EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En l'espace de quelques mois seulement, la France a été durement frappée par les terroristes : en janvier, avec l'attentat contre Charlie Hebdo et les tueries qui ont suivi, en juin avec l'atroce décapitation à Saint-Quentin-Fallavier, en août avec l'attaque dans le Thalys et le 13 novembre, avec un tragique bilan, le premier d'une telle ampleur dans notre pays.

Ces quatre actes terroristes, ainsi que plusieurs autres tentatives heureusement déjouées, mettent en évidence l'importance du facteur transnational dans les sinistres projets des djihadistes. Il est désormais évident qu'une lutte contre le terrorisme conduite dans le seul cadre hexagonal serait vouée à l'échec. Depuis des années, la nécessité de renforcer la coopération internationale entre services de renseignement et entre services de police a été soulignée.

La coopération internationale en matière de renseignement avait longtemps eu comme priorité la lutte contre la drogue et le grand banditisme. Après le 11 septembre 2001, puis les attentats de Madrid en 2004 et de Londres en 2005, elle s'est davantage orientée vers l'antiterrorisme. Pourtant, suite à chacun des récents attentats, des interrogations quant à d'éventuelles lacunes de cette coopération subsistent :

•  L'auteur de la tuerie du Musée juif de Bruxelles Mehdi NEMMOUCHE, celui de l'Hyper Cacher Amedy COULIBALY, l'assaillant du Thalys Ayoub EL-KHAZZANI et le commando qui a perpétré les attentats du 13 novembre à Paris sont tous passés par la Belgique , et en particulier par la commune bruxelloise de Molenbeek.

•  Les services de renseignement américains avaient informé les Français que Saïd KOUACHI, l'un des deux auteurs de l'attaque contre Charlie Hebdo, s'était rendu au Yémen en 2011 pour s'y entraîner au maniement des armes.

•  Début janvier 2015, les services de renseignement turcs auraient surveillé la compagne d'Amedy COULIBALY lors de son passage sur le territoire turc, en route pour la Syrie, et alerté leurs homologues français qui n'auraient pas donné suite. De même, l'appartenance à la mouvance djihadiste d'Omar Ismaïl MOSTEFAÏ, l'un des tireurs du Bataclan, avait été signalée par la police turque à la police française plusieurs fois depuis décembre 2014, apparemment sans réaction de la France.

•  Vingt-quatre heures avant les attentats du 13 novembre, l'Irak aurait averti la coalition internationale de l'imminence d'attaques organisées par Daech sur le sol français.

•  L'ancien directeur de la direction centrale du renseignement intérieur aurait également indiqué que les services secrets syriens avaient proposé il y a deux ans à la France une liste des combattants djihadistes français opérant en Syrie , mais que la France avait refusé d'en prendre connaissance, ne souhaitant pas entretenir de relations avec le régime syrien, alors même que l'Allemagne avait, elle, repris le dialogue.

Sans interférer avec d'éventuelles enquêtes judiciaires et sans nourrir de polémique alors que l'unité nationale est plus que jamais nécessaire, il est essentiel d'analyser les forces et les dysfonctionnements de la coopération internationale en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme, tant au niveau des services de renseignement qu'en matière de coopération policière et judiciaire.

Cette analyse devra porter sur la coopération au sein de l'Union européenne, entre pays membres de l'OTAN, entre membres du G20 et en bilatéral, notamment avec les pays du Maghreb, du Proche et Moyen-Orient les plus concernés par le péril de Daech. Une approche comparative avec la stratégie de coopération internationale d'autres partenaires européens pourrait également être proposée. Certains accords bilatéraux, tels que celui entre la France et les Etats-Unis relatif au renforcement de la coopération en matière d'enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme, pourront être analysés, afin d'en évaluer les forces, les faiblesses et les possibilités d'en tirer des enseignements pour améliorer la coopération internationale en ce domaine.

La commission d'enquête évaluera les efforts mis en oeuvre en application des récentes résolutions internationales en matière de coopération internationale contre le terrorisme - en particulier la résolution n° 2249 du Conseil de sécurité des Nations unies du 20 novembre 2015, la résolution n° 2530 du Parlement européen du 11 février 2015 et la résolution n° 420 de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN du 12 octobre 2015.

Elle s'intéressera aux différents champs de la coopération internationale contre le terrorisme, tant sur le plan de l'identification et de la surveillance des membres radicalisés - avec notamment la création du fichier européen des passagers passenger name record (PNR) - que sur celui du trafic d'armes et des réseaux de financement du terrorisme.

Après avoir réalisé un point de situation, la commission d'enquête s'attachera à élaborer des préconisations pour une meilleure coopération internationale entre services de renseignement et en matière d'enquêtes judiciaires afin de prévenir et de lutter contre le terrorisme.

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