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N°293

SÉNAT

SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1992 - 1993

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 mai 1993

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT,

sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 85/611/C.E.E. portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (O.P.C.V.M.) (n ° E-62),

PRÉSENTÉE

Par M. Yves GUÉNA,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Marchés financiers. - Langue française.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La proposition d'acte communautaire E-62, soumise au Sénat par le Gouvernement en application de l'article 88-4 de la Constitution, a pour but de modifier sur plusieurs points la législation communautaire en vigueur au sujet de certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (O.P.C.V.M.). Cette législation est contenue dans la directive du Conseil n° 85/611/C.E.E. du 20 décembre 1985, modifiée par la directive du Conseil 88/220/C.E.E. du 22 mars 1988.

Parmi les dispositions de la directive du 20 décembre 1985 que la proposition n° E-62 tend à modifier, figure l'article 47 de cette directive, qui est actuellement rédigé comme suit :

« Si un O.P.C.V.M. commercialise ses parts dans un État membre autre que celui où il est situé, il doit diffuser dans cet autre État membre, dans au moins un langue nationale de celui-ci, les documents et les informations qui doivent être publiés dans l'État membre où il est situé et selon les mêmes modalités que celles prévues dans ce dernier État. »

Le paragraphe 16 de l'article premier de la proposition n° E-62 a pour objet de remplacer, dans cet article, les mots :

« dans au moins une des langues nationales de celui-ci »

par les mots :

« dans une langue qui est facilement compréhensible par les investisseurs concernés de celui-ci ».

La modification ainsi proposée pourrait être interprétée comme permettant à un O.P.C.V.M. étranger de commercialiser ses parts en France sans avoir à publier en français les informations légalement nécessaires. Elle pourrait ainsi porter atteinte, ponctuellement, au droit de la France d'imposer l'usage du français sur son territoire, conformément à l'article 2 de la Constitution et à la loi du 31 décembre 1975 sur l'emploi de la langue française.

Concrètement, la modification proposée risquerait de favoriser un usage prépondérant de la langue anglaise dans le domaine en question, créant ainsi un précédent dangereux pour le respect du pluralisme linguistique dans la Communauté.

Enfin, cette proposition ne paraît pas opportune sur le plan pratique :

- en premier lieu, elle apparaît contraire aux intérêts des investisseurs, notamment s'ils ne sont pas des anglophones confirmés : en effet, les documents et informations en cause sont des textes généralement compliqués, que bien des particuliers comprennent difficilement dans leur langue maternelle ; l'on peut craindre, dès lors, que ces derniers ne commettent des erreurs d'interprétation, même dans une langue étrangère réputée « facilement compréhensible » par eux ;

- en second lieu, elle risque de susciter un contentieux : d'une part, la notion de « langue étrangère facilement compréhensible par les investisseurs concernés » peut prêter à bien des interprétations; d'autre part, lorsque des particuliers viendront se renseigner au guichet des banques au sujet de documents établis en langue étrangère, des erreurs de traduction pourront être commises oralement par les employés, faisant apparaître ainsi, le cas échéant, un problème de responsabilité difficile à trancher.

C'est pourquoi il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution qui suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu les articles 2 et 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 85/611/CEE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (O.P.C.V.M.), n° E-62,

Considérant que la proposition d'acte communautaire n° E-62 tend, à son article premier, paragraphe 16, à remettre en cause l'obligation pour un O.P.C.VM. qui commercialise ses parts dans un État membre autre que celui où il a son siège de diffuser les documents et informations légalement nécessaires dans au moins une langue nationale de cet État,

Considérant que, de ce fait, cette proposition pourrait porter atteinte, ponctuellement, au droit de la France d'imposer l'usage du français sur son territoire, conformément à l'article 2 de la Constitution et à la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975 sur l'emploi de la langue française ; que, d'une manière générale, elle pourrait créer un précédent dangereux pour le respect du pluralisme linguistique dans la Communauté,

Considérant que la réalisation du marché unique européen ne saurait justifier une quelconque atteinte du droit de chaque État membre de prendre les mesures qu'il juge utile à la protection des droits linguistiques de ses citoyens ;

Invite le Gouvernement à s'opposer à la proposition d'acte communautaire n° E-62 tant que le paragraphe 16 de l'article premier n'en aura pas été disjoint.

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