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N° 766

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 septembre 2012

PROPOSITION DE LOI

visant à rétablir un pluralisme équilibré dans l' expression politique des médias ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Francis DELATTRE, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Christian CAMBON, Jean-Noël CARDOUX, Christian COINTAT, Raymond COUDERC, Robert del PICCHIA, Mme Catherine DEROCHE, MM. Éric DOLIGÉ, Hubert FALCO, André FERRAND, Jean-Paul FOURNIER, Bruno GILLES, Mmes Colette GIUDICELLI, Christiane HUMMEL, Mlle Sophie JOISSAINS, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Robert LAUFOAULU, Michel MAGRAS, Alain MILON, Charles REVET, François TRUCY, René VESTRI et Pierre FROGIER,

Sénateurs

(Envoyée à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La dernière campagne présidentielle a révélé un déséquilibre inadmissible dans l'expression des médias avec des relents de « chasse à l'homme » incompatible avec une démocratie pluraliste.

La liberté des médias a pour corollaire le respect du pluralisme au sens de l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000. De nombreux articles dans la presse étrangère ont dénoncé de véritables caricatures et certaines comparaisons ne sont guère flatteuses pour la République française. Pourtant, le Conseil constitutionnel a réaffirmé à plusieurs reprises la nécessité du pluralisme autant des supports que des expressions, afin que notamment, les auditeurs et les téléspectateurs puissent exercer « leur libre choix ».

Les différentes lois n° 86-897 du 1 août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication s'efforçant d'organiser le pluralisme politique, sont aujourd'hui contournées et dépassées et ne permettent plus « une libre communication des pensées et des opinions » mais coproduisent un véritable asservissement au seul corpus idéologique « du politiquement correct ».

Cette tendance pesante au quotidien, devient insupportable en période électorale et connaît des accélérations suspectes pour peser à des moments clefs où se forgent les opinions.

Ces phénomènes ont indiscutablement aidé les favoris des élections présidentielles de 2007 comme de 2012, avec pour ces dernières, une indécence caricaturale. Ce syndrome médiatique du « favori des médias » s'explique partiellement dans l'opinion majoritaire à gauche des rédactions mais plus encore par le jeu des groupes, propriétaires des entreprises médiatiques, dont nombre d'entre eux prospèrent dans les contrats et commandes publiques. Ces relations économiques stratégiques, pour nombre d'entre elles, n'inclinent pas à l'indépendance mais à l'anticipation de la victoire.

C'est ce que nous venons de vivre et c'est ce qu'il convient de réformer pour restaurer la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias de ce pays.

Un large consensus sur ce sujet est illustré par deux propositions de loi : l'une de M. Ayrault et du groupe socialiste à l'Assemblée nationale en date du 7 octobre 2009 ; l'autre de M. Jean-Christophe Lagarde, député, du 22 septembre 2007. Il devrait nous permettre de légiférer utilement et rapidement car il ouvrirait « la possibilité à de véritables entreprises de médias, d'investir dans le secteur sans être concurrencées par des conglomérats industriels cherchant uniquement à contrôler des vecteurs d'information au service de leur propre communication ».

On peut sur ce point observer que nombre des titres de la presse écrite tant régionale que nationale n'ont pu ces vingt dernières années construire de véritables entreprises de médias, alors qu'il s'agit de leur coeur de métier.

Pour le pluralisme, les attributions récentes de canaux de la télévision numérique terrestre (TNT) ont surtout défrayé la chronique, avec notamment le groupe Bolloré qui s'est offert une plus-value de plusieurs centaines de millions d'euros, en cédant ses deux licences à Canal+, filiale de Vivendi, trois ans après les avoir obtenues, ce qui lui a permis de s'installer comme un actionnaire de référence du groupe.

Mis devant le fait accompli, le CSA ne semble pas disposer des moyens suffisants pour faire respecter ses propres règles quant aux garanties de pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion.

Les entreprises éditrices de la presse écrite sont soumises à des règles de transparence de leur actionnariat et d'une charte interne régissant les rapports avec les rédactions qu'il serait urgent d'étendre aux groupes de médias des radios et télévisions. En effet, ceux-ci quotidiennement impliqués dans la communication commerciale de masse ont un pouvoir de « bourrage de crâne » qui contribue efficacement au bourrage des urnes, d'autant plus qu'ils n'hésitent pas à pratiquer la publicité comparative illustrée par le tout « sauf Sarkozy » comme ils vendent le tout sans OGM.

Plus insidieusement, le paysage audiovisuel des six derniers mois, avant le premier tour des élections présidentielles, a vu défiler dans les émissions les plus disparates, une cohorte de savants, sociologues, experts, chercheurs, psychologues, environnementalistes, jusqu'aux podologues qui expliquaient fort doctement que leur dernière éruption de boutons ne pouvait se comprendre que dans un anti-sarkozisme tout aussi éruptif, créant ainsi un climat de méfiance, si ce n'est de l'hostilité, envers un candidat ! Caricaturaux, ces déferlements et dévoiements ont porté atteinte au pluralisme et à l'équilibre des débats jusqu'aux résultats même de l'élection.

L'objet de cette proposition de loi est de mettre la République à l'abri de ces contingences médiatiques.

Ainsi à l' article 1 er , afin de prévenir les atteintes au pluralisme et de garantir l'honnêteté de l'information, aucune autorisation relative à un service de radio ou de télévision ne peut être délivrée à une société « si plus de 10 % de son capital ou des droits de vote à ses assemblées générales sont détenus, directement ou indirectement, par une personne contrôlant au moins une société dont plus de quarante pour cent, calculés sur la moyenne des cinq dernières années écoulées, des produits de l'activité proviennent de l'exécution de marchés publics ». Ne seraient visées que les autorisations relatives à un service dont les programmes « contribuent à l'information politique et générale » ou « comportent des émissions d'information politique et générale », mais non à une chaîne exclusivement consacrée à des retransmissions sportives ou à une radio musicale.

La proposition de loi vise dans son article 2 à ce que soient rendues publiques annuellement, par chaque entreprise de presse, toutes les informations relatives à la composition de son capital et ses recettes de publicité et de partenariat avec les collectivités publiques.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Après l'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 41-1 A ainsi rédigé :

« Art. 41-1 A. - Une société ne peut devenir titulaire d'aucune autorisation relative à un service de communication audiovisuelle dont les programmes contribuent à l'information politique et générale, lorsque plus de 10 % de son capital ou des droits de vote à ses assemblées générales sont détenus par une personne dont l'activité ou celle d'une société qu'elle contrôle est assurée pour plus de 40 % par l'exécution de marchés ou de contrat public, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'État. »

Article 2

L'article 6 de la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque année, l'entreprise doit porter à la connaissance du public toutes les informations relatives à la répartition de son capital et l'identité de ses actionnaires. »

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