EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Avant la crise sanitaire, l'article L. 642-3 du code du commerce était clair : dans le cadre d'une liquidation judiciaire, ni le débiteur, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure, ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre de reprise partielle ou totale de l'entreprise placée en liquidation judiciaire.

Mais ça, c'était avant. Avant que le Gouvernement ne décide de déroger à ce principe (qui connaissait au demeurant déjà un assouplissement permis par la requête du ministère public quand l'intérêt général le commandait), au prétexte du maintien de l'emploi. L'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, prise sur le fondement du d du 1° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, prévoit ainsi qu'une offre de reprise partielle ou totale de l'entreprise en liquidation judiciaire puisse, jusqu'au 31 décembre 2020, être formée par « le débiteur ou l'administrateur judiciaire ».

Et les exemples n'ont pas tardé à venir illustrer la dérive provoquée par cette possibilité offerte aux entreprises. Alinéa, Camaieu, Orchestra Prémaman, Phildar, Inteva Products... En quelques semaines, certains dirigeants d'entreprise ont déjà profité de cet effet d'aubaine pour effacer une partie de leurs dettes, faciliter les licenciements des salariés, faire prendre en charge des salaires par l'Unedic puis récupérer leur entreprise ainsi allégée alors qu'elle était déjà en difficulté avant la pandémie.

Ainsi pour les salariés de l'usine Inteva Products de Saint-Dié-des-Vosges (88100), l'incrédulité se mêle à la colère face aux dirigeants de l'entreprise qui profitent de la situation pour se séparer d'une partie d'entre eux. Comment comprendre qu'une entreprise soit autorisée à reprendre sa propre faillite en effaçant ses dettes et en abandonnant à leur sort 241 de ses employés ?

De tels comportements illustrent une réalité : à force d'assouplir les règles de droit commun pour faciliter les reprises et éviter les faillites, on remet en cause des dispositifs pourtant prévus pour protéger les salariés et les créanciers, et on ouvre ainsi la voie aux dérives et aux fraudes. Le contexte sanitaire et a fortiori social nous impose de trouver un équilibre. Le compte ici n'y est pas. Cette proposition de loi entend mettre un terme à cette dérive qui provoque de nombreux scandales sociaux en revenant au droit commun.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

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