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N° 188

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 janvier 1997

PROJET DE LOI

autorisant l'approbation de l 'accord entre le Gouvernement de la République française et l 'Association des États de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des États de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique,

PRÉSENTÉ

au nom de M. ALAIN JUPPÉ,

Premier ministre.

par M. HERVÉ DE CHARETTE,

ministre des affaires étrangères.

(Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces années, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Traités et conventions. - Caraïbes. - Départements et territoires d'outre-mer .

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France et l'Association des États de la Caraïbe ont signé le 24 mai 1996 à Mexico un accord d'association.

Contexte de la signature

La convention de Cartagena de Indias accorde aux membres associés de l'Association des États de la Caraïbe (AEC) « le droit d'intervenir dans les débats et de voter aux réunions du conseil des ministres et des Comités spéciaux sur les questions les concernant directement et relevant de leur compétence constitutionnelle ». Elle donne un caractère obligatoire à la conclusion avec l'État, le pays ou le territoire concerné « d'un accord d'association » définissant les termes, les conditions et les modalités régissant sa participation et la jouissance de son droit à une voix délibérative aux réunions du conseil des ministres et des comités spéciaux.

Les négociations visant à la conclusion d'un tel accord n'ont pu être engagées par la France avant août 1995, date à laquelle cette association a acquis une existence juridique, le nombre de ratifications requis pour l'entrée en vigueur de la convention de Cartegena de Indias (les deux tiers des signataires) ayant été atteint.

Il n'existait aucun précédent car la France était - et reste à ce jour - le seul membre associé de l'AEC. La situation de notre pays est en outre différente de celle des autres membres associés potentiels (dont la liste a été fixée par la convention de Cartagena de Indias), qui sont, à une exception près, des territoires dépendants, dotés d'un statut juridique différent de celui de leur métropole de rattachement, et n'appartiennent pas, contrairement aux départements français d'outre-mer, à la Communauté européenne. L'exception est « le Royaume des Pays-Bas (Antilles néerlandaises et Aruba) » mais les intéressés n'envisagent pas une formule comparable à celle choisie par la France : le Royaume se contenterait de devenir observateur, ce seraient les territoires dépendants néerlandais qui deviendraient membre associé.

Objectifs poursuivis par la France au cours de la négociation

La France n'est pas en mesure de s'associer pleinement à la poursuite d'un des objectifs proclamés de la convention de Cartagena de Indias : l'intégration économique. La Guadeloupe, la Guyane et la Martinique appartiennent géographiquement à la zone Caraïbe mais n'en sont pas moins incluses d'un point de vue juridique dans un autre espace économique : la Communauté européenne.

La France souhaitait bien évidemment, comme dans toute négociation de ce type, se faire reconnaître des droits aussi larges que possible. Elle devait toutefois concilier ce voeu avec deux autres objectifs dérivant de notre situation particulière au sein de l'organisation :

- éviter d'apparaître comme un potentiel cheval de Troie européen au sein d'une organisation caraïbe - en faisant bien comprendre que, dans l'hypothèse d'un conflit entre les intérêts de la Communauté européenne et ceux des pays caraïbes sur une question économique, la France ne prétendrait pas s'opposer à des initiatives de l'AEC ;

- faire admettre que les décisions prises dans les domaines relevant pour notre pays de la compétence de la Communauté européenne ne nous seraient pas applicables.

Quant au niveau de sa contribution au budget de l'association, la France considérait que son engagement sur une somme déterminée constituait la contrepartie inévitable à son acceptation au sein de l'AEC.

Elle estimait que la contribution d'un membre associé devait être inférieure à celle des plus gros contributeurs au sein des membres à part entière. Or les pays du groupe des trois (Mexique, Venezuela, Colombie) se partagent à égalité la moitié du budget total financé par les membres à part entière. Une prise en charge de 10 % du budget par la France met donc à la charge des pays du groupe des trois, en l'absence d'autres membres associés, 15 % du budget total.

Elle devait en outre tenir compte du fait que, dans l'esprit des autres membres de l'AEC, sa cotisation devait être au moins égale aux trois cotisations qu'auraient dû régler ses départements d'Amérique compte tenu de leurs paramètres économiques et démographiques s'ils avaient été assimilés pour les besoins du calcul à des États indépendants. On peut signaler dans ce contexte que, en dehors des pays du groupe des trois et de Trinité et Tobago, État siège, il existe quatre catégories de contributeurs, correspondant à des cotisations de 7 - 5,75 - 4,5 et 1,5 % de la moitié du budget total diminué de la contribution des membres associés, soit dans le cas de figure actuel 2,8 - 2,3 - 1,8 et 0,6 % du budget total.

La France a donc estimé que sa contribution devait, dans le cas de figure actuel, se situer dans une fourchette comprise entre 8,4 % (3 x 2,8) et 15 %.

Une contribution de 150 000 dollars dans le cadre du budget actuel de 1 500 000 dollars était donc acceptable. La demande des négociateurs de l'AEC insistant pour que le niveau de notre contribution soit fixé en pourcentage et non en valeur absolue était acceptable à condition que la France ait un droit de veto sur toute décision d'augmentation du volume global du budget. L'article XII-2 de la convention de Cartagena de Indias stipule bien, à cet égard, que le montant total du budget est approuvé par les votes par consensus de tous les délégués présents.

Résultat de la négociation

L'accord d'association obtenu a permis d'atteindre les différents objectifs poursuivis.

S'agissant de notre participation au conseil des ministres, il précise :

- que la France « participe aux sessions du conseil des ministres dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les États membres dans les questions qui la concernent directement... ;

- ... et ne relèvent pas de la compétence des Communautés européennes ». Cette formule montre sans ambiguité que la France renonce à s'associer à la prise de décision au sein de l'AEC sur les questions d'ordre économique intéressant la Communauté européenne. Elle se substitue à la formule « relevant de sa compétence constitutionnelle », figurant dans la convention de Cartagena de Indias, qui convient pour des territoires dépendants, non compétents en matière de politique étrangère, mais ne saurait être appliquée à un État souverain ;

- que « les décisions prises par l'AEC sur des questions relevant, en ce qui concerne la France, de la compétence des Communautés européennes ne s'appliquent pas à la République française ».

S'agissant de notre participation aux Comités spéciaux, il stipule que « La République française... participe dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les États membres aux réunions où sont étudiés les programmes, plans et projets impliquant sa participation ». Cette rédaction plus restrictive ne pose pas problème pour la France. Notre pays souhaite en effet, dans le cadre de ces comités à vocation technique, intervenir de façon constructive pour des projets auxquels il s'associerait (et impliquant donc sa participation) et non tenter de bloquer des projets qu'il n'approuverait pas.

S'agissant de notre contribution au budget de fonctionnement de l'AEC, il la fixe à 10 % du total. Il rappelle que, conformément à la convention de Cartagena de Indias, le montant total du budget de l'AEC est adopté en Conseil des ministres par consensus, ce qui signifie que notre pays a la possibilité, en s'opposant à une augmentation du budget global (actuellement fixé à 1 500 000 dollars), d'éviter une augmentation du montant de sa contribution.

Résumé

Un tel accord devait, conformément à la convention de Cartagena de Indias, obligatoirement être négocié pour permettre à la France de participer à la vie de l'AEC.

Il précise les droits et obligations de notre pays au sein de cette association. Il constitue pour les autres membres de l'AEC un gage de notre volonté de contribuer à un renforcement des relations intercaraïbes.

Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord d'association France-AEC qui est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et l'Association des États de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des États de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Association des États de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des États de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, signé à Mexico le 24 mai 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 22 janvier 1997

Signé : ALAIN JUPPÉ

Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,

Signé : HERVÉ DE CHARETTE

ANNEXE

ACCORD

entre le Gouvernement de la République française

et l'Association des États de la Caraïbe

définissant les modalités de la participation

de la République française à l'Association

des États de la Caraïbe en tant que membre associé

au titre de la Guadeloupe,

de la Guyane et de la Martinique

Le Gouvernement de la République française et l'Association des États de la Caraïbe, ci-après dénommés « les Parties »,

Désireux de favoriser dans l'espace caraïbe une coopération régionale qui inclue la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique et prenne en compte la spécificité de ces départements d'outre-mer, dans le respect des principes constitutionnels de la République française et des engagements internationaux de la France ;

Considérant que la République française a signé en qualité de membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique la Convention du 24 juillet 1994 créant l'Association des États de la Caraïbe, ci-après dénommée la Convention ;

Considérant que l'article 4, paragraphe 2, de cette convention prévoit que le Conseil des ministres de l'Association des États de la Caraïbe conclut des accords d'association avec les membres associés ; Rappelant que l'accord d'association définit, conformément à l'article 4. paragraphe 2, de la Convention les termes, les conditions et les modalités régissant la participation du membre associé et l'exercice de son droit à une voix délibérative aux réunions du Conseil des ministres et des comités spéciaux ;

Rappelant l'appartenance de la République française à l'Union européenne ; Tenant compte du fait que. dans le cadre de ses engagements internationaux, la République française a transféré des compétences aux Communautés européennes dans différents domaines, et notamment en ce qui concerne les réglementations applicables aux échanges de marchandises et de services,

sont convenus de ce qui suit :

Article 1 er

La définition des termes employés dans le présent accord est celle figurant à l'article 1 er de la Convention.

Article 2

La République française, au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, participe, conformément aux articles 4 et 9 de la Convention, en sa qualité de membre associé aux sessions du Conseil des ministres dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les États membres dans les questions qui la concernent directement et ne relèvent pas de la compétence des Communautés européennes. Elle participe au consensus et prend part aux votes sur les questions figurant à l'ordre du jour du Conseil des ministres qui la concernent directement et ne relèvent pas de la compétence des Communautés européennes.

Article 3

La République française, au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, participe, conformément à l'article 4 de la Convention en sa qualité de membre associé, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les États membres aux réunions des comités spéciaux où sont étudiés les programmes, les plans, et les projets impliquant sa participation. De même elle peut présenter des projets et des initiatives visant à la promotion de la coopération régionale.

Article 4

Les décisions prises par l'A.E.C. sur des questions relevant en ce qui concerne la France, de la compétence des Communautés européennes ne s'appliquent pas à la République française.

Article 5

La République française, au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, contribue annuellement à hauteur de 10 p. 100 au budget de l'Association des États de la Caraïbe.

Conformément à l'article 12. alinéa 2. de la Convention, la contribution annuelle au budget de l'association devra être approuvée en Conseil des ministres par consensus des États membres et membres associés présents.

Article 6

Le présent accord entrera en vigueur à la date à laquelle le Gouvernement de la République française aura notifié à l'Association des États de la Caraïbe l'accomplissement de ses procédures constitutionnelles requises pour l'approbation du présent accord. Cette notification ne pourra intervenir avant que la France ait déposé auprès du Gouvernement de la République de Colombie son instrument de ratification de la Convention.

Fait à Mexico, le 24 mai 1996, en trois exemplaires dans chacune des langues française, anglaise et espagnole, les trois textes faisant également foi. Un exemplaire en chaque langue destiné à chaque partie signataire, le troisième étant destiné au Gouvernement de la République de Colombie en tant que dépositaire de la Convention de l'Association des États de la Caraïbe.

Pour le Gouvernement

de la République française :

Au titre de la Guadeloupe,

de la Guyane

et de la Martinique.

HERVÉ DE CHARRETTE

Ministre des affaires étrangères

Pour l'Association

des États de la Caraïbe :

ANGEL GURRIA

Le président

du Conseil des ministres

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