N°81

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 novembre 1997.

PROPOSITION DE LOI

relative à l'élection des membres français du Parlement européen,

PRÉSENTÉE

Par MM. Michel BARNIER, Jean BERNARD, Roger BESSE, Jean BIZET, Gérard BRAUN, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Charles CECCALDI-RAYNAUD, Gérard CÉSAR, Jacques CHAUMONT, Charles de CUTTOLI, Désiré DEBAVELAERE, Charles DESCOURS, Michel DOUBLET, Daniel ECKENSPIELLER, Gérard FAYOLLE, Hilaire FLANDRE, Yann GAILLARD, Patrice GÉLARD, Alain GÉRARD, Daniel GOULET, Georges GRUILLOT, Bernard HUGO, Roger HUSSON, André JOURDAIN, Alain JOYANDET, Gérard LARCHER, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Jean-François LE GRAND, Pierre MARTIN, Mmes Lucette MICHAUX-CHEVRY, Nelly OLIN, MM. Paul d'ORNANO, Joseph OSTERMANN, Victor REUX, Roger RIGAUDIÈRE et Louis SOUVET,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du .suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Elections et référendums. - Parlement européen.

EXPOSE DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La présente proposition de loi a pour objet de renforcer le lien devant exister entre les membres français du Parlement européen et leurs mandataires.

Le constat

Depuis 1979, les membres français du Parlement européen sont élus au suffrage universel sur la base d'un scrutin proportionnel à l'échelle nationale. Au fil des scrutins, la participation populaire s'est considérablement réduite, diminuant d'autant la représentativité de nos représentants au Parlement de Strasbourg. A cela, plusieurs explications, dont une l'emporte sur toutes les autres : le mode de scrutin actuellement en vigueur ne permet pas à l'élu européen de s'individualiser aux yeux de l'électeur et à la construction européenne d'être représentée par un visage connu de chacun.

Cette représentativité est pourtant une des conditions d'une bonne prise en compte des intérêts français dans la construction européenne, au sein de laquelle le Parlement européen joue un rôle important et qui sera sans doute appelé à croître dans les prochaines années.

Il importe donc que les préoccupations de nos concitoyens soient exposées au mieux par leurs représentants au sein de l'unique institution communautaire élue. Force est de constater que tel n'est pas le cas aujourd'hui. La représentation parlementaire à Strasbourg se caractérise par un fort absentéisme, favorisé par la variété des lieux de travail des élus européens. Les fréquents cas de cumul des mandats obligent en outre à des choix dont pâtissent trop souvent les activités communautaires. A cela s'ajoute un système de scrutin qui, en favorisant le creusement d'un important fossé entre l'élu et l'électeur, ne permet pas à ce dernier d'exercer un contrôle sur son représentant et à celui-ci, dé défendre ses propositions comme le bilan de son action devant ses électeurs.

L'esprit de la réforme

La prochaine élection au Parlement européen aura lieu au printemps 1999. Il reste un peu moins de deux ans pour mener à bien cette réforme. Ce délai est largement suffisant alors qu'il n'est guère utile d'insister sur l'ampleur de l'enjeu compte tenu de l'importance prise par la dimension communautaire dans la législation intérieure de chaque Etat membre, et donc de la France qui se doit de disposer à Strasbourg d'une représentation conforme à sa vocation et à ses aspirations européennes.

La présente proposition de loi vise au maintien d'un scrutin proportionnel car les enjeux en présence plaident en faveur d'une représentation de l'ensemble des sensibilités politiques françaises. Elle est cependant favorable à la suppression du principe d'une seule et unique circonscription qui présente les inconvénients mentionnés précédemment. Elle soumet à l'approbation de la représentation nationale l'idée d'un découpage en plusieurs grandes circonscriptions réunissant plusieurs régions administratives, à l'exception de l'Ile-de-France, en raison de son importance démographique.

Ces circonscriptions répondraient à une logique géographique et économique et auraient une superficie significative tout en étant des ensembles doués d'une dimension à échelle humaine. Le nombre d'élus qu'elles désigneraient serait suffisamment élevé pour que puisse pleinement jouer le scrutin proportionnel, mais également suffisamment limité pour que le choix des électeurs puisse aisément s'exprimer. Les élus au Parlement européen, responsables devant les habitants d'une zone précise, pourraient ainsi témoigner de leur activité devant leurs électeurs.

La représentativité moyenne de chaque élu européen par nombre global d'habitants serait équivalente d'une région à l'autre (685 598), à l'exception des DOM-TOM où elle serait plus élevée (481750), ce qui se justifie par l'importance que cette partie de la République occupe dans les programmes communautaires.

Loin de créer un échelon supplémentaire dans l'ordre administratif, ces circonscriptions, dont le seul objet serait de permettre l'élection des parlementaires européens, éviteraient que n'apparaissent à terme des « superdéputés » représentant une région particulière, ce qui se produirait immanquablement dans le cas d'une superposition de la circonscription européenne et de la région, deux régions n'ayant dans ce cas qu'un élu, onze autres n'en ayant que deux.

Par ailleurs, une circonscription supplémentaire serait créée pour les Français établis hors de France.

Cette proposition de loi, enfin, tout en étant d'une mise en oeuvre aisée, garantit le maintien du principe d'égalité de l'ensemble des citoyens quel que soit leur lieu de résidence.

Dispositions complémentaires

Limiter le cumul des mandats : l'une des caractéristiques de l'exercice du mandat de député européen est la multiplicité des lieux de travail (les sessions plénières se déroulent à Strasbourg, les réunions de commissions et de groupes ainsi que des sessions additionnelles ont lieu à Bruxelles). Cette particularité implique pour les élus des déplacements constants, qui rendent difficile le cumul de ce mandat avec un mandat de parlementaire national ou de responsable d'un exécutif local, départemental ou régional.

Par ailleurs, le mandat de parlementaire européen nécessite une forte présence dans les instances du Parlement. Seule cette présence permet de suivre et d'influencer l'évolution des textes en cours de négociation, compte tenu de l'absence de majorité parlementaire stable. Il convient en outre de souligner que le vote au Parlement européen est personnel et ne peut être délégué.

Dans ces conditions, il est proposé que les membres français du Parlement européen ne puissent pas être simultanément député, sénateur, président du conseil régional, président du conseil général ou maire ou adjoint d'une commune de 20000 habitants ou plus.

Assurer une meilleure représentation des femmes : de nombreuses réflexions ont été récemment entreprises, en particulier au Sénat, sur les moyens d'assurer une meilleure représentation des femmes dans la vie publique. Le moment est venu de mettre en oeuvre concrètement cet objectif. C'est pourquoi il est proposé que le nombre de candidats de même sexe sur les listes présentées pour les élections européennes ne puisse être supérieur à 70 %.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi que ses auteurs vous demandent de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est ainsi rédigé :

«Art. 4. -Le territoire de la République est divisé en huit circonscriptions composées de régions au sens de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982.

« La répartition des sièges à pourvoir entre les circonscriptions ainsi que la composition des circonscriptions est fixée conformément au tableau suivant :

Circonscriptions

Nombre d'élus

Nord-Manche (Basse-Normandie, Haute-Normandie, Picardie, Nord -Pas-de-Calais)

13

Grand Est (Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardennes, Lorraine, France-Comté)

12

Ile-de-France

15

Arc Atlantique (Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes)

11

Centre-Massif central (Auvergne, Centre, Limousin)

6

Grand Sud-Ouest (Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées)

11

Rhône- Alpes-Méditerranée-Corse (Corse, Provence - Côte-d'Azur, Rhône-Alpes)

14

DOM-TOM

4

Article 2

II est inséré, après l'article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée, un article additionnel ainsi rédigé :

«Art. 4 bis. - Une circonscription supplémentaire est créée pour permettre aux Français établis hors de France d'élire leur représentant. Un siège est affecté à cette circonscription électorale. »

Article 3

L'article 6 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée est ainsi rédigé :

«Art. 6. - Les articles L.O. 140, L.O. 142 à L.O. 150, L.O. 52 et L. 340 du code électoral sont applicables aux représentants au Parlement européen.

« Le mandat de représentant au Parlement européen est incompatible avec les mandats de député et de sénateur. Le mandat de représentant au Parlement européen est incompatible avec les fonctions de président de conseil régional, de président de conseil général, de maire ou d'adjoint d'une commune de 20 000 habitants ou plus.

« Nul ne peut cumuler un mandat de représentant au Parlement européen avec plus d'un des mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris.

« Le représentant qui, lors de son élection, se trouve dans l'un des cas d'incompatibilité visés aux alinéas précédents, doit, dans les quinze jours qui suivent son entrée en fonction ou, en cas de contestation de l'élection dans les conditions prévues à l'article 25, la décision du Conseil d'Etat, se démettre des fonctions ou mandats incompatibles avec son mandat de représentant au Parlement européen ou, s'il est titulaire d'un emploi public, demander à être placé dans la position spéciale prévue par son statut.

« Le représentant qui, en cours de mandat, accepte un des mandats ou fonctions visés aux trois premiers alinéas du présent article doit, dans les quinze jours, mettre fin à la situation d'incompatibilité.

«Dans l'un et l'autre cas, tout électeur peut intenter une action devant le Conseil d'Etat en vue de faire constater l'incompatibilité. Si la décision du Conseil d'Etat constate l'incompatibilité, le représentant est réputé avoir renoncé à son mandat. »

Article 4

L'article 7 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précité est ainsi rédigé :

« Art. 7. - Nul ne peut être candidat sur plus d'une liste. Une liste ne peut comporter plus de 70 % de candidats du même sexe ».

Page mise à jour le

Partager cette page