Question de M. ROCCA SERRA Jacques (Bouches-du-Rhône - R.D.E.) publiée le 09/06/1994

M. Jacques Rocca Serra attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation dramatique qui prévaut au Sud Soudan. Depuis 1983, en effet, en réponse à leur velléité d'indépendance, les populations du sud du pays, chrétiennes et animistes, sont victimes d'un véritable génocide. Le bilan de ces dix années laisserait apparaître entre 1,5 et 2 millions de morts, 3 millions de personnes déplacées qui fuient les zones de combat, 300 000 réfugiés dans les pays frontaliers, notamment au Kenya et en Ouganda. Les organisations humanitaires dénoncent également l'entrave du gouvernement soudanais à leur action, sans compter le viol permanent des droits de l'homme auquel il se livrerait (bombardements de camps de réfugiés, déportation à des fins esclavagistes, politique de la terre brûlée pour affamer les populations...). Devant la faible médiatisation de ce drame et l'indifférence dont il fait l'objet, il lui demande tout d'abord de vouloir bien lui préciser l'état de la situation dont il a lui-même connaissance. Il lui demande surtout de lui faire part de l'action que la France pourrait envisager de mener afin de contribuer à la recherche d'une issue rapide et pacifique à ce conflit meurtrier.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 14/07/1994

Réponse. - 1. Depuis 1983, un conflit oppose en effet le gouvernement soudanais, dirigé par une junte militaire islamiste, aux populations chrétiennes et animistes du Sud-Soudan. Le nombre des victimes est, comme l'indique l'honorable parlementaire, estimé entre 1,3 et 2 millions de morts ; 3 millions de personnes ont été déplacées et 300 000 sont réfugiées au Kenya et en Ouganda. L'histoire du Soudan, depuis son accession à l'indépendance en janvier 1956, a été marquée à plusieurs reprises par la guerre civile. Un premier conflit à caractère sécessionniste a fait l'objet d'un règlement à Addis Abeba en 1972 qui a donné une large autonomie aux provinces du Sud. Cet accord a été remis en question lors de l'adoption de la charia en 1983, puis avec l'arrivée au pouvoir, en juin 1989, d'une junte militaire sous l'influence du Front national islamique. Depuis 1983, un second conflit oppose donc les gouvernements successifs, engagés dans un processus d'islamisation, à la guérilla sudiste menée par la SPLA (Sudanese People's Liberation Army). Au clivage ethnique et religieux qui oppose les populations arabes et musulmanes du Nord aux populations du Sud, noires et chrétiennes, s'ajoute la question du partage des ressources agricoles et pétrolières du Soudan situées essentiellement dans le Sud. Les positions respectives des deux parties semblent difficilement conciliables. Le régime soudanais s'est engagé dans un islamisme militant et autoritaire qui renforce les populations du Sud dans la tentation de sécession. La division de la SPLA depuis 1991 ne facilite pas la recherche d'une solution. Toutefois, les deux factions rivales se prononcent maintenant toutes les deux en faveur de l'autodétermination et souhaitent la tenue d'un référendum pour y parvenir, alors que cette revendication est catégoriquement rejetée par le gouvernement soudanais, soucieux de maintenir l'unité du pays. 2. La communauté internationale et plus particulièrement les pays africains cherchent à amener les parties en conflit à une solution politique. Des négociations ont été amorcées en 1992 et 1993 à Abuja (Nigéria) entre le gouvernement actuel dirigé par le général Omar El-Bechir et les deux factions rivales de l'Armée de libération populaire du Soudan (SPLA) dirigées par John Garang et Rieck Machar sans que les parties ne soient parvenues à s'entendre. En février 1994, de nouvelles discussions ont été lancées à l'initiative de l'Erythrée, de l'Ethiopie, du Kenya et de l'Ouganda, membres de l'organisation régionale de lutte contre la désertification (IGADD). Dans le cadre de ces négociations, des accords ont été conlus entre le gouvernement et la SPLA le 23 mars et le 17 mai 1994 permettant d'aménager des " corridors humanitaires " en faveur des populations civiles. Des discussions politiques, également sous l'égide de l'IGADD, sont prévues pour le 17 juillet 1994 à Nairobi. 3. La France tient un langage ferme et critique aux autorités soudanaises. Elle a appelé à un cessez-le-feu dans le Sud en février 1994 et a décidé, avec ses partenaires européens, d'observer un embargo sur les exportations d'armes vers ce pays, le 15 mars 1994, embargo déjà observé de fait. Elle soutient l'initiative de l'IGADD pour favoriser des négociations politiques et engage les parties en conflit à les aborder de manière constructive. Elle a noté avec intérêt la conclusion des deux accords de Nairobi sur les corridors humanitaires et espère qu'ils seront respectés par l'ensemble des parties. S'agissant des droits de l'homme, la France s'est associée à la résolution de la commission des droits de l'homme des Nations unies du 11 mars 1994 condamnant les exactions commises à l'encontre des populations civiles, comme elle l'avait fait le 10 mars 1993. Sur le plan humanitaire, elle a décidé de consacrer une attention toute particulière au Soudan. En 1993, 9 millions de francs ont ainsi été consacrés au titre de l'aide, en appui à des projets sanitaires et nutritionnels. Au cours du premier trimestre 1994, plus de 6 millions de francs ont permis de financer la réhabilitation de centres de soins. La France entend poursuivre ses efforts en ce sens. ; résolution de la commission des droits de l'homme des Nations unies du 11 mars 1994 condamnant les exactions commises à l'encontre des populations civiles, comme elle l'avait fait le 10 mars 1993. Sur le plan humanitaire, elle a décidé de consacrer une attention toute particulière au Soudan. En 1993, 9 millions de francs ont ainsi été consacrés au titre de l'aide, en appui à des projets sanitaires et nutritionnels. Au cours du premier trimestre 1994, plus de 6 millions de francs ont permis de financer la réhabilitation de centres de soins. La France entend poursuivre ses efforts en ce sens.

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