Question de M. CHARASSE Michel (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 27/11/1986

M. Michel Charasse appelle l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, sur la profonde inquiétude des élus locaux en ce qui concerne les aménagements qui seront apportés en 1987 à la taxe professionnelle. Il lui fait observer, en effet, qu'au-delà des mesures techniques touchant à l'évolution des bases, la principale modification pour les collectivités locales réside dans la réforme apportée au système antérieur de la compensation versée aux collectivités locales. En effet, dans le système de l'allégement de 10 p. 100 accordé aux contribuables en 1985 et en 1986, l'Etat procédait par la voie du dégrèvement qui permettait aux collectivités locales de recevoir l'intégralité des sommes votées, dont le dixième était supporté par l'Etat et le reste par les contribuables concernés. En revanche, en 1987 et les années suivantes, l'allégement devient une réduction de base de 16 p. 100 qui fait l'objet d'une compensation partielle résultant d'un calcul complexe faisant intervenir les bases 1987 concernées multipliées par le taux de l'impôt appliqué en 1986. Pour les années suivantes, le système sera totalement gelé par référence au taux de l'année 1986 et évoluera seulement en appliquant une indexation sur l'évolution de la fiscalité perçue par l'Etat. Ainsi, l'abandon du dégrèvement en 1987 coûtera aux collectivités locales une perte de recettes non compensée que l'on peut chiffrer, compte tenu des prélèvements opérés par l'Etat pour frais d'assiette, de recouvrement et de non-valeurs, à quelque 600 millions de francs, cette somme ne pouvant qu'augmenter, au détriment des collectivités locales, en 1988 et les années suivantes. S'il est parfaitement loisible à l'Etat, dans le cadre de sa politique économique, d'accorder des allégements fiscaux à certaines catégories de contribuables, il doit logiquement assumer les conséquences de sa politique et supporter le coût financier des mesures qu'il édicte. Or, en reportant cette charge sur les collectivités locales, dans un domaine qui touche à celui qui exprime le plus, et sans doute le mieux, la liberté de gestion qui leur est reconnue par la Constitution et par les principes de la décentralisation, l'Etat portera, dès 1987 et plus encore les années suivantes, une atteinte grave au principe de libre administration des collectivités locales qui pourrait entraîner une réaction justifiée du Conseil constitutionnel face à cette erreur manifeste d'appréciation. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui faire connaître quelles mesures il compte prendre pour modifier le dispositif du projet de loi de finances pour 1987 afin de respecter le principe selon lequel celui qui décide doit payer et non faire payer celui qui ne décide pas. . - Question transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.

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Réponse du ministère : Budget publiée le 02/04/1987

Réponse. -Les observations d'ordre constitutionnel effectuées par l'honorable parlementaire à l'encontre de l'article 3 du projet de loi de finances pour 1987, devenu entre-temps l'article 6 de la loi de finances, ne sont pas fondées. En effet, l'article 34 de la Constitution dispose que " la loi fixe les règles concernant (...) l'assiette (...) des impositions de toute nature " : il ne fait donc pas de doute que le législateur avait la possibilité d'adopter l'abattement général de 16 p. 100 des bases d'imposition à la taxe professionnelle comme le Gouvernement le lui a proposé. Ce même article prévoit que " les lois de finances déterminent (...) les charges de l'Etat " : la fixation du montant de la compensation prévue en contrepartie de l'abattement de 16 p. 100 et de ses modalités de calcul relèvent donc pleinement du domaine législatif et de la liberté d'appréciation du Parlement. Ces dispositions n'ont en rien porté atteinte aux compétences et à la liberté d'administration des collectivités locales et ne sont donc pas non plus contraintes aux dispositions de l'article 72 de la Constitution. Au demeurant, contrairement aux craintes exprimées par l'honorable parlementaire, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 86-221 D.C. du 29 décembre 1986, n'a pas déclaré contraire à la Constitution le dispositif d'aménagement de la taxe professionnelle contenu dans la loi de finances initiale pour 1987. Pour ce qui concerne les observations d'ordre financier, il a clairement été indiqué lors du débat parlementaire que l'Etat ne saurait davantage supporter une charge résultant des décisions des collectivités locales en matière de taux de taxe professionnelle. Si le vote des taux relève bien de la libre administration des collectivités locales, il ne doit pas déterminer le niveau de la charge supportée par le budget de l'Etat. C'est pourquoi il a été choisi d'abandonner l'ancien système de dégrèvements à la charge de l'Etat et d'instaurer une compensation pour les collectivités locales. Cette dernière est calculée en 1988 comme la perte de recettes résultant du produit de l'abattement de 16 p. 100 des bases par les derniers taux de taxe professionnelle connus, c'est-à-dire ceux de 1986. A partir de 1989, la dotation de compensation économique évoluera comme les recettes fiscales nettes de l'Etat, ce qui garantit à chaque collectivité une progression annuelle de la dotation.

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