Question de M. de VILLEPIN Xavier (Français établis hors de France - UC) publiée le 13/09/1990

M. Xavier de Villepin expose à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, son inquiétude quant à sa décision concernant le regroupement de Carat-Espace et d'Eurocom. Il lui rappelle en effet que, si elle paraît suivre l'avis du Conseil de la concurrence en interdisant aux entreprises concernées de regrouper leurs activités en France, elle n'en donne cependant pas moins le feu vert au regroupement lorsque sont proposés à l'achat des espaces publicitaires couvrant à la fois la France et plusieurs autres pays. Il lui indique que, à l'heure de l'internationalisation des marchés, on peut légitimement s'interroger sur les risques d'abus de position dominante que porte en germe cette décision, notamment en ce qui concerne la liberté et l'indépendance rédactionnelle de la presse. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui indiquer les dispositions qu'il a prises pour que soit entreprise au plus vite une réflexion à la lumière de cette affaire, avec l'ensemble des partenaires intéressés, afin que soit garantie, par voie législative ou par voie réglementaire, l'indispensable indépendance des organes de presse faisant de plus en plus appel à la publicité pour assurer l'équilibre financier de leurs entreprises.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 21/02/1991

Réponse. - L'opération de rapprochement entre les sociétés Carat Espace et Eurocom, par l'intermédiaire de la société W.C.R.S. Plc Group, a fait l'objet du contrôle prévu au titre IV de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Saisi par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, le Conseil de la concurrence a souligné les avantages que présentait cette opération pour la compétitivité des entreprises en cause sur le marché international ; mais, compte tenu des atteintes à la concurrence qui pouvaient en résulter sur le marché français et des risques pour l'indépendance financière, voire éditoriale des supports de publicité, le Conseil a estimé qu'il convenait de subordonner l'approbation de l'opération notifiée, à la condition que Eurocom et Carat ne fusionnent pas leurs réseaux d'achat d'espaces en France. Suivant l'avis du Conseil de la concurrence, l'arrêté du 3 septembre 1990 relatif à l'opération a enjoint aux sociétés Carat Espace et Eurocom de ne pas regrouper leurs achats d'espaces publicitaires en France. Cette disposition, exempte d'ambiguïté, est de nature à prévenir la constitution, sur le marché français, d'une puissance d'achat incompatible avec la protection de l'indépendance des supports. L'arrêté susvisé précise que cette interdiction ne s'applique pas dans les cas où sont proposés à l'achat des espaces publicitaires demandés par les annonceurs internationaux et couvrant à la fois la France et plusieurs autres pays. Cette dérogation à la règle de séparation des achats est donc subordonnée à la réalisation d'une double condition : que la demande d'achat d'espaces émane d'annonceurs internationaux, c'est-à-dire de sociétés réalisant à l'étranger un investissement publicitaire significatif, en volume ou en proportion de l'ensemble de leur effort de communication ; que l'offre d'espaces émane de supports dont les zones de diffusion couvrent réellement et intégralement la France et plusieurs autres pays, telles que les chaînes de télédiffusion par satellites ou les titres de presse à vocation internationale, à l'exclusion naturellement des supports dont la diffusion à l'extérieur du territoire national présente un caractère accessoire ou marginalement transfrontalier. Tout échange d'informations ou d'harmonisation des stratégies de négociation entre les deux sociétés qui irait au-delà de la limite ainsi tracée est susceptible d'être sanctionné sur le double fondement de l'article 7 et de l'article 44 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. L'administration veillera à la stricte application de l'arrêté par les sociétés concernées. L'ordonnance du 1er décembre 1986 ouvre des voies d'action aux entreprises qui s'estimeraient victimes d'ententes illicites, d'abus de position dominante ou d'abus de dépendance économique de la part des sociétés se livrant à l'achat d'espace publicitaire. Le Conseil de la concurrence s'est d'ailleurs saisi en 1990 de l'examen de la situation de la concurrence sur le marché de l'achat d'espace publicitaire. Le Gouvernement estime que l'ensemble de ces dispositions est de nature à préserver l'indépendance financière et rédactionnelle de la presse et des organes de communication audiovisuelle.

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