EXPOSÉ DES MOTIFS

Madame, Monsieur,

Depuis le début du quinquennat du Président Macron, les aides au logement tout comme l'ensemble des politiques publiques du logement ont été largement malmenées par une diminution des sommes consacrées dans les lois de finances successives : extinction progressive des aides à la pierre financées par l'État, disparition de l'aide aux maires bâtisseurs, mise à mal du modèle social des bailleurs HLM notamment par l'instauration de la « réduction de loyer de solidarité » (RLS), baisse des APL en 2017 puis absence de revalorisation en 2018 et enfin revalorisation en deçà de l'inflation pour 2019 et 2020.

Accompagnant ces choix budgétaires, la loi « ELAN » adoptée à l'été 2018 a poursuivi la déréglementation/privatisation du secteur du logement, n'hésitant pas à engager la financiarisation du secteur HLM, la vente du parc et à accroître la précarité locative à l'image de la création d'un « bail mobilité ».

Alors que la question du logement est aujourd'hui fondatrice et structurante, le Gouvernement fait un choix cynique, celui de considérer le logement uniquement comme un produit marchand source de spéculation, de placements et de stratégies financières d'investissement par le biais notamment des différentes niches fiscales.

Pourtant, l'habitat est une question politique majeure. De la qualité du logement, de sa taille, de sa configuration dans son environnement, de sa proximité avec les services publics dépendra pour beaucoup de la qualité de vie de ses occupants, de leur capacité à vivre en société.

Le droit au logement est d'ailleurs consubstantiel à la notion de dignité humaine et reconnu comme un droit à valeur constitutionnelle garanti par les textes fondamentaux de la République et reconnu comme tel par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

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Nos concitoyens sont doublement pénalisés par ces choix politiques :

Premièrement, le rabot des aides directes à la solvabilisation des ménages qui bénéficient pourtant à 6,5 millions de personnes induit une perte de ressources évidentes dans leur capacité à s'acquitter d'un loyer toujours plus élevé.

Deuxièmement, l'assèchement des ressources des collectivités (du fait de la politique de baisse des dotations et de la suppression de la taxe d'habitation) et des organismes HLM (par la mise en oeuvre du mécanisme de la RLS qui va peser pour l'année 2020 près d'1,3 milliard d'euros soit en cumulé près de 3 milliards depuis 2018) conduit à réduire la capacité de ces acteurs à produire du logement abordable.

La conjonction de ces deux prismes qui caractérisent le désengagement financier de l'État à la fois des aides à la personne et des aides à la pierre organise le rejet dans le parc privé des personnes qui relèveraient pourtant des plafonds du logement social et conduit ces ménages à des efforts financiers intolérables par rapport à leurs ressources.

Si ce désengagement est contestable d'un point de vue social et économique, il est également contre-performant du seul point de vue des dépenses publiques puisque plus les loyers sont élevés et plus les aides au logement sont importantes. L'importance de la régulation des loyers, voire la baisse des loyers du parc privé, devrait donc constituer un objectif prioritaire pour les pouvoirs publics. Il n'en est rien puisque l'encadrement des loyers, dispositif créé par la loi « ALUR », a été réduit à une simple expérimentation.

Les chiffres de la construction sociale sont également particulièrement alarmants puisque seulement 109 000 logements sociaux ont été produits en 2018.

Cette situation conduit, selon les dernières études, à un alourdissement du poids du logement dans le budget des ménages qui atteint la moitié de leurs ressources pour 15 % d'entre eux et un tiers ou plus pour 58 % (source institut Elabe).

La finalité de ce processus, c'est bien la multiplication des expulsions locatives qui explosent chaque année et constitue l'antithèse du droit au logement, une pratique barbare que nous proposons chaque année d'abolir.

Alors que le mal-logement continue de progresser dans notre pays, la fondation Abbé Pierre dénombrant encore cette année 4 millions de personnes mal logées en France et 15 millions de personnes fragilisées par rapport au logement, ces politiques tournent directement le dos à l'exigence de solidarité nationale envers les populations les plus fragiles.

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Particulièrement sur le sujet des aides personnelles au logement qui est l'objet de cette proposition de loi, le Président de la République a donné le ton dès les premiers mois de son mandat présidentiel, faisant le choix de la provocation sociale.

En effet, c'est au coeur de l'été qu'a été décidé le coup de rabot de 5 euros sur les aides personnelles au logement.

Cette mesure est apparue particulièrement injuste, puisqu'au même moment était supprimé l'impôt sur la fortune. D'un côté, quelque 32 millions d'euros économisés sur les Français les plus pauvres et, de l'autre, 3,2 milliards redonnés à ceux qui possèdent déjà tout.

L'émoi suscité par cette mesure a conduit à la création du collectif « vive l'APL » porté par 70 organisations de défense des locataires et mal-logés, d'étudiants, de syndicats et de bailleurs sociaux. Ce collectif a demandé le retrait de cette mesure, sans succès.

Depuis, s'est également créé le collectif des associations unies qui regroupe 36 associations oeuvrant dans le secteur social qui demande notamment de « renoncer à toutes les économies » réalisées depuis 2017 sur les aides personnelles au logement.

Pour autant, le Président de la République semble encore aujourd'hui justifier la réduction de cette aide fondamentale pour nombre de familles n'hésitant pas à verser dans le mépris, que ce soit en parlant « des gens qui pensent que (...) le summum de la lutte, c'est les 50 euros d'APL » ou alors « du pognon de dingue des aides sociales ».

Depuis, d'autres mesures ont été portées par ce Gouvernement contre cet outil de solvabilisation des ménages et de lutte contre le mal-logement. Un outil, initialement pensé comme une alternative aux aides à la pierre, dans une logique, déjà, de libéralisation du marché de l'immobilier.

Quoi qu'il en soit, depuis maintenant plus de quarante ans, les aides personnelles au logement ont fait la démonstration de leur utilité et de leur capacité à jouer les amortisseurs de crise. Il s'agit en effet de l'un des principaux instruments anti-pauvreté.

Plus que tout autre Gouvernement, celui emmené par le Président Macron, n'a eu de cesse d'attaquer ce dispositif.

Ces objectifs politiques ont concrètement conduit à des économies budgétaires importantes, traduction directe du désengagement de l'État, de l'ordre de 7 milliards sur les aides au logement depuis le début de la mandature.

Les aides personnalisées au logement ont ainsi subi un gel en 2018, puis une sous-indexation en 2019 par rapport à l'inflation. Parallèlement, les APL Accession ont été supprimées. Dans le cadre de la loi de finances pour 2020, le niveau de revalorisation des APL a également été limité à 0,3 % en deçà donc de l'inflation et de l'indice de référence des loyers.

Par ailleurs, et selon la réforme engagée par la loi de finances pour 2019 et celle de financement de la sécurité sociale, les aides personnelles au logement doivent faire l'objet d'une réforme de leur mode de calcul liée à la contemporanéité de la prise en compte des ressources.

Déjà reportée de juillet 2019 au 1 er janvier 2020, cette réforme ne devrait finalement intervenir qu'au 1 er avril 2020.

Selon les chiffres dont nous disposons, cette réforme de contemporanéité des APL pourrait entraîner une baisse de leur montant pour 1,2 million d'allocataires, notamment chez les jeunes actifs, sur un total de 6,5 millions de bénéficiaires. 600 000 allocataires verraient leur prestation purement et simplement supprimée.

Aurélien TACHÉ, président du Conseil national de l'habitat mais également député LREM, a déclaré le 26 décembre avoir demandé au Gouvernement « une étude d'impact pour avoir une vue complète des effets concrets de la réforme des APL ». Il jugeait alors le report de cette mesure justifiée. Aujourd'hui, cette étude d'impact n'existe toujours pas.

Nous demandons pour notre part le rejet de cette réforme aux conséquences particulièrement néfastes pour les étudiants qui se verraient ainsi pénalisés à la sortie de leurs études.

En toile de fond de toutes ces évolutions législatives et réglementaires se situe la perspective de la fusion de toutes les prestations sociales dans le cadre d'un revenu universel d'activité (RUA).

En effet, lors de la présentation du plan pauvreté le 13 septembre 2018, le Président de la République a évoqué la possibilité d'un versement social unique : « En fusionnant le plus grand nombre des prestations sociales, du RSA aux APL, nous pourrons enfin garantir un socle minimal de dignité à tous ceux qui doivent en bénéficier, en apportant, enfin, une réponse à la hauteur du non recours aux droits ». Or, les bénéficiaires des APL ne sont pas tous bénéficiaires des minimums sociaux et il ne semble pas adapté de vouloir fusionner cette aide spécifique avec les minimas sociaux.

Selon le Président de l'Union sociale pour l'habitat, « les aides au logement ne sont pas un revenu mais une aide fléchée liée à un droit », ce qui justifie qu'elle n'intègre pas ce revenu universel d'activité. Nous partageons ce diagnostic.

En écho à la forte mobilisation sociale contre ces réductions d'APL et la logique portée par ce Gouvernement de réduction de l'action publique en faveur de ceux qui en ont besoin, cette proposition de loi permet de changer le curseur et de remettre au coeur de la définition des aides au logement les intérêts des allocataires.

D'autres mesures du domaine réglementaire doivent être engagées par le Gouvernement, notamment concernant la réforme de la contemporanéité dont le décret d'application a été pris le 31 décembre dernier et dont nous demandons le retrait.

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L'article 1 er de cette proposition de loi supprime le délai de carence d'un mois pour le versement des aides personnelles au logement. L'instauration de ce délai est largement préjudiciable aux ménages.

L'article 2 permet de revenir sur l'application d'un seuil de non-versement, aujourd'hui fixé à 10 euros.

Il semble nécessaire de supprimer une telle mesure qui est source d'incompréhension et de colère pour les ménages modestes tout comme des étudiants qui bénéficient théoriquement d'une aide mais qui ne leur est pas versée car jugée trop faible par rapport au coût de gestion.

Or, l'automatisation des traitements ne justifie plus cet argument aujourd'hui. Certes, cette mesure représente un coût supplémentaire mais les effets sont importants pour les familles les plus modestes.

L'article 3 s'inscrit dans le cadre du droit existant qui prévoit le maintien des APL en cas d'impayés lorsque le locataire est de bonne foi, en créant une présomption de bonne foi lorsque la baisse des ressources est liée à la crise sanitaire. Il s'agit, alors que notre pays subit une grave pandémie, de tenir compte des difficultés actuelles des locataires.

L'article 4 permet de revenir sur la désindexation des APL opérée par l'article 200 du projet de loi de finances pour 2020. En effet, cet article met en oeuvre la désindexation des prestations sociales servies par l'État. Comme en 2019, celles-ci ne seront revalorisées que de 0,3 % en 2020 quand l'inflation est estimée à 1 % voire 1,2 %, une économie estimée à 200 millions d'euros.

L'article 5 constitue le gage financier.

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