EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il est un combat de chaque jour que d'essayer de préserver l'expression et les symboles de nos traditions et de nos racines, qui subissent depuis des années les attaques et critiques d'extrémistes s'obstinant à déconstruire notre histoire, notre identité. Si la volonté militante d'effacer l'expression de nos racines s'exprime de façon de plus en plus virulente, cette menace est aussi juridique à travers des assauts récurrents et répétés. C'est le cas notamment de l'installation temporaire des crèches de Noël dans les lieux publics et notamment dans les sièges de nos collectivités.

Le juge administratif, compétent pour traiter des litiges de cette nature, remet régulièrement en question le principe de neutralité et l'importance accordée aux symboles des traditions et racines de notre nation. Alors que plusieurs communes sont obligées de renier ces symboles qui font notre identité, comme Beaucaire, ou encore Béziers qui s'est vu enjoindre le 14 décembre dernier par le tribunal administratif de Montpellier, de retirer une crèche installée dans la cour d'honneur de l'hôtel de Ville, au motif que « cette installation dans l'enceinte d'un bâtiment public méconnaît les dispositions de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques », le Conseil d'État avait rendu en 2016 une décision bien plus nuancée.

La juridiction de cassation de l'ordre administratif admettait dans sa décision du 9 novembre 2016 que « dans l'enceinte des bâtiments publics, sièges d'une collectivité publique ou d'un service public, le fait pour une personne publique de procéder à l'installation d'une crèche de Noël ne peut, en l'absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, être regardé comme conforme aux exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques ». D'autant que le Conseil d'État poursuit en affirmant qu'« à l'inverse, dans les autres emplacements publics, eu égard au caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d'année notamment sur la voie publique, l'installation à cette occasion d'une crèche de Noël par une personne publique est possible, dès lors qu'elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d'une opinion religieuse ».

Il est incontestable que le principe de neutralité est un point cardinal de notre droit, en revanche des circonstances particulières peuvent tout autant justifier certaines initiatives sans néanmoins porter atteinte à ce même principe, si l'on en croit le juge administratif. Partant de ce postulat, les traditions immémoriales de notre nation, inscrites dans des pratiques transmises sans discontinuité et répétées depuis plusieurs siècles, sont de ces circonstances particulières qui peuvent légitimement cohabiter avec ce principe de neutralité. Crèches de Noël, santons, galettes des rois, arbres de Noël, oeufs de Paques sont toutes des transmissions de symboles appréciés et transmis par l'immense majorité des Français, qui les tiennent de leurs parents et eux-mêmes de leurs propres parents, au-delà de toute croyance ou pratique religieuse.

Il ne s'agit plus de revendications à caractère religieux, mais d'un héritage qui appartient à l'histoire et au patrimoine de la France que la Nation se doit de préserver. Il s'agit ici de symboles culturels et non pas cultuels. Noël a depuis longtemps quitté le seul univers cultuel, celui de la religion, pour rentrer dans l'univers culturel, celui de la civilisation. C'est d'ailleurs ce qu'avait souligné le ministre de l'Intérieur, le 15 mars 2007 au Sénat, en affirmant que « le principe de laïcité n'impose pas aux collectivités territoriales de méconnaître les traditions issues du fait religieux [...] Tel est le cas de la pratique populaire d'installation de crèches, apparue au XIIIe siècle. »

À vouloir vider l'espace public de toute référence identitaire, on prend le risque de créer un appel d'air pour tous les communautarismes. À vouloir nier les institutions culturelles, et même charnelles sur lesquelles repose la nation française depuis des siècles, on finit par fragiliser les institutions républicaines. Il ne peut pas y avoir d'unité française, et même de démocratie française, sans identité française. Notre démocratie doit rester un espace public ouvert à tous, mais nous ne pouvons pas prendre le risque qu'elle devienne un lieu vide.

Si le juge a su dégager un régime permettant la conciliation du principe de neutralité et la préservation des traditions françaises, ses lignes demeurent floues et contestables. Par conséquent, afin de mettre un terme définitif à ce débat, il appartient au législateur d'établir une distinction entre ce qui relève du culte et ce qui relève des traditions culturelles de notre nation. Il est essentiel pour le législateur de garantir les deux dimensions essentielles de l'unité française : la laïcité, qui dessine la largeur de l'espace public ; et l'identité qui lui donne sa profondeur historique et culturelle.

Ainsi, l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 qui prévoit qu'« il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions », est complété par la présente proposition de loi, en ajoutant des cas d'exception en lien avec les traditions immémoriales de la France, à savoir la présence temporaire des crèches et arbres de Noël, de santons, des galettes des rois et d'oeufs de Pâques.

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