EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire que nous traversons, conjuguée à celle économique dont nous ne faisons pour l'instant qu'entrevoir l'ampleur, est d'une particulière gravité à l'égard des jeunes de 16 à 25 ans. Stages arrêtés, signatures des contrats repoussées, petits jobs d'été annulés, les conséquences économiques de l'arrêt brutal d'activité pendant le confinement, et les difficultés que rencontrent beaucoup d'acteurs à retrouver un rythme de travail optimal sont autant d'obstacles qui compliquent les recherches professionnelles pour ces jeunes en demande d'expérience.

Fin 2019, le taux de chômage des moins de 25 ans était de 19,4 %. Selon la DARES (Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques du Ministère du Travail), ce taux pourrait bondir à 26 % à la fin de l'année 2020. Mais ce chiffre pourrait être plus élevé en tenant compte des 700 000 étudiants qui, terminant leur parcours d'études, chercheront à la rentrée à s'insérer sur le marché de l'emploi. Le Président de la République, dans son intervention du 14 juillet 2020, l'a clairement indiqué : l'emploi des jeunes doit être le principal axe du plan de relance !

Conscient de cette réalité, le Gouvernement a mis en place des mesures visant à limiter l'impact dévastateur de cette crise : exonération de charges sociales jusqu'à 1,6 SMIC pour l'embauche de jeunes diplômés, création de 300 000 contrats d'insertion, aide exceptionnelle à l'apprentissage, création de 100 000 places de service civique, incitation pour les entreprises à recourir à des contrats d'alternance et de professionnalisation en réduisant pour un an le coût du travail en charges. Pourtant, malgré ces bonnes propositions, le Gouvernement n'a apporté aucune proposition aux nombreux jeunes qui travaillent en tant qu'indépendants, généralement en parallèle de leurs études.

On oublie en effet trop souvent en France que nos 2,6 millions d'étudiants ont un besoin vital de travailler au moins quelques heures par semaine à côté de leurs études. 16 % d'entre eux renonceraient à leurs études faute de ressources financières selon le dernier rapport de l'Observatoire de la vie étudiante ! L'impossibilité des jeunes à accéder à des expériences professionnelles et à des sources de revenus pendant la période critique de leurs études et de leurs premiers mois de vie professionnelle doit nous alarmer. Nous avons ainsi besoin de mobiliser tous les moyens susceptibles de les aider à travailler.

En 2009, Hervé NOVELLI, alors secrétaire d'État aux PME, créait l'auto-entreprise. Une forme simplifiée d'entreprise individuelle dont les deux principales caractéristiques étaient d'aligner proportionnellement les cotisations sociales sur le chiffre d'affaires (de telle sorte que si l'entreprise ne faisait aucun chiffre d'affaires, aucune cotisation sociale n'était due), et de permettre de cumuler ce statut avec une autre situation (salariat, étudiant, demandeur d'emploi etc.). En 11 ans, ce régime a largement convaincu les créateurs d'entreprises. En 2019, 815 257 entreprises ont été créées, parmi lesquelles 386 326 auto-entreprises, soit 47,4 % de toutes les créations. Ce régime est utilisé aujourd'hui par plus d'1,3 million d'entrepreneurs.

De nombreux jeunes étudiants utilisent ce statut car il leur permet de travailler ponctuellement, « à la mission », avec un rythme de travail flexible et compatible avec leurs études. Ce modèle vertueux permet également aux étudiants de commencer à cotiser pour leur retraite à concurrence de leurs revenus, comme tous les autres travailleurs ou salariés.

Néanmoins, la création d'un statut de micro-entrepreneur, même si elle est largement simplifiée, continue de constituer un obstacle pour de nombreux jeunes et la démarche ainsi que le fardeau administratif associé apparaissent disproportionnés pour l'utilisation du régime par des jeunes de 16 à 25 ans. De plus, comme l'ont révélé des travaux récents du Haut Conseil au Financement de la Protection sociale, les taux de prélèvements sociaux sur la micro-entreprise (auto-entreprise) sont particulièrement élevés pour les indépendants en bas de l'échelle des rémunérations, plus élevés que ceux applicables jusqu'à 1,2 SMIC (charges patronales incluses). Les jeunes sont d'autant plus victimes de ces taux de prélèvements qu'ils bénéficient déjà par ailleurs d'une couverture santé, généralement en tant qu'ayant droits de leurs parents.

Cette proposition de loi vise ainsi à créer, à titre expérimental pendant 3 années, un statut de « junior-entrepreneur » pour permettre à tous jeunes désireux de travailler de pouvoir le faire simplement, avec de la flexibilité, de manière à pouvoir accorder études et petits boulots. Ce statut serait attribué de manière automatique à tous les jeunes dès l'âge de 16 ans via une immatriculation unique. Cette nouvelle forme d'entreprise individuelle s'inspire donc, en le simplifiant, du modèle d'auto-entreprise déjà existant. Enfin, ce statut bénéficierait d'un régime social adapté, via des cotisations sociales réduites.

En résumé, notre proposition vise à :

- attribuer un numéro d'identification à tous les jeunes dès l'âge de 16 ans et jusqu'à l'âge de 25 ans, les immatriculant d'office comme « junior-entrepreneurs » et leur permettant de travailler (Alinéa 1) ;

- fixer un plafond de chiffre d'affaires plus bas que celui de l'autoentreprise, pour marquer la différence entre les étudiants qui utilisent ce statut en parallèle de leurs études, et les autoentrepreneurs qui en font parfois leur métier (Alinéa 1) ;

- définir un taux global de cotisations et contributions de sécurité sociale fixe, à 5 % pendant toute la durée d'immatriculation, afin de rendre ce dispositif encore plus incitatif et de ne pas faire peser sur ces jeunes une pression fiscale trop lourde (Alinéa 2) ;

- maintenir l'obligation existante d'autorisation préalable des parents ou responsables légaux pour utiliser ce dispositif entre 16 et 18 ans (Alinéa 3) ;

- assurer une parfaite information des « junior-entrepreneurs », en amont de leur immatriculation à 16 ans et six mois avant leur radiation au vingt-cinquième anniversaire (Alinéa 4) ;

- demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur cette expérimentation six mois avant son terme, soit 30 mois après la promulgation de la présente loi (Alinéa 5).

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