EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les mesures de confinement adoptées au plan mondial pour contenir la pandémie du Covid-19 placent les compagnies de transport aérien dans une conjoncture économique intenable, qui a motivé de graves inquiétudes quant à leur survie. L'enjeu est bien d'assurer la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union européenne (UE), tout en garantissant les droits des passagers aériens : cela participe de l'autonomie stratégique de notre continent et permet de garantir sa connectivité interne.

D'ores et déjà, plusieurs États membres ont notifié à la Commission européenne des aides d'État pour soutenir leur pavillon national et tous les emplois afférents : ainsi la France a obtenu, le 4 mai 2020, l'aval de la Commission pour soutenir la liquidité immédiate de la compagnie Air France par une aide de 7 milliards d'euros, dont un prêt garanti à 90 % et un prêt direct de l'État actionnaire à hauteur de 3 milliards d'euros, pour une durée maximale de six ans. La Commission a même appuyé cette aide en soulignant qu'Air France « avait aussi joué un rôle de premier plan » dans la gestion de la crise, en assurant rapatriement et transport de matériel médical.

Parmi les demandes formulées par les compagnies pour assurer leur survie, le remboursement des billets inutilisés figure en bonne place. Fort logiquement, l'Association internationale du transport aérien a fortement appuyé cette revendication.

Le dispositif en vigueur protège très bien les passagers aériens, mais il ne pouvait tout simplement pas être conçu pour la situation actuelle. Le règlement de 2004 impose aux compagnies de rembourser aux passagers les vols secs inutilisés, lorsque lesdits passagers ne sont en rien responsables du non embarquement. Le remboursement doit être effectué en numéraire dans les sept jours. Sauf circonstance exceptionnelle, ce texte impose de verser une indemnisation en sus du remboursement. Telles sont les deux principales caractéristiques d'un dispositif ayant pour vertu d'apporter aux passagers aériens des droits homogènes dans tout le territoire de l'Union, mais dont le point faible est de n'avoir évidemment pas envisagé la déroute provoquée par le Covid-19.

Concernant l'indemnisation en sus du remboursement, la Commission européenne a fait le nécessaire, dès le 18 mars 2020, en publiant des « Orientations interprétatives relatives aux règlements de l'UE sur les droits des passagers au regard de l'évolution de la situation en ce qui concerne le Covid-19 ». Ce document a confirmé l'évidence, à savoir que le Covid-19 avait créé une situation « extraordinaire » au sens du règlement de 2004. Par suite, aucune indemnisation ne devra être versée par les compagnies aériennes en sus du remboursement. Hélas, la Commission européenne s'est arrêtée au milieu du gué, puisqu'elle n'a pas proposé de modifier le règlement de 2004. Or, en rester au statu quo imposerait aux compagnies aériennes un remboursement largement supérieur à leurs capacités. L'enjeu porte sur quelque dix milliards d'euros à l'échelon européen ! Il faut donc achever le travail engagé.

L'article 94 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que « toute mesure dans le domaine des prix et conditions de transport, prise dans le cadre des traités, doit tenir compte de la situation économique des transporteurs. » Fondée sur cet article, la proposition de résolution européenne ci-après propose une solution simple : pour éviter la cessation de paiement immédiate et irrémédiable, les compagnies aériennes de l'Union pourront, à titre temporaire - en clair, pendant la durée du confinement - rembourser les billets inutilisés au moyen d'avoirs et non de numéraire. Bien entendu, ces avoirs seraient eux-mêmes remboursés en numéraire après un laps de temps, en cas de non utilisation par leurs bénéficiaires.

Les avoirs remis jusqu'à présent - qui le sont donc avec l'accord des intéressés - sont remboursables en numéraire lorsqu'ils n'ont pas été utilisés dans les douze mois. Or, il serait illusoire d'espérer un rétablissement de la situation pour le printemps 2021, ou même l'été de l'année prochaine. Le remboursement dans les douze mois aurait donc un caractère d'irréalisme comparable au paiement immédiat. Pour cette raison, la formulation qui est proposée ne comporte aucun terme, laissant ce point à la diligence de la Commission, du Conseil et du Parlement européens.

Il reste que l'avenir sera très difficile pour les transporteurs aériens de l'Union. Il serait proprement intenable pour tout opérateur à qui ses autorités nationales auraient imposé des contraintes ou des charges auxquelles ses concurrents échapperaient. C'est vrai pour les aéroports, a fortiori pour les compagnies aériennes. Dans le cadre notamment de la transition énergétique prévue dans le cadre du Green Deal , cela doit conduire à imposer des obligations comparables aux compagnies immatriculées dans les États membres, mais aussi aux opérateurs aériens extérieurs à l'Union, afin d'éviter toute distorsion supplémentaire de concurrence.

Que les droits des passagers soient garantis dans tout l'espace européen est indispensable. Que les devoirs des compagnies soient identiques dans ce même espace l'est également.

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