EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le présent texte vise à permettre à la collectivité de Saint-Barthélemy de participer sous le contrôle de l'État à l'exercice de ses compétences en matière de sécurité sociale et de financement des établissements de santé en vue de garantir la continuité des soins et de la prise en charge des surcoûts liés à l'insularité et à l'éloignement.

Malgré sa petite taille, le centre hospitalier de Saint-Barthélemy (CH) a l'obligation de se conformer aux mêmes règles de fonctionnement que l'ensemble des établissements hospitaliers publics français. Or il ne peut, par son périmètre ou encore son positionnement géographique, disposer seul des ressources humaines extrêmement qualifiées qui lui permettraient de répondre à l'ensemble de ces exigences.

Il en résulte, entre autres, d'énormes difficultés à recruter et stabiliser son personnel, médical ou non, des dysfonctionnements et une situation financière dégradée du fait de surcoûts propre à sa situation géographique et à l'insuffisance des produits générés par son activité.

Pour y remédier il vous est proposé d'instaurer les conditions du financement des surcoûts de fonctionnement en ayant recours aux outils d'adaptation offerts par le statut de collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie.

Grâce aux investissements de la collectivité, ces dernières années, l'offre de soin en général s'est malgré tout considérablement améliorée. Ainsi, elle a construit un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) dont les murs sont mis gracieusement à disposition du CH de Saint-Barthélemy. La cuisine et la buanderie sont de même mutualisées pour les deux établissements. Par le biais de la Fondation pour l'équipement médical d'urgence (FEMUR), qui bénéficie de la garantie financière de la collectivité, la population a désormais accès, sur place, à un centre d'imagerie médicale, géré par le CH, le cabinet de radiologie et la collectivité, réunis au sein d'un Groupement de coopération sanitaire. Le centre est équipé d'un scanner, d'un mammographe et d'un électrocardiographe. A ces équipements s'ajoutent la création d'un centre médico-social et la mobilisation pour offrir de larges capacités de tests de dépistage de la Covid-19 pour couvrir les besoins.

Transformé en établissement public autonome, membre du Groupement Hospitalier Territorial des Iles du Nord (GHT), le Centre hospitalier Irénée de Bruyn, dispose d'un service d'urgence et accueille la population et les touristes pour les soins non urgents. Les patients dont l'état de santé le nécessite sont transférés par évacuation sanitaire (EVASAN) vers les plateaux techniques adaptés sous régulation du SAMU de Guadeloupe.

Conçu pour 10 000 habitants, l'hôpital Irénée de Bruyn accueille en réalité une population bien plus importante, du fait de l'augmentation de l'activité économique et de la présence d'un nombre croissant de saisonniers, soit plus de 15 000 personnes en saison.

Les EVASAN sont donc nombreuses, et se font souvent avec des moyens locaux - sociétés privées - dans des conditions techniques rendues compliquées par l'impossibilité d'atterrir de nuit à Saint-Barthélemy et le fait que la piste de l'aéroport de Grand-Case à Saint-Martin n'est pas éclairée de nuit.

Enfin, le SAMU géré par la Guadeloupe reste extrêmement réticent à envoyer l'hélicoptère DRAGON car la distance prive tout l'archipel de la Guadeloupe de ce vecteur pendant six à huit heures.

Si Saint-Barthélemy ne peut être considérée comme un désert médical, il n'en demeure pas moins que le territoire dépend des îles voisines de Saint-Martin, Guadeloupe ou Martinique pour la prise en charge des cas graves et que l'organisation des soins doit relever le défi de la réduction de cette dépendance qui passe par l'ajustement des besoins en effectifs et en services répondant aux contraintes de l'insularité.

L'examen de la situation hospitalière montre que Saint-Barthélemy pâtit d'un engagement financier insuffisant. Cinq ans après le passage de l'ouragan Irma, le bâtiment de l'hôpital est la seule infrastructure de l'île qui n'a pas été reconstruite. La collectivité, régulièrement sollicitée, a attribué chaque année une subvention d'équilibre d'un montant croissant à l'EHPAD géré par l'hôpital de Bruyn. Elle a ainsi versé 320 000 euros de subvention d'équilibre en 2018, 601 000 euros en 2019, sachant que contrairement à de nombreux établissements, l'amortissement du bâtiment n'est pas compris dans le calcul du forfait journalier. Le prix élevé des loyers combiné aux conditions de travail difficiles n'attirent plus les médecins hospitaliers. L'important « turn over » des médecins est évidemment préjudiciable à la continuité de l'activité, par surcroît, en l'absence de direction à demeure, et cet état de sous-effectif conduit à des fermetures régulières des lits de médecine.

Comme le relevait déjà, en 2005, le rapport sénatorial « L'avenir statutaire de Saint-Barthélemy et Saint-Martin : le choix de la responsabilité », le maintien du niveau des soins et la qualité des infrastructures a toujours été une préoccupation des élus et la nouvelle majorité n'y fait pas exception. Des investissements conséquents en ont été la traduction.

La population est en effet en droit d'attendre une continuité de l'offre de soin et une sécurité sanitaire. C'est pourquoi, il devient urgent d'adapter les règles de financement du service public hospitalier afin que les surcoûts engendrés par l'insularité soient pris en charge.

Par ailleurs, depuis 2014, les chiffres de l'Observatoire régional de la santé en Guadeloupe (ORSAG) font état, pour Saint-Barthélemy, d'un solde cotisations perçues versus prestations versées, en nature et en espèces, y compris les retraites, excédentaires d'au moins 20 millions d'euros par an. Ainsi, à l'appui de ces données, la collectivité a exprimé, dès 2014, la volonté de disposer d'une caisse de sécurité sociale autonome dont l'architecture avait été prévue dans la proposition de loi (PPL) n° 474 rect. (2013-2014) portant diverses dispositions relatives à Saint-Barthélemy, présentée par notre ancien collègue Michel Magras. Ce texte s'inscrit dans sa continuité.

De fait, le transfert intégral de la compétence ne semble toujours pas opportun dès lors que, d'une part, Saint-Barthélemy veut continuer à prendre part à la solidarité nationale et que, d'autre part, bien que l'économie de Saint-Barthélemy soit dynamique, l'économie d'une île demeure fragile surtout lorsqu'elle est monosectorielle.

La loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer a bien créé la « caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy » (CPS), mais elle est en réalité un bureau de proximité rattaché à la MSA de la Sèvres-Vienne. Il résulte d'ailleurs de cette organisation une situation de « conflit » avec la compétence fiscale de la collectivité, « conflit » dont il conviendra de sortir à terme.

Pour permettre à la collectivité de participer pleinement aux compétences de l'État tel que le propose le présent texte, la CPS devra disposer de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, à l'instar d'une Caisse générale de sécurité sociale. Le pilotage des surcoûts de fonctionnement de l'hôpital pourra alors lui être confié en vue de garantir la continuité des soins au sein de l'hôpital de Saint-Barthélemy, en plus des missions de gestion des prestations qu'elle assure d'ores et déjà.

L'article 74 de la Constitution dispose que « La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles : [...] la collectivité peut participer, sous le contrôle de l'État, à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques. » . A ce titre, la collectivité participe d'ores et déjà à l'édiction, sous le contrôle de l'État, des dispositions pénales dans les matières qui lui ont été transférées selon la procédure prévue par l'article LO6251-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

L'ouverture de la participation à l'exercice de la compétence de l'État en matière de santé a été écartée par l'auteur du présent texte car, si les élus peuvent contribuer à définir le schéma territorial des soins, des champs tels que la direction d'un établissement hospitalier, le choix de son personnel, la définition des normes sanitaires, des droits des malades requièrent des compétences techniques dont Saint-Barthélemy est dépourvue et qui représentent un coût exorbitant. La santé est en outre un domaine qui doit être mis à l'abri des aléas politiques, en l'absence d'alternative à l'unique hôpital sur une île aussi exiguë. Les services de l'État et la collectivité doivent pouvoir construire une organisation des soins dans une relation de confiance réciproque.

Il en est de même s'agissant de l'ouverture de la possibilité pour la collectivité de participer directement au financement du fonctionnement, pour la même nécessaire indépendance évoquée plus haut.

L'article 1 er propose aussi de réécrire l'article LO 6214-5 du CGCT afin d'étendre la participation de la collectivité de Saint-Barthélemy aux compétences de l'État en matière de sécurité sociale et de financement des établissements de santé en vue de garantir la continuité des soins et de la prise en charge des surcoûts liés à l'insularité et à l'éloignement. La collectivité sera donc en mesure de construire avec l'État :

- L'architecture de l'organisme local de gestion de la sécurité sociale ;

- De déterminer une stratégie de financement de l'hôpital et des évacuations sanitaires ;

- D'orienter une partie des excédents des comptes vers le financement des surcoûts de fonctionnement.

L'article 2 insère un article après l'article LO6251-3 du CGCT pour les actes pris dans le cadre de la participation de la collectivité aux compétences de l'État de sécurité sociale et financement des établissements de santé en vue de garantir la continuité des soins et de la prise en charge des surcoûts liés à l'insularité et à l'éloignement. Il précise que les actes pris par la collectivité ne peuvent avoir pour effet de réduire les garanties accordées sur le territoire national afin de garantir un même niveau de protection sociale à la population de Saint-Barthélemy.

L'article 3 prévoit la définition d'un objectif annuel de dépenses de financement des surcoûts des établissements médicaux et médico-sociaux et des évacuations sanitaires.

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