Question de Mme BIDARD-REYDET Danielle (Seine-Saint-Denis - C) publiée le 06/05/1993

Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation dramatique que connaît le Rwanda. En effet, de sources humanitaires et ecclésiastiques le Rwanda serait le siège d'au moins 1 500 morts et plus de 400 000 déplacés. Une commission d'enquête internationale s'est rendue au Rwanda du 7 au 21 janvier 1993. Elle était composée de représentants et experts d'organisations de droits de l'homme (la Fédération internationale des droits de l'homme, l'Africa Watch, le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique et l'Union interafricaine). Celle-ci a déclaré que " des actes de génocide de grande ampleur, commis pendant une longue période au su et au vu des autorités, sont demeurés impunis à ce jour ". Le 9 février, le Gouvernement français annonçait l'envoi de 150 militaires au Rwanda, afin de renforcer le dispositif mis en place il y a deux ans. La veille, les hostilités entre le front patriotique rwandais et les forces gouvernementales avaient repris. A l'exception de la France, tous les observateurs, dont la Belgique et les Etats-Unis, reconnaissaient les responsabilités accablantes du chef de l'Etat du Rwanda dans cette reprise des hostilités. Cette stratégie de terreur a été adoptée dans le but de faire échouer le processus de paix entamé par les négociations d'Aruscha. La responsabilité de la France est grande. Pourquoi depuis deux ans maintient-elle à Kigali une présence militaire (600 soldats) permanente alors que la Belgique a retiré ses parachutistes en novembre 1990, au début de la guerre civile ? La justification de son intervention militaire par la seule nécessité de protéger ses 500 ressortissants n'est pas suffisante. La France est-elle seulement en train de protéger la communauté française ou " agit-elle en accord avec les autorités rwandaises ", comme M. le président de la République française l'a assuré par courrier à M. le chef de l'Etat du Rwanda ? Elle lui demande de soutenir franchement le processus de paix et de réconciliation nationale engagé par les négociations d'Aruscha. Elle lui demande de reconsidérer entièrement sa politique de coopération civile et d'interrompre toute sa coopération militaire avec l'Etat rwandais.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 17/06/1993

Réponse. - Depuis le déclenchement de la crise qui affecte le Rwanda, l'action de la France y est guidée par une volonté de stabilisation et un souci d'apaisement. Dès le lendemain de l'attaque du 1er octobre 1990 à partir de l'Ouganda, un détachement de militaires français (détachement Noroît) a été dépêché au Rwanda pour protéger nos ressortissants. Ses effectifs ont varié en 1992 et 1993 en fonction de la situation et des risques encourus par la communauté expatriée. Le maintien de ce détachement est assuré en plein accord avec l'ensemble des autorités rwandaises, président et Premier ministre. Sa présence reçoit d'ailleurs l'assentiment de partis de l'opposition intérieure. La présence des militaires français rassure les populations et c'est également grâce à cet élément protecteur que nombre d'expatriés peuvent continuer à assumer leurs tâches indispensables à l'économie et à la vie du pays. J'ajoute que ces expatriés comprennent, outre six cents Français, plusieurs milliers d'autres ressortissants que nous ne pouvons ignorer. Les autorités de plusieurs Etats dont les ressortissants ont pu être ainsi mis à l'abri, lors des combats à Ruhengeri, nous ont adressé leurs remerciements. Le détachement Noroît s'est d'autre part avéré un instrument efficace dans le domaine humanitaire, que ce soit pour la distribution d'aide alimentaire ou dans le domaine médical. Concernant l'action de la France au Rwanda, je rappelle également que nous avons vivement encouragé le président Habyarimana à mener une politique d'ouverture. L'adoption d'une nouvelle constitution abolissant l'Etat-parti, l'instauration du multipartisme et l'affermissement progressif d'une réelle liberté de la presse ainsi que la nomination d'un membre de l'opposition au poste de Premier ministre et la formation d'un gouvernement de coalition sont autant d'efforts véritables vers plus de démocratisation dans un contexte très difficile de tensions ethniques. Cependant, comme cela avait été souligné dans le rapport publié en mars par la commission internationale d'enquête à laquelle avait participé la FIDH, de graves manquements aux droits de l'homme ont été commis par les deux parties au conflit. L'ambassadeur du Rwanda à Paris a d'ailleurs, sur ce point, été convoqué au ministère des affaires étrangères et des explications lui ont été demandées sur les faits invoqués. La France s'est en outre prononcée pour le respect des dispositions de l'accord de Dar Es Salam conclu le 7 mars entre le gouvernement rwandais et le FPR, notamment en ce qui concerne les mesures susceptibles de diminuer les risques de massacres et les sanctions s'agissant des coupables. Nous avons pris acte des assurances données en ce sens par les autorités rwandaises. La France a toujours activement soutenu les négociations menées à Arusha entre les autorités rwandaises et le FPR comme seul moyen de parvenir à des élections libres et au retour des déplacés sur leurs terres. Au moment de la rupture, le 8 février 1993, par le FPR, de l'accord de cessez-le-feu signé le 12 juillet 1992 à Arusha, ces négociations avaient déjà permis la signature d'un protocole relatif à l'Etat de droit (18 août 1992), d'un accord relatif aux aspects civils de la participation du FPR au pouvoir dans le cadre d'un gouvernement de transition à base élargie, ainsi que d'un protocole portant sur la composition de ce gouvernement et de l'assemblée nationale de transition (9 janvier 1993). Actuellement, notre pays déploie de nouveaux efforts pour favoriser le cours des négociations et le règlement politique du conflit et mettre un terme itique, la France mène une action auprès des Nations-Unies et de l'OUA qui vise à favoriser la participation de ces organisations au rétablissement de la paix et de la sécurité dans la région. ; itique, la France mène une action auprès des Nations-Unies et de l'OUA qui vise à favoriser la participation de ces organisations au rétablissement de la paix et de la sécurité dans la région.

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