Question de M. BRANTUS Pierre (Jura - UC) publiée le 11/08/1988

M. Pierre Brantus appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conséquences de toute loi d'amnistie accompagnée d'un éventuel décret de grâce. Ces mesures, pour autant qu'elles soient devenues une tradition républicaine, ne doivent en aucun cas traduire une nécessité, même impérative, de remédier au surpeuplement des prisons. Il lui précise qu'en dépit d'une baisse de 3,7 p. 100 de la criminalité et de la délinquance entre 1986 et 1987, la population carcérale comprend néanmoins plus de 54 000 détenus. La loi d'amnistie et le décret de grâce de 1981 ont permis la remise en liberté de 6 212 détenus. Or, les statistiques de la police judiciaire montrent que les détenus libérés appartiennent à la catégorie des petits délinquants, chez lesquels on compte 70 p. 100 de récidivistes. De ce fait, quelle que soit l'ampleur de la loi d'amnistie, l'aspect positif d'une diminution des prisonniers sera momentané. Il sera suivi d'une nouvelleaggravation de la surpopulation dans les prisons. Il lui demande en conséquence s'il ne conviendrait pas de réexaminer à brève échéance l'ensemble de la politique pénitentiaire.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 27/10/1988

Réponse. - La population pénale était au 1er juin 1988 de 53 629 détenus ; elle est passée à 47 050 au 1er août 1988. 2 308 personnes ont été libérées par l'effet de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988. Par ailleurs, à ce jour, 4 230 détenus ont été libérés par suite du décret de grâce du Président de la République en date du 17 juin 1988. Ces mesures, traditionnelles dans notre pays en certaines circonstances, et notamment à l'occasion d'une élection présidentielle, sont justifiées par la volonté du législateur et du chef de l'Etat de manifester, par un geste de clémence, le pardon de la nation aux auteurs des infractions et délits les plus bénins et leur apporter l'occasion de retrouver plus rapidement les voies de la réinsertion dans la société. La chancellerie, en raison des difficultés d'ordre social inhérentes à la libération anticipée de nombreux condamnés, a eu soin d'organiser dans les meilleures conditions possibles l'accueil des sortants de prisons et l'aide susceptible de leur être apportée et d'éviter ainsi, autant que faire se peut, une éventuelle récidive. Ainsi, le décret de grâces collectives du 17 juin 1988, à la différence de précédents décrets de grâces collectives, a prévu une remise de peine non pas d'après la durée de la ou des peines prononcées, mais en fonction de la durée globale de la détention restant à subir. Les libérations intervenant au titre de ce décret ont été ainsi échelonnées dans le temps, permettant de mieux préparer la sortie de ceux qui en bénéficient. Dans cet esprit, un important dispositif d'accompagnement social a été mis en place conjuguant les efforts de l'Etat et du secteur associatif, et a permis de trouver des solutions d'hébergement et d'insertion professionnelle aux libérés difinitifs en situation de difficultés. Enfin, la chancellerie s'efforce d'éviter le recours aux seules mesures d'incarcération, génératrices de récidives par la promiscuité qu'elles instaurent, et s'efforce de développer le recours à des mesures de contrôle et à des peines de plus en plus diversifiées. Ainsi, avant le prononcé de la peine, le développement du contrôle judiciaire et des enquêtes rapides doit permettre aux juridictions d'instruction ou de jugement de recourir dans une mesure moindre à l'incarcération. Au moment du prononcé de la peine, l'accroissement sensible des peines substitutives à l'emprisonnement et notamment des peines de travail d'intérêt général limite le recours à l'incarcération. En outre, lors de l'exécution d'une peine privative de liberté, une politique de diversification des modalités d'exécution par le biais de la semi-liberté et du placement en chantier extérieur est menée assez fréquemment. Cette politique traduit la volonté de la chancellerie de responsabiliser les auteurs d'infraction, d'assurer une insertion sociale et professionnelle des délinquants, gage d'une prévention efficace de la récidive, tout en développant parallèlement des mesures destinées à assurer l'indemnisation des victimes. Les actions d'ores et déjà engagées doivent avoir pour effet d'arrêter ainsi l'augmentation du nombre des incarcérations sans que soit relâché pour autant l'effort tendant à mieux garantir la sécurité des Français.

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