EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi a pour objet d'abroger les interdictions de recherche, d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures, dans les seuls territoires d'outre-mer de la République française, interdictions issues de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, dite loi « Hulot ». Elle vise à ouvrir la possibilité d'un développement contrôlé et encadré d'activités extractives d'hydrocarbures en outre-mer, sous réserve d'un mécanisme de plafonnement de la production en lien avec la consommation nationale.
Elle répond à plusieurs impératifs : sécuriser l'approvisionnement énergétique de la France, réduire sa dépendance extérieure, diminuer le coût des importations d'hydrocarbures, favoriser une activité économique stable et porteuse de développement local outre-mer, tout en respectant la trajectoire de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France.
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Suite à l'Accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015, la France s'est engagée dans une politique de réduction de son empreinte carbone. Le plan Climat présenté lors du conseil des ministres du 6 juillet 2017 en a été la première traduction. Il fixait l'objectif d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 au moyen de plusieurs mesures, dont l'arrêt de ses centrales à charbon en 2022 et la sortie progressive de la production d'hydrocarbures à l'horizon 2040.
La loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, dite loi « Hulot », est venue concrétiser ce dernier engagement. Elle venait après la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui fixait un objectif de réduction de 30 % de la consommation d'énergies fossiles d'ici 2030.
En 2015, la France produisait 0,8 million de tonnes de pétrole et 0,16 milliard de m de gaz, ce qui représentait moins de 1 % pour le pétrole et moins de 0,1 % pour le gaz de la consommation nationale. Par ailleurs, la production française représentait alors moins de 0,02 % de la production mondiale de pétrole et moins de 0,005 % de la production mondiale de gaz naturel.
Outre le fait que l'arrêt de la production française d'hydrocarbures n'aura aucun impact sur la production mondiale, celle-ci n'aura pas plus d'effet sur le niveau de consommation en France. La fin de l'exploitation était une mesure déconnectée des objectifs de réduction de consommation. Il s'agissait en fait d'une mesure uniquement symbolique prise pour faire de la France un exemple, le premier pays à s'interdire d'exploiter l'une de ses ressources naturelles dans l'espoir d'entraîner d'autres pays dans son sillage.
Cependant, le faible niveau de la production française en a fortement réduit la portée symbolique. Et force est de constater que la France a été peu suivie puisque seuls cinq pays (Belize, Nouvelle-Zélande, Danemark, Espagne, Irlande) ont adopté des législations plus ou moins restrictives avec une mise en application bien souvent postérieure à 2040. Et récemment, en 2024, la Nouvelle-Zélande a fait marche arrière en autorisant à nouveau l'exploration pétrolière offshore.
Car depuis 2017 et l'adoption de la loi « Hulot », le contexte a radicalement changé notamment en raison de la guerre menée par la Russie en Ukraine qui a, entre autres, mis en lumière les risques à dépendre de l'étranger pour notre approvisionnement, surtout quand un de nos principaux fournisseurs devient inamical voire franchement hostile.
Les conséquences de ce conflit sur le niveau des prix et sur les sources d'importation disponibles nous obligent à repenser notre stratégie d'approvisionnement à défaut de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). En Europe, de nombreux pays font évoluer également leur politique. Par exemple, l'Italie et la Grèce ouvrent des zones à l'exploration pétrolière en mer Méditerranée alors qu'en mer du Nord, c'est la Norvège et le Royaume-Uni qui font de même.
À travers la loi « Hulot », la France a donc fait le choix de sacrifier un secteur d'activité stratégique, certes minime, sans que cela n'ait d'incidence sur sa consommation d'hydrocarbures ni sur la poursuite de ses objectifs de réduction de consommation.
Par contre, si la production actuelle est anecdotique, il n'en va pas de même du potentiel de production (cf. avis du Conseil d'État sur la loi « Hulot ») en outre-mer. La Guyane, Mayotte et plus largement les outre-mer, dont le potentiel pétrolier reste à déterminer, se trouvent être les principales victimes de la bonne conscience écologique de la France.
Pour ne parler que de la Guyane, ses voisins Guyana, Suriname et Brésil produisent déjà, ou produiront, de grandes quantités de pétrole. Il serait pour le moins extraordinaire que toute la côte des Guyanes, du Venezuela jusqu'au Brésil, regorge de pétrole sauf la partie française. Au Guyana, les premières découvertes de pétrole remontent à 2015 et la production a débuté en 2020. Le Guyana a produit en 2024 plus de 600 000 barils par jour (b/j) et vise une production de 1 million de b/j à l'horizon 2030. Au Suriname, la production doit commencer en 2028 avec un niveau estimé de 220 000 b/j en 2030. Quant au Brésil, il produit depuis plus de 80 ans et depuis le début des années 2000 avec des champs offshores en eau profonde au large des états de Rio de Janeiro et d'Espirito Santo. Mais en octobre 2025, peu avant le début de la COP30 à Belém, le président Lula a annoncé l'ouverture de nouvelles zones d'exploration au large des côtes de l'état de l'Amapa, face à l'embouchure de l'Amazone, mais également face à l'embouchure du fleuve Oyapock, le long de la frontière maritime avec la Guyane. Le Brésil est aujourd'hui le 8e producteur mondial de pétrole avec 3,3 millions de b/j.
Les premières découvertes de pétrole en Guyane, en eau très profonde, remontent à 2011 et au moment de l'adoption de la loi « Hulot », les campagnes exploratoires étaient toujours en cours. L'ironie de la situation est que le Guyana, qui a trouvé du pétrole après la Guyane, en produit aujourd'hui et le vend pour les deux tiers aux pays européens. La France en a importé pour plus de 500 millions d'euros en 2023.
On peut estimer qu'une production nationale qui couvrirait l'intégralité de notre consommation actuelle de pétrole pourrait rapporter à l'État entre 4 et 8 milliards d'euros par an en taxes, redevances et impôts. Et elle améliorerait notre balance commerciale de 50 à 60 milliards d'euros. Les collectivités locales de Guyane, pour leur part, toucheraient entre 400 et 500 millions d'euros annuellement.
Enfin, dans sa SNBC, la France se fixe l'objectif d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Neutralité carbone ne veut pas dire consommation zéro d'hydrocarbures. Il y a des usages pour lesquels il n'existe à ce jour aucune alternative aux hydrocarbures. C'est pourquoi la SNBC prévoit de compenser les émissions de CO2 liées aux usages incompressibles d'hydrocarbures grâce au captage de CO2. Selon les différents scénarii de la SNBC, la France consommerait entre 2 à 5 Mtep/an d'énergies fossiles résiduelles, c'est-à-dire entre 40 000 et 100 000 barils équivalent pétrole par jour.
En 2050, la France sera donc toujours dépendante d'importations d'hydrocarbures avec les mêmes problématiques de choix des pays fournisseurs et de coût pour la balance commerciale du pays.
Au niveau national, les objectifs de cette proposition de loi sont de sécuriser l'approvisionnement énergétique de la France et de réduire sa dépendance extérieure. Afin d'assurer la compatibilité de la proposition de loi avec la trajectoire de la SNBC de la France, elle intègre un dispositif de plafonnement annuel de la production par arrêté ministériel pris conjointement par le ministre en charge des mines et le ministre de la transition écologique. Ce plafond annuel de production serait fixé afin de correspondre au niveau prévisionnel de la consommation nationale.
Au niveau local, les objectifs de cette proposition de loi sont de favoriser l'émergence d'un nouveau secteur d'activité dans les territoires ultramarins, territoires qui sont les plus pauvres de France et dont la part de l'industrie dans leur économie est très faible, générer des nouveaux revenus pour les collectivités locales dans une période où l'État n'arrive plus à assurer le rattrapage socioéconomique et en infrastructures de ces territoires. La Guyane, où du pétrole a déjà été découvert, Mayotte et les îles Éparses situées dans le canal du Mozambique, régions à fort potentiel gazier, sont les principales concernées.
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En 2017, le Conseil d'État relevait dans son avis sur la loi « Hulot » que « l'absence de dispositions d'adaptation du projet de loi, eu égard tant au moindre développement économique des collectivités ultramarines qu'à leur très faible contribution au réchauffement climatique, doit être justifiée. »
Aussi, le Sénat avait assoupli en ce sens plusieurs dispositions contenues dans le texte gouvernemental. Il avait notamment introduit une dérogation par le vote de l'amendement n° 15 rectifié bis pour autoriser les régions d'outre-mer à renouveler une concession après 2040 ou à délivrer un permis exclusif de recherches ou une autorisation de prospection préalable sous réserve du respect des conditions prévues par le code minier.
Cette dérogation n'avait pas prospéré à l'Assemblée nationale où le texte avait été rétabli dans sa version d'origine. La présente proposition de loi vise à réintroduire cette dérogation en l'élargissant à tous les territoires d'outre-mer.
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Cette proposition de loi comprend deux articles.
L'article 1er rouvre la possibilité d'accorder un permis d'exploration et une autorisation d'exploitation dans les outre-mer.
Le 1° du I vise à autoriser les opérations de délivrance des titres miniers en mer par les régions d'outre-mer, par référence à l'article L. 611-19 du code minier. Cet article permet aux régions d'outre-mer de délivrer et prolonger les permis exclusifs de recherches et les concessions de mines pour « les titres miniers en mer ne portant pas sur des minerais ou produits utiles à l'énergie atomique ». Le décret d'application de l'article, longtemps attendu, a finalement été publié en août 2025, la compétence en matière de titres miniers a été transférée aux régions d'outre-mer par décret en Conseil d'État. Le 1° du I de l'article permet ainsi aux régions d'outre-mer de déroger à l'interdiction d'exploration et d'exploitation offshore des hydrocarbures.
Le 2° du I supprime les alinéas des articles L. 661-1 et L. 691-1 du code minier qui font application - pour Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) - des dispositions de la loi « Hulot ».
En vertu du principe de spécialité législative, ces dispositions ne sont pas applicables aux collectivités de l'article 74 de la Constitution (dont fait partie Wallis-et-Futuna) en l'absence de dispositions expresses. Les TAAF, qui constituent une collectivité sui generis relevant de l'article 72-3 de la Constitution, sont également soumises au principe de spécialité législative. L'article 25 de la loi dite « Hulot » du 30 décembre 2017 avait prévu l'application de cette interdiction pour Wallis-et-Futuna et les TAAF.
Enfin le II de l'article 1er modifie des dispositions concernant les outre-mer non codifiées de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement.
L'article 2 permet au Gouvernement de prendre chaque année un arrêté afin de limiter le niveau de production nationale au niveau prévisionnel de consommation nationale en tenant compte des données de production et consommation de l'année précédente.