EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les Français ont consacré en moyenne 3 heures 30 chaque jour à regarder des services de télévision en 2019, tous écrans et tous lieux confondus. Cette durée d'écoute TV quotidienne se monte même à 5 heures 12 pour les individus de plus de 50 ans selon Médiamétrie 1 ( * ) . Si nos concitoyens consomment bien sûr chaque année de plus en plus de programmes « non linéaires 2 ( * ) » au moment où ils le souhaitent et sur l'écran de leur choix, la consommation traditionnelle des chaînes de télévision (dite « linéaire ») demeure leur mode d'accès privilégié aux programmes audiovisuels et cinématographiques. Elle a en outre connu une très nette augmentation en 2020 dans les circonstances exceptionnelles que notre pays a traversées.

La réception par une antenne râteau d'un signal de télévision émis par voie hertzienne terrestre a longtemps constitué l'unique possibilité pour recevoir la télévision. Ce mode de diffusion a connu une profonde mutation au cours de cette dernière décennie, en basculant de l'analogique au numérique en novembre 2011, puis en voyant en avril 2016 son offre de chaînes migrer au format haute définition, ce qui a significativement amélioré la qualité perçue.

Initiée dans les années 1980 par le déploiement des réseaux câblés, puis dans les années 1990 par le lancement de satellites de télédiffusion, la diversification des modes de distribution des services de télévision s'est intensifiée ces dernières années grâce au développement conjugué des réseaux d'accès à haut débit (ADSL) et très haut débit (fibre optique), avec l'essor des écrans connectés (tablettes, smartphones, ordinateurs portables et téléviseurs).

Cette variété d'écrans et de modes d'accès offerte à tout un chacun stimule la consommation de contenus audiovisuels, sans pour autant remettre véritablement en cause le rôle particulier que joue encore la TNT en France. Celle-ci demeure essentielle à court et moyen terme en raison de ses spécificités (voir ci-après) et reste plébiscitée aussi bien par les éditeurs de télévision que par une frange importante de téléspectateurs.

Le taux de réception TNT des foyers a été en diminution ces dernières années en raison de la progression de la télévision distribuée à partir des box des opérateurs (IPTV) fournies dans le cadre d'un abonnement d'accès à haut et très haut débit à Internet. Toutefois, cette diminution marque le pas depuis deux ans et le nombre de foyers usagers de la TNT est désormais stable.

Selon l'observatoire de l'équipement audiovisuel, la TNT constitue l'unique mode de réception de la télévision pour 22 % des foyers au premier semestre 2020 et reste utilisée par près d'un foyer sur deux (soit 48,9 % des foyers TV au premier semestre 2019 et 53,5 % des foyers TV en considérant le « service antenne », reprise gratuite du signal TNT pour les immeubles câblés). En particulier, la TNT demeure le mode de réception largement privilégié sur les postes secondaires au sein des foyers, quel que soit le moyen de réception sur le poste principal.

La TNT possède en effet certaines caractéristiques qui font sa spécificité auprès des téléspectateurs et des éditeurs, et confirment son caractère indispensable comme moyen d'accès à la télévision à court et moyen termes :

- Une couverture large : la TNT couvre plus de 97 % de la population au niveau national, de façon relativement homogène sur tout le territoire, puisque la très large majorité des départements disposent d'une couverture TNT dépassant 90 % de leur population.

Le législateur a en outre souhaité compléter cette diffusion par voie hertzienne terrestre par la mise à disposition d'une offre de réception satellitaire sans abonnement disponible sur tout le territoire hexagonal, en particulier sur les zones rurales et montagneuses, qui reprend l'ensemble des chaines gratuites de la TNT ainsi que les déclinaisons régionales de France 3.

A l'inverse, le déploiement encore limité de la fibre optique empêche cette technologie de se présenter à court terme comme une alternative crédible à la TNT sur tout le territoire, et ce d'autant qu'elle est payante. Et les technologies sur support cuivre (xDSL, X Digital subscriber line ) ne permettent pas de garantir à tous les foyers les débits suffisants pour la télévision en haute définition (HD) et a fortiori ultra HD. Ainsi, selon l'observatoire des marchés des communications électroniques de l'ARCEP, la France, au 30 juin 2020, compte 12,6 millions d'accès internet à très haut débit (logements disposant d'un accès à un débit supérieur à 30 Mb/s, quelle que soit la technologie utilisée). Plus de 17 millions d'abonnés disposent encore d'un accès haut-débit inférieur à 30 Mb/s, parfois insuffisant pour la distribution de services de télévision dans de bonnes conditions.

De son côté, la TNT offre à plus de 97 % des Français une capacité diffusée d'environ 150 Mb/s dédiée aux services de télévision. Et cette capacité sera encore accrue par le lancement de la nouvelle norme de diffusion DVB-T2 ( Digital Video Broadcasting-Terrestrial , 2 e génération ou radiodiffusion de télévision numérique terrestre de deuxième génération).

- Une offre riche :

Les chaînes de la TNT sont autorisées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à partir de critères de pluralisme et de déontologie prévues par le législateur. Son offre est large et diverse. En outre, la TNT est directement distribuée par les éditeurs au travers de leurs sociétés d'« opérateurs de multiplex ». Elle ne nécessite donc pas une contractualisation préalable avec des distributeurs tiers, susceptible d'entraîner, en cas de désaccord commercial, des coupures de diffusion au détriment des téléspectateurs, comme ce fut le cas à plusieurs reprises ces derniers mois sur l'IPTV.

En outre, la diffusion TNT est reconnue pour son excellente qualité technique, grâce à l'adoption de technologies de diffusion, de codage et de compression de plus en plus robustes, performantes et économes en ressources spectrales. En particulier, la qualité technique de la TNT est totalement indépendante de la consommation et ne souffre d'aucun risque de congestion.

- Sa gratuité : aucun abonnement n'est nécessaire pour la réception de chaines de télévision gratuite par TNT ou son complément satellitaire.

- Sa simplicité : les téléviseurs sont dotés des moyens de réception de la TNT sans qu'il soit nécessaire d'y brancher un équipement supplémentaire (telle une box d'opérateur). Une seule télécommande suffit. La réception est assurée par une antenne râteau, largement répandue sur le territoire.

- Son anonymat : face aux enjeux croissants liés à la protection de la vie privée et des données personnelles, la TNT assure une réception anonyme et confidentielle, indépendante de tout accès à Internet.

- Son adaptabilité : la TNT offre une solution pour tous les téléviseurs du foyer ; elle est aujourd'hui le mode de réception privilégié pour les téléviseurs secondaires (en moyenne, les foyers TV possèdent 1,5 téléviseurs). En effet, contrairement aux autres modes de réception de télévision, le raccordement à la TNT de plusieurs postes ne nécessite ni adjonction de matériels, ni option supplémentaire payante au sein d'un abonnement.

- Son rôle dans l'écosystème culturel : la TNT demeure essentielle à la création puisqu'elle contribue de manière centrale au financement de la production cinématographique et audiovisuelle et à son exposition. Ainsi, selon le CSA, les investissements publicitaires sur les chaînes gratuites représentaient 92 % du total des investissements publicitaires en télévision en 2019 3 ( * ) . En l'absence d'intermédiaire pour la distribution de leurs services, les éditeurs de chaînes de télévision conservent l'intégralité de recettes publicitaires, dont ils réinjectent une partie dans la production.

La TNT s'appuie enfin sur une ressource spectrale qui, bien qu'en diminution ces dernières années, est sanctuarisée jusqu'à fin 2030 au moins, au niveau national 4 ( * ) comme au niveau européen 5 ( * ) . En France, l'article 2 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre prévoit un rapport relatif aux perspectives de diffusion et de distribution des services de télévision en France avant fin 2025.

Compte tenu de ces éléments, il est crucial d'accompagner la modernisation de la TNT dans la mesure où celle-ci répond à une demande forte du secteur et une attente des Français.

Cette modernisation se traduira en premier lieu par le lancement de services TNT en ultra-HD, qui est l'équivalent pour la télévision du format d'image dit « 4k » utilisé depuis plusieurs années pour la captation et la projection de contenus cinématographiques dans les salles de cinéma numérisées. L'appellation « 4k » fait référence à la résolution horizontale de l'image (3840 colonnes pour 2160 lignes, soit 3840x2160 pixels), correspondant à 4 fois la résolution de la haute définition. L'ultra-HD pourra à terme aussi faire référence au format dit « 8k » d'une résolution encore plus élevée.

Outre la résolution d'image, l'ultra-HD promet également un meilleur rendu des mouvements, grâce à une augmentation de la fréquence des images, un affichage plus fidèle des couleurs grâce à une palette colorimétrique étendue, une dynamique lumineuse accrue de l'image et un son plus réaliste.

Les premiers téléviseurs « 4k » sont arrivés sur le marché en 2012. Les écrans « 4k » sont en passe de devenir la norme, et la très grande majorité des téléviseurs actuellement vendus dont la diagonale d'écran dépasse 43 pouces (soit 109 cm) sont aujourd'hui à ce format.

Compte tenu du rôle majeur de la TNT en matière de financement de la création audiovisuelle et de l'attachement des Français à ce mode de réception, il est essentiel d'accompagner son évolution, qui bénéficiera de fait également indirectement aux autres plateformes de distribution 6 ( * ) .

En s'appuyant sur les propositions faites par le CSA à la suite d'une consultation publique, il est donc proposé de légiférer afin que le régulateur dispose de nouveaux outils permettant de réaliser une transition qui concilie l'intérêt de l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel et réponde aux attentes des téléspectateurs afin d'améliorer la qualité de la diffusion hertzienne terrestre.

Pour ce faire, sont prévues dans la loi de nouvelles obligations en matière de compatibilité des récepteurs de télévision aux nouvelles normes prévues pour la TNT afin que nos concitoyens s'équipent, lors du renouvellement naturel de leur équipement et non de manière contrainte, de téléviseurs compatibles sur le long terme avec la TNT.

Il s'agit également de doter le CSA de nouveaux outils de régulation facilitant la montée en qualité des chaînes de télévision déjà autorisées, au bénéfice des téléspectateurs.

En particulier, il s'agit de faciliter l'introduction sur la TNT de programmes en ultra-HD tout en poursuivant l'objectif d'utiliser le spectre de la manière la plus efficace possible. La garantie de disponibilité des fréquences pour la TNT jusqu'à 2030 au moins permet d'envisager la mise en oeuvre de mesures progressives améliorant l'attractivité de la plateforme, c'est-à-dire l'amélioration de l'image et du son (avec la diffusion de programmes ultra-HD). Il s'agit également de permettre au CSA, dans les appels aux candidatures pour l'exploitation de services en TNT, de prendre en compte les investissements des opérateurs au regard des perspectives de disponibilité des fréquences.

Sur le plan technique, l'introduction de la diffusion en ultra-HD, plus consommatrice en débit que la haute définition, nécessite l'adoption de nouvelles normes : DVB-T2 (pour la diffusion hertzienne terrestre) et HEVC (pour le codage vidéo), plus efficaces que les normes actuellement utilisées (DVB-T et MPEG-4). Ces nouvelles normes permettront en effet, à capacité spectrale constante, un accroissement de qualité des services, dès lors que les foyers seront équipés de terminaux de réception compatibles.

Par ailleurs, indépendamment de ces mesures d'amélioration de la qualité de l'image et du son, le CSA a précisé dans son programme de travail 7 ( * ) qu'il souhaitait également favoriser le développement de services interactifs et personnalisés en complément des programmes linéaires.

Il est ainsi prévu d'organiser un basculement progressif aux nouvelles normes permettant la diffusion de quelques services en ultra-HD, tout en maintenant dans un premier temps la diffusion des chaînes selon les normes actuelles, de façon à opérer une migration douce pour les téléspectateurs.

Les étapes envisagées par le CSA sont les suivantes :

- à l'horizon 2021-2022, le lancement sur une grande partie du territoire d'un multiplex de la TNT émis selon les nouvelles technologies et portant des chaines en ultra-HD ou équivalent, qui pourront être reçues par les téléspectateurs TNT déjà équipés en téléviseurs compatibles, tout en restant également disponibles en HD pour l'ensemble des foyers ;

- avant les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, une réorganisation des multiplex de la TNT permettant de diffuser sur l'ensemble du territoire un multiplex qui sera réservé à des chaînes ultra-HD ;

- en parallèle, l'entrée en vigueur d'obligations progressives de compatibilité aux nouvelles normes des téléviseurs afin d'assurer que les foyers faisant l'acquisition d'un nouvel équipement pourront continuer à recevoir l'ensemble des services diffusés en HD comme en ultra-HD.

Ce scénario permet de lancer l'ultra-HD sur la TNT sur l'ensemble du territoire hexagonal dans la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, tout en garantissant à tous les Français la continuité de réception de l'ensemble des services, et leur donnant le temps pour s'équiper en récepteurs compatibles, de manière à bénéficier des progrès technologiques.

Ce n'est qu'après 2025, lorsque l'avenir de la plateforme et de la bande UHF (bande de fréquences Ultra hautes fréquences) aura été précisé, que la bascule vers les nouvelles normes pourra être envisagée sur la totalité des multiplexes de la TNT, dans de bien meilleures conditions compte tenu de la modernisation du parc de récepteurs intervenue entre-temps grâce au lancement des services ultra-HD et aux obligations de compatibilités des récepteurs aux nouvelles normes.

Les dispositions législatives proposées facilitent la mise en oeuvre par le CSA d'un tel scénario :

L'article 1 permet au CSA d'autoriser, à titre expérimental, l'usage de fréquences pour la diffusion de programmes dans des formats d'images améliorés, pendant une durée maximale de cinq ans, reconductible au maximum une fois pour deux ans.

Le droit de priorité dont bénéficient les éditeurs de services déjà autorisés pour l'octroi des autorisations en haute définition est étendu par l'article 2 à l'octroi des autorisations en ultra-haute définition. Ce même article permet au CSA de prendre en compte les investissements des candidats à l'exploitation des ressources de TNT au regard des perspectives de disponibilité des fréquences.

Les obligations de reprise des chaînes publiques, auxquelles sont soumis les distributeurs de services, sont également étendues à la diffusion de ces chaînes en ultra-haute définition (article 3).

Enfin, l'article 4 instaure une obligation progressive de compatibilité des matériels de réception (téléviseurs et adaptateurs) aux normes de l'ultra-haute définition et de l'interactivité.


* 1 Source: Médiamat annuel 2019, Médiamétrie

* 2 C'est-à-dire les programmes de rattrapage ou de vidéos à la demande.

* 3 En brut. Guide des chaînes numériques , 18 ème édition, avril 2020.

* 4 Article 2 de loi du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre.

* 5 Article 4 de la décision du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 sur l'utilisation de la bande de fréquences 470-790 MHz dans l'Union.

* 6 Les nouveaux formats adoptés par les chaînes TNT pourront être mis à disposition des autres plateformes dans le cadre des accords commerciaux entre éditeurs et distributeurs et, pour le service public, des dispositions prévues par la loi en matière de must-carry .

* 7 Moderniser la plateforme TNT - Programme de travail , CSA, avril 2018.

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