N°98

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

PROPOSITION DE LOI

permettant à des fonctionnaires de participer à la création d'entreprises innovantes,

PRÉSENTÉE

Par M, Pierre LAFFITTE,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par k Règlement.)

Fonctionnaires et agents publics. - Entreprises innovantes.

EXPOSE DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La valorisation des résultats de la recherche est essentielle car elle est génératrice d'emplois, notamment lorsqu'elle conduit à la création d'entreprises de haute technologie. Les entreprises créées à l'initiative de chercheurs et de professeurs de grandes écoles ou d'universités ont un taux d'échec remarquablement faible et sont en moyenne trois fois plus créatrices d'emplois que les autres, avec un effectif moyen de onze salariés quelques années après leur création. Les présentes dispositions ont pour objet d'en faciliter la création et le développement et de fixer les règles déontologiques de leur réalisation.

La situation du fonctionnaire qui souhaite participer personnellement à la création d'une telle entreprise, par apport en capital ou en industrie, en qualité d'associé, d'administrateur ou de dirigeant, doit être encadrée et précisée. Il faut en effet prévenir tout risque de conflit d'intérêts entre l'intéressé et le service publie. Il faut aussi garantir que cette situation ne puisse être contestée au regard notamment des dispositions du code pénal sur la prise illégale d'intérêts.

1° La proposition de loi conduit à insérer à cet effet un article 25-1 dans la loi du 15 juillet 1982, qui prévoit que la participation d'an fonctionnaire à la création d'une entreprise de valorisation doit être autorisée par l'administration dont il relève, après avis de la commission de déontologie prévue par l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Cette commission sera également tenue informée de toutes les relations contractuelles qui seront nouées entre l'entreprise et l'organisme de recherche ou l'établissement d'enseignement supérieur du chercheur : contrat de licence, contrat de collaboration voire participation au capital de l'entreprise.

Pendant une période transitoire destinée à assurer le lancement de l'entreprise, le fonctionnaire est détaché auprès de l'entreprise ou mis à sa disposition ou encore, à défaut, mis à la disposition d'un organisme public ou privé compétent en matière de valorisation de la recherche (l'ANVAR notamment). Corrélativement, il doit cesser toute activité, de quelque nature qu'elle soit, au titre du service public dont il relève. A l'issue de cette période transitoire, l'agent devra opter entre son entreprise et sa carrière publique. S'il choisit la première, il sera placé en disponibilité à moins qu'il ne soit mis fin à ses fonctions. S'il choisit la seconde, il devra dans un délai de six mois céder ses participations et mettre fin à toute collaboration avec l'entreprise ou du moins inscrire sa collaboration dans le cadre du second dispositif décrit ci-dessous.

2° En dehors du cas où le fonctionnaire participe à la création d'une entreprise de valorisation, il est souhaitable qu'il puisse apporter son concours scientifique à une telle entreprise dans des conditions juridiques, là encore, clarifiées, dès lors que ce concours excède le champ des consultations et expertises couvert par le décret-loi du 29 octobre 1936. Tel est l'objet de la seconde série de dispositions qui, par l'insertion d'un article 25-2 dans la loi du 15 juillet 1982, prévoit également un régime d'autorisation administrative pour permettre à l'agent d'apporter son concours scientifique à une entreprise valorisant les résultats de ses recherches, voire de prendre une participation au capital de celle-ci, dans la limite de 10 %, dès lors qu'il n'a pas participé, en qualité de fonctionnaire ou d'agent public, à ta négociation de contrats ou conventions conclus entre l'entreprise et l'administration. L'agent pourra recevoir de l'entreprise un complément de rémunération, dans la limite d'un plafond fixé par décret. Là encore, un dispositif est mis en place pour permettre à l'administration, avec l'aide de la commission susmentionnée, de s'assurer que la collaboration ou la prise de participation de l'agent, n'est pas préjudiciable au service public et ne risque pas de porter atteinte aux intérêts matériels ou moraux du service public.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Il est inséré, après l'article 25 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France, un article 25-1 et un article 25-2 ainsi rédigés :

« Art. 25-1. - Les fonctionnaires civils des services publics dans lesquels est organisée la recherche publique, notamment les universités, les grandes écoles de statut public, les établissements publics de recherche et les entreprises publiques peuvent, sur leur demande, être autorisés, pour une période d'un an renouvelable quatre fois, à participer personnellement en qualité d'associé par apport en capital ou en industrie, ou en qualité d'administrateur ou de dirigeant, à une entreprise nouvelle à laquelle ils apportent leur collaboration scientifique ou technique et dont l'objet est d'assurer, en exécution d'un contrat qui sera conclu entre cette entreprise et une personne publique, la valorisation des travaux, découvertes et inventions qu'ils ont réalisés dans l'exercice de leurs fonctions.

« La demande d'autorisation doit être déposée préalablement à l'ouverture de toute négociation relative au contrat mentionné à l'alinéa précédent et, au plus tard, trois mois avant l'immatriculation de f entreprise au registre du commerce et des sociétés. Le fonctionnaire intéressé ne peut participer à une telle négociation. L'autorisation est délivrée par l'autorité dont relève le fonctionnaire, après avis de la commission prévue par l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Elle est refusée :

« - si, par nature ou ses conditions et modalités et eu égard aux fonctions précédemment exercées par l'intéressé, la participation de ce dernier porte atteinte à la dignité desdites fonctions ou risque de compromettre ou mettre en cause le fonctionnement normal, l indépendance ou la neutralité du service,

« - ou si la prise d'intérêts dans l'entreprise est de nature à porter atteinte aux intérêts matériels ou moraux tant de la personne publique qui emploie l'intéressé que de la personne publique titulaire de droits sur les travaux, découvertes eu inventions ainsi valorisés, lorsque celle-ci est distincte de la précédente.

« A compter de la date d'effet de l'autorisation, le fonctionnaire est soit mis à la disposition de l'entreprise, soit détaché auprès d'elle. Il peut également être mis à disposition d'un organisme public ou privé compétent en matière de valorisation de la recherche. Il cesse, au titre du service public dont il relève, toute activité de quelque nature qu'elle scit.

« A l'expiration de la validité de l'autorisation, le fonctionnaire fait savoir à l'autorité compétente s'il souhaite conserver des intérêts au sein de l'entreprise. Dans l'affirmative, il est, à cette fin, placé en position de disponibilité ou radié des cadres selon son choix. Dans le cas contraire, il dispose d'un délai de six mois pour céder ses participations et mettre fin à sa collaboration avec l'entreprise afin de reprendre ses fonctions au sein du service public dont il relève. Il peut, toutefois, être autorisé à conserver une participation ou à maintenir une collaboration dans les conditions prévues par l'article 25-2 de la présente loi.

« II est mis fin à l'autorisation ou, le cas échéant, le renouvellement de celle-ci est refusé si les conditions qui avaient permis sa délivrance ne sont plus remplies ou si le fonctionnaire méconnaît l'obligation fixée à la derrière phrase du troisième alinéa du présent article. Dans ce cas, la mise en disponibilité de l'intéressé ou la cessation de ses fonctions sont soumises aux dispositions de l'article 72 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et de l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitée. Si le fonctionnaire ne peut conserver d'intérêts dans l'entreprise, il dispose du délai prévu à l'alinéa précédent pour y renoncer.

« Pendant toute la durée de l'autorisation ainsi que pendant une période de cinq ans à compter de son expiration, la commission mentionnée au deuxième alinéa du présent article est informée de tous les contrats et conventions conclus entre l'entreprise et les personnes publiques mentionnées au même alinéa.

« En cas de violation des dispositions du présent article, tes sanctions prévues par le deuxième alinéa de l'article 72 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée sont, le cas échéant, applicables.

« Les modalités d'application du présent article sont, en tant que de besoin, précisées par décret en Conseil d'Etat.

« Art, 25-2. - Les fonctionnaires civils en fonction dans les services publics visés à l'article 25-1 de la présente loi peuvent, dans le cas où une entreprise assure, en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique, la valorisation de travaux, découvertes et inventions qu'ils ont réalisés dans l'exercice de leurs fonctions, être autorisés à apporter leur concours scientifique à cette entreprise.

« Le fonctionnaire intéressé peut également être autorisé à prendre une participation dans le capital social de l'entreprise, sous réserve qu'il n'ait pas pris part, en qualité de fonctionnaire ou d'agent public, à la négociation de contrats ou conventions conclus entre l'entreprise et la personne publique qui l'emploie ou la personne publique titulaire de droits sur les travaux, découvertes ou inventions ainsi valorisés, lorsque celle-ci est distincte de la précédente. Cette participation ne peut excéder 49 % du capital social de l'entreprise.

« L'autorisation est délivrée, sur la demande du fonctionnaire intéressé, par l'autorité dont il relève, après avis de la commission mentionnée à l'article 25-1 de la présente loi. Elle est refusée :

« - si, par nature ou ses conditions et modalités et eu égard aux fonctions précédemment exercées par l'intéressé, la participation de ce dernier porte atteinte à la dignité desdites fonctions ou risque de compromettre ou mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service,

« - ou si la prise d'intérêts dans l'entreprise est de nature à porter atteinte aux intérêts matériels ou moraux tant de la personne publique qui emploie l'intéressé que de la personne publique titulaire de droits sur les travaux, découvertes ou inventions ainsi valorisés, lorsque celle-ci est distincte de la précédente.

« A compter de la date d'effet de l'autorisation, le fonctionnaire apporte son concours scientifique à l'entreprise selon les modalités définies par une convention conclue entre la personne publique qui l'emploie et l'entreprise. Ces modalités doivent être compatibles avec le plein exercice par le fonctionnaire de son emploi public. La convention peut prévoir que le fonctionnaire reçoit de l'entreprise un complément de rémunération, dans la limite d'un plafond fixé par décret. L'entreprise informe la personne publique dont relève le fonctionnaire de la totalité des revenus perçus par celui-ci à raison de son activité dans l'entreprise et, le cas échéant, de sa participation au capital. Dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, le fonctionnaire intéressé déclare, en outre, à la personne publique dont il relève les cessions de titres auxquelles il procède.

« La participation du fonctionnaire, à quelque titre que ce soit, à la négociation des contrats et conventions conclus entre l'entreprise

et les personnes publiques mentionnées au premier alinéa est prohibée.

« II est mis fin à l'autorisation si les conditions qui avaient permis sa délivrance ne sont plus remplies ou si le fonctionnaire méconnaît les obligations fixées aux alinéas précédents. Dans ce cas, le fonctionnaire dispose, le cas échéant, d'un délai de six mois pour céder ses participations. S'il souhaite exercer une activité privée au sein de l'entreprise, la mise en disponibilité de l'intéressé ou la cessation de ses fonctions sont soumises aux dispositions de l'article 72 de la loi n° 84-26 du 11 janvier 1984 et de l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitées.

« Pendant toute la durée de l'autorisation, la commission mentionnée au deuxième alinéa du présent article est informée de tous les contrats et conventions conclus entre l'entreprise et les personnes publiques visées au même alinéa.

« Les modalités d'application du présent article sont en tant que de besoin précisées par décret en Conseil d'Etat. »

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