Question de M. CALMÉJANE Robert (Seine-Saint-Denis - RPR) publiée le 26/01/1995

M. Robert Calmejane demande à M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, s'il entend prendre des dispositions afin que soit interdite réellement à l'occasion des prochaines échéances électorales la divulgation au profit de certains candidats de renseignements communiqués en cours de scrutin par les membres d'un bureau de vote, indiquant notamment à partir de la liste d'émargement le nombre et le nom d'électeurs n'ayant pas encore pris part au vote. Cette pratique, commune à plusieurs villes du département de Seine-Saint-Denis, a été constamment prohibée par la jurisprudence du Conseil d'Etat mais n'est sous-tendue par aucune disposition explicite du code électoral (titre I, livre I) et les personnes désireuses de s'opposer à ces procédés ne peuvent obtenir le respect du droit qu'a posteriori et au prix d'une action contentieuse, dont la preuve est souvent difficile à établir. Une circulaire prise à l'occasion des prochains scrutins et précisant clairement l'illégalité reconnue des agissements en cause pourrait avoir un effet dissuasif. Par ailleurs, même si une partie au moins de la doctrine fait valoir que la relance, entre les deux tours, des abstentionnistes du premier tour, pour fréquente qu'elle puisse être, n'en est pas pour autant régulière, des arrêts du Conseil d'Etat, se fondant sur une pratique courante entérinée par le Conseil constitutionnel lui-même en 1993 considèrent que l'utilisation des renseignements tirés de listes d'émargement pour mobiliser les électeurs n'ayant pas voté ne constitue pas une manoeuvre faussant la sincérité des scrutins. Sur ce point, il lui demande de lui faire part de son interprétation du droit en vigueur et sur l'intérêt que présenterait, selon lui, une réforme du code électoral en la matière.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 23/02/1995

Réponse. - Aucune disposition législative n'interdit les initiatives de nature à inciter les électeurs à voter, jusques et y compris durant la journée du scrutin. Au contraire, ce sont les tentatives en vue de dissuader les citoyens d'exercer leur droit de suffrage qui sont punies par la loi (art. L. 97, L. 106 et L. 107 du code électoral). Le Gouvernement lui-même, relayé par divers organismes publics ou privés, ne manque pas, avant chaque consultation importante, d'entreprendre ou de soutenir des campagnes pour favoriser la participation. Les pratiques relevées par l'auteur de la question n'ont pas pour effet de faire voter des personnes non inscrites sur la liste électorale. Elles ne sont donc pas condamnables en soi, mais elles le deviennent dès lors que les renseignements nominatifs recueillis au cours du déroulement du scrutin sont utilisés de façon préférentielle et constituent alors une forme de pression susceptible d'affecter le résultat, comme l'a souligné la jurisprudence (CE, 2 février 1990, élections municipales de Clichy-sous-Bois ; CE, 9 mars 1990, élections municipales de Grand-Couronne). En revanche, ainsi que l'a confirmé le Conseil d'Etat (cf. notamment, CE, 27 octobre 1978, élections municipales de Nice), la consultation des listes d'émargement après le premier tour pour inciter à voter au second tour des abstentionnistes du premier est licite comme expressément prévue par la loi (art. L. 68 du code électoral), les délégués des candidats bénéficiant même d'une priorité pour cette consultation (art. R. 71 du même code). Les règles à respecter sont donc exactement définies par les textes et la jurisprudence et une modification du code électoral n'apporterait pas de précision utile. Toutefois, à l'occasion du prochain renouvellement général des conseils municipaux, les circulaires d'organisation du scrutin qui seront diffusées aux maires appelleront explicitement l'attention de ces derniers sur le point évoqué par l'honorable parlementaire.

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