EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Par une loi publiée au Journal officiel le 17 février 2015, la France a fait un grand pas vers la reconnaissance de la personnalité juridique de l'animal. Elle a mis fin à une vision archaïque de celui-ci - jusqu'alors considéré comme un bien meuble - en lui octroyant la qualité « d'être vivant doué de sensibilité ».

Pourtant, malgré cet apport au sein de notre code civil, la condition animale ne semble pas évoluer davantage.

En France, chaque année, plus d'un milliard d'animaux sont abattus. 80 % proviennent d'élevages industriels.

Cette industrie agroalimentaire ne respecte ni les agriculteurs, ni les animaux, ni a fortiori , les consommateurs.

Rappelons que les agriculteurs pâtissent grandement de la concurrence déloyale que leur imposent les abattoirs de masse. Outre des conditions de travail éprouvantes et aliénantes, le risque de suicide est plus élevé de 12,6 % chez les agriculteurs par rapport aux autres catégories socioprofessionnelles.

Les animaux, eux, subissent dans les « fermes-usines » des conditions d'élevage et d'abattage parfaitement intolérables, qui les confinent dans des bâtiments fermés et sans lumière, dans des cages, les forçant à une promiscuité extrême. 120 000 poulets à Langoëlan (Morbihan). 1 000 vaches à Drucat-le-Plessiel (Somme), 23 000 porcs aux Sables-d'Olonne (Vendée), 1 200 taurillons à Coussay-les-Bois (Vienne)... Les exemples dans ce sens se multiplient et asphyxient les filières locales aux pratiques plus éthiques : en trente ans, le nombre d'éleveurs de porcs et de volailles a baissé de 57 % ; les éleveurs de chèvres ou de brebis ont vu leurs effectifs diminuer de 48 % et les éleveurs de vaches laitières de plus de 70 %.

Force est de constater que le modèle industriel de l'élevage est devenu hégémonique, alors même qu'il engendre des troubles comportementaux extrêmes chez les animaux (notamment des cas de caudophagie chez les porcs...), et une viande de qualité moindre, puisque de telles conditions d'élevage favorisent l'antibiorésistance et l'émergence de nouveaux agents pathogènes extrêmement dangereux pour la santé des consommateurs.

Il est ainsi nécessaire que nous accompagnions les agriculteurs dans la transition vers un élevage et un abattage éthiques, particulièrement ceux qui dépendent aujourd'hui de l'élevage intensif, afin de leur assurer une reconversion professionnelle.

Le modèle agricole que nous souhaitons promouvoir est un modèle d'agriculture paysanne, proche du local et respectueux de la nature. Une agriculture qui soit soucieuse du bien-être de l'animal mais aussi de son paysan. Un modèle qui favorise les circuits courts, subventionne l'abattage de proximité et limite les recours aux énergies fossiles et aux pesticides. Un modèle qui souhaite développer une agriculture de qualité par une meilleure transparence pour les consommateurs et une plus grande prise en compte du respect des cycles naturels de l'animal.

L'opinion publique, informée par des associations de défense des droits des animaux mais aussi par des syndicats agricoles (Confédération paysanne...), se prononce pour une lutte contre ces pratiques délétères. En 2016, dans un sondage YouGov pour CIWF, en France, 87 % des personnes interrogées se disaient opposées à l'élevage intensif. Les initiatives citoyennes se multiplient désormais en la matière : une récente pétition lancée par L214 contre les « fermes-usines » a déjà recueilli plus de 80 000 signatures. Le 12 septembre 2019, l'initiative citoyenne européenne visant à interdire l'élevage en cage dépassait le million de signatures, exigé par le processus défini par les instances européennes.

Les lobbies de l'élevage intensif continuent, quant à eux, à résister face à cette vague citoyenne.

L'urgence éthique, climatique, environnementale, sanitaire et sociale impose d'engager notre pays dans une transition agricole et alimentaire. Nous devons nous orienter rapidement vers un élevage de proximité plus durable, sain, respectueux de l'environnement, des consommateurs ainsi que des animaux. Toutes les pratiques d'abattage devraient elles aussi répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de bien-être animal.

La présente proposition de loi a ainsi pour objet la mise en place d'un élevage éthique, socialement juste et soucieux du bien-être animal .

L' article 1 er de la proposition de loi demande la généralisation de l'étourdissement dans les abattoirs et ce, avant la mise à mort de l'animal, afin de lui éviter toute souffrance inutile. L'étourdissement se ferait ainsi avant la saignée dans le cadre de l'abattage « classique ». Dans le cas de l'abattage relevant de régimes dérogatoires, l'étourdissement serait préalable dès lors qu'une méthode réversible existe, à défaut, un étourdissement immédiatement après la saignée devra être réalisé.

Il est également proposé dans ce premier article l'interdiction de la mise à mort industrielle d'un animal qui en est à plus des deux tiers de sa période de gestation.

L' article 2 propose la mise en place d'un conseil interne du bien-être animal auprès de chaque établissement d'abattage, dans lequel est mis à mort annuellement un nombre d'animaux supérieur à un seuil fixé par décret. Ce conseil réunira des acteurs impliqués, notamment des éleveurs, un vétérinaire, des représentants d'associations de protection animale et de consommateurs, sous le pilotage du responsable protection animale de l'établissement.

L' article 3 prévoit la mise en place d'un étiquetage « animal abattu au titre d'un régime dérogatoire » sur la viande réformée ou disqualifiée. Il s'agit de la viande issue de parties non consacrées (notamment les quartiers arrière d'animaux abattus puisque le rite casher ne consacre que l'avant), ou de la viande réformée après inspection (par exemple quand les poumons s'avèrent perforés, la viande n'est finalement pas consacrée et labellisée). Cette viande est réintroduite pour des raisons économiques dans la filière conventionnelle et mise sur le marché. Elle devrait donc être traçable (via un étiquetage) pour que les consommateurs soient informés et libres de choisir une viande issue ou non d'un abattoir où l'étourdissement est la règle.

L' article 4 propose de réduire de quatre à deux ans l'expérimentation sur les abattoirs mobiles prévue à l'article 73 de la loi EGALIM. Le transport vers l'abattoir est souvent source de stress pour l'animal et de contraintes pour son éleveur. Ce dispositif a fait ses preuves à l'étranger, en Allemagne et en Hongrie notamment et nécessiterait une généralisation rapide.

L' article 5 prévoit le respect de l'annexe I du règlement européen (CE) n° 1/2005 du 22 décembre 2004, qui met en place un certain nombre de normes à respecter en matière de transport d'animaux à visée industrielle.

L' article 6 instaure la limitation de la durée de transport. Il prévoit également l'interdiction du transport des femelles gestantes au-delà des deux tiers de la période de gestation.

L' article 7 interdit plusieurs pratiques cruelles sur les porcs en élevage, actuellement courantes dans nos abattoirs : la caudectomie, la castration à vif et l'étourdissement au dioxyde de carbone.

Les articles 8 et 9 instaurent diverses dispositions venant améliorer le traitement accordé aux volailles dans les abattoirs, en interdisant notamment le broyage des poussins et des canetons, ainsi que l'étourdissement des volailles par électronarcose.

L' article 10 prévoit la fin de l'élevage en cage des lapins. Les cages grillagées sont en effet une source avérée de stress, d'inconfort permanent, de blessures et d'obstacles à l'expression du comportement naturel de ces animaux.

L' article 11 prévoit l'interdiction de toute nouvelle extension et de toute construction nouvelle ou réaménagée d'élevage n'offrant pas d'accès au plein air aux animaux, ainsi que la fermeture de telles structures déjà existantes.

L' article 12 propose un moratoire sur l'élevage intensif avec interdiction définitive au 31 décembre 2025.

Enfin, les articles 13 et 14 comportent des dispositions diverses de mise en application de la présente proposition de loi.

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