Question de M. PEN Albert (Saint-Pierre-et-Miquelon - SOC) publiée le 29/04/1993

M. Albert Pen demande à M. le Premier ministre de bien vouloir préciser la politique que son gouvernement entend mettre en oeuvre pour épargner à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon la grave crise économique et sociale qui la menace. La responsabilité de cette crise incombe d'abord, chacun le sait, au Gouvernement canadien qui refuse de respecter l'esprit de l'accord passé en 1972 entre nos deux pays. Alors que ledit accord prévoyait l'autorisation de pêcher dans les eaux canadiennes autour de l'archipel pour dix chalutiers de moins de cinquante mètres immatriculés à Saint-Pierre-et-Miquelon, Ottawa n'accorde plus, dorénavant, que des quotas ridicules fixés unilatéralement à 3 300 tonnes, insuffisants pour permettre d'alimenter les deux usines locales, fermées depuis juillet 1992. M. Pen rapelle que la dernière campagne avait permis de traiter environ 20 000 tonnes de poissons avec nos sept chalutiers, ce qui ne représente cependant qu'un très faible pourcentage du total des captures effectuées dans les eaux de Terre-Neuve, et ne peut absolument pas mettre en péril l'état de la ressource. La France s'est montrée jusqu'à maintenant incapable de faire respecter nos droits, manque de moyens ou manque de volonté. Quelles que soient les raisons profondes de cette politique d'abandon, ses résultats sont là : quatre cents personnes directement réduites à l'inactivité s'ajoutant au même nombre de chômeurs dans les autres secteurs, là où le marasme fait peu à peu tache d'huile... Si l'on peut comprendre qu'aucun gouvernement ne peut s'affranchir raison d'Etat de la nécessité de poursuivre d'excellentes relations franco-canadiennes qui assurent par ailleurs un excédent profitable de la balance des échanges économiques à la métropole ; si on peut aussi reconnaître l'existence indiscutable d'une solidarité nationale qui s'est traduite par l'octroi à la société de pêche locale et à son personnel d'aides sociales très conséquentes ; on peut néanmoins s'interroger, avec inquiétude, et sur le maintien d'aides prévues au départ comme provisoires, et surtout sur l'avenir économique sur lequel débouche une telle situation . Il lui demande en conséquence de " crever l'abcès " sans tarder ; ou bien son gouvernement veut et peut faire plier Ottawa, solution la meilleure permettant un redémarrage de notre seule activité productrice. Ou bien il reconnaît officiellement la caducité de l'accord de 1972, mais annonce des mesures concrètes propres à permettre de réorienter l'économie de l'archipel tout en palliant, sur le plan social, les conséquences de la crise actuelle. Les Saint-Pierrais et Miquelonnais ne peuvent plus être laissés dans l'expectative et le doute, avec comme seul remède proposé, le maintien de l'assistance. La solidarité nationale doit consister à leur dire la vérité sur les relations franco-canadiennes, et à définir les termes d'un nouvel avenir économique.

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 08/07/1993

Réponse. - 1o Le Gouvernement a trouvé, s'agissant du différend franco-canadien sur la pêche autour de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, une situation très détériorée que l'on peut résumer en trois points : la sentence arbitrale du 10 juin a réglé la question de la délimitation des espaces maritimes entre la France et le Canada au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. Quelles que soient ses imperfections, ce résultat doit aujourd'hui être considéré comme une donnée qui ne saurait être remise en cause ; si en revanche l'accord franco-canadien du 27 mars 1972, qui garantit aux deux parties des droits de pêche dans leur zone de juridiction respective, est toujours en vigueur, son application est devenue impossible en raison du différend entre la France et le Canada sur la fixation des quotas de pêche devant bénéficier aux pêcheurs de Saint-Pierre-et-Miquelon dans les eaux canadiennes. Ce différend s'est traduit par la rupture de la négociation à la fin du mois de septembre 1992, à l'initiative de la partie canadienne qui a toujours refusé depuis lors les propositions françaises de recours à une tierce partie. Le Gouvernement a donc trouvé, en mars dernier, une situation de blocage ; ce blocage ne peut être accepté, tant ses conséquences sont douloureuses pour une économie qui reste essentiellement fondée sur la pêche. Les activités de pêche sont en effet interrompues depuis maintenant huit mois. Cette interruption a entraîné la mise en chômage temporaire des équipages des chalutiers français immatriculés dans l'archipel, et du personnel des deux usines de transformation du poisson, implantées respectivement à Saint-Pierre et à Miquelon. La collectivité nationale a consenti au bénéfice des employés de la société " Interpêche " un effort de solidarité important, sous la forme d'une prise en charge des salaires par le Fonds national pour l'emploi, à laquelle s'ajoutent des aides financières allouées à la société " Interpêche " elle-même. Chacun a toutefois conscience que cet effort de solidarité ne peut à lui seul constituer une solution durable et offrir une véritable perspective aux habitants de l'archipel. Il faut donc explorer d'autres voies permettant réellement de sortir de l'impasse actuelle. 2o Le Gouvernement a engagé, dès sa constitution, un effort de réflexion en ce sens. Quelles étaient les différentes options possibles ? A cette fin, le Gouvernement a décidé d'examiner la possibilité de réouvrir une négociation avec le Canada, mais en en modifiant à la fois le niveau, qu'il convient de porter à un échelon politique, et le contenu, qui devrait être élargi à des secteurs autres que la pêche. Telles est la démarche que le Gouvernement a engagée à l'occasion de la visite à Paris du Premier ministre canadien, M. Mulroney, le 13 mai dernier. J'ai chargé en effet M. Dominique Perben, ministre des départements et territoires d'outre-mer, d'examiner avec la partie canadienne les moyens de reprendre la négociation bilatérale sur une base élargie, comportant notamment la recherche d'une meilleure insertion de l'archipel dans son environnement géographique. M. Mulroney a indiqué qu'il désignerait également dans les meilleurs délais une personnalité de rang gouvernemental à cet effet. Mon objectif est, par cette initiative que le Gouvernement entend mener dans la plus étroite concertation avec les responsables de Saint-Pierre-et-Miquelon, d'engager une dynamique nouvelle afin de sortir la négociation franco-canadienne de l'impasse où elle se trouve actuellement et

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