EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis un siècle et demi, les relations de Mayotte avec la République sont marquées par un attachement réciproque fort et même indéfectible. De sa consécration expresse au sein de la Constitution, en 2003, à sa départementalisation, approuvée par référendum en 2009 par plus de 95 % des votants, l'histoire récente n'a fait que confirmer, à plusieurs reprises, cette volonté d'un destin partagé.

Parce que les Mahorais se sentent et sont effectivement partie intégrante du peuple français, la République les reconnaît en tant que tels « dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité » (article 72-3 de la Constitution). C'est au nom de cet idéal qu'il lui appartient de faire écho à leurs légitimes appels à la Nation, et notamment à sa représentation, pour les aider à relever les difficultés particulières, encore si nombreuses et si aigues, que rencontre le Département de Mayotte du fait de son insularité, de sa situation géographique, de sa démographie, de ses graves problèmes économiques et sociaux, de la saturation de ses services publics et de bien d'autres handicaps, au demeurant souvent liés entre eux.

Le fait est que les pouvoirs publics s'attachent effectivement à y répondre, comme en témoigne la récente adaptation du droit de la nationalité applicable aux enfants nés à Mayotte de parents étrangers, décidée dans le cadre de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

Mais les défis sont tels que le législateur se doit de poursuivre ses efforts et même, dans toute la mesure du possible, de les intensifier.

La présente proposition de loi, complétée par une proposition de loi organique déposée simultanément, participe de cet impératif catégorique. Elle donne suite au fruit des réflexions approfondies des responsables locaux sur l'avenir institutionnel de la collectivité. À n'en pas douter, son adoption ferait faire à l'île et à ses habitants le plus grand pas depuis la départementalisation.

Il s'agit d' ériger Mayotte en Département-Région afin de répondre, à la « situation paradoxale », pointée du doigt par les acteurs locaux, d'« une collectivité unique qui exerce en droit les compétences à la fois d'un département et d'une région d'outre-mer, mais qui ne reçoit pas toutes les dotations qu'elle devrait en tant que région ».

Le Département-Région succéderait au Département dans tous ses droits et obligations et, comme celui-ci, demeurerait naturellement une collectivité territoriale de la République régie par l'article 73 de la Constitution... mais une collectivité qui exercerait les compétences attribuées à un département d'outre-mer et à une région d'outre-mer ainsi que toutes les compétences qui lui seraient dévolues par la loi pour tenir compte de ses caractéristiques et contraintes particulières.

S'agissant de ses organes , en tant que collectivité territoriale, le Département-Région s'administrerait par un conseil élu de cinquante et un membres qu'il est proposé d'appeler « assemblée de Mayotte ». Celle-ci élirait l'exécutif de la collectivité, à savoir le président de l'assemblée de Mayotte, et une commission permanente (comprenant au maximum quinze membres dont, bien entendu, le président). Le titre II de la proposition qui vous est soumise prévoit l'élection des membres de l'assemblée au scrutin de liste à deux tours, Mayotte formant une circonscription électorale unique, composée de treize sections.

Cette assemblée serait, comme il en va dans d'autres collectivités d'outre-mer (et en s'inspirant largement des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux), assisté d'un « conseil économique, social, environnemental de la culture et de l'éducation ».

Pour tenir compte des spécificités de Mayotte, la collectivité serait dotée d'autres organes :

- Un « Haut conseil cadial », composé du grand cadi et des cadis, à qui serait reconnue une mission générale de médiation dans les affaires sociales de la vie mahoraise ;

- Un « centre territorial de promotion de la santé à Mayotte », chargé de veiller à ce que les réformes du système de santé et de soins s'orientent vers les besoins spécifiques du Département-Région et tiennent compte des caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte ;

- Un « centre territorial de promotion de la santé », associant professionnels de la santé, représentants de la sécurité sociale et de l'administration, représentants des organismes locaux en charge de la promotion de la santé et conseillers à l'assemblée de Mayotte ;

- Un « comité consultatif de proposition et de suivi des normes applicables à Mayotte », veillant à ce que soit prises en compte, aussi bien lors de l'adoption de nouvelles normes que par des modifications en tant que de besoin de normes existantes, les contraintes et caractéristiques particulières de Mayotte ;

- Un « conseil territorial de l'habitat » ;

- Un « congrès des élus de Mayotte », composé des députés et sénateurs élus à Mayotte, des conseillers à l'assemblée de Mayotte et des maires des communes de Mayotte, appelé à se prononcer, sur saisine de l'assemblée, sur les propositions d'évolution institutionnelle et sur les propositions portant sur les compétences du Département-Région de Mayotte, notamment relatives à des transferts de compétences en provenance de l'État.

S'agissant des compétences du Département-Région, leur catalogue correspondrait dans une large mesure à celui des collectivités comparables, régionales ou départementales.

Toutefois, compte tenu des caractéristiques et des contraintes particulières de Mayotte, l'État y exercerait les compétences en matière de routes nationales et de construction des collèges et lycées.

Par ailleurs, compte tenu de l'importance particulière que revêt le port de Longoni au regard des enjeux du développement économique et de l'aménagement du territoire de l'île, serait institué un établissement public de l'État, appelé « grand port maritime de Mayotte ». De même, serait institué un établissement public d'organisation et de gestion du transport des personnes et des marchandises entre la Grande Terre et la Petite Terre.

Une commission consultative d'évaluation des charges, placée sous la présidence d'un magistrat de la chambre territoriale des comptes de Mayotte et comprenant des représentants de l'État, le président du Département-Région, des membres de l'assemblée de Mayotte, ainsi qu'à titre consultatif des maires des communes de Mayotte, serait consultée sur l'évaluation des charges correspondant aux futures compétences transférées.

Quant aux finances du Département-Région, leur régime serait aussi largement calqué sur celui des collectivités comparables. Toutefois, toujours en raison des caractéristiques et des contraintes particulières de Mayotte, l'État verserait annuellement au Département-Région une dotation globale exceptionnelle dite « de rattrapage », dont le montant est fixé à 90 millions d'euros.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi, dont l'entrée en vigueur est prévue à compter de la première réunion de l'assemblée de Mayotte suivant sa première élection en mars 2021, concomitamment au renouvellement des conseils régionaux. Les modifications qu'elle prévoit supposant quelques coordinations dans des textes organiques, une proposition de loi organique est déposée simultanément afin d'y procéder.

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