N° 51

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 31 octobre 2001

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique , des Caraïbes et du Pacifique , d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part,

PRÉSENTÉ

au nom de M. LIONEL JOSPIN,

Premier ministre,

par M. HUBERT VÉDRINE,

Ministre des affaires étrangères.

( Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Traités et conventions.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France a signé, le 23 juin 2000, à Cotonou, un nouvel accord de partenariat ACP-CE.

La quatrième convention de Lomé, révisée par l'accord signé à Maurice, le 4 novembre 1995, arrivait à échéance le 29 février 2000. Cette convention prévoyait, en son article 366, que les Parties entameraient des négociations en vue d'examiner les dispositions qui régiraient ultérieurement leurs relations mutuelles, dix-huit mois avant cette date.

Compte tenu des difficultés rencontrées à l'occasion de son réexamen à mi-parcours et lors de la constitution du 8 e Fonds européen de développement (FED), la Commission européenne a fait en sorte qu'un débat en profondeur ait lieu très en amont sur le bilan du partenariat ACP-CE et sur son avenir. La publication, fin 1997, de son « livre vert » a marqué l'engagement d'un processus ponctué par des réunions dans tous les Etats membres et dans chacune des régions ACP, ainsi que par une conférence de synthèse organisée à Bruxelles en septembre 1997. La France y a pris part en diffusant notamment deux contributions écrites, dans lesquelles elle soulignait son attachement à la pérennité d'un instrument unique au service du développement et plaidait pour une refonte susceptible d'en garantir l'adéquation avec les nouveaux défis auxquels sont confrontés les pays ACP.

La Commission a largement tenu compte de cette concertation pour préparer une proposition de directives de négociation, présentée au Conseil en janvier 1998. C'est sous la présidence britannique que le mandat de l'Union a été examiné et adopté par le Conseil « Affaires générales » du 29 juin 1998. Le volet commercial du futur partenariat et les nouvelles modalités de la coopération pour le financement du développement ont suscité les discussions les plus difficiles entre les Quinze.

C'est sur la base de ce mandat et de celui préparé, pour la première fois de son histoire, par le groupe ACP que les négociations ont été lancées, le 30 septembre 1998 à Bruxelles, dans le respect du calendrier prévu. Ont été constitués quatre groupes de négociation, respectivement chargés des aspects politiques (groupe central, qui assurait également la coordination de l'ensemble du processus), des stratégies de développement (groupe 2), du volet commercial (groupe 3) et de la coopération financière (groupe 4).

Jusqu'à la première conférence ministérielle de négociation, organisée à Dakar en février 1999, les travaux de ces quatre groupes ont consisté à identifier les points de convergence et de divergence entre les positions respectives des deux Parties. A partir de la réunion de Dakar, la recherche de compromis sur les aspects ne faisant pas l'objet d'un accord a été engagée. L'absence de progrès significatifs à l'occasion de la deuxième conférence ministérielle, en juillet 1999, a incité l'Union à multiplier les rencontres informelles avec la partie ACP pour examiner des projets de texte et envisager des solutions aux problèmes les plus épineux.

Cette mobilisation, notamment grâce à la présidence finlandaise, a porté ses fruits, puisque la troisième conférence ministérielle de décembre 1999 est parvenue à un accord sur l'essentiel des dispositions du nouveau partenariat. Les ultimes points en suspens ont pu être réglés lors de la quatrième et dernière rencontre des ministres, à Bruxelles, au début du mois de février 2000.

Le nouvel accord a été signé, le 23 juin 2000, dans la capitale béninoise qui a été retenue, suite au coup d'Etat intervenu en mai 2000 aux îles Fidji, dont la candidature avait été choisie à l'origine par le groupe ACP pour accueillir la cérémonie de signature.

Le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, M. Charles Josselin, a été personnellement impliqué dans l'ensemble de ce processus, depuis la négociation du mandat de l'Union jusqu'à la signature de l'accord. Il a alternativement présidé, pour la Partie européenne, les groupes de négociation en charge des stratégies de développement (second semestre 1999) et de la coopération financière (premier semestre 2000).

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1 - Structure de l'accord de Cotonou

L'accord de partenariat comprend un préambule, six parties, six annexes (dont certaines contiennent des protocoles), trois protocoles et un acte final, auquel sont annexées quarante-trois déclarations conjointes ou unilatérales.

L'accord lui-même se compose de cent articles, contre trois cent soixante-neuf pour la quatrième convention de Lomé révisée. Par souci de transparence, le parti a en effet été pris de simplifier autant que possible le texte et de traiter les aspects les plus techniques dans des annexes.

La première partie intitulées « Dispositions générales » ( articles 1 er à 13 ) est consacrée aux objectifs, principes et acteurs du partenariat, ainsi qu'à sa dimension politique.

Les dispositions institutionnelles ( articles 14 à 17 ), relatives aux institutions paritaires, figurent dans la deuxième partie.

La troisième partie ( articles 18 à 54 ) décrit les stratégies de coopération, dans leurs aspects sectoriels et thématiques. La coopération commerciale et économique y est également traitée.

La quatrième partie ( articles 55 à 83 ) a trait à la coopération pour le financement du développement et recense, à cet égard, les différents types d'intervention de la Communauté en appui au développement des pays ACP.

La cinquième partie ( articles 84 à 90 ) fixe des dispositions spécifiques aux pays les moins avancés, enclavés ou insulaires.

Enfin, les dispositions finales, en particulier relatives à la ratification, aux nouvelles adhésions, à la révision de l'accord, à la clause de non-exécution et au règlement des différends, sont regroupées dans la sixième partie ( articles 91 à 100 ).

Parmi les annexes, les plus importantes peuvent être mentionnées :

- l'annexe I inclut le protocole financier mis en place pour une période de cinq ans à compter du 1 er mars 2000, pour un montant de 15,2 milliards d'euros ;

- l'annexe IV établit les procédures de gestion de la coopération financière ;

- le régime commercial applicable jusqu'au 1 er janvier 2008 est détaillé dans l'annexe V et dans les protocoles qui lui sont joints (cumul d'origine, protocoles sur le sucre et la viande bovine).

2 - Renforcement de la dimension politique et meilleure prise en compte de la bonne gestion des affaires publiques

La dimension politique de Lomé s'était essentiellement traduite par l'exercice de la conditionnalité liée au respect des trois éléments essentiels de la convention (droits de l'homme, principes démocratiques et Etat de droit). Une approche préventive, fondée sur un dialogue en amont destiné à éviter d'en arriver à des situations de crise entraînant la suspension unilatérale de la coopération, était au centre des propositions européennes. Elle a aisément recueilli l'agrément des ACP, qui sont également convenus que l'efficacité de cette concertation dépendrait de la souplesse de ses modalités. Ce nouveau dialogue politique sera fondé sur l' article 8 de l'accord. Dans le cadre de cette dimension politique accrue, une plus grande attention sera portée à la consolidation de la paix, ainsi qu'à la prévention et à la résolution des conflits ( article 11 ).

La clause de non-exécution et l'extension de la conditionnalité à la bonne gestion des affaires publiques ont constitué le point dur des négociations sur ce volet.

La Partie européenne n'envisageait pas de renoncer à une procédure préservant sa capacité de réaction lorsque le dialogue aurait échoué. Compte tenu de l'attention légitime portée à la bonne utilisation de l'aide, elle souhaitait également inscrire la « bonne gouvernance » comme quatrième élément essentiel susceptible de déboucher, en cas de violation, sur la suspension de la coopération. A contrario , les ACP estimaient que le partenariat n'était pas compatible avec la faculté pour l'une des Parties de recourir à des mesures unilatérales et redoutaient que le caractère mal défini de la bonne gestion aboutisse à doter l'Union d'un instrument dont elle pourrait faire un usage arbitraire.

Un compromis a été trouvé entre ces préoccupations :

- une clause de non-exécution efficace a été préservée : sur le modèle de l'article 366 bis de la convention de Lomé, le nouvel article 96 prévoit qu'un manquement à l'un des trois éléments essentiels définis à l' article 9 entraîne l'ouverture de consultations qui ont pour but de remédier à la situation. En cas d'échec, la Partie qui a invoqué le manquement peut, en dernier recours, suspendre tout ou partie de l'application de l'accord par une décision qui demeure unilatérale. En cas d'urgence, le dialogue intervient ex post ;

- la bonne gestion ne devient pas un élément essentiel, mais un élément fondamental du partenariat (article 9, paragraphe 3). Les cas graves de corruption justifieront la mise en oeuvre d'une procédure spécifique, mais comparable à la clause de non-exécution ( article 97 ). Il s'agit d'une innovation majeure qui témoigne d'une volonté commune de lutter contre la corruption.

Enfin, la dimension migratoire a été mieux prise en compte ( article 13 ). L'Union européenne s'est engagée à promouvoir la non-discrimination au profit des ressortissants ACP vivant légalement sur son territoire et à financer des actions de coopération ayant un impact sur les flux migratoires. Les ACP ont accepté l'inclusion, pour la première fois, de la clause standard de réadmission, adoptée par le Conseil JAI en décembre 1999. A la demande de l'une des Parties, des accords bilatéraux régissant les obligations spécifiques de réadmission et de retour des migrants illégaux pourront être négociés.

3 - Stabilité des aspects institutionnels

Les trois institutions conjointes des accords de Lomé sont préservées (deuxième partie de l'accord). Il s'agit du conseil des ministres, du comité des ambassadeurs et de l'assemblée paritaire. Toutefois, l'assemblée s'intitulera désormais « assemblée parlementaire paritaire », afin de souligner l'importance de la contribution des parlements à la vitalité démocratique du partenariat.

S'agissant des nouvelles adhésions ( article 94 ), un critère d'appartenance géographique aux trois régions ACP ne sera pas exigé des éventuels candidats, afin de satisfaire certains de nos partenaires de l'Union qui étaient attachés à ce que la porte ne soit pas fermée d'emblée aux pays les moins avancés (PMA) asiatiques. Toutefois, les principes régissant le groupe ACP ont été réaffirmés dans une déclaration commune annexée à l'acte final ( déclaration XV ) et les adhésions seront acquises par décision conjointe à l'unanimité.

La signature de l'accord de Cotonou a été l'occasion pour six nouveaux territoires du Pacifique (Niue, Iles Marshall, Micronésie, Iles Cook, Nauru et Palau) d'adhérer, portant le nombre de partenaires ACP de soixante et onze à soixante dix-sept. Cuba a en revanche retiré sa candidature, au printemps 2000, avant qu'elle n'ait pu être examinée par la Partie européenne. Les pays ACP n'en ont pas moins récemment admis ce pays au sein de leur groupe, sans que cette décision ait de conséquence pour l'Union européenne.

4 - Un partenariat intégré autour de l'objectif de lutte contre la pauvreté et ouvert à la société civile

La convention de Lomé était devenue un texte trop long et trop technique, dans lequel les objectifs et les principes de la coopération finissaient par se fondre dans un ensemble de dispositions relatives au fonctionnement des différents instruments. Elle s'apparentait plus à un catalogue qu'à une stratégie en vue de soutenir les efforts des ACP dans la voie du développement.

Une volonté de simplification et de définition d'une conception plus dynamique de la coopération a prévalu. A cette fin, l'objectif central de la réduction de la pauvreté a été mis en évidence ( article 19 ), dans le cadre d'une approche intégrée où s'articuleront les aspects transversaux s'appliquant à l'ensemble de la coopération (section 4 du chapitre II du titre I er de la troisième partie, où apparaissent les questions liées à l'égalité entre les hommes et les femmes, la dimension environnementale et le renforcement des capacités institutionnelles) et les différents domaines d'appui (sections 1 à 3 du même chapitre) : investissement et développement du secteur privé ; réformes et politiques macro-économiques et structurelles ; développement économique sectoriel ; tourisme ; développement des secteurs sociaux ; questions liées à la jeunesse ; développement culturel ; coopération et intégration régionales.

Par ailleurs, l'accord renvoie à un ensemble de textes sur les politiques sectorielles et les autres domaines de coopération, qui pourront si nécessaire être adaptés par le conseil des ministres conjoint. Ces textes seront rassemblés dans un compendium .

L'ouverture du partenariat aux acteurs de la société civile constituait un objectif prioritaire pour l'Union. Il s'agissait de dépasser la simple association des organisations non gouvernementales à la coopération, pour les impliquer dans la programmation de l'aide et dans le dialogue sur les politiques de développement. Les pays ACP étaient partagés entre une réponse favorable à une attente exprimée par leurs propres opinions publiques et la crainte qu'une telle évolution aboutisse à une remise en cause des prérogatives des Etats.

Les dispositions relatives aux acteurs du partenariat ( articles 4 à 7 ) reconnaissent le rôle central joué par les Etats ACP dans la détermination des principes et stratégies de développement et dans l'établissement des programmes de coopération. Elles prévoient cependant une implication à plusieurs niveaux des acteurs non étatiques, qui comprennent aussi bien le secteur privé que les partenaires économiques et sociaux et la société civile sous toutes ses formes (une définition plus précise fait l'objet de la déclaration I annexée à l'acte final). Une politique de développement des capacités de ces acteurs est également prévue, pour leur permettre de mieux apporter leur contribution à la mise en oeuvre de l'accord. Par ailleurs, l'annexe IV sur les procédures de mise en oeuvre et de gestion de la coopération financière précise à nouveau que des consultations doivent avoir lieu avec une large gamme d'acteurs dans le cadre de la programmation de l'aide.

5- Reconnaissance du rôle de l'intégration régionale dans les relations commerciales

L'avenir du partenariat commercial a fait l'objet des discussions les plus difficiles. L'enjeu était de parvenir à définir une évolution progressive d'un système de préférences non réciproques discriminatoires vers un nouveau cadre, dont la compatibilité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) garantirait la pérennité. La perspective du renouvellement de la dérogation nécessaire à la continuation du régime antérieur au-delà du 29 février 2000, comme la préparation de la conférence de Seattle, ont naturellement pesé sur la négociation.

Deux options étaient envisageables :

- celle du basculement des ACP dans le régime de droit commun offert à tous les pays en développement dans le cadre du système de préférences généralisées (SPG). Afin que les ACP conservent leur accès au marché, une amélioration du SPG communautaire interviendrait au préalable. Cette solution signifierait toutefois, pour les ACP, la mise en concurrence de leurs produits avec ceux d'autres pays en développement (PED) et, pour l'Union, l'ouverture de certains secteurs sensibles de son agriculture non couverts par le SPG en vigueur ;

- celle, plus ambitieuse, de la promotion de l'intégration régionale au sein du groupe ACP par le biais de la conclusion d'accords de partenariat économique (APE). Ces accords entre la Communauté européenne et des sous-ensembles ACP incluent l'établissement de zones de libre échange autorisées par l'article XXIV du GATT et une approche globale des questions commerciales.

La Partie européenne a estimé que la seconde option offrait aux ACP les meilleures perspectives d'insertion dans l'économie mondiale. Elle s'est en outre engagée à assurer d'ici 2005 un accès en franchise de droits pour l'essentiel des produits des PMA et à examiner la mise en place d'un cadre équivalent à celui de Lomé IV pour les non-PMA qui ne seraient pas en mesure de rejoindre un tel accord. Entre 2000 et 2005, le statu quo serait maintenu en vue de préparer le passage au nouveau régime. Les protocoles produits seraient réexaminés à la faveur de la négociation des APE.

Les ACP se sont montrés très réticents au changement. Sans l'avouer, ils avaient l'espoir que les deux Parties puissent agir de concert pour modifier les règles de jeu et rendre inutile une évolution vers un nouveau système. Ils prétendaient par ailleurs obtenir une transition de dix ans et un report en 2006 de la discussion sur la nature du futur partenariat commercial. En attendant, ils plaidaient pour l'amélioration des préférences Lomé afin de compenser l'érosion découlant de la libéralisation des échanges. Enfin, ils étaient réticents à abandonner le clause de non-discrimination entre ACP sur laquelle reposait l'ancien système.

Les deux Parties ont dû aller à la rencontre l'une de l'autre :

- l'approche européenne a été globalement acceptée ( articles 36 et 37 ), en échange d'un allongement de trois ans de la période de transition qui s'achèvera le 1 er janvier 2008. Les négociations formelles des nouveaux accords commerciaux commenceront en septembre 2002 et devront s'achever pour permettre leur entrée en vigueur à la fin de la période transitoire. Les protocoles sur les produits de base seront réexaminés dans ce contexte ;

- l'amélioration de l'accès au marché des PMA sera engagée à partir de 2000 (le principe d'un accès en franchise de droits pour tous les produits des PMA, allant au-delà de l'engagement pris dans le cadre de l'accord qui portait sur l'essentiel de leurs produits, a fait l'objet d'une décision au Conseil « Affaires générales » du 26 février 2001) ;

- en 2004, la situation des non-PMA qui décideront, après consultation avec la Partie européenne, qu'ils ne sont pas en mesure de négocier un APE sera examinée. Toutes les alternatives possibles seront étudiées afin de pourvoir ces pays d'un nouveau cadre commercial équivalent à leur situation existante et conforme aux règles de l'OMC ;

- à partir de 2008, les APE entreront en vigueur et donneront lieu à une libéralisation progressive et asymétrique des échanges entre les Parties (l'OMC permet un processus étalé sur un maximum de douze ans pour les pays en développement, ce qui renverra l'ouverture des marchés ACP à l'horizon 2020) ;

- parallèlement, une coopération en matière commerciale et dans les domaines liés au commerce sera développée (chapitres 3, 4 et 5 du titre II de la troisième partie : articles 39 à 52 ).

Pendant la période allant jusqu'au 1 er janvier 2008, les avantages accordés aux pays ACP au titre de la quatrième convention de Lomé seront globalement maintenus, en vertu de l'annexe V de l'accord et d'une dérogation à la clause de la nation la plus favorisée qui devra être obtenue de l'Organisation mondiale du commerce. De même, les protocoles sur la viande bovine et le sucre ont été repris intégralement des conventions antérieures.

Les modifications portent sur les points suivants :

- concernant les règles d'origine, quelques amendements d'une portée mineure ont été introduits, s'agissant notamment du cumul d'origine pour le thon et des règles applicables au cumul régional avec l'Afrique du Sud, dont les échanges avec la Communauté relèvent de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération, signé à Pretoria le 11 octobre 1999 ;

- le protocole sur le rhum n'a pas été repris, compte tenu de la libéralisation progressive concernant certaines boissons spiritueuses consentie dans le cadre d'un accord entre la Communauté et les Etats-Unis, signé en 1997. En revanche, une déclaration conjointe sur le rhum annexée à l'acte final ( déclaration XXV ) prévoit la prise en compte des intérêts des pays ACP et la mise en place d'un programme spécifique d'assistance destiné à soutenir leurs exportateurs de rhum ;

- le protocole sur la banane a été supprimé dans sa forme antérieure, en raison de la nouvelle invalidation du régime communautaire d'importation par l'OMC, en avril 1999, qui ne permettait plus à l'Union de garantir qu'aucun Etat ACP ne serait placé dans une position moins favorable que celle qu'il connaissait antérieurement. En effet, en vertu des conclusions du groupe spécial, il est désormais impossible de réserver un contingent aux fournisseurs traditionnels ACP. Un nouveau protocole, figurant dans l'annexe V, dispose que la Communauté accepte d'examiner et, le cas échéant, de prendre des mesures visant à assurer la viabilité des entreprises ACP exportatrices de bananes et le maintien des débouchés pour leurs bananes sur le marché communautaire ;

- à l'exception des mesures en faveur des PMA (qui s'appliquent indépendamment du partenariat ACP-CE), l'Union n'a pas donné satisfaction aux pays ACP qui souhaitaient obtenir une amélioration de leur accès au marché pendant la phase préparatoire, afin de ne pas accroître la discrimination au détriment des pays non-ACP. Une déclaration commune sur l'accès au marché ( déclaration XXIII ) précise cependant que les Parties conviennent d'examiner toutes les mesures nécessaires pour préserver la position concurrentielle des ACP sur le marché communautaire.

6 - Une coopération pour le financement du développement plus efficace

Le bilan du partenariat avait mis en lumière les insuffisances de l'aide pourtant substantielle accordée aux pays ACP et les effets négatifs pour les deux Parties de l'immobilisation de sommes importantes. Afin de remédier à cette situation, il a été convenu d'en revoir profondément les modalités, dans le sens d'une plus grande souplesse :

- en substituant aux différents instruments deux enveloppes consacrées respectivement :

. au développement à long terme (cf. protocole financier en annexe I) : elle permet des aides non remboursables gérées par la Commission européenne, dans tous les domaines énumérés dans les titres II et III de la quatrième partie de l'Accord, dans le cadre des programmes indicatifs nationaux qui seront négociés avec chacun des pays ACP pour la durée du protocole financier ;

. à l'appui au secteur privé : est instituée une facilité d'investissement, dont les ressources seront employées pour fournir des capitaux à risques et accorder des prêts. Cette facilité est gérée par la Banque européenne d'investissement, selon des modalités de mise en oeuvre décrites dans le chapitre I de l'annexe II ;

- en se dotant d'une programmation renforcée permettant d'adapter à mi et en fin de parcours la coopération avec un pays ou une région donnés, ainsi que les crédits qui lui sont alloués (cf. annexe IV sur les procédures de mise en oeuvre et de gestion). Il est prévu que l'attribution des ressources tienne compte des besoins et des performances.

Ce dispositif n'en préserve pas moins, et parfois même accroît, la variété des domaines d'intervention de la Communauté :

- des dispositions nouvelles ont été ajoutées sur l'allègement de la dette ( article 66 ) pour tenir compte des initiatives agréées par la communauté internationale ;

- une aide humanitaire et une aide d'urgence seront poursuivies. Par souci d'efficacité, les actions d'urgence à court terme ne seront cependant financées sur le Fonds européen de développement que lorsque les ressources du budget général de la Communauté ne pourront pas être mobilisées ( article 73 ) ;

- la suppression du Stabex et du Sysmin, en tant qu'instruments spécifiques, est compensée par la mise en place d'un mécanisme de soutien en cas de fluctuations à court terme des recettes d'exportation des pays ACP, en particulier dans les secteurs agricoles et miniers ( article 68 ). Il jouera dans la détermination de l'enveloppe indicative par pays ( article 3 de l'annexe IV ), comme lors des revues régulières de la coopération. Les critères d'éligibilité, définis dans le chapitre III de l'annexe II, permettent d'inclure dans la liste des bénéficiaires potentiels tous les pays qui avaient tiré parti de ces instruments. Il convient de relever que l'impact des fluctuations des recettes d'exportation sur le déficit public sera pris en compte dans l'attribution des ressources.

Il sera, par ailleurs, davantage tenu compte de la situation des pays les moins avancés, enclavés et insulaires, notamment dans l'allocation des ressources (cf. notamment la cinquième partie de l'accord : articles 84 à 90 ).

Les conditions d'éligibilité aux financements prévoient que, outre celles des Etats membres de la Communauté européenne, les entreprises de tous les pays ACP peuvent soumissionner pour l'octroi de contrats sur le FED, quand bien même ils concerneraient un pays ACP différent de celui de l'entreprise soumissionnaire. S'agissant de la nature des subventions, l'aide budgétaire directe sera encouragée, à certaines conditions, en appui aux réformes macro-économiques ou sectorielles, afin de favoriser l'appropriation par les pays bénéficiaires ( article 61 ). Les règles applicables en matière de concurrence (chapitre IV de l'annexe IV) sont inspirées du manuel harmonisé sur les procédures adopté en 1999 par la Commission européenne.

Enfin, les activités du Centre technique pour le développement de l'agriculture (CTA) sont reconduites. Le Centre de développement industriel (CDI), rebaptisé Centre de développement des entreprises (CDE), voit son mandat élargi aux services. Ces deux organismes paritaires font l'objet d'une annexe spécifique consacrée aux appuis institutionnels (annexe III).

7 - Stabilisation des ressources et meilleure gestion financière du Fonds européen de développement

Le Conseil européen de Berlin avait décidé, en mars 1999, de stabiliser les crédits consacrés à l'action extérieure de l'Union au sein du budget communautaire. Il était cependant difficile de faire moins en faveur d'un groupe de pays qui compte parmi les pauvres de la planète. La France en était convaincue, comme elle souhaitait légitimement obtenir un rééquilibrage de sa clé de contribution au FED (24,3 %) dans un sens plus conforme à sa part dans le budget communautaire (autour de 17 %). Sur la base d'une communication de la Commission qui proposait de porter l'enveloppe à 14,3 milliards d'euros, le débat interne à l'Union s'est engagé tardivement. Il est rapidement apparu que les partenaires susceptibles de faire un effort supplémentaire (Royaume-Uni et Allemagne en particulier) n'y étaient pas prêts et qu'ils contestaient à cette fin l'efficacité de la coopération avec les ACP. La présidence finlandaise s'est alors efforcée de réunir un consensus autour d'un volume revu à la baisse (13,8 milliards, dont 13,5 pour les ACP), représentant une augmentation de 5 % par rapport au 8 e FED. Pour répondre aux préoccupations des ACP, qui avaient demandé un accroissement en valeur réelle, l'Union a mis l'accent sur l'importance des reliquats sur les FED antérieurs (environ 10 milliards d'euros) et sur un ensemble de dispositions de nature à améliorer la gestion financière du protocole.

Des objectifs en termes d'engagements annuels ont été fixés entre 3 et 3,5 milliards d'euros. Il a été convenu que les reliquats du 9 e FED seraient utilisés pour la constitution du protocole suivant, grâce notamment à l'introduction, à la demande de la France, d'une date butoir pour l'engagement des crédits. La nécessité d'une meilleure complémentarité avec les aides bilatérales des Etats membres par le recours accru aux cofinancements a également été reconnue.

Pour parvenir à un accord, notre pays s'est résolu, à l'occasion du Conseil « Affaires générales » du 6 décembre 1999, au maintien des clés de contribution antérieures. A notre demande, la commission s'est engagée, dans une déclaration, à soumettre au Conseil en 2003 un examen des avantages et des inconvénients de la budgétisation du FED. En conséquence, une offre financière a été faite sur la base d'une enveloppe de 13,5 milliards d'euros au titre du 9 e FED, à laquelle s'ajoutera 1,7 milliard sur les ressources propres de la Banque européenne d'investissement et tous les reliquats des FED antérieurs à la date d'entrée en vigueur de l'accord. L'ensemble de ces ressources permettra d'alimenter la coopération financière entre 2000 et 2007, date à laquelle un nouveau fonds sera constitué à l'issue d'un bilan de l'exécution du 9 e FED.

Le protocole financier, figurant en annexe I, est conforme à ces éléments. Il prévoit en outre la répartition des ressources par instruments :

- 10 milliards d'euros pour l'enveloppe de développement à long terme, dont :

. 90 millions pour le financement du budget du CDE ;

. 70 millions pour le financement du budget du CTA ;

. 4 millions pour le financement de l'assemblée parlementaire paritaire ;

- 1,3 milliard d'euros pour le financement de la coopération régionale ;

- 2,2 milliards d'euros pour le financement de la facilité d'investissement.

L'accord interne entre les représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil sur le financement et la gestion des aides de la Communauté dans le cadre de l'accord de Cotonou institue le 9 e FED et précise les modalités de gestion interne à la Partie européenne. Sa ratification doit être autorisée par une loi, dont l'examen par le Parlement sera conduit simultanément avec celui de la loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat lui-même.

8 - Autres dispositions

Alors que la convention de Lomé IV couvrait une période de dix ans, entrecoupée d'une révision à mi-parcours, l'accord de Cotonou est conclu pour une durée de vingt ans, à compter du 1 er mars 2000 ( article 95 ). Il s'accompagne de protocoles financiers d'une durée de cinq ans. Ce rendez-vous quinquennal peut être l'occasion pour une des Parties de demander une modification de l'accord lui-même.

L'accord institue un comité ministériel conjoint de coopération pour le financement du développement ( article 83 ), ainsi qu'un nouveau comité ministériel commercial mixte ( article 38 ).

De nombreuses dispositions en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union et des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) (dont relèvent nos différentes collectivités d'outre-mer à l'exception des départements d'outre-mer) sont repris de la convention de Lomé IV bis : inclusion des régions ultrapériphériques de l'Union et des pays et territoires d'outre-mer dans le champ de la coopération régionale ( article 28 ) ; inclusion des PTOM dans le champ des dispositions en matière de cumul d'origine (protocole n° 1 à l'annexe V) ; adhésion des PTOM qui deviendraient indépendants à l'accord ( déclaration XVI ) ; dispositions spécifiques aux départements français d'outre-mer en matière de suspension des droits de douane pour l'importation de certains produits originaires des pays ACP ( déclaration XXII ) ; possibilité de mesures de sauvegarde spécifique en faveur des DOM ( déclaration XXVII ) ; promotion de l'insertion des DOM et des PTOM français dans leur environnement régional ( déclaration XXVIII ).

Comme précédemment, l'entrée en vigueur de l'accord interviendra à l'issue de sa ratification par tous les Etats membres de l'Union européenne et par les deux tiers des Etats ACP ( article 93 ). Afin d'être en mesure de tirer rapidement le meilleur parti des dispositions plus efficaces du nouveau partenariat, il a été convenu, par une décision du conseil des ministres, d'en appliquer provisoirement l'essentiel, à compter du 2 août 2000. Les aspects financiers sont naturellement exclus du champ de cette application anticipée (annexe I, chapitre I de l'annexe II, du chapitre III de l'annexe IV articles 17-19).

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Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 et qui, comportant des dispositions de nature législative et étant relatif au commerce, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.