractions énumérées à l'article 706-55 » .

A la suite d'un amendement du rapporteur adopté en commission des lois au Sénat, l'article 77-1-1 du code de procédure pénale a également été complété par un alinéa, permettant, dans des conditions similaires à ce qui était prévu dans l'article 77-1, des autorisations générales de réquisitions lorsque celles-ci portent sur des enregistrements de vidéoprotection. Cet alinéa est ainsi rédigé :

« Le procureur de la République peut, par la voie d'instructions générales prises en application de l'article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire, pour des catégories d'infractions qu'il détermine, à requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique, de leur remettre des informations intéressant l'enquête qui sont issues d'un système de vidéoprotection. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées. »

Les informations recueillies auprès des acteurs de terrain avaient en effet démontré que ces réquisitions aux fins d'obtenir des informations issues des dispositifs de vidéosurveillance étaient très fréquentes pour identifier les auteurs d'infractions commises sur la voie publique.

En synthèse, il résulte à présent des dispositions des articles 77-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale différents régimes en fonction de la catégorie de la réquisition :

? Les réquisitions effectuées dans le cadre d'instructions générales du procureur de la République, à l'initiative des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire (article 77-1 alinéa 3 et article 77-1-1alinéa 4 du code de procédure pénale) ;

? Les réquisitions réalisées sans autorisation préalable du procureur de la République, mais à l'initiative des seuls officiers de police judiciaire (article 77-1 alinéas 4 à 6 du code de procédure pénale).

Les réquisitions nécessitant une autorisation spéciale du procureur de la République pour chaque dossier.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision n° 2019-778 du 21 mars 2019 portant sur la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le Conseil constitutionnel tout en rappelant que l'exigence de direction et de contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire résultait de l'article 66 de la Constitution, a validé la réécriture de l'article 77-1 à laquelle procédait l'article 47 de cette loi afin de permettre que, sur autorisation du procureur de la République, les personnes qualifiées pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques puissent être requises non seulement par un officier de police judiciaire, mais également par un agent de police judiciaire.

Il a en revanche censuré les dispositions qui permettaient aux enquêteurs de prendre, lors d'une enquête préliminaire, des réquisitions sur le fondement de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale (réquisitions à tout organisme privé ou public aux fins de remise d'information intéressant l'enquête sans que puisse être opposé, sans motif légitime, le secret professionnel), sans autorisation du procureur de la République.

Considérant que ces réquisitions pouvaient porter sur toute information relative à la vie privée et être adressées à toutes personnes sans autorisation du procureur de la République, il a estimé que les dispositions en cause ne permettaient pas de garantir l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l'article 66 de la Constitution.

En outre, par une décision n° 2021-952 QPC du 3 décembre 2021 , le Conseil constitutionnel a censuré partiellement l'article 77-1-1 alinéa 1 er du code de procédure pénale relatif aux réquisitions en matière de données de connexion, au motif que le recours à celles-ci n'était assorti d'aucune autre garantie que celle de l'autorisation du procureur de la République ( « auquel il revient, en application de l'article 39-3 du code de procédure pénale, de contrôle la légalité des moyens mis en oeuvre par les enquêteurs et la proportionnalité des actes d'investigation au regard de la nature et de la gravité des faits » ).

Il a souligné qu'étaient notamment en jeu les données relatives à l'identification des personnes, à leur localisation et à leurs contacts téléphoniques et numériques ainsi qu'aux services de communication au public en ligne qu'elles consultent et qu'elles fournissaient donc sur les personnes en cause ainsi que, le cas échéant, sur des tiers, des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. Il a par ailleurs relevé que la réquisition de ces données était autorisée dans le cadre d'une enquête préliminaire, qui peut porter sur tout type d'infraction et qui n'est pas justifiée par l'urgence ni limitée dans le temps.

Il résulte de cette décision que le Conseil constitutionnel limite le recours à certaines réquisitions les plus attentatoires à la vie privée, en exigeant qu'elles soient entourées de davantage de garanties, même lorsqu'elles sont autorisées par le procureur de la République.

En revanche, rien ne s'oppose à étendre les possibilités d'autorisations générales dans le cadre des réquisitions de l'article 77-1-1, avec les garanties actuellement prévues par l'article 77-1 et l'article 77-1-1, dès lors qu'elles concernent des réquisitions demandant des informations qui ne sont pas de nature à porter atteinte à la vie privée des personnes.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation du 17 décembre 2019 précitée, seule la loi peut autoriser le procureur de la République à adresser des instructions générales aux officiers de police judiciaire pour procéder à certains types de réquisitions.

Afin d'étendre le champ d'application de ces instructions générales, il est donc nécessaire de procéder à une modification législative (modification de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale), dans le prolongement de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'utilité opérationnelle des instructions générales des procureurs de la République aux services d'enquête n'est aujourd'hui plus à démontrer.

Il s'agit, en allégeant le formalisme procédural, de laisser davantage de temps aux enquêteurs pour se consacrer au contenu des investigations les plus complexes.

Il s'agit également de permettre aux magistrats du ministère public de se recentrer sur les décisions pour lesquelles leur intervention s'impose en tant que gardiens des libertés individuelles. Cela est notamment le cas pour le suivi en temps réel des mesures de garde à vue - en raison de la privation provisoire de liberté que celles-ci impliquent - ainsi que des décisions relatives aux poursuites, qui exigent une réactivité totale des magistrats (joignables par téléphone et par courriel). Il importe d'éviter que les magistrats du parquet soient submergés par des appels téléphoniques incessants mais inutiles car portant sur des actes qui, en raison de leur nature répétitive, peuvent être autorisés à l'avance.

Le recours à des instructions générales s'inscrit ainsi dans le prolongement des préconisations du rapport de mission de l'Inspection générale de la Justice du mois d'octobre 2018 relatif à l'attractivité des fonctions de magistrat du ministère public (N° 047-18), qui signalait notamment la préoccupation suivante : « L'action publique définie par le procureur de la République est de plus en plus difficile à maîtriser . Les parquets subissent les appels des services enquêteurs plus qu'ils ne dirigent et orientent leurs investigations ».

En outre, la nécessité de réquisitions spéciales du procureur de la République pour chaque dossier induit nécessairement des risques procéduraux plus importants, dès lors que leur omission peut affecter la régularité des actes accomplis dans ce cadre.

En pratique, certains actes sont particulièrement chronophages pour les enquêteurs et les magistrats, alors même que du fait de leur nature, ils sont effectués de manière récurrente voire systématique dans les enquêtes les plus courantes, par exemple dans les cas d'atteintes aux biens concernant des victimes multiples (vols, escroqueries...).

L'objectif de ces nouvelles dispositions est bien de concilier l'efficacité de l'enquête préliminaire et la direction de la police judiciaire par les procureurs de la République, dans le respect de l'article 66 de la Constitution.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Certains praticiens ont proposé de porter à un an le délai au-delà duquel ces autorisations devaient être renouvelées. Une telle durée a néanmoins été écartée pour deux raisons.

En premier lieu, il est apparu nécessaire de maintenir un contrôle régulier et le plus fréquent possible du procureur de la République sur les investigations qu'il conduit, afin de lui permettre d'adapter et d'actualiser ces autorisations générales au regard de l'évolution de la politique pénale mise en oeuvre localement, mais également de s'assurer de la légalité des moyens mis en oeuvre par les enquêteurs conformément à l'article 39-1 du code de procédure pénale.

En second lieu, le délai de six mois in fine retenu s'inscrit dans le prolongement de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale crée par la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, dont la mise en oeuvre opérationnelle n'a posé aucune difficulté. Ces dispositions fixant le délai à six mois avaient été introduites par un amendement parlementaire. Le maintien de ce délai de six mois s'inscrit donc en cohérence avec la volonté du législateur.

3.2. OPTION RETENUE

Il est proposé de réécrire le dernier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale afin de permettre aux procureurs de la République d'adresser des instructions générales pour quatre autres types de réquisitions, outre celles aux fins de remise d'enregistrements issus d'un système de vidéoprotection pour lesquelles il est précisé qu'ils doivent porter sur les lieux dans lesquels l'infraction a été commise ou dans lesquels seraient susceptibles de se trouver les personnes suspectées :

? La recherche des comptes bancaires dont est titulaire une personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis l'infraction, ainsi que le solde de ces comptes ;

? la fourniture de listes de salariés, collaborateurs, personnels, prestataires de service de sociétés de droit privé ou public, à la condition que l'enquête porte sur les délits prévus aux articles L 8224-1 et L 8224-2 du code du travail ;

? la remise de données relatives à l'état-civil, aux documents d'identité et aux titres de séjour concernant la personne contre laquelle il existe des raisons plausibles d'avoir commis l'infraction ;

? la remise de données relatives à la lecture automatisée de plaques d'immatriculation, lorsque l'infraction a été commise en utilisant un véhicule et que ces données sont susceptibles de permettre de localiser une personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction ;

Par ailleurs et pour l'ensemble de ces réquisitions, il est précisé qu'elles ne peuvent être autorisées que s'agissant de crimes ou délits punis d'une peine d'emprisonnement, limitativement énumérés par le procureur de la République.

Ces dispositions sont assorties de garanties visant à assurer le contrôle effectif et direct de la police judiciaire par l'autorité judiciaire, en application de l'article 66 de la Constitution.

En premier lieu, la nature des réquisitions visées est très circonscrite de sorte qu'elles portent atteinte de façon limitée au droit à la vie privée. Il s'agit ainsi des données liées à l'identification de titulaires de comptes bancaires et au seul montant des sommes créditées sur ce compte, à la liste du personnel d'une société ou organisme, à l'état civil et aux titres de séjour ou encore aux plaques d'immatriculation. Il convient de relever que les dispositions ayant fait l'objet d'une censure dans la décision n° 2019-778 DC précitée visaient un champ beaucoup plus étendu puisqu'il s'agissait toute « information intéressant l'enquête » adressée à un organisme public, ou des réquisitions donnait lieu à des frais de justice d'un montant inférieur à un seuil fixé par voie règlementaire.

En second lieu, le principe d'une information prompte du procureur de la République sera maintenu, puisqu'il devra être « immédiatement avisé » de la délivrance des réquisitions réalisées par les enquêteurs en application des instructions générales qu'il aura délivrées. Cet avis précisera la nature de l'infraction pour laquelle la réquisition a été faite et le procureur pourra demander que cette réquisition soit rapportée.

Par ailleurs, ces autorisations devront préciser quelles sont les réquisitions autorisées selon les infractions retenues, au regard de la nature ou de la gravité de celles-ci. En pratique, il pourra s'agir d'infractions de même nature pour lesquelles certaines réquisitions apparaissent particulièrement utiles (ex : pour les escroqueries ou abus de confiance, autorisation de procéder à des réquisitions relatives à l'identification et au solde des comptes bancaires lorsque le préjudice excède un certain montant ; pour les vols et recels, autorisation de procéder à des réquisitions relatives à l'état civil du mis en cause afin de le localiser).

Enfin, ces autorisations devront être renouvelées de façon régulière, et au moins une fois tous les six mois, ce qui permet au procureur de la République de les adapter et de les actualiser, au regard de l'évolution de la politique pénale mise en oeuvre localement, conformément à l'article 39-1 du code de procédure pénale. Le procureur de la République pourra également les modifier ou y mettre fin avant leur terme.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les modifications législatives concernent exclusivement les dispositions du code de procédure pénale.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Les modifications législatives ne nécessitent pas d'articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

En libérant les services enquêteurs et les magistrats d'actes particulièrement chronophages, ces dispositions permettront de leur laisser davantage de temps pour se consacrer au contenu des investigations les plus complexes.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation n'est juridiquement nécessaire.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Ces dispositions s'appliqueront, dès leur entrée en vigueur, aux procédures en cours à cette date en application de l'article 112-2 du code pénal.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des collectivités d'outre-mer où l'État est compétent en matière pénale.

Dans les collectivités régies par le principe de l'identité législative, à savoir la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, les dispositions pénales sont applicables de plein droit. Aucune adaptation n'apparaît nécessaire.

Dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative, à savoir la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, aucune adapatation n'apparaît nécessaire et ces dispositions sont expressément étendues à ces collectivités. Elles seront donc applicables sur tout le territoire par une mise à jour du compteur « Lifou » de l'article 804 du code de procédure pénale qui pourra intervenir dans l'ordonnance autorisée par l'habilitation prévue par l'article 33 du projet de loi.

5.2.3. Textes d'application

Ces dispositions ne nécessitent aucun texte d'application.

CHAPITRE III

AMÉLIORER LA RÉPONSE PÉNALE

Article 14 : Généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour tous les délits punis d'une seule peine d'amende ou d'un an d'emprisonnement au plus

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La procédure de l'amende forfaitaire contraventionnelle, créée par le décret-loi du 28 décembre 1926, a intégré le code de procédure pénale (CPP) en 1958. Elle permet d'apporter une réponse pénale simplifiée aux contentieux de masse par la verbalisation immédiate et automatique de certaines infractions, que le contrevenant pourra contester devant le juge sous certaines conditions.

Cette procédure peut ainsi être analysée comme une procédure de transaction : lorsque le contrevenant paie l'amende, dont le montant est inférieur au maximum légal encouru, l'action publique est éteinte sans qu'il y ait recours au juge.

La procédure de l'amende forfaitaire a vocation à s'appliquer, en tant que procédure simplifiée, aux « contraventions dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État » (article 529 et R. 48-1 du CPP).

Initialement prévue pour les contraventions des quatre premières classes, la forfaitisation a été étendue aux contraventions de cinquième classe par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles qui a modifié l'article 529 du Code de procédure pénale (CPP).

Le recours à la procédure de l'amende forfaitaire a pour objectif d'offrir une réponse pénale rapide, plus simple et plus efficace dans un certain nombre de procédures se rapportant à des infractions de faible gravité, aisément constatables.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXI e siècle a également instauré une procédure d'amende forfaitaire applicable à certains délits aux articles 495-17 et suivants du CPP : (i) conduite d'un véhicule sans permis ; (ii) conduite d'un véhicule avec un permis d'une catégorie n'autorisant pas sa conduite ; (iii) conduite d'un véhicule sans assurance. La loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites a étendu le dispositif au délit d'installation illicite et en réunion sur un terrain (article 322-4-1 du code pénal).

Par la suite, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu la procédure de l'amende forfaitaire à de nouveaux délits, tels que la vente d'alcool non autorisée pour les débits et cafés ouverts pour certaines occasions (article L. 3352-5 du code de la santé publique), la vente d'alcool à des mineurs (article L. 3353-3 du code de la santé publique), l'usage de stupéfiants (L. 3421-1 du code de la santé publique), la vente à la sauvette (446-1 du code pénal), l'occupation en réunion des halls d'immeuble (article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation) et les délits liés à la non-conformité de la carte de conducteur (article L. 3315-5 du code des transports)..

La procédure reste toutefois exclue :

? en toute matière, si plusieurs infractions sont constatées simultanément et que l'une d'entre elle ne peut pas donner lieu à une amende forfaitaire ;

? en matière contraventionnelle, lorsque la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit ;

? en matière délictuelle, si l'infraction a été commise par un mineur ou si le mis en cause majeur est en état de récidive légale (sauf exceptions légalement prévues).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé à plusieurs reprises sur la procédure de l'amende forfaitaire en matière contraventionnelle.

Dans une décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010 , il a déclaré conforme à la Constitution l'article 529-10 du CPP relatif aux conditions de recevabilité de la requête en exonération ou de la réclamation, sous la réserve que la décision du ministère public déclarant irrecevable la réclamation puisse être contestée devant un juge. Le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2015-467 QPC du 7 mai 2015 , considère que le droit à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère public déclarant la réclamation prévue par le troisième alinéa de l'article 530 du CPP irrecevable au motif qu'elle n'est pas accompagnée de l'avis d'amende forfaitaire majorée puisse être contestée devant le juge de proximité.

Dans une décision n° 2011-162 QPC du 16 septembre 2011 , le Conseil constitutionnel a validé par ailleurs les dispositions imposant au juge de prononcer une peine qui ne puisse être inférieure au montant de l'amende forfaitaire, ou selon les cas de l'amende forfaitaire majorée.

Enfin, dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 portant sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le Conseil constitutionnel a assorti d'une réserve d'interprétation la validation de dispositions de l'article 58 de la loi étendant le champ d'application de l'amende forfaitaire délictuelle. Il a notamment jugé que, si les exigences d'une bonne administration de la justice et d'une répression effective des infractions sont susceptibles de justifier le recours à de tels modes d'extinction de l'action publique en dehors de toute décision juridictionnelle, ce n'est qu'à la condition de ne porter que sur les délits les moins graves et de ne mettre en oeuvre que des peines d'amendes de faible montant. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la justice, s'appliquer à des délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à trois ans. Sous cette réserve, et dès lors que le législateur a prévu que le montant de l'amende forfaitaire délictuelle ne saurait excéder le plafond des amendes contraventionnelles, a été écarté le grief tiré de la méconnaissance de ce dernier principe.

Sous cette réserve, le Conseil Constitutionnel a ainsi validé ces dispositions, considérant : « en premier lieu que l'instauration d'un montant minimum des peines d'amendes prononcées par le juge, lorsqu'à l'origine l'infraction poursuivie a fait l'objet d'une amende forfaitaire, est justifiée par l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective de certains délits. En deuxième lieu, compte tenu de la réserve formulée, le minimum d'amende encourue ne peut être supérieur à la moitié du plafond des amendes contraventionnelles. En troisième lieu, ces dispositions laissent au juge le soin de fixer la peine dans les limites, d'une part, de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée et, d'autre part, du maximum de l'amende encourue. En outre, elles n'interdisent pas à la juridiction de faire usage d'autres dispositions d'individualisation de la peine lui permettant de prononcer les peines et de fixer leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Ainsi, en vertu de l'article 132-17 du code pénal, la juridiction peut ne prononcer que l'une des peines encourues. Elle peut également, en vertu du dernier alinéa de l'article 495-21 du CPP, à titre exceptionnel, par décision spécialement motivée au regard des charges et des revenus de la personne, ne pas prononcer d'amende ou prononcer une amende d'un montant inférieur. En dernier lieu, le caractère forfaitaire de l'amende payée, sans contestation, par la personne à laquelle l'infraction est reprochée ne méconnaît pas, par lui-même, le principe d'individualisation des peines ».

Dans son avis sur le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (points 39 et 40), en date du 8 juillet 2021, le Conseil d'Etat a fait application de cette jurisprudence et considéré que « malgré la gravité de l'atteinte à l'ordre social que constitue en soi le vol », la mesure consistant à étendre le dispositif de l'amende forfaitaire délictuelle, à ceux « portant sur une chose d'une valeur inférieure ou égale à 300 euros qui s'applique à un délit qui est puni d'une peine d'emprisonnement qui n'est pas supérieure à trois ans, ne se heurte à aucun un obstacle constitutionnel, notamment au principe d'égalité devant la justice » (Conseil constitutionnel, décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, cons. 245 à 265). La forfaitisation ne concernant que les vols simples, « eu égard au nombre de ces délits et à leur nature », il a estimé que la double exigence d'une bonne administration et du nombre important d'infractions pouvaient justifier le recours à ce mode particulier d'extinction de l'action publique en dehors de toute décision juridictionnelle.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

En ce qu'elle permet le prononcé d'une peine d'amende sans l'intervention d'un juge - sauf recours - la procédure de l'amende forfaitaire se situe sur le terrain de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, raison pour laquelle plusieurs arrêts ont été rendus en la matière.

De manière générale, rien ne s'oppose en principe à la création de ce type de procédure dès lors que la possibilité d'un recours contre l'amende préserve le droit d'accès à un tribunal.

Ainsi, dans un arrêt du 21 février 1984, Oztürk c. Allemagne, n° 8544/79, la CEDH juge au sujet de la procédure de contravention administrative applicable en Allemagne que :

« §56. L'article 6 § 3 e) (art. 6-3-e) s'appliquait donc en l'espèce. Il n'en résulte point, la Cour tient à le préciser, que le système adopté en la matière par le législateur allemand soit en cause dans son principe. Eu égard au grand nombre des infractions légères, notamment dans le domaine de la circulation routière, un État contractant peut avoir de bons motifs de décharger ses juridictions du soin de les poursuivre et de les réprimer. Confier cette tâche, pour de telles infractions, à des autorités administratives ne se heurte pas à la Convention pour autant que l'intéressé puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de l'article 6 ».

Dans son arrêt du 21 mai 2002, Peltier c France, n° 32872/96, la Cour européenne des droits de l'homme constate la violation de l'article 6 au motif que le requérant, dont la requête en exonération a été déclarée irrecevable pour des motifs de fond - par suite d'une erreur de droit de l'officier du ministère public - a subi une entrave excessive à son droit d'accès à un tribunal.

La Cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée sur les conditions de recevabilité du recours et sur l'obligation de consignation (CEDH 29 avril 2008, Alix Thomas c. France, n° 14279/05, CEDH 13 novembre 2008, Monte da Fonte c. France, n° 0294/06, CEDH 30 juin 2009, Florence Schneider c. France, n° 49852/06).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La procédure de l'amende forfaitaire présente l'avantage d'apporter une réponse pénale plus systématique dans certains contentieux de masse pour lesquels l'intervention du juge pénal n'apparaît pas possible, tout en préservant le droit au recours effectif par la possibilité de porter une réclamation ou une requête en exonération. Pour ces raisons, le champ des délits éligibles à cette procédure ne cesse de s'accroître. Par mesure de cohérence et pour faire face au besoin croissant d'efficacité de la réponse pénale, il apparaît utile de généraliser la faculté de recourir à l'AFD pour les délits les plus faibles, punis d'une seule peine d'emprisonnement ou d'un an d'emprisonnement au plus, permettant ensuite aux autorités en charge de la politique pénale de l'activer ou non pour chaque délit qui relève de cette catégorie.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La généralisation de l'AFD vise à harmoniser le dispositif pour tous les délits punis d'une seule peine d'emprisonnement ou d'un an d'emprisonnement au plus, en tenant compte des besoins exprimés. Cette disposition permet d'adopter une politique pénale plus cohérente qu'une approche délit par délit qui peut créer des distorsions entre délits pourtant punis des mêmes quanta de peine.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1 Généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle

Il a d'abord été envisagé d'étendre la liste des délits concernés par la procédure de l'amende forfaitaire en visant un certain nombre d'infractions dont notamment :

- Les dégradations ou détériorations légères (tag) prévues et réprimées par les articles 322-1, 322-4 et 322-15 du code pénal ;

- La filouterie de carburant prévue et réprimée à l'article 313-5 du code pénal ;

- Le port d'arme de catégorie D, prévu et réprimé par l'article L.317-8 du code de la sécurité intérieure ;

- Le transport routier en violation des règles au chronotachygraphe prévu à l'article L.3315-4 du code des transports ;

- Le recours à la prostitution prévue et réprimé à l'article 225-12-1 du code pénal ;

- Le délit d'entrave à la circulation prévu et réprimé à l'article L.412-1 du code de la route ;

- Les atteintes à la circulation des trains (renvoyant aux infractions de modifications, dégradation des installations ferroviaires, dépôt d'objet sur les lignes de transport ; obstacle au fonctionnement des signaux, trouble ou entrave à la circulation des trains, pénétration, circulation dans les parties de la voie ferrée ou de ses dépendances qui ne sont pas affectées à la circulation publique ; usage du signal d'alarme ou d'arrêt mis à la disposition des voyageurs de manière illégitime et dans l'intention de troubler ou entraver la mise en marche ou la circulation des trains, pénétration sans autorisation dans les espaces affectés à la conduite des trains) ;

- L'intrusion non autorisée dans un établissement scolaire prévue et réprimée par l'article 431-22 du code pénal ;

- La détention sans permis de chien d'attaque, ou de garde ou de défense malgré mise en demeure ou incapacité prévue et réprimée par l'article L.215-2-1 du code rural ;

- L'acquisition ou cession de chien d'attaque prévue et réprimée par l'article L.215-2 du code rural ;

- La détention de chien d'attaque non stérilisé prévue et réprimée par l'article L.215-2 du code rural.

3.2. OPTION RETENUE

Il est ainsi proposé de rendre, par principe, la procédure de l'amende forfaitaire applicable d'une part, à tous les délits punis d'une seule peine d'amende, et d'autre part, aux délits punis d'une peine d'emprisonnement d'un an au plus (réécriture de l'article 495-17 du code pénal). Les montants applicables par défaut sont fixés par un article 495-17-1 nouveau.

Si jusqu'à présent le législateur a fait le choix d'examiner délit par délit et de fixer à chaque fois les montants dont le paiement lui paraissait devoir éteindre l'action publique au regard de l'infraction considérée, aucune règle ni aucun principe n'interdit l'autorisation de recourir de façon transversale à l'amende forfaitaire délictuelle pour des catégories de délits dès lors que cette catégorie, dont les caractéristiques sont fixées par le législateur, vérifie les critères rappelés supra , à savoir des délits simples à établir, sanctionnés au plus par une faible peine de prison, et qui génèrent un contentieux massif.

Enfin et dans le but de préserver les intérêts de la victime d'une infraction ayant fait l'objet d'une procédure d'amende forfaitaire, un nouvel article 495-24-2 est introduit. A l'instar de ce qui prévu en matière de composition pénale 27 ( * ) , la victime pourra demander au procureur de la République de citer l'auteur des faits à une audience afin de se constituer partie civile.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS SUR L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE

Les présentes dispositions modifient l'article 495-17 du code de procédure pénale et créé un article 495-17-1 dans le même code.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5 IMPACTS SOCIAUX

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Les présentes dispositions ne requièrent aucune consultation préalable.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les nouvelles dispositions étant de nature procédurale, elles seront immédiatement applicables dès l'entrée en vigueur de la loi, soit au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Ces dispositions s'appliqueront sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Aucun texte réglementaire n'est nécessaire à l'application de ces dispositions.

CHAPITRE IV

FAIRE FACE AUX CRISES HYBRIDES ET INTERMINISTÉRIELLES

Article 15 : Pouvoirs du préfet en cas de crise

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le préfet représente le Gouvernement et chacun de ses ministres, en vertu de l'article 72 alinéa 6 de la Constitution et de l'article 1er, alinéas 1 et 3, du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements.

Dans ce cadre et sous l'autorité des ministres, le préfet assure la direction des services déconcentrés des administrations civiles de l'État de son ressort, conformément aux articles 15 à 18 du décret du 29 avril 2004 susvisé.

Si, du fait de son caractère interministériel et de rôle en matière de police administrative, le préfet constitue l'autorité naturelle pour prendre les décisions nécessaires en cas de crise, le cadre juridique de la gestion des crises territoriales demeure régi par un ensemble de dispositions éparses, certaines applicables à la généralité des crises, telles celles figurant dans le livre VII du code de la sécurité intérieure ou dans le code général des collectivités territoriales sur le pouvoir de police, d'autres applicables à des crises spécifiques, comme c'est le cas de dispositions particulières du code de la santé publique, du code rural et de la pêche, ou encore du code de l'environnement, sans omettre des lois particulières comme la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, également susceptible d'être mise en oeuvre « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique », ou la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles Ces diverses dispositions laissent ouverte la possibilité d'interprétations divergentes en l'absence de conditions précises et d'unicité de la règle, alors que l'existence d'une crise exige une réactivité ne permettant pas les hésitations et atermoiements.

Ainsi, la crise sanitaire de la Covid-19 a mis en exergue des interrogations sur l'articulation entre les compétences des préfets, les services de l'État ainsi que les établissements publics au premier rang desquels les agences régionales de santé, et a rappelé le besoin de clarification du rôle et du positionnement de ces acteurs, dans un objectif de coordination de l'action publique au niveau déconcentré, sous l'égide du préfet en charge de maintenir l'ordre public et la sécurité des personnes et des biens.

Si les différentes dispositions introduites à raison de la gestion de cette crise ont précisé les compétences des différents acteurs pour la gestion d'une telle crise, il reste que d'une part, l'ensemble des crises systémiques ne se résume pas à des crises sanitaires et que, d'autre part, ces dispositions ne traitent pas de l'ensemble des mesures susceptibles de devoir être prises dans le cadre d'une crise sanitaire.

De fait, les causes de la crise sont multiples et dissemblables : naturelles, technologiques, sanitaires, numériques, cyber parfois avec des causes associées ou hybrides. L'origine de la crise peut être aussi bien due à un risque qu'à une menace. Tous les scénarios anticipant les crises de demain convergent vers leur augmentation, du fait a minima de phénomènes climatiques extrêmes engendrant, par effets de bords, l'émergence d'autres risques mondialisés (vague épidémique, pénurie alimentaire) et menaces (« guerre de l'eau », manipulation des flux migratoires à des fins géopolitiques). Chacun de ces phénomènes, pris individuellement, dispose déjà de moyens de réponse existants, dimensionnés et permettant une réponse des différents acteurs impliqués, notamment au travers des déclinaisons du plan ORSEC 28 ( * ) et de son articulation avec les plans propres à chaque périmètre ministériel.

Cependant, la complexité des interactions, l'augmentation des menaces sur les systèmes d'information, les nouveaux risques liés au dérèglement climatique font craindre l'apparition de nouvelles crises plus graves, plus fréquentes, plus multiples et donc plus incertaines. Notre incapacité à y répondre suffisamment efficacement serait également facteur d'aggravation par l'enchaînement des phénomènes, la survenue de « crises dans la crise », menaçant l'ordre public et sapant l'autorité des pouvoirs publics. Ainsi, la conjonction de ces phénomènes pourrait engendrer des crises plus graves, plus soudaines, plus complexes et systémiques nécessitant d'adapter la réponse des pouvoirs publics.

La situation de crise :

? Réduit le temps disponible pour la prise de décision, ce qui implique la mise en place d'un système de veille efficace et d'une organisation de crise dédiée, éprouvée et en capacité de prendre les décisions adaptées dans un temps court ;

? Implique une gestion stratégique et proactive autour d'un décideur commun, dont la légitimité n'est pas juridiquement remise en cause ;

? Nécessite un degré de préparation sur la base d'une planification globale, d'une préparation des acteurs de la crise et de la mobilisation de moyens d'anticipation permettant d'englober l'ensemble des conséquences d'un phénomène ;

? Implique la mise en oeuvre par le décideur d'une communication adaptée et univoque.

A titre d'illustration, le retour d'expérience du rapport inter-inspections de mai 2020 relatif à l'incendie du site « Lubrizol » du 25 septembre 2019 à Rouen 29 ( * ) a mis en exergue les difficultés de mobilisation et de coordination par le préfet de département d'un certain nombre d'organismes publics. Ainsi, le défaut de coordination des services mobilisés pour évaluer le danger pour la santé lié au panache de fumée a constitué un obstacle important à l'évaluation globale des risques. En conséquence, cette situation n'a pas permis de diffuser une information claire et rapide en direction des populations.

De même, dans le cadre de la crise COVID, plusieurs préfets ont fait part de difficultés de coordination quant au travail avec certains services, notamment du fait que les mesures n'avaient pas encore été prévues dans les textes de gestion de la crise sanitaire (en 2020, suite au premier confinement, la réouverture des écoles ou la fermeture de classes avait mis à évidence des différences d'interprétation et d'approche en fonction des DSDEN et des départements sans que les préfets aient eu la main sur les modalités de retour en classe ou de fermeture de classe en raison de cas contact. Il en est allé de même pour les mesures à prendre dans les EHPAD. Dès lors, le préfet n'était pas en capacité d'assumer la responsabilité entière d'une politique mise en partie en oeuvre par une chaîne décisionnelle sur laquelle il n'avait pas la main et dont la coordination reposait davantage sur les relations interpersonnelles entre préfet, DT et ARS que sur une chaîne claire de commandement.

Or la gestion de crise requiert donc une unité de commandement, la plus à même de réguler des flux d'informations importants mais aussi, le cas échéant, de dépasser des organisations, des modes de fonctionnement et des doctrines parfois hétérogènes. Le préfet incarne cette unité de commandement du fait de sa dimension interministérielle et de son identification par les élus, citoyens et acteurs de la vie locale.

De fait, dans son étude annuelle de 2021 sur les états d'urgence, le Conseil d'État a ainsi relevé (p. 159-160) que : « Le processus qui, depuis plusieurs décennies, a multiplié, à côté de la représentation de l'État par l'administration préfectorale, les structures territoriales spécialisées est inspiré par une logique de spécialisation et de sophistication de l'action déconcentrée de l'État qui n'est pas pertinente face à des situations de crise grave qui imposent que des décisions soient prises dans l'urgence et de façon intelligible et cohérente. De même que l'état d'urgence se traduit, au sommet de l'État, par la concentration des pouvoirs d'impulsion et de décision, il doit se traduire, au plan local, par une unité de commandement qui, sans affaiblir la capacité des autorités sectorielles à apporter leurs éclairages, garantisse la rapidité, l'efficacité et l'intelligibilité des décisions à prendre. C'est à l'évidence l'administration préfectorale qui, sur le fondement des textes qui régissent les prérogatives des préfets et sous-préfets, et au regard de son savoir-faire, doit exercer cette unité de commandement territorial de l'État dans les régions, départements et arrondissements. Cette analyse est d'ailleurs unanimement partagée par les élus territoriaux et les associations qui les représentent .

1.2 CADRE CONSTITUTIONNEL

Tel que le précise l'article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, « le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».

La répartition des compétences entre services de l'État ne relève pas de la loi. C'est d'ailleurs le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 précité relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements qui prévoit ceux de services déconcentrés placés sous l'autorité du préfet de département et ceux qui ne le sont pas à raison des missions exercées (articles 32 ou 33).

En revanche, la répartition des compétences entre État et collectivités, qu'il s'agisse de collectivités territoriales ou d'établissements publics, relève bien de la loi, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales ou d'autonomie des personnes morales de droit public.

Sur le fondement de l'article 72, le Conseil constitutionnel a été amené à préciser qu'il appartient « au législateur de prévoir l'intervention du représentant de l'État pour remédier, sous le contrôle du juge, aux difficultés résultant de l'absence de décision de la part des autorités décentralisées compétentes en se substituant à ces dernières lorsque cette absence de décision risque de compromettre le fonctionnement des services publics et l'application des lois» ( décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007, cons. 24). Le Conseil a précisé par ailleurs que les pouvoirs de substitution doivent être « définis quant à leur objet et à leur portée » et s'accompagner de « garanties suffisantes », notamment en termes de recours. Cette disposition figure au 2° de l'article L. 2215-1 du CGCT.

De même, tant le Conseil constitutionnel 30 ( * ) que le Conseil d'État 31 ( * ) ont estimé que seule une loi pourrait porter atteinte à la liberté contractuelle d'un établissement public et à son autonomie.

Pour autant, par souci de cohérence et de lisibilité, il est donc proposé d'afficher, dans la loi, les pouvoirs dont dispose le préfet de département en cas de crise, alors même que certaines mesures relèveraient du pouvoir réglementaire.

2 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Si lors de l'adoption du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'ensemble des services déconcentrés de l'État étaient placés sous l'autorité du préfet, la loi a progressivement opéré cependant des aménagements spécifiques propres à certaines administrations, telles que les agences régionales de santé, les rectorats ou l'administration fiscale ou certains opérateurs, qui viennent moduler voire rendre impossible une quelconque autorité du préfet sur ceux-ci, ce qui est susceptible de rendre la gestion d'une crise inefficiente voire complexe.

Ainsi, l'article 33 du décret n°2004-374 exclut des missions placées sous l'autorité du préfet de département, celles relatives au contenu et à l'organisation de l'action éducatrice ainsi qu'à la gestion des personnels et des établissements qui y concourent, aux actions d'inspection de la législation du travail ainsi qu'à la gestion des personnels d'inspection qui y concourent, au paiement des dépenses publiques, à la détermination de l'assiette et du recouvrement des impôts et des recettes publiques, ainsi qu'aux évaluations domaniales et à la fixation des conditions financières des opérations de gestion et d'aliénation des biens de l'État, à la tenue des comptes publics et aux modalités d'établissement des statistiques, aux attributions exercées par les agences régionales de santé.

Par ailleurs, les établissements publics, même opérateurs de l'État, ne relèvent pas de son autorité.

La nouvelle disposition, résultant d`une autorisation du préfet de zone saisi par le préfet de département, se justifie pleinement au regard des objets juridiques existants, notamment au regard de la théorie des circonstances exceptionnelles.

Ce nouveau dispositif, repose sur l'appréciation du préfet de département que l'exercice de prérogatives à l'égard des établissements publics et services de l'Etat lui est nécessaire pour assurer l'organisation des opérations matérielles permettant le rétablissement de l'ordre public. S'inscrivant dans des conditions d'application différentes, il permettrait précisément d'inscrire dans la légalité une capacité d'action renforcée face aux situations d'ampleur :

? il couvrirait un champ plus large de crise que la « situation profondément anormale » retenue par le juge pour les circonstances exceptionnelles qui n'a plus trouvé à s'appliquer depuis des décennies (alors que la France traverse plusieurs crises majeures par décennie) ;

? ce dispositif n'a pas nécessairement vocation à répondre à une impossibilité pour l'administration d'agir légalement, mais à unir dans un même sens l'ensemble des moyens de l'administration, indépendamment de l'autorité d'emploi, pour la rendre plus efficace. Dès lors, il ne donnerait pas le droit d'agir en dehors de la loi, mais au contraire à faciliter l'emploi de mesures légalement prévues qui seraient dérogatoires du droit commun.

Les crises modernes (environnementales, technologiques ou de cyber sécurité) renforcent encore davantage ce besoin de coordination car elles investissent des champs sectoriels de plus en plus en vastes, nécessitant une réponse unifiée.

Dès lors, afin de permettre au préfet de disposer d'une autorité sur les services précités et étant donnée la jurisprudence constitutionnelle et administrative mentionnée supra , il importe qu'une loi vienne formaliser cette possibilité, dans certaines circonstances dûment encadrées.

A la lumière de ces crises récentes, où l'autorité préfectorale a été en première ligne du fait de son expertise des situations exceptionnelles, de sa capacité à incarner l'unité de l'action de l'État et du lien opérationnel avec les collectivités territoriales (le « couple préfet/maires »), il importe de renforcer le pilotage public de la gestion de crises autour des préfets dans les territoires pour assurer une coordination pleine et entière de la gestion de crise : mise en sécurité des biens et des personnes, organisation des moyens de secours, fonctionnement des institutions et continuité des services publics, préservation de l'environnement.

2.2 OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la présente mesure vise à renforcer le champ de l'autorité fonctionnelle du préfet, sur les services déconcentrés de l'État et les établissements publics couvrant un large champ de l'action publique.

Le préfet dispose déjà de prérogatives en cas de gestion de crise. Mais il s'agit de franchir un pas supplémentaire dans la volonté de donner aux préfets les leviers nécessaires à une gestion de crise la plus fluide et la plus efficace possible.

Ces dispositifs existants ont vocation à demeurer. La gestion des troubles à l'ordre public, de la sécurité civile, de la santé publique, de la sécurité alimentaire, de la cyber sécurité, de la sécurité économique ou de la sécurité environnementale demeure régie par les moyens et règles de droit commun propres à chacun de ces segments.

Le dispositif proposé permettra par contre au préfet de département de disposer d'une autorité sur ceux des services déconcentrés et établissements publics de l'Etat sur lesquels il n'a pas autorité hors situation de crise, pour le temps de la crise et dans le champ des mesures nécessaires à la résolution de celle-ci.

Ce dispositif vise ainsi à apporter des moyens supplémentaires au préfet pour gérer un ou plusieurs événements à effet systémique , touchant l'ensemble des domaines économiques et sociaux et dont l'ampleur et la gravité requièrent une intervention forte, rapide, coordonnée et parfois dans la durée. Il se justifie par l`aggravation attendue des crises, dans leur intensité comme dans leur fréquence.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1 OPTIONS ENVISAGÉES

1 ère option : recourir à la jurisprudence des « circonstances exceptionnelles ».

En l'état de la jurisprudence développée par le Conseil d'Etat depuis son arrêt Heyriès, du 28 juin 1918 , la « théorie des circonstances exceptionnelles » pourrait permettre au préfet d'agir dans ces situations de crise complexes. Il en résulte, qu'en période de guerre ou de crise, l'administration dispose, de manière exceptionnelle, de pouvoirs étendus afin d'assurer la continuité de l'Etat et le fonctionnement des services publics. Ce contexte particulier autorise à s'affranchir des règles habituelles de compétences et de la réglementation en vigueur, dès lors que la situation de crise ne permet plus d'agir dans le cadre de droit commun.

Pour autant, lorsque survient une crise, chaque acteur doit répondre de manière urgente et coordonnée, ce que ne permet pas toujours l'application de la théorie des circonstances exceptionnelles qui suppose une réaction

Aucun texte ne reprend de manière globale et harmonisée les pouvoirs rendus exceptionnellement possibles, en cas de crise, en application de cette jurisprudence. L'inscrire dans un texte permettrait, pour toutes les institutions concernées et mobilisées, de connaître à l'avance les modalités d'action et de les anticiper. Cela éviterait également une divergence d'interprétation et une inégalité d'action entre les territoires.

Par ailleurs, il serait complexe de vouloir compléter chacun des dispositifs spécifiques existants, qui confèrent des pouvoirs des préfets en période de crise.

2 ème option : compléter la loi sur l'état d'urgence n° 55-385 du 3 avril 1955.

Aux termes de l'article 1 er de la loi précitée, l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements d'outre-mer, des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique .

Si cette loi, essentiellement mise en oeuvre pour faire face à des menaces pour la sécurité publique liée à la menace terroriste, elle n'en est pas moins applicable en cas d'évènements présentant le caractère d'une crise systémique, telle que définie à l'article L. 742-2-1.

Toutefois, force est de constater que les outils dont disposent le préfet de département dans ce cadre visent essentiellement à prévenir les atteintes à l'ordre public et non à gérer les conséquences de l'évènement ayant justifié la déclaration d'état d'urgence.

Hormis le pouvoir de réquisition et la concentration dans ses mains des pouvoirs de police générale, le préfet ne dispose donc d'aucune capacité « augmentée » en matière d'organisation administrative, lui permettant de prendre rapidement les décisions qui s'imposent.

Il a donc été envisagé d'intégrer le dispositif envisagé à l'article L. 742-2-1 au sein de la loi de 1955 précitée.

Toutefois, d'une part, le régime de l'état d'urgence obéit à une procédure lourde 32 ( * ) , d'autre part, il est désormais très connoté, dans l'esprit du public, comme réservé à la menace terroriste, de sorte qu'il est assez peu probable qu'il soit utilisé pour un évènement de type calamité publique, ainsi qu'en témoigne d'ailleurs la création d'un régime d'état d'urgence sanitaire ex nihilo 33 ( * ) s'agissant de l'épidémie de la COVID-19 dont pourtant le caractère de calamité publique ne fait aucun doute.

3 ème option : permettre au préfet de département de faire usage de l'article L. 742-2-1 du CSI même en cas d'état d'urgence sanitaire, sur décision expresse.

Si les régimes de l'état d'urgence sanitaire ou de sortie de l'état d'urgence sanitaire précités habilitent les préfets à prendre les mesures d'exécution en résultant, ces dispositions n'ont pas pour effet de modifier la répartition des compétences entre autorités administratives. Par suite, le préfet ne peut prendre des mesures qu'à l'égard des services placés sous son autorité, à l'exception toutefois des agences régionales d'hospitalisation dont, par l'effet des articles L. 1435-1 et L. 1435-2 du code de la santé publique, il dispose des moyens, leurs services étant placés pour emploi sous son autorité.

Il aurait donc pu être envisagé, lorsque la désorganisation résultant de l'ampleur d'un évènement exige une réponse coordonnée et rapide, d'autoriser expressément, même dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ou de son régime de sortie, le préfet à mettre en oeuvre l'article L. 742-2-1 du code de la sécurité intérieure afin de lui permettre d'agir plus efficacement, non dans le domaine seulement sanitaire (déjà couvert comme démontré) mais dans d'autres domaines (scolaire, culturel...). Cette option n'a pas été retenue.

3.2 OPTION RETENUE

L'article L. 742-1 du code de la sécurité intérieure prévoit que « Les opérations de secours sont constituées par un ensemble d'actions caractérisées par l'urgence qui visent à soustraire les personnes, les animaux, les biens et l'environnement aux effets dommageables d'accidents, de sinistres, de catastrophes, de détresses ou de menaces » : sont donc ainsi visées les actions visant à mettre un terme à ces évènements mais également celles visant à la prévenir, l'article L. 742-2 que le préfet est le directeur des opérations de secours lorsque les conséquences de l'évènement dépassent les limites d'une commune. En créant un nouvel article L. 742-2-1 dans le code de la sécurité intérieure, la présente mesure vient renforcer la notion de directeur des opérations de secours en ne le cantonnant pas aux seules opérations matérielles mais en élargissant le champ de l'autorité fonctionnelle du préfet, sur les administrations civiles de l'État et ses établissements publics couvrant un large champ de l'action publique, dès lors qu'interviennent des événements de nature à entrainer un danger grave et imminent pour la sécurité, l'ordre ou la santé publics, la préservation de l'environnement, l'approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population définis à l'article L. 732-1 du code de la sécurité intérieure.

Il s'agit de doter le préfet de département des outils permettant de renforcer leur pilotage des crises « classiques » en lui permettant de mettre en oeuvre les actions mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 742-1 du code de la sécurité intérieure, dont le champ est précisé pour ajouter aux « actions », les « décisions » pouvant être prises dans ce cadre, afin de n'avoir qu'un seul acteur au niveau local en la personne du préfet. Ce renforcement de l'autorité du préfet s'inscrit dans un dispositif encadré qui lui permet de prendre toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstance de temps et de lieu : le préfet devient donc, de fait, le directeur des opérations, qu'il s'agisse des opérations de secours ou des décisions visant à prévenir la menace ou sa réitération

Ces précisions justifient que l'article L. 115-1 du même code soient abrogées dès lors qu'elles font double emploi.

La mise en oeuvre de ce dispositif résulte d'une autorisation donnée par le préfet de zone au préfet de département qui le sollicite en ce sens, au regard Elle affirme immédiatement, d'une part, que le préfet incarne l'unité de direction afin d'éviter la gestion de crises en silo et, d'autre part, de disposer de toutes les ressources pour organiser la réponse opérationnelle, mobiliser les moyens, anticiper les réactions et les suites. Elle annonce également aux forces vives que des perturbations seront à prévoir dans leur fonctionnement, y compris s'il paraît éloigné du type de crise rencontré, du fait du caractère systémique de la crise attendue ou en cours et de la nécessaire concentration des moyens attendue pour y répondre.

Dans l'exercice de la direction des opérations de secours, le préfet devient l'autorité d'emploi de tous les services de secours, de sécurité publique, de sécurité sanitaire, de sécurité alimentaire, de sécurité environnementale, de sécurité économique, de cyber sécurité, etc. Au-delà, ces forces seront susceptibles d'être amenées, dans le respect des législations en vigueur (notamment relatives à l'exercice de professions réglementées), à exercer des activités qui pourront les distraire de leurs missions habituelles (assistance à la population, surveillance de levées, etc.) sous l'autorité du préfet ou de son représentant, en étant alors délié du lien de subordination qui les lie à leur autorité hiérarchique et/ ou fonctionnelle habituelle.

Plusieurs garanties sont prévues :

• D'une part, c'est le préfet de zone de défense et de sécurité qui autorise le préfet de département à diriger l'action de l'ensemble des services et établissements publics de l'Etat ayant un champ d'action territorial, que la crise concerne un ou plusieurs départements. Ce choix est cohérent avec les missions qui lui sont attribuées par l'article R*122-4 du code de la sécurité intérieure (notamment coordination des actions dans le domaine de la sécurité civile, allocations de moyens). Un dispositif relevant du niveau national paraît inapproprié à une cinétique rapide ;

• D'autre part, l'intensité de l'événement et ses répercussions généralisées sont des critères d'appréciation de la capacité à activer cette autorisation, telles que les situations :

? obérant gravement le potentiel économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation ;

? mettant gravement en cause la santé ou la vie de la population ;

? rendant indisponible la production ou la distribution de biens ou de services indispensables à la satisfaction de besoins essentiels, soit pour la vie des populations, soit à l'exercice de l'autorité de l'État, soit au fonctionnement de l'économie, soit à la sécurité de la Nation ;

? ou pouvant présenter un danger grave pour la population.

La nature des événements susceptibles de justifier la mise en oeuvre de ce dispositif doit être la plus large possible :

? sécurité des populations (sécurité sanitaire, alimentaire, économique, civile, attaque terroriste) ;

? organisation des moyens de secours (gestion de situations sanitaires exceptionnelles et réponse aux risques majeurs) ;

? fonctionnement des institutions et la continuité des services publics (continuité démocratique et celle des services publics essentiels) ;

? préservation de l'environnement (crise environnementale, énergétique ou technologique, ainsi que la gestion de tous les risques naturels) ;

• Enfin, les mesures que peut prendre le préfet dans ce cadre ne peuvent viser qu'à prévenir, faire cesser ou éviter la réitération de l'évènement susceptible d'entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l'ordre ou la santé publics.

Le renforcement du rôle du préfet dans la coordination de la gestion de crise, définie largement, concernerait d'une part les administrations civiles de l'État, en introduisant une dérogation temporaire aux exemptions d'autorité du préfet prévus à l'article 33 du décret du 29 avril 2004 susvisé pour les services académiques et les directions départementales des finances publiques. Seules seraient exclues de son champ d'intervention les actions d'inspection de la législation du travail ainsi que les organismes ou missions à caractère juridictionnel, les organismes chargés d'une mission de contrôle des comptes et les services relevant du garde des sceaux, ministre de la justice, visés à l'article 32 du décret de 2004. D'autre part, l'autorité du préfet serait également accrue à l'égard des établissements publics de l'État permettant de couvrir notamment les agences régionales de santé et l'Office français de la biodiversité.

Le projet de loi exclut toutefois de ce dispositif les mesures prises sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique relatives à la « menace sanitaire grave » dont la mise en oeuvre est subordonnée à une décision du ministre de la santé et pour lesquelles le préfet détient déjà des prérogatives propres.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1 IMPACTS SUR L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE

Suppression de l'article L. 115-1 du code de la sécurité intérieure, modification de l'article L. 742-1 et création de l'article L. 742-2-1 au sein du chapitre II relatif aux opérations de secours du titre IV du livre VII de la partie législative de ce code.

4.2 IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

En cas d'autorisation du préfet de zone saisi par le préfet de département, le renforcement de l'autorité de ce dernier sur l'ensemble des services déconcentrés et des établissements publics permettra d'assurer une unité de la parole et de l'action de l'État au niveau territorial.

Cette autorité accrue du préfet aura pour effet de renforcer la cohérence de l'action de l'État dans les territoires, et à l'égard des collectivités territoriales. C'est une assurance d'avoir un seul interlocuteur, bien identifié, parlant d'une seule voix au niveau déconcentré.

4.3 IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le renforcement de l'autorité du préfet sur l'ensemble des services déconcentrés et des établissements publics de son ressort permettra de renforcer la cohérence de l'action de l'État et de ses services dans les territoires.

4.4 IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

En cas de déclenchement de ce dispositif, le renforcement de l'autorité du préfet sur l'ensemble des services déconcentrés et des établissements publics de l'État permet d'assurer une unité de la parole et de l'action de l'État au niveau territorial.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1 CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation n'est requise.

5.2 MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1 Application dans le temps

La mesure envisagée s'applique dès le lendemain de la promulgation de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2 Application dans l'espace

La mesure s'applique à l'ensemble du territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie.

5.2.3 Textes d'application

Néant.

TITRE V

DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER

Article 16 : Habilitation du Gouvernement relative à l'application des dispositions dans les outre-mer

1. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les dispositions prévues par le projet de loi ont vocation à être appliquées sur l'ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer.

La Constitution opère une distinction entre les différentes collectivités d'outre-mer :

- les collectivités soumises au principe d'identité législative (collectivités de l'article 73, ainsi que certaines collectivités relevant de l'article 74). Dans ces collectivités, les lois et règlements sont applicables de plein droit, sous réserve d'adaptation ;

- les collectivités soumises au principe de spécialité législative (collectivités de l'article 74 et Nouvelle-Calédonie). Dans ces collectivités, dans les matières pour lesquelles l'Etat demeure compétent, les lois et règlements n'y sont applicables que sur mention expresse d'application, sous réserve d'adaptation.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1 NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les extensions et adaptations des dispositions applicables en outre-mer sont opérées par un texte de même niveau normatif que les dispositions applicables en métropole.

Dans ce cadre, soit le projet de loi prévoit lui-même les extensions et adaptations nécessaires pour son application dans les outre-mer, soit ces extensions et adaptations sont opérées ultérieurement par le Gouvernement par le mécanisme des ordonnances.

Ce projet de loi impacte des textes ou codes pour lesquels il a été décidé de différer l'extension et les adaptations éventuelles : code pénal, code de procédure pénale, code des assurances, code de la sécurité intérieure.

2.2 OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est l'application des dispositions de ce projet de loi sur l'ensemble du territoire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1 OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1 Option exclue : le recours aux ordonnances de l'article 74-1 de la Constitution

L'article 74-1 prévoit une habilitation permanente du Gouvernement à étendre et adapter des dispositions législatives dans les collectivités de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

Dans ce cadre, les collectivités de l'article 73 se trouvent exclues de ce dispositif, ce qui restreint le champ d'application de cette procédure.

Par ailleurs, l'article 74-1 oblige une ratification de l'ordonnance dans un délai de 18 mois suivant sa publication, sans laquelle l'ordonnance devient caduque.

3.1.2 Option retenue : le recours aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution

Contrairement aux ordonnances de l'article 74-1, le recours aux ordonnances de l'article 38 peut concerner les collectivités de l'article 73.

En outre, la caducité peut ici être écartée plus facilement : l'article 38 de la Constitution prévoit que celle-ci est écartée dès lors que le projet de loi de ratification de l'ordonnance est déposé au Parlement avant le terme du délai fixé par la loi d'habilitation.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai de dix-huit mois permet la rédaction des dispositions de l'ordonnance ainsi que la consultation des collectivités concernées avant de soumettre l'ordonnance au Parlement.


* 1 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 2 Décision n° 2010-66 QPC du 26 novembre 2010 .

* 3 Décision n° 2016-583 et 584 QPC du 14 octobre 2016 .

* 4 Cour de cassation - Chambre criminelle, 3 février 2021, n° 20-84.966.

* 5 Source : Attaques par rançongiciel envers les entreprises et les institutions. Etudes SSMI n° 37 - publié le 8 février 2022.

* 6 Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, « Rapport sur l'assurabilité des risques cyber » (28 janvier 2022).

* 7 Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN)

* 8 Conseil d'Etat, section des travaux publics, avis n°402470 du 18 mai 2021

* 9 Le RRF fournira des services d'accès à l'internet définis à l'article 2, deuxième alinéa, point 2, du règlement (UE) 2015/2120, ainsi qu'un service de communications interpersonnelles

* 10 Selon la directive du 11 décembre 2018, les services de communications électroniques sont des « services fourni normalement contre rémunération via des réseaux de communications électroniques qui (...) comprend les types de services suivants:/- un «service d'accès à l'internet» défini à l'article 2, deuxième alinéa, point 2, du règlement (UE) 2015/2120 ;/ - un service de communications interpersonnelles ;/ - des services consistant entièrement ou principalement en la transmission de signaux tels que les services de transmission utilisés pour la fourniture de services de machine à machine et pour la radiodiffusion ».

* 11 CEDH, 5 oct. 2006, Marcello Viola c/ Italie

* 12 Informations issues des statistiques du Service Statistique Ministériel de Sécurité Intérieure (SSMSI) : Info rapide n°16 : Deux ans d'outrages sexistes enregistrés par les services de sécurité / Interstats Info rapide / Publications / Interstats - Ministère de l'Intérieur (interieur.gouv.fr)

* 13 Info rapide n°18 : Les outrages sexistes enregistrés par les services de sécurité en 2020 / Interstats Info rapide / Publications / Interstats - Ministère de l'Intérieur (interieur.gouv.fr)

* 14 Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 , Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, point 75.

* 15 Les techniques d'infiltration (articles 706-81 et 706-87 du CPP), filature et surveillance (article 706-80 du CPP), de sonorisation, captation d'images (article 706-96 et 706-96-1 du CPP) et les écoutes (article 706-95 du CPP) pourront être déployés en la matière.

* 16 Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI).

* 17 Ces données ont été extraites à partir du logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPN).

* 18 Il était destiné à contribuer à financer les opérations liées à l'alimentation et à l'utilisation du fichier automatisé des empreintes digitales et du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Il avait vocation à être alimenté « par un versement dont le montant est déterminé par convention en fonction de la valeur des biens restitués à l'assureur ayant indemnisé le vol desdits biens ». Le fonds devait être abondé en fonction de la valeur des biens restitués à l'assureur.

* 19 Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 juin 2018, 18-80.596, Inédit.

* 20 Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 février 2019, 18-84.671, Publié au bulletin.

* 21 Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 octobre 2018, 17-16.852, Publié au bulletin .

* 22 Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 2020, 19-19234, Publié au bulletin .

* 23 CAA Marseille, 27 octobre 2017, CNAPS c/ M. X, n° 16MA01919.

* 24 CE, 17 novembre 2017, n° 400976 .

* 25 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039692064

* 26 Ce message comportait notamment les précisions suivantes :

« Il résulte de cet arrêt que les autorisations préalables générales applicables de façon indéterminée à l'ensemble des enquêtes préliminaires ne satisfont pas aux conditions de l'article 77-1 du code de procédure pénale, ce qui prohibe donc la référence à des autorisations permanentes dans les procès-verbaux sur ce fondement.

Néanmoins, cet arrêt ne remet pas en cause la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle, si le défaut d'autorisation du procureur de la République emporte la nullité de la réquisition, l'autorisation donnée n'est soumise à aucune forme particulière : elle peut être donnée oralement, par téléphone ou par courriel.

Il n'exige pas non plus que chaque réquisition aux fins d'examens techniques ou scientifiques à l'occasion d'une même enquête fasse l'objet d'une autorisation spécifique, dès lors qu'une autorisation a bien été donnée dans la procédure en cours, laissant ainsi la possibilité pour les parquets de délivrer, dans une enquête déterminée, une autorisation de réquisitions valable pour toute la durée de la procédure.

Il n'exige pas enfin que cette autorisation ne puisse être délivrée qu'à partir du moment où les enquêteurs agissent en préliminaire, alors même qu'ils ont commencé leurs investigations en flagrance.

Le procureur peut par ailleurs ajouter sur les soit-transmis aux fins d'enquête une mention d'autorisation à réquisitions. »

En tout état de cause, il appartiendra donc aux enquêteurs, dans les procès-verbaux faisant état des réquisitions délivrées en enquête préliminaire en application de l'article 77-1 du code de procédure pénale, de mentionner l'autorisation donnée par le procureur de la République.

* 27 Article 41-2, alinéa 31 du code de procédure pénale.

* 28 Articles L. 741-1 à L. 741-5 du code de la sécurité intérieure

* 29 Retour d'expérience après l'incendie d'un site industriel à Rouen en septembre 2019 , 15 mai 2020 (Conseil général de l'économie ; Conseil général de l'environnement et du développement durable ; Inspection générale des affaires sociales ; Inspection générale de l'administration ; Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux).

* 30 Décision n° 2013-687 DC du 23 janvier 2014 .

* 31 CE, 14 mai 1971, n° 77582, Sieur Fasquelle .

* 32 L'état d'urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres. La prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi.

* 33 Articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique.

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