EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La planète ne peut plus supporter l'exploitation sans limite de ses ressources et les modes de production qui participent à la pollution de l'air, de l'eau et des sols. Il est urgent d'opérer une transition écologique qui permette enfin aux pouvoirs publics de réguler les besoins énergétiques globaux pour aller vers une société plus sobre en émissions de gaz à effet de serre, responsable de 48 000 morts par an dans notre pays.

Ces dernières années, la prise de conscience s'est aiguisée parmi nos concitoyens et une partie de la classe politique.

Plusieurs textes fondateurs ont pu aboutir parmi lesquels la charte de l'environnement, le grenelle de l'environnement ou encore certains accords internationaux comme l'accord de Paris dans le cadre de la COP 21.

Des objectifs ont été définis, parfois ambitieux, prenant en compte les données scientifiques et notamment les différents rapports du GIEC pour contenir l'augmentation des températures à un niveau acceptable pour la poursuite de l'humanité.

Ces objectifs se déclinent avec de véritables outils telles les stratégies bas carbones. Malheureusement, à ce jour, les objectifs fixés par ces trajectoires ne sont jamais honorés.

Il en est ainsi dans le secteur des transports qui représentait encore 30% des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays en 2018.

Ce décalage entre les objectifs et les faits résultent d'un « en même temps » condamnable.

Ainsi, les politiques publiques depuis ces trente dernières années ont été guidées par la volonté de déréguler et privatiser les biens communs et les services publics qui les portent. Ces mécanismes ont conduit à méconnaître les enjeux de développement durable et d'intérêt général puisque le seul prisme d'évaluation de l'intérêt d'une activité a été non pas son empreinte écologique, ni même son intérêt en matière d'aménagement du territoire mais uniquement sa rentabilité financière.

Tous les secteurs de la vie économique ont été touchés sous l'impulsion notamment des directives européennes : transport, énergie, télécommunications. L'ensemble des monopoles publics ont été démantelés, les services ouverts à la concurrence.

Pour le secteur des transports ferroviaires, la concurrence a été double. Elle s'est organisée progressivement au sein même du rail mais également entre les différents modes dans une logique de dumping social, économique et environnemental, favorable à la route.

Si la question du rééquilibrage modal concerne l'ensemble des transports qu'ils soient de voyageurs ou de marchandises, la problématique du fret se pose avec une acuité toute particulière, non seulement puisqu'il s'agit du premier secteur d'activité qui a été démantelé mais également parce que les enjeux sont particulièrement forts.

En effet, selon une étude du ministère de l'environnement de l'énergie et de la mer réalisée en 2016, nous pourrions assister à une hausse de 80% des volumes de marchandises transportées en France entre 2016 et 2050. Il s'agit ainsi d'un levier très important pour diminuer les émissions, mais aussi pour éviter qu'elles progressent de manière exponentielle.

Ainsi, en reprenant les chiffres donnés par la SNCF, à la tonne kilomètre transportée, le rail émet ainsi 8 fois moins de particules nocives que la route, consomme 6 fois d'énergie et émet 9 fois moins de CO2.

Alors que le transport ferroviaire fret représente près de 9 % du transport intérieur de marchandises, l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre des trains est négligeable puisqu'elles représentent seulement 0,3% des émissions du secteur des transports.

Pourtant, faute d'une réelle volonté politique et du fait du caractère libéral des politiques menées, les activités voyageurs et marchandises ont été touchées par ces politiques de dérégulation avec des conséquences similaires : une baisse d'activité conjuguée à la dégradation du service, sa rétraction aux activités rentables. La massification a ainsi été privilégiée à la place de l'irrigation des territoires pour répondre aux besoins.

Par ailleurs, l'ensemble des financements publics ont été asséchés par des choix désastreux notamment au travers la création de l'Agence de Financement des Infrastructures de Transports de France (AFITF), privée dès sa création de financement pérennes.

Résultat le trafic de marchandises a été divisé par deux depuis 1974 où il avait atteint son maximum avec 74 milliards de tonnes-kilomètres transportés. Le ferroviaire n'en déplace aujourd'hui plus que 33,4 milliards, soit moins de 10 % du volume total. Pourtant, avant la généralisation du camion au début du XXIe siècle, jusqu'à 75 % des marchandises étaient transportées par voie ferrée.

Aujourd'hui, l'activité est sinistrée, otage de décennies de désinvestissement voir même dans certain cas de sabotage par un isolement mortifère de cette activité lié à la mise en place des différents plans tel le plan de la SNCF dit « Véron » en 2003 qui avait engagé, déjà, la filialisation de l'activité devenue effective au 1 er janvier de cette année.

Isolée du reste de l'activité ferroviaire, et sommée à la rentabilité, l'activité fret s'est lentement dégradée.

Les triages ont été démantelés, le dernier en date étant celui de Grande Synthe. Ainsi, les gares de fret ont diminué de moitié, le nombre de triage par gravité est passé de 19 à 4, les terminaux combinés de 45 à 27, le nombre d'installations terminales embranchées de 4500 à 1800. Tout l'outil de production a ainsi été broyé.

Le matériel roulant a largement été dégradé voir vendu. L'usine de production des wagons a même été vendue participant à la perte de savoir-faire dans l'industrie ferroviaire déjà en grande difficulté.

L'emploi a été fortement impacté, plus de 10 000 postes qui ont été supprimés en dix ans. Depuis 2001, les effectifs sont passés de 20 000 agents à 4000 soit une suppression de 80% de la masse salariale.

Dernier élément en date, la suppression de la ligne Perpignan-Rungis, contre l'avis des élus et des différents acteurs comme le Marché d'Intérêt National.

Aujourd'hui, le gouvernement au travers du plan de relance semble redécouvrir l'intérêt du rail et d'une relance qui permette d'engager une réelle transition écologique. Des annonces qui viennent étayer la volonté affirmée par le chef de l'Etat le 14 juillet dernier de « redévelopper massivement le fret ferroviaire ».

L'objectif fixé est de doubler le tonnage transporté d'ici à 2030 en multipliant les exonérations des droits de péages et en créant de nouvelles autoroutes ferroviaires. Pour ce faire, ce sont 4.7 milliards qui sont annoncés principalement pour les réseaux. Pour autant, sur ces sommes seulement 63 millions serviraient concrètement le fret ferroviaire au travers la gratuité des péages.

Lors d'une audition au sénat au printemps dernier, le nouveau président de la SNCF en appelait pourtant à un véritable « plan Marshall » du fret ferroviaire.

Ce « plan Marshall », à l'évidence, doit aller bien plus loin qu'une simple baisse des péages et d'un effort à l'aide à la pince pour le transport combiné.

Les auteurs de cette proposition de résolution souhaitent ainsi que le gouvernement s'engage avec une feuille de route bien plus ambitieuse prenant l'ensemble des aspects en considération dans une stratégie de long terme de reconquête du rail sur la route.

Ils proposent d'agir en plusieurs directions :

D'abord, il convient de se donner un cap avec un objectif réalisable et crédible. Ainsi, les auteurs de cette proposition, en lien avec les propositions faites par les organisations syndicales et singulièrement la CGT, préconisent de définir l'objectif de porter la part du rail dans le fret au moins à hauteur de 25% à l'horizon 2050.

Pour ce faire, il préconise un plan fondé sur plusieurs principes.

Il convient de se doter à nouveau d'une structure publique Fret SNCF, cheville ouvrière de la reconquête du rail.

Les avantages concurrentiels de la route et de l'aérien doivent être revus et progressivement supprimés. Les usagers de la route, c'est-à-dire les camions, doivent ainsi participer à l'entretien du réseau au travers le retour d'une écotaxe.

La fiscalité environnementale doit servir non pas à alimenter le budget général de l'État mais à financer les projets et programmes utiles à la transition environnementale. A ce titre, la TICPE doit être mieux mise à contribution de la relance ferroviaire. Les sommes allouées aux niches fiscales défavorables au climat doivent être réorientées vers des dépenses utiles aux territoires et à leur transition.

Le matériel et les infrastructures doivent être préservés. La filière industrielle ferroviaire et la recherche doivent être soutenues pour produire les wagons dont l'activité a besoin et ainsi participer à la relance de l'industrie ferroviaire aujourd'hui localisée pour des raisons économiques principalement dans le sud de l'Union européenne.

Le transport ferroviaire de marchandises et notamment l'activité de wagon isolé correspond à une activité d'intérêt général et participe directement aux objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'aménagement du territoire. Il doit donc être reconnu juridiquement comme tel pour permettre, selon les critères de l'Union européenne, son subventionnement par l'État français. Le positionnement de la commission européenne évolue et un certain nombre d'États européens se lancent d'ailleurs dans cette direction.

En ce sens, Fret SNCF doit redevenir un véritable organisateur logistique au service de l'intérêt général et non un simple opérateur ferroviaire enfermé dans une logique comptable. Il doit bénéficier des moyens financiers, matériels et humains nécessaires à l'accomplissement de son rôle de service public au service de la Nation ; pour ce faire, Fret SNCF doit se voir attribuer toute nouvelle création de ligne afin de donner de la visibilité à l'entreprise et être réintégré à SNCF voyageur.

Pour l'heure, l'aide financière apportée au mode ferroviaire pour l'accès au réseau doit être réévaluée. La subvention au transport combiné dite « coup de pince » doit être augmentée ;

La création d'Installation de transport embranchée doit par ailleurs être imposée dans toutes les nouvelles zones d'activités économiques qui se créent, dès lors que leur relation au réseau ferré national est possible.

Enfin, les auteurs de cette résolution considèrent que les infrastructures ferroviaires sont particulièrement structurantes pour les territoires. Ils préconisent ainsi l'élaboration d'un schéma national de desserte ferroviaire de marchandises qui garantisse une présence sur l'ensemble du territoire et le développement de nouvelles lignes afin de répondre à des besoins particuliers. Dans ce cadre, le trafic ferroviaire doit être repensé à partir des infrastructures stratégiques tels les ports maritimes ou les marchés d'intérêt national en analysant et massifiant les flux de marchandises vers ces espaces.

C'est à ces conditions, que le fret ferroviaire pourra être effectivement l'outil de la relance dans notre pays.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page