Allocation personnalisée d'autonomie

PROJET DE LOI

rejeté

le 19 juin 2001

 

N° 116
SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

PROJET DE LOI

REJETÉ PAR LE SÉNAT
EN NOUVELLE LECTURE

relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie
des
personnes âgées et à l' allocation personnalisée d'autonomie .

Le Sénat a adopté, en nouvelle lecture, la motion, opposant la question préalable à la délibération du projet de loi, dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1 ère lecture : 2936, 2971 et T.A. 656 .
Commission mixte paritaire : 3090 .
Nouvelle lecture : 3082 , 3093 et T.A. 683

Sénat :
1 ère lecture : 279, 315, 316 et T.A. 95 (2000-2001).
Commission mixte paritaire : 341 (2000-2001).
Nouvelle lecture : 367 et 375 (2000-2001).

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat,

Considérant que la prestation spécifique dépendance instituée par la loi du 24 janvier 1997 constituait une première mais décisive étape dans l'attente d'une loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes ;

Considérant que, lors de l'examen en première lecture du présent projet de loi, le Sénat avait regretté le choix fait à dessein par le Gouvernement d'une présentation complexe et ambiguë destinée à faire apparaître artificiellement une rupture entre l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation spécifique dépendance ;

Considérant que l'allocation personnalisée d'autonomie retient pourtant l'essentiel des apports de la prestation spécifique dépendance en tant qu'elle est une prestation en nature servie et gérée par les départements et reposant sur un plan d'aide individualisée ;

Considérant que son dispositif est toutefois moins précis et moins protecteur et renvoie pour l'essentiel à des décrets d'application dont les projets, en dépit des engagements pris par le Gouvernement dès le 28 mars 2001, n'ont pas été transmis aux parlementaires ;

Considérant qu'en première lecture, le Sénat a souhaité apporter un certain nombre de précisions et de garanties figurant dans la loi du 24 janvier 1997 et qui sont parfaitement compatibles avec le texte du Gouvernement ; qu'il en est ainsi, par exemple de l'information des maires, de la possibilité de la personne âgée de se faire assister de son médecin ou encore du contrôle régulier de l'effectivité de l'aide apportée ;

Considérant que l'Assemblée nationale a entendu revenir pour l'essentiel à son texte initial, supprimant ainsi les précisions et garanties apportées par le Sénat ; que lorsque sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales entendait se rallier au texte du Sénat, le Gouvernement a pris, lui-même, l'initiative de demander à l'Assemblée nationale de n'en rien faire ;

Considérant que, lors de l'examen du présent projet de loi en première lecture, le Sénat a pris acte que le dispositif du Gouvernement allait plus loin que l'actuelle prestation spécifique dépendance qui s'était adressée en priorité aux plus démunis et aux plus dépendants mais qu'il a fait grief au Gouvernement de ne pas avoir assorti cette mesure généreuse des financements nécessaires ;

Considérant, de fait, que le Gouvernement reporte sur les départements et la sécurité sociale le soin de financer les générosités de sa politique sociale dont il s'exonère lui-même totalement ;

Considérant que le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie en 2002 fait appel à un effort supplémentaire des départements, à un prélèvement opéré sur la contribution sociale généralisée affectée au fonds de solidarité vieillesse et à une contribution des régimes de retraites ;

Considérant que, dès 2003, le dispositif n'est plus financé et renvoie à un rapport d'étape le soin de trouver les expédients nécessaires constituant autant de menaces pour l'équilibre des finances départementales et des finances sociales ;

Considérant que le Sénat a estimé, en première lecture, que le prélèvement opéré sur la contribution sociale généralisée constituait un double détournement, d'abord pour financer une allocation qui n'est pas une prestation de sécurité sociale, ensuite pour contribuer spécifiquement à un fonds de formation professionnelle constitué au sein du fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie ;

Considérant qu'il a de même dénoncé la contribution des caisses de retraite, imposition de toute nature dont ni le taux, ni l'assiette ni les modalités de recouvrement ne sont clairement identifiés ;

Considérant que ces deux prélèvements amputent les excédents tant du Fonds de solidarité vieillesse que de la Caisse nationale d'assurance vieillesse qui doivent abonder le fonds de réserve des retraites ; que, dans ces conditions, les moyens accrus consacrés à pallier les effets de la dépendance feront défaut au service des pensions à compter de 2020 ;

Considérant que cette politique de « Gribouille » ne saurait tenir lieu de projet pour les personnes âgées ;

Considérant qu'en conséquence le Sénat avait proposé un dispositif de financement raisonnable faisant intervenir l'Etat au titre de la solidarité nationale sous la forme d'un concours particulier au sein de la dotation globale de fonctionnement des départements ;

Considérant qu'en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a écarté cette solution non sans apporter, à ce stade de la navette et à l'initiative du Gouvernement, de profondes modifications aux modalités de répartition entre les départements des concours du fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les deux exercices 2002 et 2003 ;

Considérant que le projet de loi met à la charge des départements une dépense supplémentaire en ne prévoyant qu'une compensation tardive et partielle ; que cette compensation s'opère selon des critères dont le texte ne précise nulle part la pondération ;

Considérant en outre que, selon l'article 72 de la Constitution, « les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et dans des conditions prévues par la loi » ; que l'intervention, supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture mais rétablie par elle en nouvelle lecture, d'une commission d'attribution, dont la composition est insuffisamment définie et qui est chargée de « proposer » au président du conseil général l'attribution de l'allocation, supprime de fait toute marge de manoeuvre aux conseils élus pour s'administrer librement ; que si l'objet de la dépense apparaît clair, son ampleur reste incertaine ;

Considérant qu'à l'occasion de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a tenu à apporter également des « précisions importantes » qui se traduisent par la création d'un « groupe de suivi » de la tarification, d'un « groupe de réflexions » sur le devenir des petites structures d'hébergement et d'une réflexion sur la « mise à plat » des aides aux logements pour les personnes hébergées en institutions, que, par ailleurs, le Gouvernement demande que lui soient laissées « encore quelques semaines pour formaliser l'esquisse » du dispositif qu'il propose pour l'examen des demandes d'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie ;

Considérant que se trouve ainsi illustrée la démarche du Gouvernement tendant à proposer dans l'urgence au Parlement un texte non abouti et non financé ;

Considérant que le Gouvernement déplore que « le petit jeu de la navette parlementaire (le contraigne) à une gymnastique complexe dont (il) espère (que) le projet de loi sortira indemne » ;

Considérant que cette conception du dialogue entre les assemblées, passablement éloignée des termes et de l'esprit de l'article 45 de la Constitution, confirme le souci du Gouvernement de n'autoriser à l'Assemblée nationale que des remords sur son propre texte, au demeurant fort insuffisants pour en corriger les ambiguïtés et les imperfections et, en tout état de cause, incapables de lui donner une base financière viable ;

Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi n° 367 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

En conséquence, conformément à l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le projet de loi a été rejeté par le Sénat.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 19 juin 2001.

Le Président,

Signé :
Christian PONCELET.

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