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N° 446

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 mai 2009

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, sur le rôle des services publics,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean-Pierre BEL et les membres du groupe socialiste (1) ,

apparentés (2) et rattachés (3)

Sénateurs

(1) Ce groupe est composé de : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Serge Andreoni, Bernard Angels, Alain Anziani, David Assouline, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Claude Bérit-Débat, Jean Besson, Mme Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Yannick Botrel, Didier Boulaud, Martial Bourquin, Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, M. Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Yves Chastan, Mme Jacqueline Chevé, MM. Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Daudigny, Yves Dauge, Marc Daunis, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, M. Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Alain Fauconnier, Jean-Luc Fichet, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Mme Samia Ghali, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Didier Guillaume, Claude Haut, Edmond Hervé, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, M. Claude Jeannerot, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. André Lejeune, Jacky Le Menn, Mmes Claudine Lepage, Raymonde Le Texier, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Jean-Marc Pastor, François Patriat, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Roland Povinelli, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Paul Raoult, François Rebsamen, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Mmes Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, René Teulade, Jean-Marc Todeschini, André Vantomme et Richard Yung.

(2) Apparentés : MM. Jean-Etienne Antoinette, Jacques Berthou, Jacques Gillot, Mme Virginie Klès, MM. Serge Larcher, Claude Lise, Georges Patient et Richard Tuheiava.

(3) Rattachés administrativement : Mmes Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean Desessard, Jacques Muller et Mme Dominique Voynet.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis deux ans, le service public subit une remise en cause sans précédent de son rôle.

Le Président de la République a indiqué vouloir procéder à une « refondation de l'État et du service public » comparable à celle que la France avait connue au lendemain de la deuxième guerre mondiale (discours à l'IRA de Nantes, 19 septembre 2007).

Il a entendu ainsi conduire une politique globale d'adaptation de la France à la mondialisation par une réduction de l'intervention de l'État, la privatisation des services publics et l'introduction d'une logique libérale dans la gestion des services publics.

La poursuite de la privatisation des entreprises publiques de l'énergie ou de la poste, les atteintes aux services publics de l'éducation et de la santé, les axes proposés pour la réforme des collectivités territoriales, démontrent l'ampleur des objectifs poursuivis.

Dans le quotidien de la vie des administrations, la révision générale des politiques publiques (RGPP), motivée par des considérations dont certaines sont pleines de bon sens (dépenser mieux, améliorer la qualité du service public), est maniée avec une grande brutalité qui heurte les agents publics et les partenaires sociaux. Les réductions d'effectifs engagées dans la fonction publique ou au sein des opérateurs publics contribuent également à créer un climat tendu et à réduire la place et l'efficacité des services publics.

Pourtant, la crise économique et sociale actuelle a amplement souligné la faillite du capitalisme financier et d'un libéralisme économique qui s'affranchit de toute régulation et même de toute prise en compte de la nécessité du service public.

Le service public apparaît à nouveau comme un « bouclier » qui permet à la France d'amortir l'impact de la crise financière et de la crise économique.

On redécouvre aussi les vertus du service public, pour les citoyens, mais aussi pour les territoires.

Un récent rapport fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 2 juillet 2008 par notre collègue Bernard ANGELS sur les dépenses publiques, a rappelé ainsi que les services publics fournissaient aux ménages un montant comparable à celui des transferts monétaires inclus dans le revenu disponible des ménages. L'impact d'une distribution plutôt uniforme des services collectifs sur les revenus les plus bas est nettement plus fort que pour les revenus élevés et elle contribue ainsi à la réduction des inégalités de revenus. La réduction des inégalités par les services publics est d'autant plus forte que les inégalités de départ le sont aussi.

Dans nos territoires, depuis quelques années, qu'il s'agisse notamment de l'école, de la poste, des structures d'accueil pour la petite enfance ou pour les personnes âgées, des transports et des services d'intérêt général comme la santé, la sécurité, en particulier les gendarmeries, et la justice, la qualité des services publics disponibles dans les zones les moins densément peuplées se détériore, quand ils ne disparaissent pas, et ce, au mépris des principes de solidarité et de cohésion territoriale. Or, l'attractivité économique des zones rurales et leur attractivité résidentielle, c'est-à-dire l'amélioration du cadre de vie et l'installation de nouvelles populations, dépendent du maintien et du développement des services publics.

Par ailleurs, du fait de la révision générale des politiques publiques, suivant une logique purement comptable, les services de l'État sont de moins en moins présents dans les départements et l'État poursuit son désengagement.

Or, un socle de services publics de base est indispensable pour attirer puis maintenir une population sur un territoire. Ce constat est valable à la fois pour les résidents et pour les touristes. Le développement des moyens de transport et de communication en est la première condition. Par ailleurs, la proximité de services de santé, mais aussi d'éducation, constitue souvent une exigence pour les nouveaux résidents des territoires ruraux. Condition d'installation et de passage des populations sur un territoire, ces services publics au sens large sont aussi le moteur d'une économie de service qui bénéficie à l'espace rural.

Enfin, le service public est un facteur de cohésion sociale.

Il fait une large place à la redistribution sociale et territoriale à travers ses principes : continuité et accessibilité des services rendus aux usagers, égalité de traitement, péréquation tarifaire, obligation de fourniture, souci de la qualité des prestations, minimisation des coûts pour la collectivité, etc. Les besoins fondamentaux de tous les individus doivent être satisfaits : telle est la conception qui fonde son utilité sociale. Le service public n'est donc pas simplement prestataire de biens et de services mais aussi producteur de lien social et de citoyenneté.

Dans ce contexte, l'expression de l'attachement des institutions de la République au service public doit s'exprimer de manière solennelle.

L'une des voies de cette reconnaissance aurait pu emprunter l'inscription des services publics dans la Constitution, dans une Charte adossée à celle-ci, sur le modèle de la Charte de l'environnement de 2004. Mais cette voie aurait dû emprunter celle, longue et incertaine, d'une révision de la Constitution au titre de l'article 89.

Ainsi, cette initiative parlementaire aurait dû être validée par référendum. Or, il est peu probable que l'actuel chef de l'État eût accepté de l'organiser. Par ailleurs, les services publics dont l'organisation et le fonctionnement sont indispensables à la Nation et à l'exercice de sa souveraineté, sont déjà reconnus, notamment par le Préambule de la Constitution de 1946.

Cependant, le Sénat doit proclamer solennellement son attachement à ce principe essentiel de la République qui garantit le droit pour chaque Français à des services publics de qualité et de proximité.

C'est la raison pour laquelle il est proposé au Sénat d'adopter la présente résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 34-1 de la Constitution,

Rappelant que le Préambule de 1946 souligne la valeur constitutionnelle des services publics,

Considérant que la conception et la mise en oeuvre des services publics constituent une réalisation essentielle de la République française ;

Considérant que la contribution des services publics aux principes des droits de l'homme et de la souveraineté nationale est constitutive des valeurs de la République ;

Considérant que les services publics sont le moyen de la réalisation de la devise républicaine de liberté, d'égalité et de fraternité ;

Considérant que parmi les intérêts fondamentaux de la Nation figure la notion de solidarité nationale, garantie notamment par l'existence des services publics ;

Considérant que le fonctionnement efficace des services publics doit donc être assuré fidèlement selon les principes de continuité du service, d'égalité d'accès pour tous les citoyens, de neutralité et de distribution équitable sur l'ensemble du territoire national ;

Considérant que les services publics dans leur contenu doivent garantir les conditions de l'égalité républicaine dans les domaines vitaux pour tous les individus, en ce qui concerne l'accès à l'éducation, à la formation et à l'enseignement supérieur, à un système de santé de haute qualité sans discrimination de revenu ou de patrimoine, à un emploi et à un système de solidarité nationale assurant un niveau de vie compatible avec la dignité humaine, à un développement dynamique et solidaire de l'économie nationale, à la sécurité et à la justice indépendante dans la proximité, à l'information libre et aux moyens de communication physiques et numériques, à la capacité de déplacement sur l'ensemble du territoire national par des transports fiables et accessibles, à l'eau et à l'énergie, à un aménagement responsable et durable des territoires et de l'environnement, à des collectivités territoriales assurant une démocratie de proximité et pleinement responsables et autonomes, à une culture libre dans sa création et accessible à tous dans sa diffusion, aux pratiques sportives ;

Proclame :

Art. 1. - Les services publics participent pleinement des principes et valeurs que le peuple reconnaît dans la République.

Art. 2. - Toute personne a le droit d'avoir accès aux services publics.

Art. 3. - Il revient à l'État d'assurer la mise à disposition pour tous les citoyens de services publics de qualité, et dans l'hypothèse de services publics transférés aux collectivités locales, d'assurer à ces dernières les ressources correspondant à l'exercice effectif de ces services et à leurs évolutions.

Art. 4. - Les principes essentiels des services publics reposent sur l'égal accès de tous les citoyens, l'égal accès sur l'ensemble du territoire, la continuité et la neutralité du service.

Art. 5. - La République française reconnaît et garantit les services publics de l'éducation nationale, de la formation, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la santé et de l'hôpital, de la sécurité sociale, de l'emploi, de l'accompagnement économique et industriel, de la police, de la justice, de l'information et de l'accès aux moyens de communication physiques et numériques, de l'aménagement des territoires, de l'eau et de l'énergie, de la protection de l'environnement, des transports, de la démocratie de proximité assurée par les collectivités territoriales, de la création et la diffusion artistiques et culturelles, de la pratique des activités sportives.

Art. 6. - Le Gouvernement met en oeuvre les politiques de son choix, dans le respect de la souveraineté nationale et de la charge des missions de service public qui lui sont confiées.

Art. 7. - La France s'inspire de son modèle républicain de services publics dans son action à vocation internationale et européenne.

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