EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, la France recense plus de 1 300 passages de gens du voyage, dans 78 départements, et plus de 500 installations illégales. Ces chiffres, à la fois consternants et effrayants, s'accompagnent désormais parfois d'actes de violences, envers les propriétaires des terrains occupés, mais aussi contre les élus de la République. Les agressions se multiplient, l'impunité s'installe, et de plus en plus d'élus sont démunis faute d'aides et de moyens appropriés.

Pourtant un cadre juridique existe, notamment à travers la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage qui constitue le socle des règles applicables en matière d'occupation des gens du voyage.

Or, après vingt-cinq ans d'application et malgré l'adoption de plusieurs textes par le Parlement, le constat est clair : il apparaît nécessaire de revoir le cadre, notamment à la lumière de la multiplication, de la croissance, et de l'expérience des élus locaux face aux installations illicites.

Face à la gravité de la situation et à l'ampleur de l'enjeu, il est indispensable d'agir. C'est ce constat qui a motivé les sénateurs à l'origine de la présente initiative, qui fait suite à une démarche collective et concertée avec les acteurs du terrain. 

Le 6 novembre 2025, le Sénat interrogeait le ministre de l'intérieur sur la nécessité de s'emparer de la question des gens du voyage, démontrant que l'actuel dispositif législatif n'offrait pas un arsenal juridique suffisant pour endiguer le phénomène.

Le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau s'est alors engagé à constituer un groupe de travail transpartisan et bicaméral relatif aux installations illicites des gens du voyage, groupe effectivement créé le 13 mars 2025.

Constitué de neuf sénateurs (Damien Michallet, sénateur de l'Isère ; Sylviane Noël, sénatrice de la Haute-Savoie ; Elsa Schalck, sénatrice du Bas-Rhin ; Loïc Hervé, sénateur de la Haute-Savoie ; Nadia Sollogoub, sénateur de la Nièvre ; Dany Wattebled, sénateur du Nord ; Jean-Luc Brault, sénateur de Loir-et-Cher ; Patricia Schillinger, sénateur du Haut-Rhin ; Véronique Guillotin, sénatrice de la Meurthe-et-Moselle) et sept députés (Ian Boucard, député de la 1re circonscription du Territoire de Belfort ; Nathalie Colin-Oesterle, députée de la 3e circonscription de Moselle ; Xavier Albertini, député de la 1re circonscription de la Marne ; Ludovic Mendes, député de la 2e circonscription de Moselle ; Sébastien Huyghe, député de la 5e circonscription du Nord ; Bruno Fuchs, député de la 6e circonscription du Haut-Rhin ; Constance de Pélichy, députée de la 3circonscription du Loiret) ce groupe de travail se fixe pour objectif d'aboutir à un texte de loi comportant des instruments concrets et des mesures efficaces répondant aux nombreuses attentes des élus locaux et de la société.

La présente proposition de loi est le point d'aboutissement de ces travaux : elle comporte 13 articles, répartis en trois chapitres qui représentent les grandes orientations données par les co-auteurs.

Tout d'abord, le chapitre premier vise à inciter les collectivités à la réalisation d'aires d'accueil, et à mieux anticiper les grands passages.

Premièrement, les communes figurant au schéma départemental et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs sont tenus, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en oeuvre. L'article 1er vise à allonger à 5 ans le délai dont les collectivités disposent pour la réalisation des équipements à partir de l'adoption du schéma. Il est proposé de supprimer parallèlement le mécanisme de prorogation de deux ans.

L'article 2 instaure un principe de rationalisation de la carte des aires d'accueil. Ainsi, il indique que le schéma départemental ne peut imposer la création de nouvelles aires ou terrains d'accueil que si les aires déjà existantes dans le même secteur sont suffisamment utilisées. Pour cela, il faut que le taux d'occupation moyen constaté sur les trois dernières années dépasse un seuil fixé par décret.

L'article 3 vise à inciter au développement des aires permanentes d'accueil (APA) en les prenant en compte dans le calcul du quota de logements locatifs sociaux qu'impose la loi SRU aux collectivités. Il s'agit d'une mesure défendue de longue date par le Sénat, aussi bien pendant l'examen de la loi « Carle » de 2017 que dans la proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d'assurer un meilleur accueil des gens du voyage, adoptée par le Sénat le 19 janvier 2021.

L'article 4 vise à étendre aux terrains familiaux locatifs (TFL) la possibilité, d'ores et déjà reconnue à l'État s'agissant des aires permanentes d'accueil (APA), de procéder à l'aliénation de son domaine privé à un prix nettement inférieur à la valeur vénale des terrains.

La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage prévoit qu'afin d'organiser l'accueil des personnes dites gens du voyage, tout stationnement d'un groupe de plus de 150 résidences mobiles est notifié par les représentants du groupe au préfet de région, au préfet de département et au président du conseil départemental concernés trois mois au moins avant l'arrivée sur les lieux pour permettre l'identification d'une aire de stationnement correspondant aux besoins exprimés. L'article 5 vise à abaisser le seuil de réservation préalable aux groupes de plus de 100 caravanes.

L'article 6 prévoit de rétablir la compétence du maire pour adopter un arrêté interdisant le stationnement en dehors des aires et terrains spécialement aménagés. Il pourra ainsi demander la mise en oeuvre de la procédure d'évacuation forcée actuellement prévue par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000.

L'article 7 vise à créer une nouvelle taxe au profit des communes. Cette taxe pourrait être instaurée aussi bien pour les installations licites que pour les installations illicites, et contribuerait au financement des aires d'accueil prévues à cet effet, ainsi qu'aux réparations et remises en état des terrains en cas d'occupation irrégulière.

Le chapitre II vise à renforcer les pouvoirs du préfet en matière d'évacuation de terrains occupés de manière illicite.

Actuellement, en cas de stationnement effectué en violation d'un arrêté d'interdiction de stationner, le maire ou le propriétaire peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. L'article 8 vise à prévoir que la mise en demeure reste applicable lorsque la résidence mobile se retrouve à nouveau, dans un délai de quatorze jours à compter de sa notification aux occupants, en situation de stationnement illicite sur le territoire de la commune ou sur le territoire de l'établissement public de coopération intercommunale à laquelle cette commune est rattachée. Jusqu'à présent, ce délai était de 7 jours. Cet article vise également à ajouter les atteintes à l'environnement aux motifs permettant au préfet de mettre en oeuvre la procédure d'évacuation forcée, en plus de l'atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques.

L'article 9 vise à rendre obligatoire l'évacuation forcée par le préfet dès lors que les conditions sont remplies.

Enfin, le chapitre III vise à renforcer l'efficacité des sanctions et leur application.

L'article 10 vise à prévoir des circonstances aggravantes liées à la destruction, la dégradation ou la détérioration de biens publics ou privés et aux atteintes à l'environnement pour le délit d'occupation illégale sur le terrain d'autrui.

L'article 11 vise à instaurer une opposition au transfert de certificat d'immatriculation pendant deux ans en cas d'amende majorée du fait d'une installation illégale.

L'article 12 vise à augmenter le montant de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour l'installation illicite sur le terrain d'autrui. Le code pénal prévoit actuellement une amende forfaitaire d'un montant de 500 €. Il est proposé de porter ce montant à 1 000 €. Parallèlement, le montant de l'amende forfaitaire minorée serait fixé à 750 € (au lieu de 400 €), tandis que le montant de l'amende forfaitaire majorée s'élèverait à 1 500 € (au lieu de 1 000 €).

L'article 13 vise à permettre à l'État de refacturer aux gens du voyage le coût des réquisitions de terrains privés lorsque celles-ci sont rendues nécessaires par des rassemblements traditionnels ou occasionnels dont le nombre de participants excède la capacité des aires de grand passage.

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