EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France enregistre un retard certain dans la prise de conscience de la gravité des violences incestueuses. Plusieurs études ont contribué, ces dernières années, à briser le tabou. Les mentalités évoluent rendant possible la reconnaissance de ces faits et leur qualification dans le code pénal. Des lacunes persistent cependant. L'objet de cette proposition de résolution est de contribuer à les combler.

Selon son auteure, il est urgent de faire évoluer le droit pénal pour prendre en compte l'évolution des mentalités et reconnaître, à sa juste valeur, la gravité du traumatisme subi par les victimes d'inceste. Les conséquences sur l'enfant et le mineur sont désormais pleinement identifiées par le corps médical et prouvées sur le plan neurobiologique, comportemental, cognitif et affectif. Elles contribuent à rendre le mineur plus vulnérable aux problèmes de santé, faisant peser sur lui des risques avérés de dépression nerveuse, de conduites addictives, de troubles alimentaires ou encore de difficultés scolaires ou de sociabilité.

L'enquête Virage 2015 - Violences et rapports de genre - conduite par l'Institut national d'études démographiques (INED) révèle qu'au cours de leur vie, 5 % des femmes et un peu moins de 1 % des hommes, de 20 à 69 ans, ont été victimes de viol, tentative de viol ou d'attouchements dans le cadre familial ou par l'entourage proche, dans plus de 90 % des cas ces actes ayant eu lieu pour la première fois entre 0 et 17 ans. Pourtant, le mot inceste n'apparaît pas une seule fois dans ce bilan.

Un sondage Louis Harris, réalisé en 2015 pour l'Association internationale des victimes de l'inceste (l'AIVI) évalue à 4 millions le nombre de Français ayant été victimes d'inceste, soit 6 % de la population, deux fois plus qu'en 2009, sans doute le signe d'une libération de la parole des victimes. Cette enquête met en lumière une carence : les faits se traduisent rarement par une issue judiciaire. Seules 30 % des victimes portent plainte et quand elles le font, il n'y a majoritairement pas de procès. 35 % des victimes qui choisissent de ne pas porter plainte, motivent leur silence par la peur d'être rejetées par leur famille.

En 2017, une étude réalisée par une équipe de chercheurs interdisciplinaires dans le cadre de la mission Sciences et société du CNRS et portant sur les violences sexuelles à caractère incestueux, dresse un état des lieux et des pistes d'action pour lutter contre le fléau des atteintes sexuelles sur mineurs, en France. Démontrant que tous les milieux sociaux sont frappés sans discernement par ce phénomène, y compris envers de jeunes garçons ou perpétrées par des femmes ou des mères, elle brise des stéréotypes encore très répandus et rappelle que la culture du silence est très forte quel que soit le milieu social. Elle donne une lueur d'espoir en rappelant que la prise en charge précoce des victimes de façon adaptée peut compenser, en partie, les traumatismes subis.

Dans cette étude du CNRS, la révélation de l'inceste apparaît comme une épreuve supplémentaire pour les victimes, se produisant en moyenne seize ans après les faits et pour 22 % d'entre elles plus de 25 ans après. Elle intervient le plus souvent en dehors du cercle familial (ami, conjoint, spécialiste). Aussi, le CNRS préconise de généraliser la formation des professionnels de l'enfance, de l'éducation, des équipes soignantes, des intervenants sociaux éducatifs, des personnels policiers et judiciaires, qui sont en première ligne pour identifier les atteintes incestueuses et recevoir la parole des victimes. L'étude incite à une prise en charge socio-éducative et psychologique systématique des victimes et des familles, encourageant à s'inspirer des modèles canadien ou belge. Le CNRS souligne la nécessité de mobiliser des réseaux de chercheurs dans une démarche interdisciplinaire pour intensifier la recherche et améliorer la prévention, tout comme il appelle à développer des campagnes d'information et de sensibilisation tournées vers les jeunes, vers la population en général et les lieux de socialisation (école, université, internet, réseaux sociaux).

Dans cette enquête, la sociologue S. CROMER pointe précisément les manquements du code pénal. Ainsi, par exemple, les violences sexuelles sans pénétration commises sur des garçons (fellations, masturbations imposées) n'ont pas le statut de crime ou de viol. L'inceste commis par des femmes, lui aussi, est le plus souvent occulté et impensé. Elle suggère de conduire une réflexion sur les frontières de la notion d'inceste, y compris juridiques, et d'enquêter sur le terrain pour appréhender les racines sociales de l'inceste, les liens des familles concernées avec les professionnels de l'enfance, leur perception de la notion de « bons parents » et de la violence à enfant. Selon elle, l'évolution du code pénal est primordiale, soulignant qu'il n'inclut, par exemple, ni le cousin ni le grand-oncle parmi les auteurs potentiels de violences incestueuses, il ne vise que les mineur(e)s, alors que la libération de la parole intervient si souvent à l'âge adulte, de très nombreuses années après les faits.

Dans l'état du droit actuel, l'inceste est considéré comme une circonstance aggravante du viol ou de violences sexuelles lorsqu'il est commis par un(e) ascendant(e) légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime. Or, cette définition pénale ne correspond ni à la réalité ni à la complexité des implications tant individuelles, matérielles, psychologiques que pénales pour les victimes. Pire, elle est favorable aux auteurs de ces actes. L'un des derniers tabous à briser concernant l'inceste est donc bien la reconnaissance de ce mot par le droit pénal.

Après de nombreux épisodes législatifs visant à faire reconnaître la pénalisation de l'inceste, c'est finalement par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant que le mot est de nouveau inscrit dans le code pénal, qualifiant viols et agressions sexuelles d'incestueux lorsqu'ils sont commis sur la personne d'un mineur par : un ascendant, un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ou le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. Les cousins ne sont pas inclus, en l'absence d'interdit du mariage entre cousins. Il s'agit là d'une sur qualification d'infractions existantes : le viol et l'agression sexuelle, pas de la reconnaissance d'une infraction spécifique. En conséquence, il faut rechercher l'absence de consentement de la victime, quel que soit son âge.

L'auteure de la présente proposition de résolution estime qu'en matière d'inceste, la reconnaissance du non-consentement doit être un principe inaliénable concernant les mineurs, limite d'âge ou pas. Toute disposition sous-tendant implicitement le consentement de la victime (c'est le cas des atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ou surprise) doit être supprimée.

En 2016, les articles suivants du code pénal ont été modifiés : article 222-31-1, article 227-25, article 227-27-2-1 tout comme l'article 434-3 qui, lui, étend la non-dénonciation d'agression ou d'atteinte sexuelle sur mineur à tous les mineurs et plus seulement aux mineurs de 15 ans et de moins de 15 ans. Depuis la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le code pénal dispose d'un paragraphe 3 spécifique intitulé « De l'inceste » comprenant l'article 222-31-1 et l'article 222-31-2. Ces articles sont incomplets et passent sous silence la complexité des actes incestueux. Le mot inceste n'y figure pas, excepté dans le titre.

Si l'article 222-31-1 qualifie les relations incestueuses, il ne prévoit aucune conséquence juridique ni sur le viol ni sur les agressions sexuelles. Les conséquences juridiques de l'article 227-27-2-1 sont faibles, il ne comporte aucune mention visant à faire apparaître au casier judiciaire de l'auteur les violences sexuelles aggravées du caractère incestueux. Il qualifie les atteintes sexuelles incestueuses, autres que le viol et les agressions sexuelles. Il en résulte donc bien que si l'inceste est puni par le code pénal, c'est seulement par le biais du mécanisme des circonstances aggravantes. Enfin, le fait que des articles relatifs à la limite des quinze ans soient disséminés dans le code pénal entretient la confusion autour de l'âge de la victime et une grande complexité dans l'interprétation des textes. Il est urgent que toute ambiguïté soit levée : aucun mineur ne consent à l'inceste. Pourtant, plusieurs articles du code pénal statuent encore sur les agressions sexuelles selon l'âge de la victime.

En conséquence, l'auteure de la présente proposition de résolution considère que toute disposition sous-tendant implicitement un consentement de la victime (c'est le cas pour les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ou surprise) doit être supprimée et le non- consentement reconnu comme principe inaliénable pour les mineurs, sans limite d'âge.

D'autres pistes d'évolution seraient souhaitables pour que le droit actuel gagne en cohérence. Considérer toute atteinte et tout acte sexuel incestueux, au sens de l'article 222-31-1, comme constituant soit un viol soit une agression sexuelle, avec comme critère de distinction, l'acte de pénétration. Cela aurait pour effet, d'une part, de ne plus poser la question du consentement à une victime mineure d'inceste mais aussi d'aligner les peines encourues par un auteur d'agressions sexuelles ou de viol incestueux sur un mineur de plus ou moins de 15 ans. Cela conduirait à punir le viol incestueux sur mineur de 20 ans de réclusion criminelle et les agressions sexuelles sur mineurs de 10 ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. Cette hypothèse ne change rien pour ces infractions envers des mineurs de moins de 15 ans, hormis le fait que la surprise, la violence, la menace ou la contrainte seraient caractérisées par l'acte incestueux. Le changement le plus important interviendrait en ce qui concerne les mineurs de plus de 15 ans car, en matière de viol, la peine pourrait être portée à 20 ans de réclusion criminelle contre 15 ans actuellement. Quant aux agressions sexuelles, il serait souhaitable de porter la peine à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, contre 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende, aujourd'hui. Enfin, il conviendrait de supprimer l'infraction d'atteinte sexuelle incestueuse. Enfin, une avancée déterminante serait d'abandonner les circonstances aggravantes des ascendants pour les victimes mineures de viol ou d'agressions sexuelles car, au sens de l'article 222-31-1 modifié, le constat de l'inceste suffirait à caractériser le viol incestueux (si pénétration) et les autres agressions sexuelles (toutes les autres atteintes sexuelles).

Faisant le constat que la loi du 3 août 2018 n'a clarifié ni cette complexité ni les dispositions du code pénal relatives à l'inceste ou même à l'autorité parentale des auteurs de violences sexuelles à caractère incestueux, la présente proposition de résolution entend démontrer l'urgente nécessité de sur qualifier pénalement les viols et agressions sexuelles à caractère incestueux sur mineurs.

Son auteure dresse des pistes pour contribuer à améliorer la cohérence du code pénal et à briser le tabou de l'inceste du point de vue du droit. L'une d'elle pourrait être, par exemple, de qualifier l'inceste dans le code pénal, comme un délit spécifique. Elle estime, en effet, que les incestes sont trop souvent considérés comme circonstances aggravantes de délits d'agressions sexuelles jugés en correctionnelle plutôt que qualifiés comme des délits d'inceste jugés en tant que tels. Elle regrette que cette « correctionalisation » de l'inceste et des viols sur mineurs profite à leurs auteurs au détriment des victimes. Elle considère cette situation comme un déni de réalité minimisant les faits, leur gravité, et leurs conséquences à long terme sur les victimes.

ANNEXES

Note de législation comparée du Sénat - 01022002

En France, l'inceste, c'est-à-dire le rapport sexuel entre deux personnes qui sont parents à un degré où le mariage est interdit, ne constitue pas une infraction spécifique. Si la relation est librement consentie et concerne deux personnes qui ont dépassé l'âge de la majorité sexuelle, fixé à quinze ans dans notre pays, elle ne tombe pas sous le coup du code pénal.

Cependant, notre droit pénal tient compte du lien de famille pour sanctionner et pour définir certaines infractions sexuelles. Les règles diffèrent selon la nature de l'infraction - viol, autres agressions sexuelles ou atteintes sexuelles, réalisées, à la différence des précédentes, « sans violence, menace, contrainte ou surprise » - et selon que la victime a ou non dépassé l'âge de la majorité sexuelle.

À l'exception du viol commis sur un enfant de moins de quinze ans, qui est puni de vingt ans de réclusion criminelle quel qu'en soit l'auteur, les infractions sexuelles sont en général sanctionnées plus sévèrement lorsqu'elles sont commises par « un ascendant, légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime » :

- vingt ans de réclusion criminelle, au lieu de quinze, pour le viol lorsqu'il est commis sur des victimes âgées d'au moins quinze ans ;

- sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende, au lieu de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende, pour les agressions sexuelles autres que le viol commises sur des victimes âgées d'au moins quinze ans ;

- dix ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende, au lieu de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende, pour les agressions sexuelles autres que le viol commises sur des victimes âgées de moins de quinze ans ;

- dix ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende, au lieu de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende, pour les atteintes sexuelles commises sur des victimes âgées de moins de quinze ans.

Par ailleurs, les atteintes sexuelles sur des mineurs âgés d'au moins quinze ans ne constituent des infractions que si elles sont commises par « un ascendant, légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ». Elles sont alors punies de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 €.

Dans les affaires d'inceste, en application du droit commun, les poursuites pénales peuvent être mises en mouvement par le ministère public, dès lors qu'il a connaissance des faits, ou par la victime.

Les règles relatives à la prescription de l'action publique suivent également le droit commun si la victime est majeure : le délai commence à courir à compter des faits, sa durée étant de dix ans pour le viol, qui constitue un crime, et de trois ans pour les autres infractions sexuelles, qui sont qualifiées de délits. En revanche, si la victime était mineure au moment des faits, le délai ne commence à courir qu'à partir de sa majorité et, par dérogation au droit commun, sa durée est de dix ans quelle que soit la nature de l'infraction sexuelle.

Le fait que le lien incestueux soit, dans presque tous les cas, considéré en France comme une circonstance aggravante et représente l'élément constitutif de l'infraction seulement pour les atteintes commises sur des mineurs âgés d'au moins quinze ans conduit à s'interroger sur la situation dans les autres pays européens.

Pour chacun des pays retenus, c'est-à-dire l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la Suisse, on a donc recherché quelle était la qualification pénale de l'inceste et comment il était sanctionné. Pour cela, on a établi une distinction en fonction de l'âge de la victime. En effet, lorsque la victime n'a pas atteint l'âge de la majorité sexuelle, l'inceste constitue au minimum un abus sexuel sur un mineur. Dans certains pays, cet abus est sanctionné plus lourdement du fait qu'il est commis par un membre de la famille. En revanche, lorsque la victime a dépassé l'âge de la majorité sexuelle et que les relations sont librement consenties, l'inceste ne constitue pas partout une infraction. On a également recherché si la plainte de la victime était nécessaire au déclenchement de la procédure pénale et s'il existait des dispositions particulières en matière de prescription de l'action publique.

L'examen des dispositions étrangères fait apparaître que, en Espagne et au Portugal, le lien de famille entre le coupable et la victime constitue une circonstance aggravante de l'infraction sexuelle, tandis que, dans les autres pays, il n'est pris en compte que lorsque la relation est librement consentie.

1) En Espagne et au Portugal, le lien de famille entre le coupable et la victime constitue une circonstance aggravante des infractions sexuelles

En Espagne et au Portugal, le code pénal ne réprouve pas les relations incestueuses librement consenties entre personnes ayant atteint l'âge de la majorité sexuelle. En revanche, il considère comme infractions sexuelles, d'une part, les relations non consenties, et, d'autre part, celles qui concernent des jeunes qui n'ont pas atteint l'âge de la majorité sexuelle (treize ans en Espagne et quatorze ans au Portugal).

Dans ces deux pays, les peines qui sanctionnent les infractions sexuelles sont augmentées lorsque l'auteur est un proche parent (ascendant, descendant, membre de la famille par alliance, frère ou soeur en Espagne ; ascendant, descendant ou parent jusqu'au deuxième degré au Portugal). Cette règle s'applique quels que soient la nature de l'infraction et l'âge de la victime.

2) Dans les autres pays, le lien de famille n'est pris en compte que lorsque la relation est librement consentie

a) Le lien de famille n'est pas pris en compte lorsque la relation est imposée, mais une réforme est envisagée en Angleterre et au Pays de Galles

Les relations qui ne sont pas librement consenties ainsi que celles qui impliquent des jeunes qui n'ont pas atteint l'âge de la majorité sexuelle (quatorze ans en Allemagne et en Italie ; quinze ans au Danemark ; seize ans en Angleterre et au Pays de Galles, ainsi qu'en Suisse) constituent des infractions.

Or, en Allemagne, en Angleterre et au Pays de Galles, au Danemark, en Italie et en Suisse, la qualification et la sanction des infractions sexuelles, quelles qu'elles soient, ne sont pas déterminées par l'existence d'un lien de famille entre le coupable et la victime . Tout au plus peut-on noter que, si un père ou une mère commet une infraction sexuelle sur ses enfants, l'autorité parentale risque de lui être retirée.

Cependant, dans le cadre d'une réforme générale de la législation, le gouvernement anglais envisage de créer une nouvelle infraction sexuelle, l'abus sexuel familial . Infraction à part entière, l'abus sexuel familial interdirait à toute personne d'avoir un rapport avec un descendant, un ascendant, un frère ou une soeur, un oncle ou une tante et serait puni différemment selon l'âge de la victime.

b) Les rapports incestueux librement consentis constituent des infractions

Cette qualification n'est pas automatique en Italie, alors qu'elle l'est dans les quatre autres pays.

En Allemagne, en Angleterre et au Pays de Galles, au Danemark et en Suisse, les relations sexuelles librement consenties entre parents en ligne directe ainsi qu'entre frères et soeurs constituent des infractions.

Ces infractions sont qualifiées d'infractions sexuelles en Angleterre et au Pays de Galles, et d'infractions contre la famille au Danemark ainsi qu'en Suisse. La qualification est indépendante de l'âge des partenaires et de leur lien de famille.

En revanche, en Allemagne, le code pénal établit une distinction en fonction de ces deux critères : les relations incestueuses sont qualifiées d'infractions contre la famille, à moins qu'elles n'aient lieu entre une personne et son enfant âgé de plus de quatorze ans et de moins de dix-huit ans. Dans cette hypothèse, même si elles sont consenties, elles sont considérées comme des infractions sexuelles spécifiques et sont punies plus sévèrement que les infractions contre la famille.

Le code pénal italien considère comme infractions les relations sexuelles incestueuses librement consenties à condition qu'elles soient notoires

Il condamne, au titre de la morale familiale, les relations sexuelles entre parents en ligne directe, ainsi qu'entre frères et soeurs, mais seulement lorsque les faits provoquent un « scandale public », c'est-à-dire lorsque les intéressés se comportent de façon à rendre leurs relations notoires.

Par ailleurs, il considère comme une infraction sexuelle à part entière le fait d'avoir des relations, même consenties, avec un descendant âgé de plus de quatorze ans et de moins de seize ans.

*

* *

L'analyse des dispositions pénales applicables à l'inceste fait apparaître un net clivage entre les pays latins et les autres.

En effet, la France, l'Espagne et le Portugal adoptent la même solution : ils ne condamnent pas les relations sexuelles librement consenties entre personnes ayant atteint l'âge de la majorité sexuelle et considèrent le lien de famille comme simple circonstance aggravante des infractions sexuelles. À l'opposé, l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, le Danemark et la Suisse font du lien de famille un élément constitutif de l'infraction. L'Italie se rapproche des autres pays latins, puisque l'infraction d'inceste n'est constituée que si les intéressés se comportent de façon à rendre leurs relations notoires.

Droit en vigueur en 2019

Code pénal

Paragraphe 3 : De l'inceste

Article 222-31-1

Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis par :

1° Un ascendant ;

2° Un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;

3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

[...]

Article 227-26

L'infraction définie à l'article 227-25 est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende :

1° Lorsqu'elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

2° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

3° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

4° Lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ;

5° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants.

[...]

Article 227-27

Les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur âgé de plus de quinze ans sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende :

1° Lorsqu'elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

2° Lorsqu'elles sont commises par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions.

[...]

Article 227-27-2-1

Les infractions définies aux articles 227-25 à 227-27 sont qualifiées d'incestueuses lorsqu'elles sont commises sur la personne d'un mineur par :

1° Un ascendant ;

2° Un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;

3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait.

[...]

Article 227-27-3

Lorsque l'atteinte sexuelle incestueuse est commise par une personne titulaire de l'autorité parentale sur le mineur, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des articles 378 et 379-1 du code civil.

Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et soeurs mineurs de la victime.

Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés.

Code de la procédure pénale

Partie législative

Livre IV : De quelques procédures particulières

Titre XIX : De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes

Article 706-47

Le présent titre est applicable aux procédures concernant les infractions suivantes :

1° Crimes de meurtre ou d'assassinat prévus aux articles 221-1 à 221-4 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur un mineur ou lorsqu'ils sont commis en état de récidive légale ;

2° Crimes de tortures ou d'actes de barbarie prévus aux articles 222-1 à 222-6 du même code et crimes de violences sur un mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente prévus à l'article 222-10 dudit code ;

3° Crimes de viol prévus aux articles 222-23 à 222-26 du même code ;

4° Délits d'agressions sexuelles prévus aux articles 222-27 à 222-31-1 du même code ;

5° Délits et crimes de traite des êtres humains à l'égard d'un mineur prévus aux articles 225-4-1 à 225-4-4 du même code ;

6° Délit et crime de proxénétisme à l'égard d'un mineur prévus au 1° de l'article 225-7 et à l'article 225-7-1 du même code ;

7° Délits de recours à la prostitution d'un mineur prévus aux articles 225-12-1 et 225-12-2 du même code ; 8° Délit de corruption de mineur prévu à l'article 227-22 du même code ;

9° Délit de proposition sexuelle faite par un majeur à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique, prévu à l'article 227-22-1 du même code ;

10° Délits de captation, d'enregistrement, de transmission, d'offre, de mise à disposition, de diffusion, d'importation ou d'exportation, d'acquisition ou de détention d'image ou de représentation pornographique d'un mineur ainsi que le délit de consultation habituelle ou en contrepartie d'un paiement d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation, prévus à l'article 227-23 du même code ;

11° Délits de fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur, prévus à l'article 227-24 du même code ;

12° Délit d'incitation d'un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation, prévu à l'article 227-24-1 du même code ;

13° Délits d'atteintes sexuelles prévus aux articles 227-25 à 227-27 du même code.

[...]

Article 706-47-2

L'officier de police judiciaire, agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire, peut faire procéder sur toute personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants d'avoir commis un viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle prévus par les articles 222-23 à 222-26 et 227-25 à 227-27 du code pénal, à un examen médical et à une prise de sang afin de déterminer si cette personne n'est pas atteinte d'une maladie sexuellement transmissible.

Le médecin, l'infirmier ou la personne habilitée par les dispositions du code de la santé publique à effectuer les actes réservés à ces professionnels, qui est requis à cette fin par l'officier de police judiciaire, doit s'efforcer d'obtenir le consentement de l'intéressé.

À la demande de la victime ou lorsque son intérêt le justifie, cette opération peut être effectuée sans le consentement de l'intéressé sur instructions écrites du procureur de la République ou du juge d'instruction qui sont versées au dossier de la procédure.

Le résultat du dépistage est porté, dans les meilleurs délais et par l'intermédiaire d'un médecin, à la connaissance de la victime ou, si celle-ci est mineure, de ses représentants légaux ou de l'administrateur ad hoc nommé en application des dispositions de l'article 706-50.

Le fait de refuser de se soumettre au dépistage prévu au présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Nonobstant les dispositions des articles 132-2 à 132-5 du code pénal, ces peines se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles susceptibles d'être prononcées pour le crime ou le délit ayant fait l'objet de la procédure.

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