Question de M. VOILQUIN Albert (Vosges - U.R.E.I.) publiée le 04/04/1991

M. Albert Voilquin attire l'attention de M. le Premier ministre sur la différence de traitement dont peuvent faire l'objet des fonctionnaires français. L'un, professeur à Paris, maître de conférences à l'Université, ancien tortionnaire dans un camp vietminh, dont la trahison a été dénoncée par M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, et l'autre, un inspecteur de police révoqué à la suite de la parution d'un livre qui aurait violé l'obligation de réserve et le secret professionnel, le parquet ayant refusé de donner suite à une mutation dans l'intérêt du service. Y a-t-il une discrimination en matière de jugement sur le comportement de fonctionnaires et sur l'estimation de la gravité des délits ?

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 23/05/1991

Réponse. - La France a connu deux grandes guerres liées à la décolonisation. Durant ces guerres, de graves exactions ont eu lieu des deux côtés et, notamment, des tortures. Dans le cas de M. Boudarel, comme pour les autres, de tels actes ne peuvent entraîner, de notre part, qu'une réprobation totale. Dans toutes les circonstances, il y a des hommes qui savent se tenir toujours du côté de l'exigence des droits de l'homme et d'autres, hélas ., qui l'oublient. Mais comment ne pas se souvenir, au même moment, que les institutions que la France s'est données depuis la Révolution nous ont souvent préservés de la barbarie dans les moments les plus difficiles de notre histoire. Or, ces institutions sont celles d'un Etat de droit et l'affaire Boudarel, malgré l'émotion qu'elle suscite, ne saurait être envisagée autrement que dans ce contexte. Notre université, élément essentiel de notre démocratie, est régie par des règles simples : les professeurs qui y enseignent sont recrutés par leurs pairs. S'ils ne contreviennent pas aux lois de notre société, ils ne peuvent être chassés que par leurs pairs. M. Boudarel a été régulièrement élu par son université. Il est amnistié pour les faits qui lui sont aujourd'hui reprochés. S'il s'avérait, au terme d'une instruction judiciaire, qu'il ait commis des crimes non amnistiables, il reviendrait à la justice de notre pays de le dire et d'en tirer les conséquences. Il n'appartient pas au Gouvernement de se substituer aux juges, même lorsque l'émotion bien compréhensible des citoyens le presse de le faire. La patience est aussi, dans notre démocratie, une vertu. L'autre affaire évoquée, et qui concerne M. Godinot, doit être traitée selon les mêmes principes, à savoir : le respect du droit. Est-il possible d'admettre qu'un fonctionnaire de police qui s'est vu confier une enquête dans le cadre de ses fonctions, fasse état publiquement des éléments qu'il a pu recueillir ? L'obligation de réserve a commefondement essentiel la garantie, qu'ont les citoyens, que l'administration traite leurs affaires de façon discrète, compétente et objective. Un fonctionnaire ne peut se faire juge et ériger son propre jeu de règles.

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